Statue de Moutemouia située
contre la jambe du colosse Sud des Colosses de Memnon
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Son origine
Moutemouia (ou Mutemwiya ou Mutemoueya ou Moutemouiya
ou Mutemwia – Mwt-m-wjA) est une Reine d’Égypte
de la XVIIIe dynastie.
Les avis des spécialistes sur son origine sont encore aujourd’hui très partagés.
Pour beaucoup, elle fut probablement la fille de
l’Empereur du Mitanni,
Artatâma I
(v.1410-v.1400) et d’une concubine. Cependant, comme le précise Betsy Morrell Bryan du fait
qu’à aujourd’hui aucun début de preuve ne vient étayer cette théorie,
elle est pour l’instant écartée. Les égyptologues la situent plus de lignée non royale
(ou d’une autre branche que celle de son époux) et originaire de la ville d’Akhmîm.
Il est supposé par d’autres,
comme Cyril Aldred, un lien
de parenté avec le notable Youya, dont la famille jouera un rôle politique
prépondérant sous les règnes suivants. Ce qui lui ferait également un lien de parenté avec la Reine
Tiyi I, épouse de son fils
Amenhotep III.
Youya porta les titres de Père Divin, Surintendant aux chevaux du Roi
et Prophète de Min. Son épouse Touya (ou Tyouyou) fut Supérieure du harem de Min.
On ne sait donc rien de certain concernant les origines de Moutemouia.
De plus, son nom même est inconnu, car d’après quelques égyptologues, dont
Claire Lalouette, elle aurait pris le nom de Moutemouia à son mariage.
Agnès Cabrol identifie Moutemouia
à la Reine Néfertari, une autre épouse attestée de
Thoutmôsis IV.
Son histoire
Elle fut une des épouses du Roi
Thoutmôsis IV
(1401-1390), sûrement après l’an 7 de son règne.
Christian Leblanc, se basant sur l’âge à sa mort de
Thoutmôsis IV et celui (pour lui)
d’Amenhotep III à sa prise de pouvoir, propose avant le
couronnement du Roi ou au plus tard en l’an 1 ?. Moutemouia, n’est mentionnée
dans aucun document du règne de
Thoutmôsis IV.
Joyce
Anne Tyldesley avance qu’elle fut la quatrième épouse et qu’elle ne sortit
de son harem, où elle vivait recluse, que lorsque son fils
Amenhotep III
(1390-1353) prit le pouvoir. C’est sur cette constatation qu’elle pense que la
Reine fut d’origine modeste, donc une épouse de moindre importance.
L’égyptologues à sûrement raison car on peut voir sur un monument datant du début
du règne de Thoutmôsis IV que c’est Néfertari
(une autre épouse du Roi) et non Moutemouia qui est mère de l’héritier
représenté derrière le Roi. Est-ce à dire que le Prince Amenhotep n’était pas
encore né, mettant ainsi les deux Reines dans une position hiérarchique
différente, ou c’est
Agnès Cabrol
qui à raison et ce sont les deux même femmes ?.
Beaucoup de
spécialistes avancent que Moutemouia
assuma la régence d’Amenhotep III
lorsqu’il monta sur le trône à l’âge de dix/douze ans. Le jeune Roi s’appuyant
sans doute sur sa mère pour protéger ses intérêts. Il faut toutefois souligner
qu’à aujourd’hui, aucune preuve tangible d’une régence n’existe. Plus tard son fils
justifiera la relation physique de sa mère avec le Dieu
Amon,
et de ce fait sa naissance divine, dans un récit gravé sur les parois du temple
de Louxor. Il est certain que Moutemouia a reçu beaucoup titres (Voir ci-dessus),
mais celui de Grande Épouse Royale
ne lui fut attribué qu’après la mort de son époux, peut-être quand elle devint Régente de son fils.
Représentation de Moutemouia
dans le temple de Louxor |
Ses représentations
D’après Betsy Morrell Bryan, les monuments de Moutemouia seraient tous contemporains
du règne de Thoutmôsis IV. Aujourd’hui l’image la plus
connue de cette Reine est une statue en granit noir, qui la montre dans une barque, qui fut mise au jour à Karnak
et reconstituée à partir de plusieurs fragments. On peut la voir au British Museum. À l’origine elle devait être située probablement dans son temple funéraire. La statue, malheureusement brisée,
présente une femme assise dans la barque, et que la Déesse
Mout protège de ses ailes, devant une table d’offrande.
Christian Leblanc pense que cette statue immortalise la visite de la Reine à
Louxor, auprès d’Amon,
pour la naissance divine de son fils. Le texte qui accompagne dit :
"Noble Dame, grande de faveurs et de charme, douce d’amour
lorsqu’elle ceint le bandeau, qui empli la salle par la fragrance de son parfum, la Grande Épouse du Roi, aimée de lui, quoi
qu’elle puisse dire on le fait pour elle, la souveraine du Sud et du Nord, la Mère du Dieu…..
la Mère du Roi, Moutemouia”.
On trouve aussi une représentation d’elle et un récit
dans les scènes sur trois registres dépeignant la naissance divine
d’Amenhotep III
que celui-ci fit graver dans le temple de Louxor à l’Est de la deuxième antichambre.
Joyce
Anne Tyldesley nous précise que ces scènes seraient grossièrement copiées sur celles du
temple de Deir el-Bahari. On y voit au troisième registre Moutemouia assise sur un lit orné de têtes de lion, recevant
les attentions d’Amon qui s’est déguisé pour la circonstance en
Thoutmôsis IV.
Moutemouia, dont l’état de grossesse est visible dans le second registre, est
tenue par Khnoum et
Isis qui lui font respirer
le souffle de la vie. Le texte qui accompagne les représentations dit :
"Après avoir transformé son propre corps
[Amon]
sous la forme de celui de son époux, le Roi de Haute et Basse-Égypte,
Menkhéperourê [Thoutmosis
IV]… Il la trouva, alors qu’elle se reposait dans la beauté de son palais.
Elle se réveilla à l’odeur du parfum du Dieu et s’exclama devant lui. Il vint
vers elle directement…"
Toujours à Louxor, on peut la voir dans une chambre latérale du temple, à l’Ouest du
sanctuaire. La souveraine est représentée, avec
Amenhotep III sur le mur Nord,
accomplissant un rituel devant
Mout et
Amon.
Sur la rive occidentale de
Thèbes, Moutemouia est
citée dans la documentation provenant du palais de Malkata (ou Malqata ou Malqatta).
On y voit son cartouche, précédé du titre Mère du Roi, sur une étiquette
de jarre à vin, mais malheureusement sans aucune indication de date. Dans le
Ramesseum fut mis au jour une moitié de statue en diorite qui représente la
Reine assise sur un trône. De chaque côté de ses jambes sont gravés ses titres
sur deux colonnes. Il faut toutefois souligner que le nom de la souveraine y fut
gravé par dessus un autre nom, ce qui laisse à penser que cette statue ne fut
pas la sienne originellement.
Barque de Moutemouia
qui supportait sa statue assise – British Museum |
Dans le temple dédié à Amon-Rê à
Kom el-Hettan (ou Kôm el-Heittan) on
sait que plusieurs statue de Moutemouia étaient en place dans l’enceinte du
monument. Malheureusement il n’en subsiste plus de trace aujourd’hui, peut-être
que des nouvelles fouilles sur le site permettront de les mettre au jour. Enfin
parmi d’autres encore, il faut souligner, toujours sur ce site, qu’elle est avec sa
fille Tiâa (ou Tiya) également montrée sur les colosses de Memnon, érigés par
Amenhotep III, à côté de la jambe gauche.
On a trouvé que très peu de représentations de la
Reine dans les sépultures de nobles contemporains. Elle fut représentée dans la tombe TT226, à
Sheikh Abd el-Gourna, d’un Scribe royal dont le nom est inconnu. Elle est
montrée en compagnie de son fils dans une scène peinte sur du stuc. La Reine se
tient debout derrière lui qui est assis sur son trône et lui tient l’épaule. Ce tableau reconstitué est aujourd’hui au
musée de Louxor.
Sa sépulture
La date de la mort de Moutemouia est inconnue,
mais elle a sûrement vécu assez longtemps pendant le règne de son fils compte
tenu de sa présence sur les colosses de Memnon, mais aussi d’une mention sur une
étiquette d’une fiole de vin du palais de Malkata (ou Malqata ou Malqatta)
d’Amenhotep III à
Thèbes.
Christian Leblanc avance qu’elle resta près de lui pendant une bonne dizaine d’années.
L’emplacement de sa tombe est toujours inconnu, ainsi que celui de sa
momie. Cependant on suppose
qu’elle fut enterrée à
Thèbes dans la
vallée des Reines.
L’union d’Amon et de
Moutemouia – Temple de Louxor |
Sa famille
Moutemouia eut six ou sept enfants avec
Thoutmôsis IV :
Cinq ou six fils :
▪ Amenhotep III qui
succéda à son père à l’âge de dix/douze ans, Moutemouia assurant peut-être la régence.
▪ Amenemhat qui est représenté dans la tombe TT64, à
Sheikh Abd el-Gourna,
qui fut celle de sa nourrice Hekerneheh (ou Heqaerneheh). Selon
Aidan Marc Dodson et Dyan Hilton, il mourut jeune et fut enterré dans le tombeau de son père,
KV43, dans la
vallée des Rois, avec une de ses sœurs
(ou demi-sœurs), Tanoutamon (ou Tente-Amon), où on retrouva sa momie et ses
vases canopes.
▪ Âakhéperourê.
▪ Ahmose.
▪ Maiherpéra (ou Maïherpra).
▪ Saatoum (ou Siatum) dont certains spécialistes affirment qu’il fut le fils de
la Reine Iaret (ou Varet ou Jaret ou Ouadjet).
Son existence est connue d’une inscription trouvée sur la
momie de sa fille, Nebetâh (ou Nebetia).
Une fille :
▪ Tiâa (ou Tiya ou Tyâa – TjAA).
Des vases canopes, qui probablement lui appartiennent, furent mis au jour dans
la vallée des Reines.
Elle mourut sous le règne de son frère
Amenhotep III.
Sa sépulture d’origine n’est pas connue. Sa
momie
fut inhumée de nouveau au cours de la
XXIe dynastie dans la
nécropole de
Sheikh Abd el-Gourna, avec les
momies de plusieurs autres Princesses royales :
Aménémopet (ou Imenemipet ou Amenemipet) et Phyihia (ou Petepihou), qui sont probablement ses demi-sœurs, ses nièces
Nebetâh (ou Nebetia) et Henouttaneb (ou Henutiunu) et des Princesses aux noms de : Tataou,
Méritptah, Sithori et Ouiay. Sa
momie
portait une identification avec le titre de "Fille du Roi Menkhéperourê
(Thoutmôsis IV)". Le tombeau
fut découvert en 1857. Elle est surtout connue par des "étiquettes funéraires"
découvertes par Alexander Henry Rhind dans la nécropole
Thébaine.
Son nom est également attesté dans le Fayoum où sa nourrice, une dénommée
Dame Meryt, épouse de Sobekhotep, le Gouverneur de la région, exerçait une
importante fonction au sein du harem.
Bibliographie
Pour plus d’autres détails sur la Reine voir les ouvrages de :
Betsy Morrell Bryan :
– The reign of Thutmose IV, University Microfilms, Ann Arbor : 1984 – Johns Hopkins University Press, Baltimore, 1991.
Christelle Gautron et
Jean-Claude Goyon :
– Position et influence des mères, épouses et filles royales de l’avènement d’Amenhotep III au règne d’Horemheb,
Langues, histoire et civilisations des mondes anciens. Egyptologie, Université Lumière, Lyon 2, 2003.
Michel Gitton :
– Les divines épouses de la XVIIIe dynastie, Centre de recherches
d’histoire ancienne, Annales littéraires de l’université de Besançon, Les Belles-Lettres, Paris, 1984 et 1989.
Jean-Claude Goyon et Mohamed A.El-Bialy :
– Les Reines et Princesses de la XVIIIe dynastie a Thèbes-Ouest, Atelier national de reproduction des thèses,
Lille, 2005.
Rolf Gundlach :
– Mutemwia, Lexikon der Ägyptologie. Bd. 4, Otto Harrassowitz Verlag, Wiesbaden, 1982.
Christian Leblanc :
– Reines du Nil au Nouvel Empire, Bibliothèque des introuvables, Juillet 2010.
Alexander Pridik :
– Wer war Mutemwija ? : Untersuchungen zur geschichte der 18. Dynastie, K.Mattiesens Buchdruckerei, Dorpat, 1932.
Joyce Anne Tyldesley,
Aude Gros de Beler et Pierre Girard :
– Chronicle of the Queens of Egypt : From early dynastic times to the death of Cleopatra, Thames & Hudson Ltd,
Octobre 2006 et Janvier 2007 – En Français, Chronique des Reines d’Egypte : Des origines à la mort de Cléopâtre,
Éditions : Actes Sud, Collection : Essais Sciences, Juillet 2008.
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