Présentation
La
bataille de Délion (ou Delium ou Machē tēs Delian, en
Grec : Μάχη της
Δηλίου)
se déroula en Novembre 424 av.J.C., durant la Guerre du Péloponnèse
(431-404). Elle eut lieu à proximité de la petite ville Béotienne de Délion (ou Delium) située non loin de la frontière avec l’Attique et
dans laquelle se trouvait un sanctuaire dédié à Apollon. Elle fut une
confrontation entre Athènes
et les Thébains et fut la conséquence d’une invasion
Athénienne mal coordonnée, pour tenter d’établir une tête de pont en Béotie,
afin d’y instaurer la démocratie et à laquelle s’ajouta une traîtrise. Elle se solda par la défaite des
Athéniens face aux
Thébains, puis indirectement par la perte de leurs alliés du Nord de la
Grèce qui amena à la
paix de Nicias au printemps 421 av.J.C..
Le contexte
En 424 av.J.C. les Généraux les Généraux
Athéniens Démosthène
(ou Dêmosthénês, en Grec :
Δημοσθένης, fils de Alcisthènes, † 413) et Hippocrates
(En Grec : ‘Iπποκράτης),
fils d’Ariphron, v.459-424) prévirent d’envahir la Béotie alliée de
Sparte.
Durant l’été de cette même année ils projetèrent une opération d’envergure dans la région, afin d’y instaurer dans les cités des démocraties.
Leur plan comportait plusieurs points. Une Invasion par la terre dans le but de prendre Délion
(ou Delium) et en faire un poste avancé fortifié.
Une invasion par la mer pour occuper Siphes (ou Siphae), une ville sur la côte Nord du golfe de
Corinthe, proche de
Thespies (ou Thespiai). L’idée était de soulever
la ville et celle de Chéronée (Cité de Béotie, entre la Phocide et l’Attique) contre l’autorité en place grâce à des partisans infiltrés.
Toutefois, afin d’être sûr du succès de ce plan, les trois opérations devaient avoir lieu en même temps.
Le commandement de la partie maritime de l’opération fut confié à Démosthène tandis qu’Hippocrates dirigea la phase terrestre.
Durant l’été, de retour de Mégaride, Démosthène
navigua avec 40 navires vers Naupacte, sur la côte septentrionale du golfe de Corinthe
(Aujourd’hui Lépante), qui était base navale Athénienne qui contrôlait l’entrée
du golfe. Le but était d’y lever des forces. Puis il fit route vers le pays des Agréens (ou Agaréniens) près du golfe d’Ambracie
(ou Ambrǎcǐa l’actuelle Arta à l’Ouest de la
Grèce) afin de s’en faire des alliés et y rassembler là aussi
des renforts. L’hiver approchant, Démosthène navigua ensuite vers Siphes (ou Siphae), mais sa flotte fut trop rapide et il arriva devant la cité beaucoup trop tôt,
Hippocrates n’ayant pas encore atteint Délion (ou Delium). De plus, ses plans furent trahis par un Phocidien nommé Nicomaque, ce qui permit aux Béotiens d’occuper
Siphes (ou Siphae) et Chéronée par l’envoi de troupes avant le début des opérations
Athéniennes.
Tout le projet était largement compromis. Siphes (ou Siphae) et Chéronée étaient occupées par des troupes Béotiennes au plus fort de leurs
moyens puisqu’Hippocrates n’avait pas encore envahi la Béotie. Les partisans des
Athéniens qui devaient soulever la région, durent se résigner et ne purent livrer
comme cela avait été prévu les cités. Démosthène ne pouvait pas attaquer et il fut forcé de se retirer. Peu de temps après, à l’hiver, Hippocrates avec une armée
Athénienne arriva enfin à Délion (ou Delium) où il installa son armée et commença à
fortifier le temple de la vile, mais les forces Béotiennes avaient déjà quitté Siphes (ou Siphae) et marchaient sur lui.
Durant cinq jours il utilisa l’armée pour que ses fortifications soient le plus complètes possible.
Il fit creuser un fossé autour du sanctuaire et du temple et fit élever un rempart fait d’un remblai de terre mêlée de pierres, briques et branches et
surmonté de pieux. L’opération presque terminée il laissa sur place une garnison et renvoya à
Athènes le reste de son armée. Une partie s’arrêta non loin de Délion
(ou Delium) pour l’attendre car il s’était attardé au sanctuaire pour parachever les fortifications et organiser la garde.
Dans le même temps, les forces Béotiennes en provenance de Siphes (ou Siphae) qui avaient pris la route, arrivèrent
à Tanagra (ou Tánagra, cité de Béotie, non loin de Platée) et y rassemblèrent d’autres forces venues de toute la Béotie. Les Béotiens étaient
prêts à défier Hippocrates, mais lorsqu’ils virent qu’une grande partie des Athéniens
quittaient la région pour rentrer en Attique, beaucoup d’entre eux pensèrent qu’il était inutile d’attaquer.
Pagondas de Thèbes (En
Grec : Παγώνδας, fils d’Aeolidas,
Général et homme d’État), le Commandant des forces Béotiennes, les exhorta de changer d’avis et de profiter de cette occasion et attaquer,
car de toute façon, ils savaient que les Athéniens finiraient par revenir et
pour utiliser Délion (ou Delium) comme base pour de nouvelles invasions.
Le déroulement
Ayant enfin convaincu les autres Généraux,
Pagondas de Thèbes (En
Grec : Παγώνδας, fils d’Aeolidas,
Général et homme d’État) déplaça immédiatement l’armée Béotienne jusqu’à une position proche des troupes
Athéniennes.
Il l’atteignit dans l’après-midi et déploya l’armée en ligne de combat, cachée des
Athéniens par une colline.
Les Béotiens alignaient : 7.000 hoplites, qui composaient l’aile droite des
Thébains et des peuples associés,
1.000 cavaliers, 500 peltastes et 10.000 hommes de troupes légères qui prolongèrent les ailes.
Le centre fut occupé par les troupes en provenance d’Haliarte, Coronée, Côpes (ou Copiae) et des cités voisines et à l’aile gauche se placèrent les
combattants de Thespies (ou Thespiai), Tanagra et Orchomène.
Les troupes de Thèbes
se placèrent sur une profondeur de 25 rangs qui était inhabituelle (8 normalement) et qui resta la marque de leur phalange.
Elles furent ensuite rejointes par les Locriens.
Thucydide (Historien
Grec,
484-v.425) nous dit que ces contingents, très importants, représentaient environ les 2/3 des forces de la Béotie.
Hippocrates (En Grec :
‘Iπποκράτης, fils d’Ariphron,
Général et homme d’État
Athénien,
v.459-424) apprenant l’approche des
Thébains, ordonna à ses
hoplites de prendre leurs positions de combat et rejoignit peu après la force
Athénienne principale, laissant sur place 300 cavaliers
pour garder le fort de Délion (ou Delium) et éventuellement intervenir lors du combat. Malheureusement pour lui,
il ne pourra se servir de cette réserve qui dès le début sera arrêtée par des troupes
Thébaines placées à proximité du sanctuaire qui la bloquèrent dans le fort.
Les Athéniens avaient environ le même nombre
d’hoplites, 7.000 alignés sur huit rangs, et de cavalerie, qui flanquaient les ailes, que les
Thébains, mais ils avaient moins de troupes légère.
Les adversaires s’avancèrent pour la confrontation, mais la présence de torrents sur les côtés bloqua les ailes de chaque armée et seuls
les centres entrèrent en contact. Les lignes centrales vécurent les combats les plus violents.
En raison de cette asymétrie dans le déploiement toute l’aile droite
Thébaine se retrouva être rapidement
presque victorieuse, mais aussi à cause de leur déploiement sur 25 rangs qui enfonça les lignes
d’hoplites
Athéniennes.
Comme Thucydide le rapporte, à l’inverse,
la moitié gauche du front Béotien fut enfoncée et certains contingents, en particulier celui de
Thespies (ou Thespiai), durent lutter vaillamment
car leurs voisins reculaient. La ligne Athénienne victorieuse provoqua la confusion
et encercla et massacra les Thébains.
Ce déploiement unique des Thébains explique le déroulement ultérieur
et la progression de la bataille. Pagondas, voyant son aile gauche en difficulté, fit passer à l’abri des regards deux escadrons de cavalerie
derrière la colline afin d’appuyer ce côté. Leur apparition soudaine sur la ligne de crête dérouta l’aile victorieuse
Athénienne qui prit peur, pensant qu’une autre armée marchait sur eux.
Ils reculèrent, mais la panique fut telle que certains des hoplites
Athéniens se battirent et se tuèrent les uns les autres,
prenant leurs compatriotes pour l’ennemi. Ce fut le premier incident documenté de ce genre de l’histoire.
Une grande partie réussit à fuir, imitée par le reste de l’armée, vers Délion (ou Delium), Oropos
(Ville portuaire de l’Attique située à la frontière de la Béotie) ou le Parnès (ou Párnês ou Párnitha, massif montagneux au Nord de l’Attique).
Cependant, la cavalerie Béotienne, appuyée par celle de Locride qui venait d’arriver sur le champ de bataille, se lança à la suite des fuyards et
en massacra un grand nombre. Heureusement, avec la tombée de la nuit, la majorité de ceux-ci en réchappèrent.
Pendant ce temps, l’aile droite Béotienne fut également définitivement victorieuse, et les
Athéniens du centre lorsqu’ils virent leurs deux ailes battues,
s’enfuirent également. Selon certains auteurs Hippocrates trouva la mort lors des combats au côté de près de 1.000 de ses
soldats. Les Béotiens, quant à eux, perdirent près de 500
hoplites. Les morts des autres corps de troupe ne sont pas répertoriés.
Après la bataille
Le lendemain de la bataille, les troupes
Athéniennes ayant trouvé refuge à Délion
(ou Delium) ou Oropos embarquèrent et retournèrent par mer en Attique, laissant une garnison dans ces postes.
Les Béotiens, quant à eux, laissèrent un poste de garde sur le lieu de la bataille avant de retourner à Tanagra, mais envoyèrent
un officier aux Athéniens dans le fort de Délion (ou Delium)
leur annonçant qu’ils ne pouvaient rester là, car ils offensaient une terre sacrée Béotienne.
Ils violaient le sanctuaire, lieu sacré, en le fortifiant et en utilisant pour un usage courant son eau réservé aux ablutions rituelles.
Les Athéniens répondirent concernant le sanctuaire,
que puisqu’ils occupaient les lieux, c’était donc leur territoire et pour la question de l’eau,
que c’était les circonstances qui leur dictaient cet usage et que c’était eux les Béotiens les responsables de ces circonstances.
La réponse Béotienne fut du même ordre et les pourparlers restèrent sans issue.
Pendant deux semaines, il n’y eut aucune action,
mais les troupes Béotiennes reçurent un renfort de 2.000 hoplites
Corinthiens, d’archers et frondeurs venus du golfe Maliaque,
ainsi qu’une garnison Péloponnésienne en provenance de Nisée (ou Nisaea) un des
deux port de Mégare.
Ils se décidèrent alors à attaquer le camp retranché Athénien dans le sanctuaire.
Après plusieurs assauts infructueux, les Béotiens construisirent un étrange dispositif qui, selon la description de
Thucydide (Historien
Grec,
484-v.425) semble être une sorte de lance-flammes, et utilisèrent cette arme pour projeter des flammes et des débris incandescents vers les remparts
faits en partie en bois et ainsi mettre le feu à Délion (ou Délium) pour chasser les
Athéniens.
Le fort fut pris 17 jours après la bataille, 200 défenseurs furent tués, mais le gros des troupes parvint à embarquer et à s’échapper.
|
Après que Délion (ou (ou (ou (ou Delium) fut reprise, les Béotiens rendirent leurs morts aux
Athéniens sans condition. Juste après,
Démosthène (ou Dêmosthénês, en Grec :
Δημοσθένης, fils d’Alcisthènes, Général et homme d’État
Athéniens, † 413) et ses forces arrivèrent finalement, mais son arrivée était inutile.
Il tenta un débarquement à Sicyone, mais il fut repoussé et
poursuivi sur mer où il subit quelques pertes. Le grand projet Athénien
qui visait à placer en Béotie un régime démocratique, se solda par un échec complet,
et ça dû au fait d’une trahison qui empêcha le soulèvement des cités, d’une mauvaise coordination des différentes troupes qui ruina les possibilités de
succès de la campagne terrestre. Cette bataille mit également en évidence la faiblesse de la phalange
Athénienne et elle montra en plus d’une nouvelle
technologie (sorte de lance-flammes),
une nouvelle tactique de combat, dont Pagondas fit usage pour la premières fois.
Ces nouveautés seront dans le siècle suivant exploitées dans d’autres batailles plus célèbres des troupes
Thébaines.
|
Bibliographie
Pour d’autres détails sur la bataille
voir les ouvrages de :
Peter Connolly :
– Greece and Rome at war, Frontline Books, Havertown, 2012.
Jean-Nicolas Corvisier :
– Guerre et société dans les mondes grecs (490-322 av.J.C), Armand Colin, Paris, 1999.
Victor Davis Hanson :
– Ripples of battle : How wars of the past still determine how we fight, how we live, and how we think, Doubleday, New York, 2003.
Donald Kagan :
– The outbreak of the Peloponnesian war, Cornell University Press, New York, 1994.
– The Peloponnesian war, Viking, New York, 2003-2004.
Denis Roussel :
– La guerre du Péloponnèse, Le Livre de poche, Paris, 1964, 1966.
Rex Warner :
– History of the Peloponnesian war of Thucydides, Penguin Books, Harmondsworth, Baltimore, 1972.
|