Buste de Pyrrhos I provenant de la villa des Papyri d’Herculanum –
Museo Archeologico Nazionale – Naples
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Présentation
La bataille d’Héraclée (ou Heraclea ou Heracleia ou Herakleia ou Naumachia tēs Heraclea,
en Grec :
Ναυμαχία της Ηράκλειας, en Latin :
Heracleae pugna) se déroula en 280 av.J.C.
Elle eut lieu en "Grande-Grèce" (En Latin : Magna Græcia), nom que les
Grecs
utilisaient pour désigner les côtes méridionales de la péninsule Italienne (Campanie, Calabre, Basilicate, Pouilles), en Lucanie.
Précisément à Héraclée donc (ou Heraclea ou Heracleia ou Herakleia, aujourd’hui Policoro
dans la province de Matera) à l’embouchure entre les rivières Aciris (Aujourd’hui Agri) et Siris (ou Siridos, aujourd’hui Sinni), dans le golfe de Tarente.
Ce fut une bataille entre les armées de la République Romaine, commandées par le Consul Publius Valerius Laevinus et
celles de la coalition
Grecque : De
l’Épire (ou Ípiros ou Epīrus ou Apeiros),
de Tarente (ou Taranto ou tarentin ou Táras ou Tarentum), de Thourioi (ou Thourioi ou Thurii ou Thurium), de Métaponte (ou Metapontum ou Metapontium ou
Metapontion) et d’Héraclée (ou Heraclea), sous le commandement du Roi d’Épire,
Pyrrhos I (En
Grec : Πύρρος
της Ηπείρου, en Latin : Pyrrhus, en Latin ancien : Burrus, 307-302 et 297-272),
dans les guerres de Pyrrhos en Italie, qui vit la victoire de ce dernier.
Cette bataille s’inscrit dans le cadre des luttes entre la "Grande-Grèce" et la République Romaine, qui tentait d’étendre son hégémonie sur toute
la péninsule Italienne. Elle incarne également les premiers affrontements entre le monde Romain et le monde
Grec.
Le contexte
Dès la seconde moitié du IVe siècle av.J.C. en “Grande-Grèce", les colonies
Grecques de la Méditerranée occidentale,
commencèrent lentement à couler sous les attaques constantes des populations Sabelliques des Bruttiens (ou Brutiens ou Brettiens ou Bruttii ou Brettii)
et Lucaniens (ou Lucanii). Ces polis, comme Tarente (ou Taranto ou tarentin ou Táras ou Tarentum) devinrent très importantes
grâce aux échanges avec les populations intérieures et la Grèce elle-même,
et furent souvent contrainte à embaucher des mercenaires pour se défendre contre les attaques des Lucaniens. Ces mercenaires, pour beaucoup, venaient de
Sparte,
comme Archidamos III (ou Arkhidamos ou Archidamus, en Grec :
Αρχίδαμος Γ’, 360 à 338) dans les années 342-338,
ou d’Épire, comme
Alexandre I (ou Alexandre le Molosse, en
Grec :
‘Aλέξανδρος ο Μολοσσός, 342-331) dans les années 335-331.
Les dirigeants de la cité, les démocrates Philocharis et Ainesias, étaient opposés à la République Romaine, car ils craignent de perdre leur
indépendance vis-à-vis d’une Rome conquérante. Cette inquiétude s’accentua après les succès militaires Romains. D’abords l’alliance avec Lucaniens en 298,
puis leur victoire dans la troisième guerre contre les Samnites et la chute de ceux-ci en 290, enfin victoires sur les cités Étrusques et les mercenaires Gaulois.
Les Romains décidèrent alors de fonder de nombreuses colonies dans les Pouilles et la Lucanie, la plus important fut Venose (ou Venosa ou Venusia ou Venouse).
Au cours de ces guerres, Tarente, dans un effort pour faire valoir ses droits sur les Pouilles, passa autour de 305/303, un traité avec les Romains,
selon lequel les navires Romains, et ceux des villes alliées de Rome, n’étaient autorisés à naviguer à l’Est du cap Lacinium près de Crotone,
c’est-à-dire de passer dans le golfe de Tarente pour aller commercer vers la
Grèce et l’Orient.
Comme le souligne Pierre Grimal, jusque-là les Romains avaient eu de bonnes relations commerciales avec les cités
Grecques.
Tant que les guerres en Italie centrale mobilisèrent Rome, ces restrictions passèrent au second plan.
mais le blocage des droits de navigation va être un motif de conflit entre Romains et Tarentins. Vers 285, les troupes Romaines intervinrent.
En 282, après une bataille contre les Samnites, les Lucaniens, les Bruttiens et Thourioi (ou Thourioi ou Thurii ou Thurium), elles
vont pénétrer dans les colonies Grecques
d’Italie de Crotone, Locres (ou Lokroi) et Rhegium, pour les protéger des attaques des Lucaniens et des Bruttiens.
Les démocrates de Tarente savaient très bien qu’une fois terminées les guerres contre leurs voisins, les Romains tenteraient de s’emparer de leur ville.
Ruines du site de Thourioi |
La deuxième faction politique de Tarente étaient les aristocrates, dirigés par Agis, qui ne s’opposait pas à une alliance avec Rome,
car elle conduirait à leurs retours au pouvoir. Cette position provoqua toutefois l’impopularité des aristocrates dans la cité.
De nouvelles attaques sur la Lucanie conduisirent les Tarentins à demander de l’aide à des mercenaires.
Ils embauchèrent Cléonyme de Sparte
(ou Kleốnumos ou Cleonimus, fils du Roi Cléomène II), qui, cependant, fut battu par les Italiens.
Malgré la victoire suivante d’un Grec,
Agathocle (361-289), Tyran puis Roi de Syracuse, sur Bruzi (298-295), la confiance des petites polis du Sud de l’Italie envers Tarente
et Syracuse commença à se détériorer.
En 289, après la mort d’Agathocle, les Tarentins s’inquiétèrent de la prise du pouvoir des aristocrates à Thourioi (ou Thurii),
qui en 282 accueillirent une garnison Romaine dans leur cité (4.000 hommes), pour faire face aux attaques des montagnards de Lucanie et que d’autres
garnison de soldats Campaniens, auxiliaires des Romains, s’installèrent à Rhegium, mettant le détroit de Messine sous protection Romaine,
Locres (ou Lokroi) et Crotone.
Philocharis et Ainesias firent alors tout ce qui était en leur pouvoir pour contrecarrer l’expansion Romaine afin préserver l’indépendance
de Tarente sur ses territoires. À l’automne de 282, Tarente célébrait son festival en l’honneur de Dionysos, tandis que de leur théâtre en bord de mer,
les habitants aperçurent dix navires Romains qui entraient dans le golfe de Tarente, avec des soldats et des fournitures pour la garnison Romaine de
Thourioi (ou Thurii). Selon l’historien Appien d’Alexandrie
(Historien Grec, 90-v.160), la flottille était sous le commandement
de Publius Cornelius Dolabella (ou Publio Cornelio Dolabella, Consul en 283). Les Tarentins, excédés de la violation par les Romains du traité leur
interdisant de pénétrer dans le golfe de Tarente, qu’ils considéraient toujours comme valide,
lancèrent leur flotte contre les navires Romains. Au cours de l’affrontement quatre navires Romains furent coulés et un capturé.
Dion Cassius (ou Cassius Dio Cocceianus, historien Romain, v.155-v.235) donne une autre version de l’incident. Selon lui, un dénommé
Lucius Valerius, envoyé par Rome à Tarente, s’approchait de la ville. Les Tarentins, perturbés par l’ivresse de la fête crurent à une intervention, ils
l’attaquèrent et le coulèrent.
L’armée et la flotte des Tarentins poursuivirent leur action par l’attaque de la ville de Thourioi (ou Thurii) et la garnison Romaine
fut chassée de la cité. Ils rétablirent les démocrates au pouvoir et chassèrent les aristocrates qui firent alliance avec Rome.
Les Romains envoyèrent alors une mission diplomatique dirigée par Postumus (ou Postumius ou Postumios) pour régler la question et reprendre les prisonniers.
Mais selon Dion Cassius, les négociations prirent fin abruptement, les Ambassadeurs étant accueillis par des moqueries et auraient été
ridiculisés par les Tarentins. Selon Appien d’Alexandrie,
après cet affront, les Romains exigèrent la libération des prisonniers, le retour des citoyens déportés de Thourioi (ou Thurii), la réparation des
préjudices subis et l’arrestation des auteurs. Ces revendications excessives furent rejetées et Rome se sentit dans son droit de déclarer la guerre à
Tarente. Les Tarentins, conscient de la force de Rome, demandèrent de l’aide au Roi
d’Épire,
Pyrrhos I (En
Grec : Πύρρος
της Ηπείρου, en Latin : Pyrrhus, en Latin ancien : Burrus, 307-302 et 297-272).
Le prélude
En 281, les légions Romaines sous le commandement de Lucius Aemilius Barbula (ou Lucio Emilio Barbula, Consul en 281)
entrèrent dans Tarente et la pillèrent. Malgré le renfort de Samnites et des Messapes (ou Messapii, habitants de la péninsule du Salento),
Tarente perdit la bataille contre les Romains. À l’issue des combats, les
Grecs choisirent Agis pour demander une trêve et engager des pourparlers diplomatiques avec Rome.
Les négociations furent brutalement interrompues par l’arrivée à Tarente de l’Ambassadeur Cinéas (ou Cinea, diplomate
Thessalien pour
l’Épire, 272), accompagné de 3.000 soldats, avant-garde de la force de
Pyrrhos I (ou Pyrrhus), placée sous le commandement du Général
Milon (v.310-260) de Tarente. Lucius Aemilius Barbula fut contraint de fuir, sous la menace des attaques des navires
Grecs
et il subit des pertes.
Buste de Pyrrhos I – Palais Pitti – Florence
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Pyrrhos I (ou Pyrrhus) était décidé à aider Tarente parce
qu’il avait une dette envers elle. Cette dernière, quelques temps plus tôt lui avait fourni de l’aide lors de la conquête de l’île de Corcyre
(Aujourd’hui Corfou) par les Épirotes.
Le plan du Roi était d’aider Tarente, puis de pénétrer et s’emparer de la Sicile, puis de s’attaquer à Carthage.
Il savait aussi qu’il pouvait compter sur l’aide de Samnites, des Lucaniens, des Étrusques, des Ombriens et des Bruttiens et de quelques tribus
Illyriennes, tous des peuples en conflit avec Rome.
Les Tarentins lui firent miroiter un potentiel de 350.000 hommes et 20.000 chevaux à recruter parmi ces peuples.
Son but ultime était de reconquérir la Macédoine, qu’il avait perdue en 285,
mais il n’avait pas eu assez de fonds pour recruter des soldats.
Après avoir remporté une guerre contre Carthage et prit le Sud de l’Italie, il aurait
eu assez d’argent pour organiser une puissante nouvelle armée et envahir la
Macédoine. Ironiquement, après avoir quitté l’Épire,
il obtint une aide militaire
de quelques phalanges du Roi de Macédoine
Ptolémée Kéraunos (281-279) et une aide financière et maritime
du Roi Séleucide
Antiochos I Sôter (280-261), et son ami de
longue date et allié, le Roi d’Égypte
Ptolémée II Philadelphe (282-246) lui promit d’envoyer 4.000 fantassins,
5.000 cavaliers et 50 éléphants de guerre. Ces forces ayant pour mission de défendre
l’Épire durant l’absence du Roi en Italie.
En outre, il recruta des forces mercenaires, dont des cavaliers de
Thessalie et des frondeurs de Rhodes.
Au printemps 280, ses forces prêtes, le Roi navigua vers les côtes Italiennes, mais, pendant la traversée, il fut surpris par une tempête qui sema des dommages
à ses vaisseaux et il fit débarquer les troupes, probablement près de Brindisi (Dans les Pouilles), de là il partit vers Tarente.
Les Romains furent rapidement prévenus de l’arrivée imminente de
Pyrrhos I
(ou Pyrrhus) et décident de mobiliser huit légions avec leurs auxiliaires, totalisant environ 80.000 soldats. Ils divisèrent en quatre leur armée. Une partie,
placée sous le commandement de Lucius Aemilius Barbula, qui se cantonna près de Venose (ou Venosa ou Venusia ou Venouse), avait pour mission d’occuper les
Samnites et les Lucaniens afin qu’ils ne puissent pas rejoindre l’armée de Pyrrhos I
(ou Pyrrhus). Une seconde fut laissée en arrière pour sécuriser Rome au cas où l’Épirote
tenterait de l’attaquer. Une troisième, sous le commandement du Consul Tiberius Coruncanius (ou Tiberio Coruncanio, Consul en 280), marcha contre les Étrusques,
afin d’éviter une alliance de ceux-ci et Pyrrhos I (ou Pyrrhus).
Enfin, une quatrième, sous le commandement de Publius Valerius Laevinus (Consul en 280), marcha vers Tarente qu’elle devait attaquer.
En fait, Publius Valerius Laevinus envahit la Lucanie et intercepta
Pyrrhos I (ou Pyrrhus) près d’Héraclée, ville alliée des Tarentins,
avec l’intention de bloquer son avance vers le Sud, évitant ainsi son alliance avec les colonies
Grecques de Calabre.
Les effectifs
En ce qui concerne les effectifs dans chaque camp, comme pour pratiquement toutes les batailles de l’antiquité
les chiffres varient et sont contredits en fonction des auteurs, que ce soit les anciens ou les historiens d’aujourd’hui.
De plus, notre source, Tite-Live (ou Titus Livius, historien Romain, v.59 av.J.C-17 ap.J.C.), est malheureusement lacunaire sur cette période.
Les éléments mentionnés ci-dessous reprennent les écrits de
Plutarque (Philosophe, biographe et moraliste Grec,
46-v.125 ap.J.C) pour les effectifs Grecs et sont complétés par
des estimations possibles, mais non certaines, des forces Romaines et alliées en présence.
Pour l’armée d’Épire et Tarente sous le commandement de Pyrrhos I
(ou Pyrrhus) on retient dans les 35.000 hommes :
3.000 hypaspistes (ou Portes-Boucliers, troupe d’infanterie d’élite) sous commandement du Général Milon de Tarente (v.310-260) ;
20.000 phalangistes Épirotes (on trouve aussi 14.000), dont 5.000
Macédoniens donnés par
Ptolémée Kéraunos et
3.000 peltastes mercenaires Messapiens (Les Messapes ou Messapii étaient les habitants de la péninsule du Salento, peuple
Illyrien) ; 6.000
hoplites Tarentins ;
4.000 cavaliers (on trouve aussi 3.000), dont le contingent de
Thessalie et 1.000 cavaliers Tarentins ; 2.000 archers Grecs ;
500 frondeurs Rhodiens et 20 éléphants de guerre avec
des tours de maintien des troupes.
Pour l’armée Romaine, sous le commandement du Consul Publius Valerius Laevinus, on retient environ 38.000 à 43.000 hommes :
16.800 (ou 20.000 selon Peter Connolly ou 29.000) légionnaires Romains, répartis en quatre légions de citoyens Romains ;
16.800 légionnaires alliés, répartis en quatre légions alae de socii (Alliés Italiens, qui furent placés sur les ailes) ;
2.400 troupes d’infanterie légère du Bruttium et de Campanie : 1.200 (ou 600) equites (ou eques ou equitis, cavaliers légionnaires Romains) et 3.600 (ou 1.800)
cavaliers alliés dont certains d’entre eux attachés à la défense du camp et qui ne prirent pas part aux combats initial ;
1.200 cavaliers légers alliés du Sud de l’Italie.
Dessin représentant la charge des éléphants Henri-Paul Motte (1846-1922) |
Le déroulement
Contrairement à ce que les Romains s’attendaient,
Pyrrhos I (ou Pyrrhus) ne marcha pas contre eux directement,
car il attendait des renforts de ses alliés de “Grande-Grèce”. Cependant, dans le même temps,
les armées du Consul Publius Valerius Laevinus ravagèrent la Lucanie pour empêcher les Lucaniens et les Bruttiens de rejoindre le Roi.
Lorsque ce dernier compris que les renforts ne viendraient pas, il décida de combattre les Romains sur une plaine près de la rivière Siris (Aujourd’hui Sinni),
entre les villes de Pandosia et d’Héraclée. Selon Strabon (Géographe
Grec, v.63 av.J.C-v.23 ap.J.C), il y
établit son campement et attendit les Romains désireux d’exploiter le cours d’eau à son avantage en comptant sur les difficultés que ceux-ci auraient à traverser.
Avant d’engager le combat, l’Épirote essaya de régler le différend par
la diplomatie. Il envoya des Ambassadeurs au Consul Romain, afin de proposer son arbitrage dans le conflit entre Rome et les populations du Sud de l’Italie.
Il affirma que ses alliés l’avaient reconnu comme un juge et promit qu’ils respecteraient sa décision, si les Romains acceptaient de le prendre comme arbitre,
dans ce conflit. Cependant, les Romains rejetèrent la proposition faite par le Roi et installèrent leur campement eux aussi dans la plaine,
sur la rive droite de la rivière Siris. Publius Valerius Laevinus disposait d’environ 30.000 à 35.000 hommes sous son commandement
(on trouve aussi 42.000 y compris la cavalerie), dont de nombreux cavaliers. On ne sait pas combien de troupes
Pyrrhos I (ou Pyrrhus) avait laissé dans Tarente,
mais il avait probablement environ 25.000 à 35.000 hommes avec lui à Héraclée. Il était donc en infériorité numérique.
Ce sera la première fois dans l’histoire que deux forces destructrices très différentes s’affronteront : La légion Romaine et la phalange
Macédonienne.
Il prit position sur la rive gauche de la Siris, donc face aux Romains, ce qui lui permettrait plus de temps pour préparer son offensive,
ceux-ci pour l’attaquer devant traverser la rivière. Il positionna quelques petites unités le long de la rive, chargées de le prévenir lorsque les Romains
commenceraient à franchir la rivière. Denys d’Halicarnasse
(Historien Grec, v.60-v.8 av.J.C) et
Plutarque (Biographe et moraliste
Grec, 46-125) rapportent qu’à l’aube du 1 Juillet 280 les Romains
commencèrent à traverser la Siris et leur cavalerie attaqua l’infanterie légère et les éclaireurs
Grecs par les flancs, qui furent contraints
de battre en retraite pour échapper à l’encerclement.
Lorsque le Roi apprit la nouvelle il ordonna à la cavalerie Macédonienne et
Thessalienne d’attaquer la cavalerie Romaine.
Le reste de son infanterie, composée de mercenaires, des peltastes, des archers et de l’infanterie lourde se mit en marche.
La cavalerie Épirote parvint avec succès à désorganiser les troupes Romaines
et provoqua même leur retraite.
Pendant l’affrontement, Oblacus Volsinius (ou Oblaco Volsinio, appelé par
Plutarque Oplax), chef d’un détachement auxiliaire de la cavalerie Romaine, repéra
Pyrrhos I (ou Pyrrhus) parmi les hommes à ses vêtements et son armement
et le suivit dans ses déplacements. Il lui porta une attaque soudaine, le blessa et dans le choc le Roi tomba de son cheval.
Oblacus Volsinius fut capturé et tué par l’un des Capitaines du Roi, Léonnatos de
Macédoine.
Selon Denys d’Halicarnasse, le Roi se releva
et pour éviter de constituer une nouvelle fois une cible trop repérable, il changea ses habits et ses armes avec Mégaclès (ou Megaklês), un de ses officiers.
Les hoplites, disposés en formation phalanges, arrivèrent près de l’ennemi.
La ligne d’infanterie était à peu près égale à celle des Romains en longueur, bien que
Pyrrhos I (ou Pyrrhus) avait de ce côté un petit avantage en nombre.
La phalange étant par sa conception plus profonde que la légion.
Les campagnes de Pyrrhos I en Italie
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Les Phalanges menèrent sept attaques, afin de submerger les soldats Romains, toutes suivies par des contre-offensives Romaines
et ne réussirent pas à percer la légion. Elles rencontraient là un ennemi plus fort que tout ce qu’elles n’avaient jamais rencontré.
Cependant, elles parvinrent tout de même à passer les premières lignes Romaines, mais ne purent aller plus loin sans rompre leur formation,
ce qui risquait de les exposer dangereusement à une contre-offensive et elles furent contraintes de rester sur leur position.
Au-cours de ces affrontements,
Mégaclès (ou Megaklês), que les Romains prenaient pour
Pyrrhos I (ou Pyrrhus) fut tué.
La nouvelle se répandit et les Romains, galvanisés par la mort du Roi, lancèrent une contre-attaque d’ampleur qu’ils souhaitaient décisive.
Tandis que les Grecs, abasourdis, commençaient à perdre courage,
le souverain s’avança, tête nue, le long des lignes, se fit reconnaître de ses soldats et ranima le courage des troupes.
Pour reprendre l’avantage de la bataille, il déploya ses éléphants de guerre, tenue en réserve jusqu’à maintenant, qui créèrent
immédiatement des ravages dans les rangs Romains qui n’en avaient jamais vu. Ceux-ci furent effrayés par les éléphants et leur cavalerie,
dont les chevaux paniquaient, ne put les attaquer, mettant la légion en déroute.
Les Romains ensuite appelleront les éléphants “bœufs de Lucanie”, de l’endroit de cette première rencontre.
À la vue de ces troubles
Pyrrhos I (ou Pyrrhus) saisit l’occasion et ordonna à la cavalerie
Thessalienne d’attaquer les légions désorganisés.
L’infanterie Romaine s’enfuit permettant ainsi aux Épirotes de s’emparer du camp Romain.
Dans les batailles antiques, la prise de son camp par l’adversaire sanctionnait la défaite totale.
Les Romains abandonnèrent, armes de guerre, animaux de bât, ravitaillement, bagages individuels et les légionnaires survivants regagnèrent
Venose (ou Venosa ou Venusia ou Venouse).
Comme pour les effectifs, les chiffres concernant les pertes des deux côtés sont assez divergents.
Selon Denys d’Halicarnasse
les Romains perdirent 15.000 soldats et en eurent des milliers faits prisonniers et 13.000 morts pour
Pyrrhos I (ou Pyrrhus).
L’historien Grec Jérôme de Cardia (ou Hiéronymos de Cardia, v.360-v.272)
dit que l’armée Romaine perdit environ 7.000 soldats, tandis que Pyrrhos I
(ou Pyrrhus) en perdit 4.000. Paul Orose (ou Paulus Orosius, historien, Prêtre et apologiste, v.375-après 418) fournit des chiffres des pertes
Romaines d’une précision étonnante : 14.880 tués et 1.310 prisonniers pour l’infanterie, 246 cavaliers tués et 502 prisonniers, ainsi que 22 enseignes perdues.
Si on se réfère aux rapports de Denys d’Halicarnasse,
les pertes de Pyrrhos I (ou Pyrrhus) s’élevèrent à presque la moitié de son
armée, alors que si l’on considère le nombre de victimes de Jérôme de Cardia (ou Hiéronymos de Cardia) elles s’élevaient à peine à un huitième.
De toute façon, la bataille est considérée comme la première des victoires de
Pyrrhos I (ou Pyrrhus) contre Rome. Quel que soit le nombre des pertes Épirotes,
le Roi n’était pas en mesure de les remplacer rapidement, contrairement à l’armée Romaine qui rassembla de nouvelles légions extrêmement vite.
Le Roi proposa aux prisonniers Romains de rallier ses rangs, comme cela se faisait en Orient, avec les contingents mercenaires,
mais ils refusèrent et préférèrent rester fidèle à Rome.
Après la bataille, des renforts venant de Lucanie et du Samnium rejoignirent l’armée de
Pyrrhos I (ou Pyrrhus). Des cités
Grecques se rallièrent aussi au Roi, dont Locres
(ou Lokroi) qui chassa sa garnison Romaine. Les Grecs de Rhegium,
dernière position de la côte Sud Italienne contrôlée par Rome, qui voulaient se joindre à lui furent massacrés
par des soldats Romains sous le commandement du Préteur Campanien Decius Vibullius (ou Dèce Vibelius), qui fut proclamé souverain de la ville,
se mutinant également contre l’autorité Romaine. Pyrrhos I (ou Pyrrhus)
commença sa progression en Étrurie et prit de nombreuses petites villes en Campanie, mais ne put prendre Capoue, ses forces pillèrent le Latium.
Sa progression fut stoppée à Anagni, à deux jours de Rome (30 km), quand il rencontra une autre armée Romaine.
Le Roi se rendit compte qu’il ne disposait pas d’assez de soldats pour se battre contre
Publius Valerius Laevinus et Lucius Aemilius Barbula (ou Lucio Emilio Barbula) qui la commandaient et qui cherchaient à l’affronter.
Il décida de se retirer et les Romains ne le pourchassèrent pas.
Par la suite, Gaius Fabricius Luscinus Monocularis (ou Caius Fabricius Lucinus) fut envoyé en Ambassadeur auprès du Roi pour traiter
de l’échange des prisonniers capturés lors de la bataille d’Héraclée.
Cette bataille incarne, avec celle d’Ausculum, les dernières résistances de la
“Grande-Grèce” face à la République Romaine qui étendit son hégémonie sur la péninsule Italienne.
Bibliographie
Pour d’autres détails sur la bataille voir les ouvrages de :
Jacob Abbott :
– Pyrrhus, Harper, New York, 1902.
Emmanuèle Caire :
– D’Héraclée à Ausculum : Les traditions historiographiques, pp : 233-247, Pallas 79, Paris, 2009.
Andrea Carandini :
– La romanizzazione del l’Etruria : Il territorio di Vulci, Regione Toscana(IS), Firenze, Electa, Milano, 1985.
Jeff Champion :
– Pyrrhus of Epirus, Pen & Sword Military, Barnsley, 2009.
Peter Connolly :
– Greece and Rome at war, Frontline Books, Havertown, 2012.
Paul Corbier :
– Pyrrhus en Italie, réflexion sur les contradictions des sources, pp : 221-231, Pallas 79, Paris, 2009.
Peter R.Franke :
– Pyrrhus, The Cambridge Ancient History. Band 7.2 (The Rise of Rome to 220 B.C., Cambridge University Press, Cambridge, 1989.
Pierre Grimal :
– La civilisation romaine, Flammarion, Paris, 1981 – 1998.
John Drogo Montagu :
– Battles of the Greek and Roman worlds : A chronological compendium of 667 battles to 31 B.C., from the historians of the ancient world,
Greenhill Books, London, 2000 – Stackpole Books, Mechanicsburg, 2000.
Luigi Pareti :
– Storia di Roma e del mondo romano, Unione Tipografico-Editrice Torinese, Torino, 1952.
– Storia della regione lucano-bruzzia nell’antichità, Edizioni di storia e letteratura, Roma, 1997-2000.
Ghislaine Stouder :
– Le rôle de Fabricius dans les négociations avec Pyrrhus ou l’émergence de la figure de l’ambassadeur à Rome, pp : 185-201, Pallas 79, Paris, 2009.
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