Son origine
Idrimi
fut un Roi d’Alalah (ou Alalakh) de vers 1490 à vers 1450 ou vers
1475 à vers 1450 ou vers 1460 à vers 1400. La plupart des informations sur la fondation de sa dynastie proviennent d’une
statue de lui inscrite avec ce qui semble être son autobiographie. Selon cette inscription, il fut le fil d’un certain
Ilim-Ilimma I (Roi d’Alalah et Roi du
Yamkhad, v.1530-v.1490).
Beaucoup de spécialistes pensent que Ilim-Ilimma I était le fils d’Abba-El
II, "Roi" d’Alep.
Nous ne pouvons nous fier que sur cette statue, seule preuve pour ce Roi, car les sources
le concernant sont complètement absentes.
On sait qu’Ilim-Ilimma I fut chassé du trône par celui qui devint le nouveau maître de la région, le Roi du
Mitanni, Parattarna
(ou Barattarna ou P/Barat(t)ama, v.1480-v.1450), évoqué dans des textes comme suzerain des villes
d’Alalah et de
Nuzi.
Il semble qu’Ilim-Ilimma I s’enfuit avec sa famille à
Emar. Selon Sidney Smith,
il avait plusieurs enfants, Idrimi étant le plus jeune. Ce dernier, après de longues
années d’errance, va réussir à remonter sur le trône d’Alalah.
Il fonda le royaume de Mushki qu’il contrôla depuis la ville.
Son arrivée au pouvoir
On
connait assez bien le parcours d’Idrimi, car il y a aujourd’hui sur ce souverain près de 300 textes, sur deux tablettes en
plus de la statue que l’on a retrouvés. La statue, reposant sur une base de basalte, le représente assis sur un trône. C’est
donc sur celle-ci que l’on a trouvé les inscriptions qui racontent sa vie. Elles nous apprennent qu’Idrimi et sa famille
furent contraints de fuir Alalah, vers
Emar, lorsque son père fut détrôné.
Toutefois l’inscription ne donne qu’une vague description de l’incident il est donc utile de se tourner vers les
recherches de plusieurs spécialistes, dont Jack Sasson de l’Université de Caroline du Nord. Beaucoup de ces derniers spéculent
qu’Idrimi n’avait aucune relation avec les dirigeants d’Alalah.
Ils affirment que son père Ilim-Ilimma I, avant d’être détrôné par le Roi du
Mitanni, Parattarna
(ou Barattarna ou P/Barat(t)ama, v.1480-v.1450), avait usurpé le trône
d’Alalah à un Roi inconnu par ailleurs. Idrimi aurait choisit de fuir
avec ses frères plus âgés à Emar à cause
de ses liens maternels ancestraux avec les Seigneurs de celle-ci.
Statue d’Idrimi (104 cm) retrouvée
dans le temple – British Museum |
Cependant, bien que vivant à
Emar dans un relatif luxe, il se considérait comme un esclave en raison de son statut de réfugié.
Selon Tremper Longman, son autobiographie indique qu’Idrimi se fit rapidement la réflexion de comment reprendre
le trône perdu et il essaya d’obtenir que ses frères le rejoigne dans cette cause. Ceci dit, ces derniers ne semble pas avoir
été vraiment intéressés de participer à la “croisade” d’Idrimi qui décida donc d’y aller seul.
Le futur Roi fuit alors la ville Emar
avec sa famille, vers Ammija (ou Ammiya), en pays de
Canaan. Là, il se joignit au peuple
Apirou
(ou Hapiru ou Habiru ou Abirou ou Hapirou ou Habirou ou Ha biru ou Apiru, groupe de personnes qui vivaient comme
des nomades dans les régions du Croissant fertile de la
Mésopotamie du Nord et l’Iran aux
frontières de l’Égypte
en pays de Canaan) et à d’autres réfugiés des
villes voisines du Mukish : d’Alep, de Niya
(ou Niye ou Niy ou Nii, petit royaume près de l’Oronte au Nord de la Syrie) et d’Amae (Entre
Alep et
Apamée).
Tous ces gens le reconnurent comme "fils du pays" "fils de leur seigneur" et s’allièrent à lui.
Il y a un débat entre scientifiques pour expliquer pourquoi Idrimi choisit de vivre parmi les
Apirou, car il est clair que
psychologiquement il s’entendait bien aussi avec les autres réfugiés. Peut-être parce qu’ils avaient vécu une expérience
similaire d’être déracinés de leurs propres villes natales ?. Une autre possibilité, selon la théorie de Longman, est
qu’Idrimi recruta des alliés assez forts pour prendre Alalah.
Son règne
La
deuxième partie de l’inscription de la statue nous révèle les grands événements de la vie d’Idrimi,
notamment sa campagne en territoire
Hourrite pour récupérer Alalah.
Après avoir vécu parmi les Apirou
pendant sept ans, il dirigea ses nouveaux amis et alliés dans une attaque réussie par la mer sur
Alalah, où il devint Roi dans le courant de 1490
(Certains spécialistes se risquent à donner une date précise, 1497 ?).
Ses frères entendirent parler de ses actions et lui jurèrent alliance. Ses faits de guerre, à cette époque, impressionnèrent
également l’Empereur du Mitanni,
Parattarna
(ou Barattarna ou P/Barat(t)ama, v.1480-v.1450), qui avait assujettit la région, qui accepta de le prendre parmi ses vassaux.
Ce fait est largement documenté dans ses annales. Il faut cependant signaler qu’il y a un risque d’utiliser le texte de la
statue comme une seule source historique. Le texte d’Idrimi suggère des campagnes de grande d’envergure
que le Roi a probablement exagérée afin de se rendre légitime. Toutefois, l’inscription décrit que la prise par Idrimi
d’Alalah se serait faite pacifiquement. Pour Marc Van De Mieroop
l’inscription ne dit pas comment le Roi captura Alalah, il est donc
difficile d’être affirmatif.
Beaucoup de chercheurs se demandent pourquoi il attendit sept ans chez les
Apirou avant de se lancer à la
conquête d’Alalah. Pour certains il aurait cherché, en vain, une occasion
de reprendre le trône et tenter sa chance. Edward L.Greenstein et David Marcus, se basant sur la traduction des inscriptions,
ont révélé que l’idée lui vint à la suite de la vision d’une tempête dans un rêve, provoquée par le Dieu Teshub.
Idrimi fit construire alors des navires, il recruta des troupes auxiliaires à leur bord, puis partit par la mer vers la ville.
Lorsque les peuples alentour entendirent parler de son action, ils lui apportèrent du bétail et conclurent un
traité qui les établit vraiment comme des alliés. Cette alliance retrouvée avec les chefs locaux, créée par des échanges de
bovins, ne fut que le début de la restauration progressive du statut royal d’Idrimi comme Roi
d’Alalah.
Tablette avec le sceau d’Idrimi – vers 1450 – British Museum
|
Edward L.Greenstein nous confirme également que, malgré
l’hostilité de l’Empereur du Mitanni,
Parattarna
(ou Barattarna ou P/Barat(t)amaParratarna) envers Idrimi alors qu’il était en exil en pays de
Canaan, il a effectivement respecté
la coalition qu’il mit en place, peut-être de peur que son armée parvienne à le renverser et il avait également en tête qu’il avait détrôné
son père d’Alep quelques années auparavant
et qu’Idrimi aurait été en droit de se venger.
Parattarna
laissa au Roi une indépendance limitée, libre de prendre ses propres décisions militaires et diplomatiques aussi longtemps
que cela n’interférait pas avec la politique globale du
Mitanni.
Cela allait permettre en outre à Idrimi de jeter son dévolu diplomatique vers le
Kizzuwatna
et agir comme un souverain indépendant.
Après le succès d’Idrimi à établir un accord pacifique avec l’Empereur du
Mitanni,
la plupart de ses actions en tant que Roi ne sont que vaguement décrites et sont limitées à seulement des petites sources.
Deux tablettes, aujourd’hui au British Museum, sont d’excellentes sources primaires sur les actions du souverain pendant
son règne, mais ne serait être suffisante. Il y a un consensus parmi les chercheurs, notamment Dominique Collon et Gary
Howard Oller, pour confirmer qu’Idrimi passa alliance avec le Roi du
Kizzuwatna,
Pilliya (v.1480-v.1450) et qu’il envahit des territoires au Nord appartenant aux
Hittites. Selon Collon et
Edward L.Greenstein, il attaqua le territoire
Hittites et prit sept villes
sous leur protection, non identifiées. L’inscription de sa statue précise qu’il utilisa le butin de ce raid pour se construire
un nouveau palais. Cela dit il est possible que simplement Idrimi prit des esclaves et d’autres marchandises commerciales
dans ses raids sur les sept villes comme butin pour restaurer son propre pouvoir.
Gary Howard Oller donne une certaine validité à l’existence des villes citées dans le raid d’Idrimi en mentionnant deux de ces sept
villes du Hatti : Zaruna et Hassuwa
(ou Hassu ou Hasu), villes Hourrites,
à l’Ouest de l’Euphrate, proche de Milid (ou Melid
ou Arslantepe dans les faubourgs de Malatya aujourd’hui), qui sont également citées dans les annales de l’Empereur
Hittite
Hattousili I (ou
Hattusili, v.1650 à v.1620), qui s’en était emparées récemment et qui dut les
défendre contre Idrimi.
L’inscription de la statue précise ce qu’Idrimi fit avec son butin : Il retourna en
Mukish dans sa capitale Alalah avec des captifs et des biens, et toutes
les possessions ramenées du Hatti….
Il construisit un palais…. Il fit de ses frères des frères royaux, ainsi que leurs fils et leurs proches parents….
Les habitants dans son pays vécurent en toute sécurité… Ceux qui n’avaient pas de logement il les installa…..
Puis il réorganisa les terres, et fit de magnifiques villes… Tout comme ses ancêtres il établit des rites
réguliers pour les Dieux d’Alalah…
Ces choses que j’ai faites je les ai confié mon fils Adad-Nirâri (Adad-Nerari)…
Ce dont on est pratiquement sur, en se basant sur le texte de la statue, c’est qu’Idrimi se servit du “butin de guerre” des
sept villes, en particulier des objets de valeur, pour aider à financer la reconstruction de celles-ci.
Il est très probable qu’en échange ces cités devinrent en partie vassales du royaume
d’Alalah.
Traité d’échange d’esclaves entre Idrimi et Pilliya – vers 1480 – British Museum
|
Les sources
Trois sources ont été découvertes par
l’archéologue Britannique Leonard Woolley dans le niveau IV (Bronze final à la mi-XVe
siècle vers 1450) des archives du palais d’Alalah
et proviennent de la collection au British Museum :
• La statue : Une inscription autobiographique en
Akkadien sur base de la statue d’Idrimi.
Elle fut trouvée à Alalah
au niveau 1 (Vers 1200)
d’une fosse d’un temple sur le site de Tell Atchana dans le Nord de la Syrie. La première partie
de l’inscription raconte les circonstances dans lesquelles Idrimi fuit
Alep. Il est à noté que cette statue fut
découverte dans un niveau d’occupation datant de plusieurs siècles après la date à laquelle Idrimi est censé avoir vécu, il y
a donc un débat entre les spécialistes sur la véracité de ces histoires. Néanmoins, des dates sur des tablettes archéologiques
nous disent que Niqmepa (ou Niqmepuh, v.1430), 2e fils d’Idrimi, qui succéda
à son frère, Adad-Nirâri (Adad-Nerari, v.1450 à v.1430)
fut contemporain de l’Empereur du
Mitanni
Shaushtatar I
(ou Shaushatar ou Sausatatar ou Shanshatat, v.1440-v.1410), ce qui semble soutenir qu’Idrimi aurait été contemporain de
Parattarna (ou
Barattarna), le proche prédécesseur de
Shaushtatar I.
• Tablette 1 : Cette tablette fut mise au jour dans les fouilles par Leonard Woolley entre 1936-1949 à Tell
Atchana dans le Nord de la Syrie. Elle remonte à 1500-1450. Elle contenait un sceau royal d’Idrimi et révèle un accord que
le Roi fit pour les cotisations annuelles d’or et de moutons à lui payer à lui ou à son successeur.
Elle contenait également les comptes du Roi des cadeaux, de l’argent et d’autres formes d’hommage, comme du bétail, venant
de diverses villes. La tablette suggère qu’Idrimi non seulement exerça un pouvoir absolu dans
Alalah, mais
également que le Roi avait exercé une certaine indépendance par sa propre autodéification.
• Tablette 2 : Cette tablette fut mise au jour dans les fouilles à Tell Atchana dans le Nord de la Syrie entre 1936-1949
et remonte à vers 1480. Elle contient plusieurs textes qui révèlent des traités échangés avec d’autres vassaux du
Mitanni, dont le Roi du
Kizzuwatna,
Pilliya (v.1480-v.1450). Selon Donald L. Magetti, le traité avec ce dernier fut en partie influencé, à la manière des serments
dans l’Empire Hittite, par
la volonté des deux parties de montrer leur force et leur loyauté l’un envers l’autre en tant que leaders, face au
Mitanni.
Cela dit il fait aussi valoir que le traité exigeait qu’il soit approuvé par
Parattarna (ou
Barattarna). Le traité spécifiait également un échange d’esclaves entre les deux Rois et comment se dérouleraient les raids en
territoire Hittite.
Ce qui suggère qu’Idrimi ne mena pas de raids au
Kizzuwatna afin de
gagner la faveur de Pilliya qui était le plus grand ennemi
des Hittites.
Bibliographie
Pour
d’autres détails sur le Roi voir les ouvrages de :
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