Quelques Divinités du panthéon :
Taouret
 

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Sommaire
 

Fonctions et origine
Ses représentations et symboles
Ses lieux de cultes principaux
Le culte de Taouret
Légendes et mythes
Bibliographie

 

Un mort en prière
devant Taouret –
Papyrus XIXe dynastie

 

 
&A-wrt

 

Fonctions et origine

 
   Taouret (ou Ta-ouret "La Grande" ou Taweret ou Taurt ou Tuat ou Tuart ou Tauereten, en Grec : Θουέρις Thouéris ou Toéris ou Thoéris ou Toueris ou Taouris) est, par son aspect placide, rassurante, ce qui a fait que la Déesse hippopotame est rapidement devenue une divinité protectrice, familière des foyers et plus encore des femmes et de leurs enfants. C’est elle qui veillait sur la maternité, comme le suggèrent son ventre arrondi et sa poitrine alourdie. Une image particulièrement véhiculée par les nombreuses amulettes la représentant et que portaient les femmes enceintes en guise d’objet apotropaïque. En fait, ce n’est pas une Déesse hippopotame que les Égyptiens vénèrent, mais plusieurs, Taouret étant la plus importante. Si l’hippopotame mâle, l’animal du Dieu Seth, fut toujours perçu comme une bête maléfique, la femelle fit au contraire toujours l’objet d’une indiscutable bienveillance de la part des Égyptiennes.


 

Amulette de Taouret
– Basse Époque – Musée
royal de Mariemont

 

Ses représentations et symboles

 
   La Déesse Taouret est en réalité une Déesse hybride. Si sa tête et son corps sont bien ceux de l’hippopotame, sa poitrine lourde du lait maternel est celle d’une femme qui nourrit son enfant au sein. Tandis que ses pattes antérieures se terminent par des mains, ses pattes postérieures sont celles d’une lionne et son dos emprunte son aspect à encore un autre animal, le crocodile. Représentée appuyée sur la croix Ânkh (anx), l’aspect hybride de la Déesse symbolise à la fois la fécondité et la férocité de la mère défendant sa progéniture.
 
   On va parfois la retrouver avec une tête humaine. La Déesse est alors vêtue d’une robe ample sous laquelle disparaît son corps disgracieux. La coiffe hathorique, les deux cornes enserrant le disque solaire, la couronne occasionnellement. Il est en revanche excessivement rare de la trouver représentée sous un aspect entièrement anthropomorphe. Une constante enfin caractérise ses représentations, le nœud magique Sa sur lequel Taouret est toujours appuyée. Ce symbole de protection lui fut tout à fait propre.
 
   Ses symboles étaient :
Ses attributs divins : La croix Ânkh (
anx), le collier Ménat (mnj.t) qui était un grand collier de perles à contrepoids, symbole de fécondité, quelques fois un couteau qui pouvait être utilisé pour menacer les mauvais esprits et surtout le signe Sa, hiéroglyphe signifiant "protection", sur lequel elle se tient généralement appuyée.
 
Animaux, couleur et élément : Sans être un animal sacré, l’hippopotame femelle lui fut tout naturellement consacré. Son élément fut bien sûr l’eau, en lien avec l’élément de l’hippopotame et les prémices de l’accouchement et ses couleurs furent le vert et le rouge.
 
Les fêtes en son honneur : Taouret fut vénérée quotidiennement dans les foyers où l’on attendait un heureux événement. Une grande fête officielle lui était consacrée au Gebel-Silsileh. Celle-ci se déroulait au moment de l’inondation salutaire du Nil. Le rituel voulait qu’on jette dans le fleuve toutes sortes d’offrandes, dont on pouvait dès lors espérer que chacune revienne en quantité décuplée au jour des moissons.


 

Statuette de Taouret –
Basse Époque –
British Museum

 
Ses lieux de cultes principaux

 
   Taouret fut très anciennement vénérée à Héliopolis. Un culte actif lui fut aussi consacré dans les temples de : Karnak ; Louxor, où elle fut assimilée à Ipet (ou Apet) ; et même de Thèbes où elle fut assimilée à la Déesse Nout. Des cultes plus spécifiques lui étaient rendus à Redesiyeh (ou ouâdi Abbad ou Redessiyeh) au Gebel-Silsileh (40 km au Sud d’Edfou), où elle fut représentée avec une tête de femme et une robe ample qui cache son corps animal. Enfin, chaque foyer d’Égypte était par définition de sa fonction son “temple”.
 

Le culte de Taouret

 
   Le culte de Taouret comme une figure bienveillante est attesté dès la période de l’Ancien Empire (2647-2150). Ce fut par les maternités que la Déesse fut le plus vénérée et elle bénéficiait d’un culte quotidien, familial, personnel, dans les familles qui attendaient un heureux évènement. Elle fut, de ce fait, aussi la protectrice du foyer. Elle fut aussi la protectrice qui veillait sur le berceau du nouveau-né, avec Taouret, la vie débutait sous de bons auspices. Par contre, étrangement, à la grande popularité de la Déesse, semble s’opposer sa discrétion dans les cultes officiels. Rares sont les temples à lui avoir été totalement consacrés. Lorsqu’un lieu de culte lui fut dédié, c’est souvent qu’elle y était associée, voire assimilée, à une autre divinité.
 
   Son culte est attesté à Thèbes où elle partage l’adoration qu’on lui porte avec Hathor et Nout. On la célébra aussi à Karnak et à Louxor. Dans ce dernier cas, c’est Ipet-Taouret qui y fut adorée. Il faut remonter plus en amont sur le Nil pour trouver quelques lieux de culte à lui être entièrement consacrés à Redesiyeh (ou ouâdi Abbad ou Redessiyeh) au Gebel-Silsileh (40 km au Sud d’Edfou). En ce lieu où l’eau pure, l’eau de la bonne inondation, s’apprête à pénétrer en Égypte, les souverains creusèrent à flanc de falaise des chapelles rupestres (ou cénotaphes) qui n’étaient accessibles depuis le fleuve qu’en période de hautes eaux. Ainsi le fleuve déposait-il sur le sol des chapelles le limon fertilisant, vraie richesse du pays. Taouret compte parmi les figures importantes vénérées en ce lieu. Là, au moment de la montée des eaux du Nil, se déroulait une fête très officielle en l’honneur de la Déesse hippopotame.


 

Statuette de Taouret trouvée dans le temple d’Amon-Ré à Karnak – Musée du Caire

 
   Tout comme le Dieu nain Bès, Taouret appartient bien plus au monde domestique, familier des Égyptiens, qu’à celui des temples et des Grands Prêtres. Elle est avec cette divinité une figure essentielle de la piété populaire, de la religion des humbles. Loin du faste des temples et des grandes cérémonies, Taouret était d’abord la gardienne du foyer, qui protégeait les femmes et les enfants, assistait les longs mois de la maternité et veillait sur l’instant ultime de la délivrance. Elle était auprès de toutes les femmes qui attendaient un enfant, quelle que soit leur condition, Déesse, Reine ou femme du peuple. Pendant les mois de la grossesse, le couple qui attendait l’heureux évènement adressait d’intenses prières à la Déesse.
 
   Si l’enfant se révélait atteint d’un handicap, on l’estimait “touché par les Dieux“. Une sorte de fatalisme qui aidait à l’intégration de l’être handicapé dans la société. Aussi pour s’assurer une totale protection de Taouret et se prémunir de tout accident pendant la grossesse, se devait-on de porter une amulette à son effigie. Celles-ci ont été retrouvées en abondance. Une statuette de la Déesse hippopotame, installée dans la maison, concourrait aussi à l’assurance d’une bienveillance divine sur la famille. Parfois, un petit oratoire qui lui était dédié se dressait dans un coin du village. Souvent le devait-on au personnage le plus fortuné de la communauté. Le culte de cette divinité était donc très simple, mais la piété intense et unanime.
 
   C’est à l’occasion de fouilles menées en zones d’habitat, que des archéologues mirent au jour des étranges statuettes de Taouret. En terre cuite ou en faïence, elles étaient creuses. Une des mamelles de la Déesse était dressée en signe d’allaitement. Son extrémité était percée d’un petit trou qu’obstruait un bouchon. Les avis sur l’utilisation de ces statuettes sont encore aujourd’hui débattus. Certains spécialistes ont imaginé que l’utilisation la plus probable de ces statuettes, véritables objets apotropaïques, servait à contenir du lait. Ils pensent qu’au jour de l’enfantement, la mère remplissait du liquide la statuette. Le bouchon était alors légèrement dévissé. Le goutte-à-goutte qui s’en suivait rendait alors impossible, par magie, un quelconque tarissement du lait de la mère. Il faut souligner qu’il n’y a pour l’heure non plus aucune explication satisfaisante sur d’autres statuettes en terre cuite de la Déesse, également creuses, à l’intérieur desquelles on a eu soin de conserver quelques lambeaux de vêtements ayant pu appartenir à une femme enceinte. L’usage prophylactique ne fait toutefois aucun doute.
 
   Tout comme dit plus haut un culte lui était aussi rendu en tant que Déesse domestique, car comme Bès, Taouret protégeait le foyer, au-delà du seul nouveau né. Toute la famille bénéficiait de sa protection. Dans les maisons les plus aisées, celle où l’on rencontre un tant soit peu de mobilier, elle faisait partie du décor, sur les chevets et appuie-tête, les lits, qui étaient ornés de son image sculptée dans le bois ou l’ivoire. Certains de ces meubles étaient offerts à l’occasion du mariage des maîtres des lieux. Ainsi Taouret s’apparente-t-elle à un génie bienfaisant. On la croyait même capable de tuer les démons. Enfin Taouret fut la Déesse protectrice du tombeau qui constituait pour l’Égyptien sa plus importante demeure. Aussi Taouret fut-elle souvent intégrée dans la décoration peinte des sépultures. La tombe TT355 d’Amenpahapy, Serviteur dans la Place de Vérité, à Deir el-Médineh, datée de la XXe dynastie, nous en livre une des plus remarquables représentations. Taouret, accompagnée de la Déesse Anoukis, y a le port lourd, mais on a ici préféré une tête féminine coiffée d’un mortier à la tête d’hippopotame plus traditionnelle. La nécropole Thébaine a livré des stèles votives en l’honneur de Taouret qui témoignent une fois encore de la vigueur et de la ferveur vouée à la Déesse.


 

Statue de Taouret –
British Museum

 

Légendes et mythes

 
   La légende disait que Taouret, présente dans l’eau de l’inondation, comme dans celle de l’océan primordial, veillait tout naturellement sur les eaux de la femme enceinte. Mais la Déesse était aussi au ciel (D’ou son nom “Horizon mystérieuse“), comme le rappelle sa constellation dans l’hémisphère Nord. Elle fut alors la bonne étoile qui veillait à la destinée du nouveau-né. La mythologie de Taouret ne s’inscrit pas comme pour d’autres divinités dans de grandes histoires épiques. Elle fut surtout perçue pour les doux instants de bienveillance qu’elle prodiguait, à l’image de la femelle hippopotame qui veille sur ses petits. Car contrairement au mâle, animal de Seth perçu par conséquent négativement, l’hippopotame femelle fut fort bien considéré des Égyptiens. Taouret fut une Déesse si présente, que l’on trouve une multitude de relations qu’elle entretint avec le restant du panthéon. Ses parents ne nous sont pas connus, mais son époux serait Seth, dont, comme dit plus haut, l’hippopotame mâle était une des incarnations.
 
   Taouret fut une Déesse qui assimila beaucoup d’autres divinités et dont les relations s’avérèrent fort riches. Par exemple, à Louxor, où elle est assimilée à Ipet (ou Apet), une autre Déesse hippopotame, elle fut l’épouse (voire la mère) d’Amon. Ce dernier étant un démiurge il est difficile de comprendre comment Taouret pourrait être sa mère. Á Thèbes, elle fut assimilée à la Déesse Nout qui enfanta les Dieux. Par la bienveillance qu’elle porte à la natalité des humains et des Déesses, Taouret s’assimile en bien des divinités féminines, comme : Hathor, Isis, Tefnout. Enfin, Taouret fut liée à dont elle est l’œil, à l’instar d’autres Déesses. En vertu de cette dernière implication, elle est représentée alors sous son aspect anthropomorphe. Ainsi sa tête humaine se voit-elle coiffée du disque solaire, qu’enserrent les cornes hathoriques. Ce rapprochement avec Hathor la repositionne dans son rôle de Déesse primordiale.
 
   L’eau étant son élément, la crue annuelle et régulière du Nil devint une de ses multiples manifestations. Au Gebel-Silsileh (40 km au Sud d’Edfou), dont le nom signifie “eau pure“, Taouret fut directement en lien avec la montée des eaux du Nil. Cette eau pure est bien sûr celle du fleuve nourricier que toute l’Égypte attendait après la longue saison de sécheresse. L’eau dans le pays eut une importance, physique et symbolique toute particulière, puisque c’est d’elle que sortit le monde et donc la terre d’Égypte. Ainsi la Déesse naissait-elle et renaissait-elle, chaque année, imperturbablement. Dans le ciel, Taouret fut aussi présente car elle est une constellation, les Égyptiens l’y ont vue tenant, fixée à un pieu, la cuisse de l’âne de Seth (la Grande Ourse ou Mesekhety) qu’Horus, lors d’un ultime combat avec son ennemi de toujours, avait su arracher au Dieu après sa victoire sur ce dernier. Taouret se trouve alors souvent associée à la Déesse Nout, qui n’est autre que la voûte céleste elle-même. La présence au ciel de Taouret valut au collège des Déesses hippopotame de protéger chacun des douze mois de l’année ainsi que les cinq jours épagomènes, ces fameux jours réputés néfastes, rajoutés en fin d’année. De petites amulettes en hématite semblent attester de la vigueur de la croyance en la bienfaisance de cette constellation hippopotame et de l’événement qu’elle semble raconter.

 

Bibliographie

 
   Pour d’autres détails sur la Déesse voir les ouvrages de :
 
Mary Barnett et Michael Dixon :
Gods and myths of ancient Egypt, Smithmark, New York, 1996 – En Allemand, Götter und Mythen des alten Ägypten, Verlag Gondrom, 1998 – En Français, Les dieux et les mythes de l’Egypte ancienne, Thames & Hudson Editeur, 1998.
Hans Bonnet :
Lexikon der Ägyptischen religionsgeschichte, Nikol-Verlag, Hamburg, 2000 et 2005. 
Ernest Alfred Thomson Wallis Budge :
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The gods of the egyptians, or, studies in egyptian mythology, Methuen & Co. ltd., Londres, 1904 – Dover Publications, (posthume) 1969. 
Jacques-Joseph Champollion-Figeac, Léon Jean-Joseph Dubois et David Roberts :
Panthéon égyptien, J. de Bonnot imprimerie, Paris, 2006. 
Rolf Felde :
Ägyptische gottheiten, Rolf Felde, Wiesbaden, 1988 et 1995.
Lucia Gahlin, Olivier Fleuraud et Isabelle Fleuraud :
L’Egypte : Dieux, mythes et religion : Un voyage dans le monde fascinant des mythes et de la religion de l’ancienne Egypte, EDDL, Paris, janvier 2001.
Lucia Gahlin et Lorna Oakes :
The mysteries of ancient Egypt : An illustrated reference to the myths, religions, pyramids and temples of the land of the pharaohs, Lorenz, London, 2003.
Roland Harari et Gilles Lambert :
Dictionnaire des dieux et des mythes égyptiens, Le grand livre du mois, 2002.
Géraldine Harris :
Gods & Pharaohs from Egyptian Mythology, Eurobook Limited, London, 1981.
George Hart :
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Der eine und die vielen : Agyptische Gottesvorstellungen, Wiss. Buchges, Darmstadt, 1971 – Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 1971-2008.
Jennifer Houser-Wegner :
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Richard Lewis Jasnow et Karl-Theodor Zauzich :
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Manfred Lurker et Patrick Jauffrineau :
Dictionnaire des Dieux et des symboles des anciens Égyptiens : Le monde magique et mystique de l’Egypte, Pardès, Puiseaux, 1994 – En Allemand, Lexikon der Götter und Symbole der alten Ägypter, Scherz Verlag, 1998.
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The ancient gods speak : A guide to Egyptian religion, Oxford University Press, Oxford, New York, Juin 2002.
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Dizionario enciclopedico delle Divinità dell’Antico Egitto, Ananke, Torino, 2004-2006.
Claude Traunecker :
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Pascal Vernus et Erich Lessing :
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Judith Weingarten :
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Richard H.Wilkinson
The complete gods and goddesses of ancient egypt, Thames and Hudson, New York, Mars 2003 et Septembre 2005 – En Espagnol, Todos los dioses del Antiguo Egipto, Oberön, Madrid, 2003 et Juin 2004 – En Allemand, Die welt der götter im alten Ägypten : Glaube, macht, mythologie, Theiss, cop. Stuttgart, Septembre 2003 – En Français, Dictionnaire illustré des Dieux et Déesses de l’Égypte ancienne, Gollion, Infolio, Novembre 2006. 

 

 
 
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