Les  cités  Hittites  :
Kanesh
 

Nous avons besoin de vous

 

 
Sommaire
 

Localisation
Son nom
L’histoire
La population
      Sa composition
      Le commerce
      La religion
L’archéologie
      Le kārum
      La citadelle et le palais
Bibliographie

Vue de la ville haute

 

Sapinuwa Samuha

Localisation

 
   Kanesh (ou Kültepe ou Kanis ou Kaneš ou Nesha ou Neša, en Turc : Ash Hill “Colline de cendres“) est connue comme un site archéologique important de Turquie sous le nom de Kültepe. Il se trouve à une vingtaine de kilomètre au Nord-est de Kayseri et il est au Sud surmonté par le massif volcanique du mont Erciyes. Il correspond donc à l’ancienne ville Hittite de Kanesh. Il se compose d’un tell, la réelle Kanesh, et d’une ville basse où un comptoir commercial Assyrien fut mis au jour.
 
   Ce site est surtout connu pour avoir livré des milliers de tablettes rédigées par des marchands de la cité d’Assur établis dans le quartier marchand (ou kārum) de Kanesh entre la seconde moitié du XXe siècle et le milieu du XVIIIe siècle av.J.C, fournissant ainsi une source importante sur la manière dont se déroulait le commerce à cette période.

 

Son nom

 
   Kanesh/Kültepe est l’un des rares sites archéologiques en Anatolie, dont le nom à l’âge de bronze est connu avec certitude, bien qu’elle fût nommée différemment par différents peuples. Sur la base des textes cunéiformes locaux trouvés, l’endroit était appelé au cours du XXe siècle av.J.C, dans les textes Assyriens : Kaneš (ou kanes ou Kah nesh ou Kanis ou Kane ou Ka-ni-IS KI). Plus tard les Hittites le nommèrent : Neša (ou Nesa ou Nesha ou URU Ne-e-SA). Les deux noms furent utilisés par les Hittites comme des synonymes. L’hypothèse, comme cela a été proposé, que Neša fut le nom de la ville haute et que Kaneš fut le nom du quartier marchand (ou kārum, nom général qui signifie marché ou centre commercial en Akkadien) est peu probable. Il semble plutôt que Neša fut le nom de l’ancienne colonie appelée aussi Anisa (ΑΝΙΣΑ), comme en témoigne une inscription trouvée dans la ville.


 

Vue du kārum

 
   Le nom d’un village : kariye i-Kıŋıš apparaît dans un document juridique ottoman du XVIIe siècle. L’étymologie du nom de ce lieu est inconnue. On sait que les Hittites, dans leur langue, appelaient aussi cette ville : Našili (ou Nešili oder Nešumnili) ce qui est considéré comme une preuve que l’environnement de la cité appartenait leur communauté. Enfin on constate que le nom de la ville est inclus dans le nom allānkaniš (ou allākkaniš, “Noisette”) de l’époque néo-Assyrienne (ou Second Empire Assyrien, 912-745). Sans doute, comme le précise Thomas Sturm, en référence à la noisette qui déjà à l’âge de bronze était considérée comme un mets délicat de la côte de la mer Noire et qui transitait via Kaneš dans toute la Mésopotamie.

 

L’histoire

 
   Kanesh (ou Kaneš/Neša) se voit connectée à deux légendes, malheureusement à partir desquelles aucune conclusion historique ne peut être tirée. Dans une légende Hittite (Le texte de Zalpa – CTH 3), une histoire est racontée dans la préface. Elle nous rapporte que les villes royales de Kanesh et Zalpa avaient une relation très étroite. Puis la Reine de Kanesh donna simultanément naissance à trente fils, mais cela sembla si scandaleux qu’ils durent grandir à Zalpa. Plus tard, la même Reine donna naissance à trente filles. Les fils adultes vinrent chercher leur mère à Kanesh et épousèrent leurs trente sœurs, sans savoir que c’était elles, malgré l’avertissement de la plus jeune sœur. Le reste de la légende est perdu.
 
   La trace la plus ancienne survivante de la ville date du Roi Pamba, le premier souverain du Hatti, qui aurait vécu au début du XXIIIe siècle (On trouve aussi vers 2160 ?). On ne sait pas s’il a vraiment existé ou bien s’il est un personnage fictif. Son nom est mentionné dans un texte fragmentaire du Roi Akkadien Naram-Sin (2255-2218) concernant une bataille contre une alliance de 17 Rois, comprenant entre autres Pamba, Roi du Hatti et Zipani, Roi de Kanesh. Selon Fikri Kulakoğlu et Güzel Öztürk, l’historicité de cet événement est à démontrer, mais il apparaît au moins grâce aux nombreux sceaux mis au jour dans le palais que Kanesh était alors en relations avec la Syrie et la Mésopotamie.


 

Vase trouvée à Kanesh – Musée des
civilisations Anatoliennes – Ankara

 

 
   Dans la réalité archéologique on sait que la citadelle de Kanesh fut habitée au moins depuis le milieu du IIIe millénaire. C’est des années 2400-2100 que date un imposant palais situé sur le tell principal, attestant de la présence sur place d’un centre de pouvoir important. L’histoire de la cité devient ensuite plus évidente grâce aux archives Paléo-Assyriennes (vers 2400 jusqu’au XVe siècle) de la première moitié du IIe millénaire. Si l’histoire du site se divise en quatre niveau archéologiques (les deux premiers remontant comme dit plus haut à la seconde moitié du IIIe millénaire), les tablettes proviennent majoritairement du niveau II (1974-1836, Chronologie selon Klaas R.Veenhof), et correspondraient à une période allant d’environ 1945 à 1835, soit sous le règne du Roi Paléo-Assyrien, Erishum I (ou Erišum ou Ērišum ou Erischum ou Erisum ou Erišu(m) ou me-ri-šu, 1906-1867) qui semble être en possession de la cité.


   Avec la création d’un quartier marchand par les Assyriens appelé kārum (Nom général qui signifie marché ou centre commercial en Akkadien) après 2000 av.J.C, commence l’ère historique. Les bâtiments les plus anciens mis au jour datent de 1800 à 1500. Les maisons multi-pièces furent construites en briques de terre cuite sur une fondation en pierre. Des tombeaux furent aussi construits à cette période, parmi lesquels se trouvent des tombes circulaires typiques qui ont deux chambres. Dès le début de l’âge du Bronze III (1600 à 1400) fut érigé le plus ancien grand bâtiment découvert, un Mégaron, éventuellement un palais (ou un temple).
 
   Les sources Paléo-Assyriennes, nous renseignent également sur la situation politique de l’Anatolie à cette période. Kanesh se trouvait dans une région habitée avant tout par des populations indo-européennes, notamment des Hittites. À l’âge du bronze moyen (1500-1100) la ville fut le centre administratif et commercial le plus important développé en Anatolie. Les plus de 23.000 tablettes mises au jour dans le kārum témoignent de ces anciennes entreprises commerciales, mais aussi donc de la politique, de la religion et de la vie privée des marchands Assyriennes et en partie celle de la population indigène.


 

Vue du site de la ville base

 
   Toutefois, une seule tablette, envoyée par le Roi Anum-Hirbi de Mama à son homologue de Kanesh Warsama (ou Warshama), fils d’Inar, provient des archives du palais royal (époque du niveau Ib, 1832-1719 ou 1798-1740). Le reste des informations provient donc des archives des marchands, qui livrent les noms de quelques souverains locaux, de l’époque du niveau Ib. Selon Gojko Barjamovic, d’autres personnages qui peuvent être situées au cours de la période du kārum II (1974-1836) sont les Rois : Papala et Kuku.
 
   La fin de la période des archives Assyriennes correspond à un changement de la situation politique en Anatolie. La région est en voie d’unification sous la domination des souverains de la cité de Kussara (ou Kussar), située au Nord de Kanesh. Son Roi, Pithana (ou Pittkhana ou Pythanas&, v.1800), prit la ville de Kanesh et soumit Warsama. Sous son impulsion se déclara en Anatolie un mouvement d’unification politique de nombreuses villes, y compris une grande partie de celles de la Cappadoce, qui furent pour beaucoup prises militairement et unifiées sous un commandement unique. Pithana établit un système archaïque, mais efficace, de vassalité, qui fut le terreau du futur Empire Hittite.
 
   Une inscription au nom de Pithana a été retrouvée sur une tête de lance mise au jour dans le palais royal. Autour de l’année 1835, le kārum et la ville haute furent détruits par le feu. Pithana semble avoir fait de Kanesh sa capitale. Son fils, Anitta (v.1780-v.1750), qui lui succéda, monta sur le trône de Kussara et de Kanesh et, de là, il poursuivit la politique d’expansion de son père. Certains spécialistes avancent qu’il serait un contemporain du Roi d’Assyrie, Shamshi-Adad I (ou Samsi-Addu, 1796-1775).
 


 

Rhyton trouvé à Kanesh – 1860-1780 – California
Palace of the Legion of Honor – San Francisco.

   Sur la suite de l’histoire de la cité il y a de grandes incertitudes. D’abord, Anitta se tourna contre le royaume de Zalpa (ou Zalpuwa, qui n’est pas localisée avec certitude mais qui devrait se situer sur la côte Sud de la mer Noire, près de l’embouchure du Halys), dont le Roi Uhna (ou Una) avait jadis dérobé l’idole de la divinité de Kanesh (Il est donc peut-être à l’origine de l’incendie de la ville vers 1835 ?). Anitta vainquit le Roi Huzziya (ou uzziya) de Zalpa et ramena l’idole à Kanesh. Il battit ensuite le Roi du Hatti, Piyushti (ou Piyušti ou Piyusti ou Pijusti), mais apparemment si Anitta le vaincu dans la bataille, il ne put l’éliminer totalement.
 
   Par la suite, Piyushti essaya de reprendre l’avantage sur Anitta en attaquant la ville de Shalampa (ou Šalampa). Une nouvelle fois écrasé, il se retira dans sa capitale fortifiée, Hattousa (ou Hattush à l’époque), dont Anitta fit le siège jusqu’à ce que la famine affaiblisse la ville qui fut prise d’assaut lors d’une nuit. Après cette époque, le royaume Hittite se constitua, dans des circonstances encore non élucidées.
 
   Kanesh fut une des villes principales de ce royaume. Anitta, ouvrit et élargit la cité. Le palais de la citadelle comporte un niveau remontant à la période impériale Hittite (XIVe-XIIe siècles). Selon Guido Kryszat, Anitta fut suivit par Zuzu qui semble-t-il fut un grand Roi de Kaneš/Neša, apparemment en prenant la place du Prince héritier Peruwa. Il est aussi appelé Roi de Alazina, il est possible qu’il conquit la cité et Anitta ou défit son fils ?. La ville occupa une position importante dans l’histoire des origines des Hittites, puisque la langue de ce peuple fut alors qualifiée de nešumnili, c’est-à-dire la langue de Neša (ou Nesa ou Nesha), mais n’eut plus son importance politique ou économique d’entant et aucun vestige de l’époque. Hittite n’a été trouvé dans Kültepe.
 
   Au cours de l’âge du fer (Vers 1200) la ville fut une place importante du Tabal (ou Tubal), royaume néo-Hittite du Sud-est de l’Anatolie, dans la région de l’actuelle Kayseri, en dessous de la Cappadoce, peuplé majoritairement par des Louvites. La cité sur la colline fut fortifiée d’un mur d’enceinte. Les Phrygiens (v.1200-v.700) influencèrent son art avec leurs poteries peintes et leurs bronzes reconnaissables. De cette époque aucune inscription n’a été trouvée dans Kültepe, et, de ce fait, on ne peut dire avec quels Rois connus la cité peut être mise en relation. Plus tard, il semble que la place subit les invasions des Cimmériens lorsqu’ils détruisirent l’Anatolie. Au cours de la période Hellénistique (après 323) Kanesh fut une ville prospère (une polis) avec son propre conseil (la Boulé). Une inscription datant de vers 150 av.J.C fut mise au jour à Kültepe, elle fait échos de fêtes pour Zeus et Héraclès et d’un temple dédié à Astarté. Une indication d’une forte influence Syrienne. Dans la transition vers l’ère Romaine, le lieu perdit, probablement en raison des guerres du Roi du Pont, Mithridate VI (120-63), en importance.


 

Echoppe dans le kārum

 

La population

 
        Sa composition

 
   Avec les noms des personnes mentionnées dans les tablettes les chercheurs ont pu reconstituer la composition ethnique de la population. La grande majorité des noms sont d’origine sémitique et se réfèrent aux anciens marchands Assyriens qui se sont installés en Anatolie, comme iddin-Sin et sa famille. Les noms Anatoliens peuvent eux être associés à des langues différentes. La plus grande partie est clairement Hittite, par exemple : alkiaššu, Ilališkan, Išputašu. Toutefois, selon Ilya S.Yakubovich, elle fut significativement en plus faible proportion que celle des Louvites, avec par exemple : Tiwatia, Ruwatia, Wašunani. Ces noms Hittites et Louvites sont les plus anciennes traces de langue indo-européenne trouvées.
 
   Selon Thomas Zehnder, beaucoup d’autres noms peuvent être affectés à une autre langue, comme celle du Hatti, ou même à une langue inconnue, par exemple : Pikašnurikizi, Atamakuni, Taripiazi. Apparaissent relativement tard des noms en Hourrite, par exemple : arpatiwa, Imrimuša, qui nous indiquent la présence de ces derniers dans la population. Toutefois ils sont très rares et leurs possesseurs appartiennent à la classe supérieure. Même si le nom lui-même ne donne pas avec certitude l’origine ethnique de l’utilisateur, pour des raisons statistiques on peut conclure que la population indigène de Kanesh et ses environs était principalement Hittite. Les Louvites, d’autre part, sont susceptibles d’avoir occupés la zone plus au Sud et à l’Ouest de la cité.

 


 

Autre vue du kārum

Le commerce

 
  L’intérêt principal des fouilles de Kanesh est d’avoir livré une quantité énorme de tablettes concernant les affaires commerciales des marchands Assyriens. De nombreuses études ont ainsi permis la reconstitution progressive des activités de ces marchands. L’activité des marchands Assyriens en Anatolie s’inscrivait dans un réseau commercial de très grande ampleur, qui s’effectuait sur de très longues distances. Ils vendaient en Anatolie de l’étain qu’ils apportaient du plateau Iranien ou d’Asie centrale. On ignore la façon dont ils se le procuraient. Ils réalisaient des profits substantiels car une même quantité d’étain valait deux fois plus d’argent en Anatolie qu’à Assur, ce qui permettait de doubler l’investissement.
 
   Il importaient également des étoffes, qui étaient fabriquées à Assur par leurs épouses et leurs filles, ou bien étaient produites dans le Sud de la Mésopotamie et transitaient par Assur. Le commerce reposait également sur des produits allant de l’Anatolie vers cette dernière, or, argent etc… Dans ce système, Kanesh jouait un rôle de place commerciale, de comptoir, servant à redistribuer les produits qui y transitaient. Les Assyriens possédaient un réseau se basant sur plusieurs dizaines de comptoirs dont Kanesh était la base.
 
   On distingue dans les textes deux types d’établissements : le kārum (le quartier des marchands) et le wabartum (poste commercial). Une trentaine a pu être identifiés. Le kārum de Kanesh était le plus important de tous, d’où l’abondance de la documentation qui y fut retrouvée. On y trouvait l’autorité administrative du réseau de comptoirs, le bēt kārim, qui réglait notamment les litiges commerciaux, mais également les relations avec les potentats autochtones. Compte tenu des distances, les frais de transport étaient très élevés et s’ajoutaient aux droits payés au profit des pays traversés, ce qui relativise beaucoup le profit obtenu des échanges. Comme dit plus haut le commerce des textiles était important et il était soumis à des droits élevés. Certains spécialistes estiment que le kārum traitait environ 100.000 pièces de drap de laine importés d’Assyrie à Kanesh Le Lapis-lazuli était aussi très prisé car son prix à Assur était environ la moitié du prix de l’argent, et Kanesh l’échangeait au triple.


 

Autre vue du kārum

 
   Les affaires commerciales ne se passaient pas toujours sans heurts, et il était courant que certaines finissent en procès. De nombreux document rapportent de tels cas. Certains marchands essayaient également de faire de la contrebande pour payer moins de taxes. Des lettres portent même les recommandations de pères à leurs fils pour que ces derniers sachent comment bien frauder. La contrebande était donc généralisée et le concessionnaire envoyait des lettres pour informer ses collègues, sur quels étaient les itinéraires sûrs et où le danger se cachait. Cela créait bien sûr de gros manques à gagner au kārum, ce qui explique pourquoi l’administration Assyrienne punissait sévèrement la contrebande.

 

La religion

 
  La religion dans Kanesh était complexe. D’une part, parce qu’il y avait celle pratiquée dans le kārum où vivaient les marchands Assyriens qui avaient gardé celle de leur pays natal. Puis compte tenu des différentes populations qui peuplaient la ville on y adorait des divinités Louvites ou Hourrites et bien sûr Hittites. Bien que partiellement une séparation entre les différentes religions est constatée, il y avait des chevauchements et des acquisitions de cultes étrangers, comme la Déesse Ku-Bawa (ou Kubaba), Déesse tutélaire qui protégeait la ville de Karkemish sur le Haut-Euphrate qui était vénérée par les Assyriens et les Anatoliens. Sur la base de textes cunéiformes il est clair qu’entre la période kārum II (1974-1836, Chronologie selon Klaas R.Veenhof) et kārum Ib (1832-1719 ou 1798-1740) un changement dans la religion se fit en Anatolie, mais elle reste inexpliquée. Les textes de kārum II nomment trois temples. Parmi ceux-ci, le temple de Annā et Nipas se situaient dans Kanesh elle-même. On trouvait également un temple dédié à Bel. Annā était la divinité principale locale au moment de la période kārum II. Annā était dans les contrats entre Assyriens et Anatoliens conjointement invoquée avec le Dieu principal Assyrien Assur (ou Ashur ou Aššur).
 
   Nipas était la deuxième plus importante divinité locale. Le nom pourrait vouloir dire “le ciel“, mais cela reste controversé. Nipas avait, comme dit plus haut, son propre temple à Kanesh avec une partie privée, qui était réservée au Roi. Toutefois il faut signaler que dans les textes datant de kārum Ib Nipas ne figure plus. À cette même époque une troisième divinité importante est identifiée sous le nom de Parka. Elle avait son propre festival. À l’époque Hittite Parka fut adoré à Hattousa, capitale de ces derniers. Certains chercheurs pensent qu’elle avait la fonction de divinité de la fertilité ?. Puis Parka comme Nipas disparait des écrits, mais apparut à sa place la Déesse Assyrienne Nisaba (ou Ni-Sa-ba), donc l’assimilation des deux divinités est évidente. D’autres festivals locaux avaient lieu pour Tuḫtuḫani, pour le Dieu de la guerre Bel, pour Harihari, pour Ilali etc…

 


 

Une tombe sous une maison

L’archéologie

 
  Les fouilles s’étendent à deux zones, la ville supérieure et la ville inférieure. Les vestiges de la ville haute avec sa citadelle sont situés sur une hauteur de 20 mètres avec un diamètre presque circulaire d’environ 520 ms. La ville basse se trouve, comme son nom l’indique, dans son contrebas. Pour la ville haute, une habitation du site datant de l’âge de bronze (v.2000) à l’Empire Romain a été identifiée archéologiquement, mais avec de longues interruptions dans son occupation. Pour certains chercheurs, la ville basse est prétendue avoir été construite au bronze moyen (à partir de 1500). Des tombes datant de ces temps anciens y ont été mises au jour. Les découvertes archéologiques sur le tell (ville haute) comprennent 18 couches (numérotés de 1 à 18). Les bâtiments de la ville basse sont subdivisés en cinq couches. Elles sont désignées par des chiffres Romains. La couche IA est à mettre en rapport avec la couche 6 de la ville haute.
 
   Les premières fouilles sur le site de Kültepe sont le fait de fouilleurs clandestins, durant la seconde moitié du XIXe siècle. À partir de 1880/81 apparurent sur le marché des antiquités des tablettes cunéiformes, qui, présentaient une origine Cappadocienne. Ces tablettes, vendues sur le marché de Kayserı attirèrent l’attention de chercheurs, qui repérèrent vite qu’elles provenaient d’un seul et même site, correspondant à l’antique Kanesh. Les premières fouilles furent menées par Ernest Chantre entre 1893 et 1894. En 1906, des recherches furent entreprises à l’Est du site par Hugo Winckler qui cherchait la capitale Hittite.
 


 

Une des tablettes
trouvées sur le site


   Ce fut Benno Landsberger qui identifia en 1924 le site comme étant celui de Kültepe, dont le tell qui avait déjà été fouillé par des Français, puis des Allemands, n’avait livré aucune tablette. L’année suivante, le Tchèque Bedřich Hrozný découvrit la ville basse et fut orienté vers la zone de l’ancien quartier marchand (le kārum), où il trouva un millier de tablettes. À partir de 1948 des archéologues Turcs de la Türk Tarih Kurumu (TTK, Société Turque historique) sous la direction de Tahsin Özgüç, reprirent le chantier, et depuis le site fait l’objet d’une campagne de fouilles chaque année et les mises à jour de tablettes ne se sont pas arrêtées. Depuis 2006 c’est Fikri Kulakoğlu qui dirige les fouilles.
 
   Le corpus de textes livré par les tablettes du kārum de Kanesh le place parmi les sites les plus prolifiques du Proche-Orient ancien avec 23.000 (Chiffre en 2013) tablettes d’argile répertoriées environ. La plupart datent de kārum II (1974-1836, Chronologie selon Klaas R.Veenhof), plus de 500 de kārum Ib (1832-1719 ou 1798-1740), environ 50 de la ville haute. Des près de 5.000 tablettes et fragments qui ont été exhumés avant 1948, plus des trois quarts proviennent de fouilles clandestines, et se trouvent dans des collections dispersées. Le reste, découvert depuis 1948, se trouve à Ankara. Hormis une poignée de tablettes retrouvées dans le palais royal, la documentation est le fait de marchands de la cité-État d’Assur faisant des affaires en Anatolie.
 
   Elles sont rédigées en paléo-Assyrien et en cunéiforme. Une grosse partie est composée de documents de nature privée, des lettres avant tout et des documents commerciaux tels que : Des tablettes de nature juridique, contrats et actes de vente, de prêts, de créances ; Des listes d’inventaires ; Des procès-verbaux et verdicts judiciaires ; Des actes de mariages, de divorces et d’héritages ; Des frais de transport etc… On a également retrouvé des textes de comptabilité, des exercices scolaires, des incantations, et des textes littéraires. Par contre les événements politiques de l’époque sont rarement mentionnés. Il y a plus de 3.000 textes maintenant publiés. Dans les tombes des pièces de monnaie de l’époque Hellénistique et Romaine ont été trouvés.

 

Le kārum

 
  Le quartier de la ville qui intéresse le plus les historiens est le quartier des marchands d’Assur (ou kārum, nom général qui signifie marché ou centre commercial en Akkadien)  qui fut bâti sur la partie basse du tell de Kanesh et protégé par une enceinte. Quatre phases d’occupation ont été identifiées. Celles datant au cours de l’âge du bronze (Plus précisément, première moitié du IIe millénaire) ont vu l’installation de marchands Assyriens à Kanesh. Les responsables locaux offrirent à ces derniers la possibilité d’installer des comptoirs commerciaux sans payer d’impôt, aussi longtemps que les marchandises restaient à l’intérieur du kārum. Les marchands d’Assur occupaient surtout le Nord du kārum, sur une superficie d’environ 250 m. x 300 m., le Sud étant habité par des Anatoliens. Plusieurs autres villes d’Anatolie eurent également un kārum, mais le plus important fut Kanesh.


 

Autre vue du kārum


  Le niveau II (kārum II – 1974-1836) est celui qui connut l’occupation la plus importante et qui livra le plus de tablettes. Il fut abandonné après la période Ia (après 1700), qui correspond aux années précédant la constitution du royaume Hittite. Le kārum fut détruit par un incendie à la fin du niveau kārum II ou début du kārum Ib (1832-1719). Les habitants laissèrent la plupart de leurs biens derrière eux qui sont aujourd’hui mis au jour par les archéologues. Les vestiges du kārum forment un grand monticule circulaire 500 m. de diamètre et d’environ 20 m au-dessus de la plaine (un Tell). Le tell est donc l’aboutissement de plusieurs périodes stratigraphiques superposées. Des ateliers ont également été mis au jour : Des céramistes, des métallurgistes, des tailleurs de pierre. Les archéologues pensent également avoir identifié des tavernes. En revanche, aucun bâtiment religieux ou public n’a été identifié, bien qu’ils fussent mentionnés dans les textes.
 
   Le quartier des marchands fut un espace relativement ouvert, traversé par de larges rues, plus ou moins à angle droit, pavées partiellement, et percé de sortes de places. Les maisons rectangulaires étaient regroupées en îlots (de quatre à huit) et certaines possédaient un étage. Elles faisaient de 40 m² à 200 m². Elles connaissent une division classique autour d’un espace central sur le rez-de-chaussée. Si nécessaire, et avec l’augmentation de la richesse, une maison était prolongée en trois espaces, magasins (renfermant souvent les archives), bureaux et habitations. D’autres habitations de taille réduite ne comportaient que deux salles avec éventuellement une petite cour. Les vestiges archéologiques retrouvés dans ses résidences sont toujours de type Anatolien. On y trouva notamment : De la vaisselle ; Des pots en céramique ; Des rhytons souvent zoomorphes (lions ou aigles) etc… Des tombes se trouvaient sous les maisons et ont également livré quelques objets comme des armes et des bijoux.

 


 

Vue des ruines du palais

La citadelle et le palais

 
  Le sommet du tell surplombait la plaine d’une vingtaine de mètres. Cette colline de la cité fut fortifiée par un mur qui entourait la ville haute. Environ au milieu de la colline, la citadelle, aujourd’hui en ruines, qu’il abritait, fut bâtie vers le milieu du IIIe millénaire. Des niveaux de la période de l’Empire Hittite y ont aussi été repérés. Les fouilles ont surtout concerné la période pré-Hittite, dans le palais dit “de Warsama (ou Warshama ou Warsama Sarayı)“, du nom d’un des Rois de Kanesh de l’époque du second comptoir Assyrien.
 
  Plusieurs niveaux ont été identifiés. Avec la période du kārum II (1974-1836) on trouve le niveau 8 du palais appelé Ancien palais (ou Eski Saray). Le palais (Niveau 7) a brûlé, et on y a retrouvé des poutres en bois qui ont permis de dater sa construction par le procédé de dendrochronologie. Il aurait été construit entre 1836 et 1825 av.J.C. Certains chercheurs avancent même une date précise, 1833 ?, coïncidant avec le kārum Ib (1832-1719 ou 1798-1740). Il aurait été restauré par endroits entre 1775 et 1764.
 
   Il mesurait 120 m x 110 m et comprenait la Citadelle. Il se composait d’une grande cour dans la partie Sud et un complexe de bâtiments dans la partie Nord. Il eut, au moins partiellement, deux étages, mais seulement les vestiges du rez-de-chaussée ont été préservés. Il possédait 42 chambres, dont des chambres de stockage, des bureaux administratifs et d’hébergement. Les quartiers d’habitations royales sont susceptibles d’avoir été situés à l’étage supérieur. Au Sud-ouest de la citadelle on trouvait le quartier du temple, avec quatre sanctuaires (correspondant au niveau 7) avec le même plan d’étage. Au Sud du temple et à l’Est des maisons privées ont été mises au jour. Elles n’ont été fouillées que partiellement mais on sait qu’elles étaient également closes.

 

Bibliographie

 
   Pour d’autres détails sur la cité voir les ouvrages de :
  
Levent Atici, Fikri Kulakoğlu, Gojko Barjamovic et Andrew S.Fairbairn :
Current research at Kültepe-Kanesh : An interdisciplinary and integrative approach to trade networks, internationalism, and identity, American schools of oriental research, Lockwood press, Atlanta, 2014.
Gojko Barjamovic, Thomas Hertel et Mogens Trolle Larsen :
Ups and downs at Kanesh : Chronology, history and society in the old Assyrian period, Eisenbrauns, Leiden, Septembre 2012.
Gojko Barjamovic :
A historical geography of Anatolia in the old Assyrian colony period, Carsten Niebuhr Institute of Near Eastern Studies, University of Copenhagen : Museum Tusculanum Press, Copenhagen, 2011.
Emin Bilgic :
Ankara Kultepe tabletleri, Ankara Anadolu Medeniyetleri Muzesi, Turk Tarih Kurumu Basimevi, Ankara, 1990-1995.
Cahit Günbattı :
Two treaty texts found at Kültepe, pp : 249-268, Assyria and Beyond, Studies presented to Morgens Trolle Larsen, Leyde, 2004.
Guido Kryszat :
Herrscher, kult und kulttradition in Anatolien, Altorientalische Forschungen 35, 2008.
Fikri Kulakoğlu et Selmin Kangal :
Anatolia’s prologue : Kultepe, Kanesh, Karum : Assyrians in Istanbul, Kayseri Metropolitan Municipality, Kayseri, 2010-2011.
Fikri Kulakoğlu et Güzel Öztürk :
New evidence for international trade in Bronze Age central Anatolia: recently discovered bullae at Kültepe-Kanesh, Antiquity Journal 89, 2015.
Fikri Kulakoğlu :
Kültepe Kanesh Karum : The earliest international trade center in Anatolia, pp : 40–51, Anatolia’s prologue, Kültepe Kanesh Karum, Assyrians in Istanbul Kayseri Metropolitan Municipality Cultural Publications 78, Kayseri Metropolitan Municipality, Istanbul, 2010.
Kültepe-Kaniş, Turkey : Preliminary report on the 2012 excavations, pp : 43–50, Bulletin of the Okayama Orient Museum 27, 2013.
Mogens Trolle Larsen :
The old Assyrian city-state and its colonies, Akademisk Forlag, Copenhagen, 1976.
James Mellaart :
Anatolian chronology in the early and middle bronze age, pp : 55–88, Anatolian Studies 7, 1957.
Cécile Michel et Paul Garelli :
Tablettes paleo-assyriennes de Kültepe, Institut Français d’É́tudes Anatoliennes d’Istanbul, De Boccard, Paris, 1997.
Cécile Michel :
Correspondance des marchands de Kaniš au début du IIe millénaire avant J.-C., Éditions du Cerf, Paris, 2001.
Marie-Louise Nosch et Eva B.Andersson Strand :
Textile production and consumption in the ancient near east : Archaeology, epigraphy, iconography, Oxbow Books, Oakville, 2013.
Tahsin Özgüç :
Kültepe-Kanis : Asur ticaret kolonilerinin merkezinde yapilan yeni arastirmalar. New researches at the center of the Assyrian trade colonies, Türk Tarih Kurumu Basimevi, Ankara, 1959.
Seals and seal impressions of level Ib from Karum Kanish, Türk Tarih Kurumu Basimevi, Ankara, 1968.
Kültepe and its vicinity in the iron age, Türk Tarih Kurumu Basımevi, Ankara, 1971.
New researches at the trading center of the ancient near east, Türk Tarih Kurumu Basımevi, Ankara, 1986.
Kültepe Kanis / Nesa : The earliest international trade center and the oldest city of the Hittites, The Middle Eastern Culture Center in Japan, Ankara, 2003.
Thomas Sturm :
Allānū – Haselnüsse als delikatesse im kārum-zeitlichen handel von Anatolien nach Nordmesopotamien, pp : 296–311, Altorientalische Forschungen 35, 2008.
Beatrice Teissier :
Sealing and seals on texts from Kültepe Kārum level 2, Nederlands Historisch-Archaeologisch Instituut Te Istanbul, Leiden, 1994.
Klaas R.Veenhof :
Kanesh : An Old Assyrian colony in Anatolia, in civilizations of the ancient near East, J. Sasson, Scribners, 1995.
Ilya S.Yakubovich :
Sociolinguistics of the Luvian language, E.J.Brill, Leiden, Boston, 2010.
Thomas Zehnder :
Die hethitischen frauennamen : Katalog und interpretation, Otto Harrassowitz, Wiesbaden, 2010.

 

 
  Copyright © Antikforever.com