Les cités Phrygiennes :
Gordion
 

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  Voir aussi :  Antioche de Pisidie, (ou Antioche de Phrygie), Apamée de Phrygie,
                                 Les Phrygiens, Les Peuples de la mer

 

Sommaire
 

Localisation
L’histoire
Le grand tumulus
Bibliographie

Vue du site

 

Localisation

 
   Gordion (En Grec : Γόρδιον, en Turc : Gordiyon) fut la capitale de la Phrygie et la résidence de ses souverains. Le site, identifié à la ville moderne de Yassihöyük dans le district de Polatlı, se trouve à environ 80 km. au Sud-ouest d’Ankara, dans la vallée du fleuve Sangarius (ou Sangarios ou Sakarya) qui coule du centre de l’Anatolie jusqu’à la mer Noire. Gordion était située sur la voie de l’ancienne route commerciale qui traversait le cœur de l’Asie Mineure, qui deviendra la "route Royale" sous le Roi Perse Darius I (522-486) et qui passait aussi par Pessinonte (ou Pessinus) et Ancyre (ou Ankara).


 

Entrée de la citadelle

 
   Des vestiges de la route sont encore visibles. La ville haute fut construite sur une colline de 40 à 70 mètres de hauteur. Les fouilles d’archéologues Américains ont révélé qu’au VIIIe siècle av.J.C, la ville basse et la zone au Nord de la citadelle étaient entourées d’un énorme rempart, très supérieur à celui des cités Grecques de l’époque, avec des tours régulièrement espacées, qui protégeaient des constructions bien alignées et faites selon le type traditionnel du mégaron (Nom de la pièce principale des habitations en Grèce et en Anatolie. Elle dispose d’un foyer central entouré de deux ou quatre colonnes).
 
   Dans les environs de Gordion, on a mis au jour plus de 100 tumuli funéraires datant de la période Phrygienne. Un d’entre eux, le "Tumulus de Midas", se démarque dans le paysage de part sa grande taille et son riche ornement. La cité fut découverte en 1895 par les frères Gustav et Alfred Korte. En 1900, des premières fouilles furent menées sur le tell et sur certains tumuli de sa région. Depuis 1950, le site est systématiquement fouillé, presque sans interruption, sous la supervision d’archéologues de l’Université de Pennsylvanie.

 

  Pour plus de détails voir : La carte de Phrygie

 
L’histoire……

 
   Le site sur lequel la ville fut érigée comporte des traces de peuplement datant du Chalcolithique (âge de cuivre, vers 2000 av.J.C) comme semble l’indiquer des fouilles profondes. Il fut occupé sans interruption jusqu’à la période Hittite où une cité d’une importance moyenne prit forme. Il est convenu aujourd’hui que les Phrygiens s’infiltrèrent en Anatolie à partir de 1200, à l’époque de la chute de l’Empire Hittite et qu’ils constituèrent leur royaume sur le territoire de ces derniers, mais toutefois pas au centre même de l’ex puissance Hittite, qui se situait dans le grand virage du fleuve Halys. Ils prirent pour capitale Gordion qui était localisée près du fleuve Sangarius (ou Sangarios ou Sakarya) plus à l’Ouest. Selon Homère (Poète Grec, fin du VIIIe siècle), les Phrygiens habitaient deux régions d’Anatolie : En Ascania, qui est la région autour du lac du même nom (aujourd’hui lac d’Iznik dans la province de Bursa), en Bithynie au Nord-ouest de l’Asie Mineure, et dans une terre de "forteresses", sur les bords du fleuve Sangarius, qui coule vers le Nord pour se jeter dans la mer Noire.


 

Autre vue des ruines de la cité

 
   On ne sait pas si les Phrygiens furent activement impliqués dans la chute des cités Hittites où si ils ont simplement emménagé, après l’effondrement de l’hégémonie de ces derniers, sur des sites désertés de ses habitants, comme semble l’indiquer celui de Gordion. Les Phrygiens empruntèrent d’ailleurs bon nombre d’éléments culturels aux civilisations Hittite et Ourartéenne. À partir de 1100 les Phrygiens fondèrent depuis Gordion un royaume indépendant qui grandit sans cesse au fils des siècles en territoire et en puissance. Il perdura cinq siècles sous le règne des Rois nommés tour à tour Gordias ou Midas, en maintenant des contacts commerciaux étroits avec ses voisins de l’Est et les Grecs de l’Ouest. Cependant, il n’est pas certains que les Phrygiens aient eu un contrôle total de l’Anatolie. Toutefois, le royaume semble avoir été assez puissant pour être en mesure de coexister avec les Assyriens, la puissance dominante dans l’Est de l’Anatolie à l’époque, jusqu’à la fin du VIIIe siècle où plusieurs éléments conjugués vont mener à sa perte.


 

Ruines des murs de la cité

 
   La cité connut son apogée sous le règne du Roi Midas III (738-695), connu dans les annales de l’Empereur d’Assyrie, Sargon II (722-705) sous le nom de Mita (Mi-Ta-A), Roi des Mosques (ou Mushki ou Moushkis). Dès le milieu de son règne Midas III dut faire face à la poussé de Sargon II qui cherchait à se rendre maître de l’Anatolie, mais aussi aux attaques des Cimmériens, qui étaient partis du Caucase et entraînaient la ruine de la plupart des grandes citées d’Anatolie.
 
   Afin de protéger sa capitale, Midas III la dota d’un énorme rempart, comme nous le confirment les fouilles d’archéologues Américains, très supérieur à celui des cités Grecques de l’époque, avec des tours régulièrement espacées qui protégeaient des constructions bien alignées et faites selon le type traditionnel du mégaron (Nom de la pièce principale des habitations en Grèce et en Anatolie, elle dispose d’un foyer central entouré de deux ou quatre colonnes). Toutefois un "palais" n’a pas pu être identifié. Aucun des bâtiments mis au jour ne se démarque nettement par ses dimensions d’un autre. Au Sud de cette citadelle il y avait une ville basse et une grande banlieue se trouvait sur l’autre rive du Sangarius. L’intérieur des maisons était partiellement décoré et certaines possédaient manifestement un plancher. La porte Nord de l’enceinte est bien documentée, il s’agissait plus d’un bastion dans le style des fortifications de Troie VI. Les bâtiments Phrygiens étaient pour la plupart construit avec des murs en pierre avec des colombages en poutres en bois.
 
   Malheureusement la cité eut beau être dotée d’un système défensif perfectionné, avec ses hauts murs d’enceinte, elle ne résista pas en 696 (on trouve aussi 679) au Roi Cimmérien Phrygerreich qui envahit la capitale Phrygienne. Il saccagea et brûla la cité, tel que le rapporta beaucoup plus tard Hérodote (Historien Grec, v.484-v.425). Midas III périt en les combattant, certains spécialistes avancent qu’il se serait suicidé en buvant du sang de taureau, ce qui mit fin à la domination des Phrygiens sur la région. De plus en plus d’historiens et d’archéologues ont tendance à prendre 679 comme date de la chute de Gordion. Alors que des fouilles récentes, se basant sur la datation d’artefacts et de restes de poterie avec les techniques de dendrochronologie (Méthode scientifique permettant d’obtenir des datations de pièces de bois à l’année près) et du radiocarbone, confirment une destruction de la ville aux environs de 800, qui ne serait donc absolument pas due aux Cimmériens. Cette réinterprétation archéologique est cependant très débattue.


 

Poterie trouvée dans le tombeau
de Midas – Musée d’Ankara

 
   Après la destruction de la ville haute, Gordion fut reconstruite. Les bâtiments détruits de l’époque Phrygienne furent artificiellement recouverts d’une épaisse couche de débris, jusqu’à 10 mètres, sur laquelle fut érigée la nouvelle ville de Gordion, dont les bâtiments sont similaires dans leur construction à ceux de la phase précédente, parfois ils ont même la même orientation. La transition entre ces deux cités se fit, semble t-il, sans interruption. Durant cette période, la Lydie, la nouvelle puissance montante de la région, repoussa les Cimmériens et profita de l’effondrement des Phrygiens pour annexer leurs territoires. Son Roi Candaule (ou Myrsilos), de la dynastie des Héraclides, fut déposé par Gygès (685-644) de la dynastie des Mermnades, qui s’installa à Sardes avec le titre de Roi de Lydie et commença son extension territoriale.


 

Rhyton à tête de bouc trouvé dans le
tombeau de Midas à Gordion
– Musée d’Ankara

 
   Le site Gordion contient un vaste programme de construction fait plus tard, semble t-il sous le règne du Roi de Lydie, Alyatte II (618-562). Il construisit une imposante forteresse sur une colline près de la citadelle. Quelques années plus tard, en 546, ce fut au tour du royaume de la Lydie de s’écrouler et Gordion tomba sous le joug du Roi Perse, Cyrus II (559-529). Elle fit alors partie de la satrapie de Phrygie qui comprenait aussi les régions de l’Hellespont, la Paphlagonie et la Cappadoce et dont la capitale devint Dascylion, une cité créée par le Roi de Lydie, Gygès en 659 sur les rives de la Propontide (L’actuelle mer de Marmara), à l’embouchure du fleuve Rhyndacos. Gordion, qui ne jouait plus aucun rôle politique depuis longtemps continua sous les Lydiens et les Perses à prospérer grâce à sa position géographique sur l’ancienne route commerciale qui traversait le cœur de l’Asie Mineure, qui devint la "route Royale" sous le Roi Perse, Darius I (522-486) et qui passait aussi par Pessinonte (ou Pessinus) et Ancyre (ou Ankara).
 
   Des vestiges de la route sont encore visibles. Elle logea aussi dans sa forteresse pendant une longue période, jusqu’en 334, une garnison Perse. À partir de 335, le Roi de Macédoine Alexandre le Grand (336-323) déjà maître de toute la Grèce, commença sa conquête de l’Asie. Ayant laissé le gouvernement du royaume à Antipatros (ou Antipater, Régent 321-319), il traversa l’Hellespont à la tête d’une immense armée de près de 35.000 fantassins et 5.000 cavaliers et débarqua en Troade. Alexandre libéra successivement toutes les villes côtières Grecques de l’Asie Mineure. L’hiver 334/333 fut mit à profit pour s’emparer de la Lycie, de la Pamphylie, puis de la Phrygie. Alexandre, par l’intermédiaire d’un de ses Généraux, Parménion (v.400-330), fit le siège de la citadelle et prit Gordion ce qui lui assura la maîtrise de l’Anatolie. Lors de sa visite dans la cité il y coupa le fameux nœud Gordien dans le temple de Sabazios. La légende disait que celui qui relèverait le défit et arriverait à défaire le nœud serait le maître de l’Asie.
 


 

Poterie trouvée dans le tombeau
de Midas – Musée d’Ankara

   Après la mort d’Alexandre, ses anciens Diadoques se disputèrent les parties de l’Empire et lors du premier partage des territoires, la Phrygie et ses cités, dont Gordion, échurent à Antigonos I Monophtalmos ("Le borgne", Roi 306-301), qui les occupa durant une quinzaine d’années avec quelques intrusions du Roi de Thrace, Lysimaque (322-281). Après quoi Séleucos I Nikatôr (305-280), fondateur de la dynastie Séleucides, prit le contrôle de la région pour peu de temps, car vers 275, toute la partie à l’Est du Sangarius (ou Sangarios ou Sakarya) fut conquise par les Celtes qui lui laissèrent le nom de Galatie. Gordion fut une nouvelle fois prise et détruite, cette fois par les Galates, des restes de sacrifices humains ont été découverts. Les périodes Perse et Hellénistique de la cité ont été peu étudiées par les archéologues, mais ces dernières années cependant on a mis au jour un certain nombre d’artefacts et de poteries. Ces derniers tendent à prouver que la ville existait toujours même après la période Galate assez difficile.

 

Détails de la marqueterie d’un paravent –
Tombeau de Midas – Musée d’Ankara

 
   Plus tard, en 189 av.J.C, lorsque le Général Romain Manlius Vulso fit campagne en Phrygie, il trouva le centre de l’ancienne citadelle et la ville basse de Gordion abandonnées, seules les banlieues de l’Ouest de la cité étaient toujours occupées. En 188, alors qu’elle était revendiquée par les Séleucides, les Galates et les Attalides, la Phrygie fut récupérée définitivement par ces derniers lors de la Paix d’Apamée qui fut imposée par Rome. De nouveau disputée entre le Roi du Pont et le Roi de Bithynie, lors de la disparition du royaume de Pergame, la Phrygie fut rattachée, en 103 par Rome, à l’importante province d’Asie. À l’époque Romaine Gordion resta l’un des plus importants centres commerciaux dans la région, mais perdit toutefois petit à petit de son importance pour finalement être abandonnée et oubliée jusqu’à la fin du XIXe siècle, en 1895, où elle fut redécouverte par les frères Gustav et Alfred Korte.

 

Le grand  tumulus  de  Midas III

 
  Plus de 100 tumuli funéraires datant de la période Phrygienne sont éparpillés dans la campagne environnante. Un d’entre eux, le "Tumulus de Midas", se démarque dans le paysage de part sa grande taille et son riche ornement. Toutefois, aucun élément textuel ne prouve que ce tumulus fût le lieu de sépulture du Roi Midas III (738-695). Le "Tumulus de Midas", d’un diamètre d’un peu moins de 300 m. et d’une hauteur de 53 m., fait l’objet de fouilles archéologiques en 1957. À la base du tertre de pierres de l’édifice les archéologues mirent au jour une structure en bois de 5,15 m. x 6,20 m. pour une hauteur de 3,25 m., qu’ils identifièrent comme la chambre funéraire.


 

Entrée du tumulus de Midas

 
   En 1969, des archéologues liés à l’Université de Pennsylvanie ouvrirent par forage un passage dans la chambre. Sur un lit de bois dans un coin de celle-ci, ils trouvèrent le squelette d’un homme de petite taille (1,59 m), âgé d’environ 60 ans, le Roi Midas III ou son père, voire même son grand-père ?, rien ne permet aujourd’hui de le dire clairement. Des études récentes semblent toutefois indiquer une date un peu plus âgée pour la tombe que celles avancées pour le règne de Midas III, ce qui fait plus pencher certains spécialistes pour que la sépulture de son prédécesseur. D’autres études avaient été faites et avançaient exactement l’inverse et positionnaient la tombe après l’invasion Cimmérienne?. Une reconstitution de la chambre funéraire se trouve au Musée des civilisations Anatoliennes à Ankara.


 

Intérieur de la chambre funéraire

 
   La dépouille de ce Roi était accompagnée d’une variété de bronze, notamment la plus belle collection à ce jour de rhytons (Vases à boire) jamais découverte, de vases en céramique, d’offrandes de nourriture et des meubles en bois recouverts de marqueterie. Ce qui a surpris les archéologues, qui ont fouillé ce tombeau, c’est le manque d’or dans la chambre funéraire, parce que Midas III était célèbre pour ses trésors. L’une des raisons serait que les Cimmériens auraient pillé les richesses du Roi lors de la prise de la ville. Le tumulus contenait également une des plus anciennes inscriptions en Phénicien trouvée en dehors de cette région.
 
   Une tombe de 17 m. de hauteur découverte au XIXe siècle, sur le site archéologique de Midas Sahr (ou Midas Şehri) était également attribuée à Midas III. Le site se trouve dans le village de Yazilikaya, à mi-chemin entre Eskişehir et Afyon. Cet édifice n’est plus considéré aujourd’hui comme une tombe, mais plutôt un site sacré pour la Déesse Cybèle. La conservation du grand tumulus de Midas, est sous la direction de Gilbert Kenneth Sams, qui s’est surtout préoccupé de son intérieur. Les artefacts qui y ont été mis au jour, y compris les meubles spectaculaires, se trouvent aujourd’hui au Musée des civilisations Anatoliennes d’Ankara.

 

Bibliographie

 
   Pour d’autres détails sur la cité voir les ouvrages de :
 
Klaus Belke et Norbert Mersich :
Phrygien und Pisidien, Tabula Imperii byzantini 7, Verlag der österreichischen Akademie der Wissenschaften, Wien, 1990.
Keith De Vries :
From Athens to Gordion, Philadelphia University Museum, 1980.
Ann Clyburn Gunter :
Gordion excavations final reports Vol. III : The Bronze Age, University Museum, University of Pennsylvania, Philadelphia, 1991.
Gilbert Kenneth Sams :
Gordion special studies, University Museum, University of Pennsylvania, Philadelphia, 1987.
Gordian excavations 1950-1973, vol. IV, pt. 1-2 : The early Phrygian pottery, University Museum monograph v. 79, University Museum, University of Pennsylvania, Philadelphia, 1994.
Ellen L.Kohler et Geoffrey D.Summers :
The Gordion excavations (1950-1973) final reports Vol. II : The lesser Phrygian tumuli, Part 1, the inhumations, pp : 625-626, AJA 102, N°3, New York, 1998.
Gustav et Alfred Körte :
Gordion : Ergebnisse der ausgrabung im jahre 1900, Reimer, Berlin, 1901 et 1904 – Jährliches Ergänzungsheft 5, 1904.
Michel Lejeune :
Les inscriptions de Gordion et l’alphabet phrygien, W. de Gruyter, Berlin, 1970.
Machteld Johanna Mellink :
A Hittite cemetery at Gordion, University Museum, University of Pennsylvania, Philadelphia, 1956.
Salomon Reinach :
Les fouilles de Gordion en Phrygie, Ernest Leroux, Paris, 1904.
Lynn Roller :
Gordion special studies, Vol. I : Nonverbal graffiti, dipinti, and stamps, University Museum, University of Pennsylvania, Philadelphia, 1987.
Irène Romano :
Gordion special studies Vol. II : The terracotta figurines and related vessels, University Museum, University of Pennsylvania, Philadelphia, Janvier 1995.
Elizabeth Simpson :
Midas’ bed" and a royal Phrygian funeral, pp : 69-87, Journal of Field Archaeology 17, N°1, 1990.
The Gordion wooden objects, E.J. Brill, Leiden, Extenza Turpin, Biggleswade, 2008.
Rodney Stuart Young :
Gordion : Aux fouilles et au musée, Société d’Ankara pour la promotion du tourisme, des antiquités et des musées, Ankara, 1975.
The Gordion excavations, Vol. I : Final reports, Three great early tumuli, University Museum monograph 43, University of Pennsylvania, Philadelphia, 1981.

 

 

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