Plat représentant Châhpûhr II à la chasse aux lions – Argent |
Son origine
Arsace II (ou Arshak ou Archak ou Arsakes ou Aršak, en
Arménien :
Արշակ Բ) fut un souverain de la dynastie
Arsacide Arménienne de 350 à 367 ou 350 à 368
ap.J.C selon les sources,
cette dernière étant généralement la date retenue. Il fut le fils de
Tigrane VII et d’une
épouse dont le nom est inconnu. Il passa sa jeunesse sous la captivité du Roi
Perse,
Châhpûhr II
qui avait envahit l’Arménie
lors du règne de son père. Ce dernier, la Reine et sa famille avaient été pris en otage. Accusé par
Châhpûhr II de collusion avec Rome, son père
eut les yeux crevés et fut jeté en prison en représailles. Toutefois, l’armée et la noblesse
Arménienne, assistées par les Romains, excédées par la brutalité du Roi
Perse et du traitement qu’il infligeait à
Tigrane VII et à sa famille, luttèrent contre les
envahisseurs et réussirent à les battre. Les
Perses,
vaincus signèrent un traité et acceptèrent de libérer
Tigrane VII. Cependant, en
350, le Roi déprimé et aveugle, abdiqua et remit la couronne à son fils Arsace
II avec le consentement des
Perses.
Son règne
Sa politique intérieure
Dès qu’il arriva sur le trône et dans les premières années
de son règne Arsace II fut courtisé par les Empires de Rome et de
Perse, chacun
essayant de gagner l’Arménie de leur côté en vue des prochains conflits. En 351, Arsace II consentit, à
la demande de l’Empereur Constance II (337-361), à épouser une Princesse
Romaine, Olympias, fille du Préfet du prétoire Flavius Ablavius (ou Flavius Ablabius). Son père fut l’un des plus importants
Sénateurs Romains de Constantinople. Arsace II réussit tout de même à maintenir la neutralité
de l’Arménie jusqu’en 361. Selon l’historien Romain Ammien Marcellin (ou Ammianus Marcellinus, 325/330–v.391),
Arsace II fut “un fidèle et constant ami” des Romains.
Pendant ce temps, le Roi Perse,
Châhpûhr II (ou Shapur,
310-379) intensifia ses efforts en vue de la conquête de l’Arménie une fois pour
toutes. Il commença par mettre de son côté la noblesse Arménienne en lui
distribuant des pots-de-vin, surtout à Vahan Mamikonian et Mérouzhan Artzruni
(ou Merujan Ardzrouni ou Arçrouni),
pour les faire adhérer à sa cour royale. Ces deux derniers furent Gouverneur en
369 et 370 lors de l’occupation du pays.
Nersès I le Grand |
Arsace II se concentra lui sur le renforcement de son armée. Il récompensa des Généraux fidèles et, à l’inverse,
punit sévèrement les déloyaux. Gérard Dédéyan nous dit qu’il favorisa également en 353, l’accession au Patriarcat de Nersès I,
l’héritier de la dynastie de Catholicos créée par Grégoire I l’Illuminateur. Il conçut un plan ambitieux dans lequel tous les
criminels qui s’étaient installés dans sa ville nouvellement fondée, Arshakavan, recevaient l’amnistie complète, soit
environ 150.000 personnes installées dans la cité. Son espoir était de créer une grande armée directement sous son commandement.
Mais, la noblesse Arménienne fut en désaccord avec son plan et par la suite détruisit la ville et tua les habitants.
Selon Moïse de Khorène (ou Movsès Khorenatsi ou Movsēs Xorenac‘i, 410-v.490), Arsace II fut accusé par les
ecclésiastiques d’avoir fait assassiner son neveu Gnel. Le Roi lui reprocha de se comporter en prétendant au trône en se
constituant un apanage dans le domaine royal de l’Ayrarat et en s’entourant des fils des principaux Nakhararks
(En Arménien :
Նախարար, ou Nakhararq "Premier
né") du royaume. Gnel fut attiré dans un piège et tué lors d’une partie de chasse sur
ordre du souverain, qui épousa immédiatement après sa veuve, la Princesse Pharantzem, après s’être débarrassé de sa propre épouse
Olympias ?. Selon la tradition, Nersès I maudit alors la descendance du Roi.
Le Roi fut également en conflit avec les dynastes féodaux. Après s’être débarrassé de la famille des Kamsarakan,
il se brouilla avec un Mamikonian, Vardan I, le chef du parti
pro-Perses de sa cour. À l’instigation de la Reine
Pharantzem et du Sparapet (ou Général) Vasak I Mamikonian, propre frère de Vardan, il fit assassiner
Vardan I dans sa résidence du Tayk.
Deux des plus puissants féodaux, Mérouzhan Artzruni (ou Arçrouni) et Vahan
Mamikonian, le frère cadet de Vardan et de Vasak, décidèrent alors de répondre
favorablement aux avances du Roi Perse,
Châhpûhr II et gagnèrent sa cour.
Au delà de sa volonté guerrière Arsace II fut aussi un bâtisseur. Son architecte en
chef fut son cousin, Nersès I le Grand. On lui attribue l’amélioration de
plusieurs aspects du royaume, comme : La création de nombreux monastères ce qui
permit de diffuser l’Évangile, la construction d’hôpitaux, la création de
nombreuses écoles qui enseignaient les langues
Assyrienne et
Grecque, depuis la
Sainte Bible qui était lue dans ces langues à cette époque. Il interdit les mariages endogames, la polygamie, le divorce,
les rites païens, l’ivresse et la vengeance par meurtres. Il encouragea les propriétaires d’esclaves à être miséricordieux
envers eux et à les traiter comme des égaux.
L’Empereur Julien – Musée de Cluny
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Sa politique extérieure, la
défense du pays
Alors que la monarchie Arménienne se trouvait
affaiblie par la nouvelle rupture avec le Patriarcat et la défection des féodaux,
les Romains et les Perses
furent de nouveau impliqués dans un conflit. Selon Gérard Dédéyan,
Châhpûhr II, qui considérait Arsace II comme
son vassal, le convoqua à sa cour avec Vasak Mamikonian et il exigea que le souverain lui prête allégeance en jurant sur la Bible.
De retour en Arménie, Arsace II fit exécuter Vardan Mamikonian et se rapprocha de l’Empereur Constance II
(337-361) qui le reçut en 360 à Césarée de Cappadoce.
En 363, ce fut au tour de l’Empereur Julien l’Apostat (ou Flavius Claudius Julianus, 360-363) de faire une
campagne contre les Perses.
À la tête d’une grande armée de 60.000 hommes à laquelle s’ajouta l’aide d’Arsace II, Julien avança vers la capitale Sassanide,
Ctésiphon. Les Romains
parvinrent à prendre des fortifications ennemies le long de l’Euphrate tandis que
Châhpûhr II refusa le combat. En Juin 363,
Julien remporta une victoire à Maranga.
Châhpûhr II souhaita alors signer
un traité de paix. Devant le refus des Romains il se réfugia derrière les fortifications de
Ctésiphon. L’Empereur Julien
n’étant pas équipé pour tenir un siège, se retira et suivit le Tigre en comptant attirer l’armée
Perse hors de ses murs.
Châhpûhr II devant un ennemi supérieur en nombre adopta une technique de
guérillas et harcela les troupes Romaines qui furent obligées de se retirer vers
l’Assyrie.
Au cours de cette retraite Julien fut tué.
Malgré les cadeaux que Châhpûhr II
envoya au Roi Arménien, celui-ci demeura fidèle à l’alliance Romaine et, en 363, envoya même un Ambassadeur à Constantinople lors
de l’avènement de l’Empereur Jovien (ou Flavius Claudius Jovianus, 363-364). Lors de l’offensive Romaine contre
la Perse, Arsace II fut chargé d’une intervention
avec un corps d’armée Romain en Médie.
En Juillet 363, L’Empereur Jovien fut battu et signa une paix déshonorante pour les Romains avec
Châhpûhr II, traité dans lequel il laissa aux
Perses toutes les conquêtes Romaines faites
en Arménie depuis Dioclétien (284-305) et la prise en charge des forteresses de
Nisibe (ou Nisibis ou Nusaybin), Castra Maurorum et Singara. Arsace II se retrouva
alors abandonné par les
Romains et eut le lourd fardeau de défendre l’Arménie tout seul. Les
Perses,
contient de cette faiblesse, l’attaquèrent rapidement, mais sans
succès total. D’abord au Nord vers l’Azerbaïdjan, où Arsace II réussit à leur infliger des pertes, en partie grâce au
commandement du Sparapet (ou Général) Vasak Mamikonian. Selon Moïse de Khorène, une autre partie des armées
Perses,
guidées par le traître Mérouzhan Artzruni (ou Merujan Ardzrouni ou Arçrouni),
attaquèrent le pays par le Sud et réussirent à détruire l’ancienne capitale Tigranocerta et emmenèrent
ses habitants en captivité.
Tête probablement de Châhpûhr II – Metropolitan
Museum of Art
|
Châhpûhr II, voyant que ce n’était pas par la
force qu’il allait soumettre Arsace II, décida de passer par la traîtrise. Arsace II fut invité par le Roi
Perse à des pourparlers de paix. Quand il arriva
avec Vasak Mamikonian, ils furent faits prisonnier. De sa prison
Perse, Arsace II ne fut plus en mesure d’arrêter
l’invasion de l’Arménie et le pays devint possession
Sassanide. Il fut enfermé au Khouzistan (ou Khûzistân), au "Château de l’Oubli" où après une longue
captivité, il se donna la mort. Vasak Mamikonian, lui fut écorché vif par les
Perses.
Pendant les deux ans qu’il dirigea le pays, de 368 à 370,
Châhpûhr II fit tout pour supprimer les
Catholiques et les convertir au Zoroastrisme. Il fit diriger le pays par des Gouverneurs aux noms de :
Cylax (ou Cylaces ou Zig, 368-369), Artaban (ou Artabanes ou Karen, 368-369), Vahan Mamikonian (369-370) et Mérouzhan Artzruni
(ou Merujan Ardzrouni ou Arçrouni, 369-370).
Une légende entour la fin de la vie d’Arsace II. Un Arménien, du nom de Trastamat, sauva la vie de
Châhpûhr II au combat. Le Roi
Perse pour le remercier lui accorda un
souhait. Trastamat voulait visiter le prisonnier Arsace II. Au cours de sa visite Arsace II très déprimé en souvenir
de ses jours de gloire prit le couteau de son visiteur et se tua. Trastamat, ému par ce qu’il venait de voir prit le couteau
de la poitrine d’Arsace et se poignarda aussi.
Châhpûhr II, dès 368,
avait assiégé l’épouse d’Arsace II, Pharantzem (ou Parandzem) retranchée avec leur fils
Pap (ou Bab ou Papes ou Papas) et le trésor de l’Arménie dans la
forteresse d’Artogerassa qui était défendue par une troupe de Azatk (En Arménien :
ազատ , Singulier Azat, classe de la noblesse Arménienne). Durant le siège, la Reine Pharantzem
(ou Parandzem) lança un appel à Cylax et Artaban au nom de son mari pour organiser la fuite de
Pap. On ne sait pas si ils
l’aidèrent, mais Themistius (Homme d’État et philosophe, 317-387) signale l’arrivée de
Pap
à la cour de l’Empereur Romain Valens (364-378) à la juridiction du monastère de Marcianopolis (ou Marcianople ou Devnya en
Bulgarie aujourd’hui, sur la rive droite du Danube) où celui-ci était en hivernage. Valens lui ordonna de se cacher à Niksar
(ou Neokaisáreia ou Neocaesarea) ville du Pont Polémoniaque, à trois cents kilomètres de la frontière Arménienne.
Comme nous le précise Noël Lenski, au lieu de
rechercher Pap, Châhpûhr II
concentra son attaque sur le siège de la forteresse d’Artogerassa qui tomba pendant l’hiver 369/370, le trésor royal
fut volé par les Perses
et la Reine Pharantzem fut violée et assassinée.
Sa famille
Arsace II eut, en fonction des spécialistes, trois épouses :
• Une femme au nom inconnu,
qu’il épousa avant de monter sur le trône et qui mourut semble t-il en 358. Elle lui donna un fils :
▪ Anob, qui selon Saint Mesrop Mashtots (Prêtre et historien de Nersès I le Grand)
et plus récemment Cyrille Toumanoff,
eut un fils appelé
Varazdat (ou Vasazdad, en Arménien :
Վարազդա տ, latinisé
Varasdates) futur Roi d’Arménie de 374 à 378, qui se proclama d’ailleurs comme le neveu de
Pap (ou Bab ou Papes ou Papas).
• Olympias, qu’il épousa en 351. Ce fut une Princesse Romaine, fille du Préfet du prétoire,
Flavius Ablavius (ou Flavius Ablabius). Son père fut l’un des plus importants Sénateurs Romains de Constantinople.
Arsace II n’eut pas d’enfants avec elle. Elle mourut en 361, elle aurait été empoisonnée.
• Pharantzem (ou Parandzem ou P’arhanjem ou Parantzem ou Pharandsem ou Paranjem ou Parandzem de Siounie
[ou Siwnik ou Siunik, province d’Arménie], en Arménien :
Փառանձեմ). Elle fut la fille d’Andovk
II (ou Andok ou Antiochus)
qui servit comme Nakharark (ou Naxararq, titre de noblesse).
Il l’épousa en 360. Elle mourut au cours de l’hiver 369/370. Elle fut la veuve du neveu d’Arsace II, le Prince
Arsacide Gnel. Elle lui donna un fils :
▪
Pap (ou Bab ou Papes ou Papas) qui naquit
en 360 et qui fut le seul enfant connu né de ce mariage.
Bibliographie
Pour d’autres détails sur le
souverain voir les ouvrages de :
Krikor Jacob Basmadjian :
– Chronologie de l’histoire de l’Arménie, Revue de l’Orient Chrétien, Bureaux des œuvres d’Orient,
Tome IX (XIX), Paris, 1914.
Paul Bedoukian :
– Coinage of the Armenia kingdoms of Sophene and Commagene, Los Angeles : Armenian
Numismatic Society, 1985.
Mark Chahin :
– The kingdom of Armenia, Routlege, 2001.
Gérard Dédéyan :
– Histoire du peuple Arménien, Privat, Toulouse, 1986 et 2007.
René Grousset :
– Histoire de l’Arménie des origines à 1071, Payot, Paris, 1947, 1973, 1984, 1995 et 2008.
Richard G.Hovannisian :
– The Armenian people from ancient to modern times, vol. 1, The dynastic periods : From antiquity to the fourteenth
century , St. Martin’s Press, New York, Janvier 1997.
Mihran Kurdoghlian :
– History of Armenia, vol. III, Council of National Education Publishing, Athènes, 1996.
Vahan M.Kurkjian :
– A history of Armenia, Armenian General Benevolent Union, New York, 1958.
Henry Lenormant :
– La monnaie dans l’antiquité,
PUF, Paris, 1878.
Noël Lenski :
– Failure of Empire: Valens and the Roman State in the Fourth Century A.D,
University of California Press, Los Angeles, 2003.
Noel Emmanuel Lenski :
– Failure of empire : Valens and the Roman state in the fourth century A.D.,
University of California Press, Berkeley, 2002
Annie et Jean-Pierre Mahé :
– L’Arménie à l’épreuve des siècles, Gallimard, 2005.
Claire Mouradian :
– L’Arménie, Presses universitaires de France, Paris, 1995.
Stephen H.Rapp :
– Studies in medieval Georgian historiography : Early texts and Eurasian contexts, Peeters Bvba, Louvain, 2003.
Anne Elisabeth Redgate :
– The Armenians, Malden, Blackwell Publishers, Oxford, 1999.
Cyrille Toumanoff :
– Studies in Christian Caucasian history, Georgetown University Press, Georgetown, 1963.
– Manuel de généalogie et de chronologie pour le Caucase chrétien (Arménie, Géorgie, Albanie), 1976.
– Les dynasties de la Caucasie chrétienne de l’Antiquité jusqu’au XIXe siècle : Tables généalogiques et chronologiques,
Rome, 1990.
Pour la bibliographie générale sur l’Arménie voir :
Arménie – Bibliographie. |