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Nisibe
(ou Nusaybin ou Nisibis ou Nizibis, en
Grec :
Νίσιβις, en Kurde : Nisêbîn, en Syriaque :
ܨܘܒܐ, Ṣôbâ ou Beth Arabâyâ, en
Araméen :
ܢܨܝܒܝܢ Nisibin ou Naşibīna, en
Akkadien : Naṣībīna, en
Arménien :
Մծբին Medzpine ou Mtsbin, en
Persan : نصیبین Nusaybin ou Arvastân)
est une ville du sud-est de la Turquie actuelle, située dans la province de Mardin, à la frontière Turco-syrienne. En fonction des auteurs, la ville et sa région,
font partie soit de la Haute-Mésopotamie, soit du Sud de
l’Anatolie, sur le territoire de
l’Osroène
où de l’ancienne Commagène. Elle fut un haut-lieu de
l’histoire du Christianisme de langue Syriaque. Nisibe est aussi connue comme l’ancienne Antioche de Mygdonie.
La ville fut d’une grande importance religieuse et à partir de la délocalisation de la célèbre école
d’Edesse elle devint en 489 un centre universitaire.
Ruines de l’église Saint Jacob |
L’histoire….
La ville de Nisibe est connue depuis le Xe siècle av.J.C
où elle est citée pour la première fois lors de sa prise, en 901 av.J.C.,
par les troupes Assyriennes de l’Empereur
Adad-Nirâri II (ou Adad-nirari ou
Adad-Nerari ou Adad-nārārī, 912-891) lors d’une bataille contre le royaume de Tayma (ou Tema ou Teema). Selon Jona Lendering,
Naşibīna (Nisibe) était un royaume Araméen.
En 852 av.J.C elle fut entièrement annexée à l’Empire
Assyrien et elle apparait dans les listes Assyriennes
comme le siège d’un Gouverneur provincial nommé Shamash-Abua. De la moitié du IXe siècle, jusqu’à 612 av.J.C elle fut la capitale d’une province
Assyriennes. Cette région fut appelée par
Strabon (Géographe
Grec, v.63 av.J.C-v.23 ap.J.C), Mygdonie
(en Grec : Μυγδονία,
en Latin : Mydonia). D’après le géographe Nisibe était au pied des montagnes Mont Masius (ou Karajah Dagh pour les arabes).
Dès 608 elle passa sous annexion des
Néo-Babyloniens (609-539), puis tomba
aux mains des Perses Achéménides (549-331), et le resta jusqu’à sa prise,
en 332, par le Roi de Macédoine,
Alexandre le Grand (336-323).
Sous l’Empire Séleucides (305-64 av.J.C), qui suivit,
Nisibe fut appelée Antioche de Mygdonie (En Grec :
‘Aντιόχεια de Μυγδονίας). Elle fut mentionnée
sous ce nom par Polybe (Général, homme d’État et historien
Grec, v.205-126 av.J.C) dans sa description de la marche
du Roi Antiochos III
(223-187) contre le Général Molon et son frère Alexandre (Polybe, V, 51).
Plutarque
(Philosophe, biographe et moraliste Grec,
46-v.125) suggéra que la ville fut peuplée par des descendants
Spartiates ?.
Nisibe repris son nom à partir de 141 av.J.C.
lorsque l’Arménie d’Artavazde I (ou Artavasdes ou Artavaside ou Artuasdes,
160-149 ou 160-123) prit possession de l’Adiabène (Royaume de
Mésopotamie dont la capitale était Arbèles, aujourd’hui Erbil en Irak).
Ruines de l’École de Nisibe |
Autour du Ier siècle de notre ère, Nisibe fut la ville de Juda ben Bathyra
(ou Judah Bathyra ou Beseira) qui y fonda une Yechivah (ou Yeshivah, centre d’étude de la Torah et du Talmud dans le Judaïsme).
Puis à partir d’environ 36/38 ap.J.C. La cité fut prise et incorporée à l’Empire
Parthe
d’Artaban III (ou Artabano ou Artabanus ou
Artabanos, ou Arsace XIX, 10/12-38/40), la nouvelle puissance de la région.
Comme beaucoup d’autres villes elle fut un lieu où s’affrontèrent les luttes de pouvoir entre Romains et
Parthes et elle fut souvent prise et reprise.
Notamment une fois par Lucius Licinius Lucullus (115-57, homme d’État et Général Romain) après un long siège (Dion
Cassius, XXXV, 6,7), puis à
nouveau, en 115, par l’Empereur Romain Trajan (98-117), pour lequel il gagna le nom de Parthicus. Puis perdue et retrouvée contre les
Juifs
lors de la Guerre de Kitos (ou révolte des exilés, en
Hébreu :
מרד הגלויות Mered hagalouyot
ou מרד התפוצות Mered hatfoutzot) qui fut
une insurrection quasi-générale et simultanée des
Juifs
contre les Romains. Enfin elle fut reperdue au profit des
Parthes en 194.
Elle resta leur possession jusqu’à sa récupération par l’Empereur Romain Septime Sévère (193-211) à la fin du IIe siècle
qui en fit son quartier général et y rétablit une colonie. À partir de cette époque,
compte tenu de son emplacement idéal et de son importance économique et militaire, elle fut constamment disputée entre les Romains et les
Perses Sassanides (224-651) et la ville changea à plusieurs reprises
de propriétaire. La dernière bataille entre Rome et les Parthes eut
lieu dans les environs de la ville en 217. Ces derniers furent remplacés comme puissance dominante de la région par la
dynastie Sassanide. Leur Roi
Châhpûhr I (ou Šāpūr ou Šābuhr ou Shapur ou Sapor, 241-272)
conquis Nisibe, mais en fut chassé en 260 par les Romains.
Intérieur de l’église Saint Jacob |
En 298 un accord de paix (La paix de Nisibis) y fut conclu entre l’Empire Romain et les
Sassanides à la suite de la victoire l’année précédente de l’Empereur
Romain Galère (305-311) sur celui des Sassanides,
Narses (ou Narseh ou Narseus ou Narsi, 293-302). Elle devint alors la
ville Romaine la plus importante du Nord de la Haute-Mésopotamie
et elle fut déterminée comme l’un des trois seuls endroits, où devaient avoir lieu, le commerce entre les deux grandes puissances.
De 309 à 338 ap.J.C, Jacques de Nisibe (ou Saint Jacob) Évêque Chrétiens de la ville, y construisit une église, qui prit ensuite son nom et dont les ruines
et sa tombe sont encore visibles. L’historien Romain, Ammien Marcellin (ou Ammianus Marcellinus, v.330-v.395) gagna sa première expérience pratique de
la guerre, jeune homme à Nisibe sous le maître de la cavalerie, Ursicinus.
En 338, 346 et 350 ap.J.C le Roi Sassanide
Châhpûhr II le Grand (ou Šāpūr ou Šābuhr ou Shāhpur
ou Schāpūr, 309 à 379) assiégea la ville, en vain. En raison de son importance stratégique à la frontière
Sassanide
Nisibe fut lourdement fortifiée. De 360 à 363, la cité fut le camp de base de la Legio I Parthica (ou Legio prima Parthica “1ère Légion Parthe“)
qui était une légion de l’armée Romaine Impériale fondée en l’an 197 par l’Empereur Septime Sévère (193-211).
Ammien Marcellin (ou Ammianus Marcellinus) appelle affectueusement Nisibe la “ville imprenable” (Urbs inexpugnabilis) et “rempart des provinces”
(murus provinciarum).
En 363 ap.J.C, Châhpûhr II le Grand
fit une nouvelle tentative pour prendre la cité, face à l’Empereur Romain Julien l’Apostat (360-363). Dans le même temps, devant un ennemi supérieur en nombre il
adopta une technique de guérillas et harcela les troupes Romaines qui furent obligées de se retirer vers
l’Assyrie. Au cours de cette retraite Julien fut tué.
Son successeur l’Empereur Jovien (Flavius Iovianus, 363-364), en Juillet 363, signa avec
Châhpûhr II une paix déshonorante pour les Romains. Dans ce traité il laissa
aux Perses la suzeraineté sur
l’Arménie et une
partie de la Mésopotamie,
et Nisibe redevint possession Sassanide.
Dans les négociations Châhpûhr II avait exigé à Jovien le départ de
tous les citoyens Romains, y compris le Docteur de l’Église, Éphrem le Syrien (ou Afrêm Sûryāyâ ou Afrem Suryoyo ou Ephraim Syros ou Ephraem Syrus,
306-373) qu’il voulait remplacer par des familles Perses.
Jovien, contraint d’accepter, donna trois jours à ses compatriotes pour quitter la cité. Beaucoup allèrent s’installer à Amida (ou Diyarbakır ou Amed ou
Derbekir) une ville du Sud-est de la Turquie actuelle sur le Haut-Tigre.
Ammien Marcellin (ou Ammianus Marcellinus) fut un témoin oculaire de cette période et condamna l’Empereur Jovien de l’abandon de la ville fortifiée,
sans un combat. En cela il fut certainement en ligne avec l’opinion publique Romaine contemporaine.
Tête probablement de Châhpûhr II le Grand en argent doré –
Metropolitan Museum of art |
La ville fut le siège de l’École théologique de Nisibe, une des grandes écoles
théologiques des premiers siècles du Christianisme,
en prenant la suite de l’école d’Édesse, dite aussi école des
Perses,
après la fermeture de celle-ci en 489. Plus tard, Nisibe fut la métropole
ecclésiastique de la province de Bit-Arbaye et dès le milieu du Ve siècle elle
fut le siège épiscopal le plus important de l’Église d’Orient après
Séleucie
sur le Tigre
et
Ctésiphon.
En 530, Nisibe fut le théâtre d’une bataille pendant la guerre d’Ibérie opposant l’Empire Byzantin sous le commandement du Général
Bélisaire, aux
Sassanides de
Kavadh I (ou Qobad ou Kavad ou Kaveh ou Kobad ou Cabades,
488-496 et 498-531). Ce dernier, avec l’aide des Lakhmides, battit les forces de Bélisaire, résultant en une victoire totale
Sassanide après la défaite de la bataille de Dara.
À la fin du Ve siècle, les Romains exigèrent la restitution de Nisibe et les troupes impériales essayèrent au moins deux fois
en 543 et en 572, en vain, de conquérir la ville. L’endroit était très proche du territoire Romain et représentait une des plus fortes,
des plus grandes et des plus importantes forteresses
Persanes.
Pour faire face à cette menace, les Romains construisirent au VIe siècle, près de Dara une forteresse (Dara-Anastasiupolis)
et y stationnèrent une puissante armée. Par le traité de paix de 591, Nisibe, qui était alors la possession du
Sassanide
Khosrô II (ou Khusrau ou Khosroes ou Khosro ou
Khosrau ou Khosrow ou Husrav II, 589-590 et 591-628) repassa sous contrôle Romain Nisibe devint le siège des Métropolites (Titre religieux porté par certains Évêques des Églises d’Orient) et plus tard
de l’église Nestorienne. Les Chrétiens Nestoriens, minorité religieuse persécutée dans l’Empire Romain, s’installèrent en grand nombre à Nisibe.
La proche région fut connue au VIIe siècle, avant la conquête musulmane, en Syriaque comme
Beth Arabâyâ, et
en Persan comme Arvastân. Nisibe fut conquise par les arabes probablement au cours de 639/640 ap.J.C.
Elle fut l’un des endroits où la connaissance de l’antiquité Gréco-romaine fut adoptée avec une intensité particulière par les conquérants arabes.
Suite à un séisme en 717, la ville fut abandonnée, cependant elle avait déjà fortement déclinée souffrant de la perte du commerce frontalier
entre les Romains et les Perses.
Ruines de colonnes Romaines |
Paix de Nisibe
La paix de Nisibis (ou Nisibe), fut un accord conclu entre l’Empire Romain et les
Perses Sassanides à Nisibe en 298 selon la date traditionnelle
(ou peut être en 299). Cet accord mit fin à la première guerre Perso-romaine faite suite à la victoire en 297 de
l’Empereur Galère (305-311) sur celui des Sassanides,
Narses (ou Narseh ou Narseus ou Narsi,
293-302) dont la famille et les trésors furent pris.
Les Sassanides reconnurent la suzeraineté de Rome
sur la ville qui devint alors la cité Romaine la plus importante du Nord de la
Haute-Mésopotamie
et elle fut déterminée comme l’un des trois seuls endroits, où devaient avoir lieu, le commerce entre les deux grandes puissances.
Ils reconnurent également la suzeraineté Romaine sur le royaume d’Arménie
où Tiridate IV (dit Hélios ou le grand, qui aurait régné de 298 à 330) s’était établi.
Rome reçut outre l’Ingilène avec la Sophène dans l’ancienne Arménie-Mineure, cinq provinces de la
Haute-Mésopotamie, des territoires situés au-delà du Tigre, les provinces Transtigritanes (En Latin : regiones transtigritanes) qui
comprenaient l’Arzanène, la Corduène, la Moxoène, la Zabdicène
et la Rehimène.
Les Romains fortifièrent Amida (ou Diyarbakır ou Amed ou Derbekir) une ville du Sud-est de la Turquie actuelle sur le Haut-Tigre et Nisibe
qui devint la principale place commerciale de la région. Dans le royaume d’Ibérie,
où la suzeraineté Sassanides ne fut pas remise en cause,
Rome reconnut la légitimité de Mirian III
(ou Mihran ou Mirvan ou Meribanes, 284-361), mis en place par les
Perses, qui reçut des Romains les insignes royaux et avec qui il noua
des relations diplomatiques directes qui furent à l’origine de la Christianisation ultérieure du pays.
Son fils aîné Rev II (ou Rew ou Rev Mart’ali, 345-361 ap.J.C), Co-Roi de Géorgie de la dynastie
Sassanide, épousa
Salomé la fille du Roi Tiridate III (287-330),
et l’Empereur Romain Constantin I (305-337), reçut son autre fils Varaz-Bakour I (ou Bakar, Roi 363-365),
comme otage à Rome. Selon l’historien Ammien Marcellin (ou Ammianus Marcellinus, v.330-v.395),
Mirian III correspond au Roi Méribane d’Ibérie qui reçut
vers 360 des présents de Rome, qui souhaitait obtenir son alliance contre les
Sassanides.
Par le traité de Nisibe la paix fut assurée pendant plusieurs décennies jusqu’à sa rupture par
le Roi Sassanide
Châhpûhr II le Grand (ou Šāpūr ou Šābuhr ou Shāhpur
ou Schāpūr, 309 à 379) qui s’en empara à la quatrième tentative.
Bibliographie
Pour d’autres
détails sur la cité voir les ouvrages de :
Adam H.Becker :
– Sources for the history of the school of Nisibis, Liverpool University Press, Liverpool, 2008.
Hendrik J.W.Drijvers :
– Nisibis, pp : 573–576, Theologische Realenzyklopädie 24, De Gruyter, Berlin, 1994.
Jean-Maurice Fiey :
– Nisibe, métropole syriaque orientale et ses suffragants des origines à nos jours (CSCO 388), Secrétariat du CSCO, Louvain 1977.
Jean Gagé :
– La montée des Sassanides, Éditions Albin Michel, Paris, 1964.
René Grousset :
– L’Empire du Levant : Histoire de la question d’Orient, collection : Bibliothèque historique, Payot, Paris, 1949-1979.
John Scott Harrel :
– The Nisibis war (337-363 CE) : The strategic defense of the Roman Orient, California State University, Northridge, 2013.
Paul S.Russell :
– Nisibis as the background to the life of Ephrem the Syrian, Hugoye. Journal of Syriac Studies 8, N°2, Syriac Computing Institute, Washington, 2005.
Kyle Smith :
– Constantine and the captive Christians of Persia : Martyrdom and religious identity in late antiquity,
University of California Press, Oakland, 2015.
Michael Sommer :
– Roms orientalische Grenze. Palmyra – Edessa – Dura Europos – Hatra. Eine Kulturgeschichte von Pompeius bis Diokletian,
Reihe Oriens et Occidens, Studien zu antiken Kulturkontakten und ihrem Nachleben, Band 9, Franz Steiner Verlag, Wiesbaden, 2005.
Arthur Vööbus :
– History of the school of Nisibis, Secrétariat du Corpus SCO, Louvain, 1965.
Ephrem-isa Yousif :
– Les villes étoiles de la haute Mésopotamie : Edesse, Nisibe, Amida, Mardin, Arbil, Kirkouk, Sulaymaniya, Dohuk,
Harmattan, Paris, 2009.
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