Sa durée de règne
Sobeknéferourê (ou Néferousobek ou Sobeknéferou) est une Reine d’Égypte de la
XIIe dynastie dont elle fut le dernier souverain.
Manéthon l’appelle Skemiophris
ou Scemiophris et lui compte 4 ans de règne (Africanus).
Le Papyrus de Turin (6.2)
lui en compte 3 ans 10 mois et 24 jours. Elle est également mentionnée dans les
listes de Karnak et
Saqqarah (37). La durée exacte de son
règne est inconnue. En fonction des spécialistes les estimations vont de de 6 ans pour
Dieter Arnold,
Jacques Kinnaer,
Donald Bruce Redford et
Ian Shaw, entre autres, à 4 ans pour
Jürgen von Beckerath,
Detlef Franke ou
Jaromir Malek, voire moins d’1 an
pour ceux qui compte un règne conjoint avec son époux.
Le fait qu’elle fut répertoriée dans la
liste royale de Turin est, en soi,
intéressant car cela montre qu’elle ne fut pas considérée comme un simple Régent, ou comme un usurpateur, mais comme une
Reine régnante à part entière. Sobeknéferourê fut la première femme Roi connue à avoir
eu une titulature royale complète. Celle-ci, en
grande partie dédiée au Dieu crocodile Sobek, incarnation de
Rê, montre, si besoin est,
qu’elle fut considérée comme une souveraine.
Sobeknéferourê – Musée de Louxor |
Son origine
En ce qui concerne son origine, là non plus les spécialistes sont loin d’avoir
un avis qui fait l’unanimité. Pour la majorité, toutefois, elle serait la
sœur et l’épouse d’Amenemhat IV (1797-1787).
Son œuvre monumentale est toujours associée avec celle d’
Amenemhat III plutôt que d’Amenemhat IV,
c’est ce qui a appuyer la théorie selon laquelle elle était la fille
d’Amenemhat III.
Mais elle pourrait tout aussi bien être sa petite-fille ?. L’égyptologue
Kim Steven Bardrum Ryholt note que les sources contemporaines de son règne
montrent qu’elle n’a jamais porté le titre de :
Sœur du Roi (snt-nswt) ou
Fille du Roi (s3T-nswt),
comme cela aurait du être la cas selon cette hypothèse. De plus, il faut aussi souligner qu’à part
Manéthon, il n’existe aucune preuve de ce mariage
qui aurait légitimé Amenemhat IV,
si celui-ci, comme le proposent certains égyptologues, dont
Jacques Kinnaer, n’était pas
d’origine royale.
La question est donc loin d’être réglée. Selon
Aidan Marc Dodson et Hilton Dyan,
il est possible que ce fût sa sœur, Néferou-Ptah,
qui fût considérée par Amenemhat III
comme son successeur, son nom étant d’ailleurs aussi écrit dans un
cartouche. Cependant celle-ci mourant relativement jeune le Roi aurait
choisit un autre Régent, Amenemhat IV,
et, s’il s’agit bien de sa fille, Sobeknéferourê aurait donc prétendu de droit à la succession au décès de celui-ci.
Son nom de naissance (Sa-Rê)
est accolé avec le nom de Shedeti, qui signifie "de
Shedet". C’est une référence à la ville de Shedet dans le Fayoum,
où Sobek était le Dieu principal.
Certains spécialistes pensent que cela pourrait indiquer que la Reine était
impliquée dans un mouvement religieux dans cette ville du Fayoum. Il est pour
eux possible (Mais non confirmé), que les Prêtres locaux de cette divinité
ancienne auraient soutenu la Reine, leur chef de file national, lorsque
l’occasion de monter sur le trône se présenta au décès
d’Amenemhat IV.
Cela expliquerait aussi la rupture de la tradition en ajoutant le nom du Dieu crocodile dans
sa titulature,
pour la première fois dans l’histoire Égyptienne. Plusieurs Rois après elle reprendront le nom de
ce Dieu dans leur titulature.
Son histoire
Les preuves matérielles de son règne sont rares,
mais des inscriptions trouvées à la hauteur de la seconde cataracte, un
sceau-cylindre avec ses noms et des textes l’associant à "son père"
Amenemhat III, ont survécu.
À la mort de son époux, l’Égypte qui avait vu déjà le désordre s’installer, du faire face à un pouvoir royal
divisé. Amenemhat IV n’ayant pas de
successeur mâle légitime, ses deux fils lui venant d’une concubine, le pouvoir revint à son épouse, qui régna
seule. Selon
Christian Jacq, aucun état de crise ne précède la venue au pouvoir de Sobeknéferourê, ce qui
tend à prouver qu’elle fut reconnue de suite comme "Roi" légitime.
Buste de Sobeknéferourê – Musée du Louvre |
Des inscriptions en Nubie, à Khumma, montrent qu’elle et son époux
contrôlaient encore un peu ce territoire conquis pendant le règne de
Sésostris III (1928-1895). Cependant ils vont
abandonner certaines forteresses Nubiennes, un processus qui se poursuivra au cours de la
XIIIe dynastie. Ces abandons
sont plus considérés motivés par des raisons économiques, plutôt que d’être le
résultat d’une perte de territoire. La Reine aura essayé de prolonger l’œuvre de son
"père" Amenemhat
III, mais sous son règne le désordre va continuer de s’installer dans l’Empire
Égyptien. Le pays, après elle, restera divisé et le
Moyen Empire va
s’effondrer petit à petit laissant la place à la
Deuxième Période Intermédiaire.
Toujours selon
Christian Jacq, le Nord-est du Delta, où la frontière de l’Égypte était fragile, devint une
voie d’invasion naturelle pour des populations nomades, les
Hyksôs,
qui formaient des clans de pasteurs (idée très discutée). On ne sait pas vraiment pourquoi une vague
d’invasion se déclencha vers 1785 avec l’intention de s’emparer de l’Égypte.
Le dispositif de sécurité des Rois précédent se révéla très insuffisant, l’attaque des
Hyksôs fut un succès.
L’armée de Sobeknéferourê ne parvint pas à repousser ces
envahisseurs qui s’installèrent dans le Nord du pays et contrôlèrent même
Memphis. Alors que le pays se divisa
en zones occupées, on ignore ce que devint Sobeknéferourê, elle disparaît, et semble t-il sans laisser
d’héritier.
La date précise de l’invasion des
Hyksôs reste inconnue et il n’est même
pas certain que la Reine eut à les affronter directement. D’où la version d’autres spécialistes qui avancent
que le passage entre Sobeknéferourê et le premier Roi de la
XIII
dynastie (Peut-être Ougaf (1783-1780)
ce serait fait sans heurt et qu’il y eut une certaine continuité sociale et artistique entre les deux dynasties. Cependant il est pratiquement admis
aujourd’hui que ce sont les fils qu’Amenemhat
IV eut d’une concubine qui succédèrent à la Reine. De ce fait, il semble
donc aussi tout à fait possible qu’il y eut des conflits de succession.
Ses différentes représentations
La présence historique de Sobeknéferourê est confirmée par plusieurs
monuments et plusieurs traces de son règne nous sont parvenues par le biais d’inscriptions, ou de vestiges statuaires
démontrant qu’elle a effectivement régné, comme à Semna, la forteresse de Nubie, où une inscription relevant le niveau
d’une crue exceptionnelle du Nil (hauteur de 1,83 m) lors de l’an 3 de son règne, a été mise au jour.
Tête de statue de Sobeknéferourê
|
Plusieurs statues, ou morceaux de statues, de
Sobeknéferourê ont été trouvés qui combinent les attributs traditionnels royaux avec la réalité que ce Roi était
une femme. Comme celle en quartzite de 1m 60 qui est aujourd’hui au
musée du Louvre (E 27 135). La Reine y est
identifiée par son cartouche inscrit
sur la boucle de sa ceinture. La statue représente Sobeknéferourê portant la tunique traditionnelle typiquement féminine,
maintenue par deux bretelles, mais à la place de sa perruque, la Reine porte le
Némès signe de la royauté.
Un buste, en Grauwacke vert foncé, qui est aujourd’hui au Metropolitan Museum of Art (MMA 65.59.1), la représente coiffée
d’une perruque ronde à boucles serrées, le front orné d’un uræus et vêtue de la robe caractéristique des cérémonies liées
au couronnement et notamment au jubilé du
Heb-Sed. À Gezer
(ou Guézer ou Tel Guezer ou Tell el-Jezer), en
Canaan, on a mis au
jour une statue d’une Princesse nommée Sobeknéferou. Toutefois, comme le précise James M.Weinstein, elle ne se rapporte
pas nécessairement à cette Reine, car par exemple une fille du Roi
Sésostris I (1962-1928) portait ce nom.
Sur le site d’Avaris (Tell el Dab’a)
ont été mis au jour : Trois statues en basalte la représentant presque grandeur nature en costume de Reine et un sphinx
découvert par
Henri Édouard Naville à la fin du XIXe siècle. À Hawara (ou Haouara ou Havera), dans le Fayoum, une stèle fragmentaire
fut découverte par Sir
William Matthew Flinders Petrie, elle présente la titulature de la Reine à
côté de celle de "son père" Amenemhat
III. Elle se trouve aujourd’hui au
musée Petrie de Londres (UC14337).
Toujours à Hawara, la Reine a également contribué à l’amélioration du temple
d’Amenemhat III, appelé "labyrinthe"
par les auteurs
Grecs comme Hérodote (Historien, v.484-v.425)
c’est ce qui probablement lui a accordé le statut d’ancêtre divin dans le Fayoum.
Sa sépulture
La tombe de Sobeknéferourê n’a pas encore été identifiée avec certitude,
mais traditionnellement on lui attribue la construction de la
pyramide Nord, non terminée, à Mazghouna (ou Mazghuna) qui aurait été sa sépulture.
Rien, à aujourd’hui, ne vient positivement confirmer que la Reine y fut vraiment enterrée.
Les mesures de la superstructure ne sont pas connues avec précision. Le caveau a
été fait à partir d’un monolithe de quartzite et était censé contenir le
sarcophage et le coffre à
vases canopes. Le sarcophage remplit presque
totalement la chambre funéraire. Il est recouvert d’une fine couche de plâtre
coloré rouge dont la signification reste inconnue. D’ailleurs tous les blocs de
quartzite que l’on trouve dans le tombeau, les herses et les linteaux ont été
peints en rouge. La majorité des spécialistes, dont Ernest John Henry Mackay et
William Matthew Flinders Petrie l’attribuent à la Reine Sobeknéferourê.
Bibliographie
Pour d’autres détails sur la Reine voir les ouvrages de :
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– What sex was king Sobekneferu ? And what is nnown about her reign ?, pp
: 45–56, KMT 9, N°1, 1998.
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Seventh International Congress of Egyptologists, Cambridge, 3–9 September 1995, Peeters, Leuven, 1998.
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Wolfram Grajetzki :
– The Middle Kingdom of Ancient Egypt : History, Archaeology and Society, Duckworth, London, 2006.
Ingo Matzker :
– Die letzten Könige der 12. Dynastie : (Ägyptologie), Europäische Hochschulschriften III, Geschichte und ihre
Hilfswissenschaften 297, Lang, Frankfurt am Main, New York, 1986.
Stefania Pignattari :
– Due donne per il trono d’Egitto : Neferuptah e Sobekneferu, Piccola
biblioteca di egittologia 10, La mandragora, Imola, 2008.
Percy Edward Newberry :
– Co-regencies of Ammenemes III, IV and Sebknofru,
JEA 29, London, 1943.
Michel Valloggia :
– Remarques sur les noms de la reine Sébek-Ka-Rê Néferou Sébek, pp : 45–53,
RdE 16, Paris, 1964.
Jürgen Von Beckerath :
– Zur Begründung der 12. Dynastie durch Ammenemes I., pp : 4–10, Zeitschrift für
Ägyptische Sprache und Altertumskunde 92, 1965.
– Chronologic des pharaonischen Ägypten : Die zeitbestimmung der ägyptischen geschichte von der Vorzeit
bis 332 v. Chr., Münchener Universitäts schriften,
MÄS 46,
Philipp von Zabern, Mainz, Janvier 1997.
– Handbuch der ägyptischen königsnamen,
MÄS 20,
Deutscher Kunstverlag, München, Janvier 1984 –
MÄS 49,
Philipp von Zabern Mainz, 1999.
Raymond Weill :
– XIIe dynastie, royauté́ de Haute-Egypte et domination
hyksôs dans le Nord, IFAO, Le Caire, 1953.
James M.Weinstein :
– A statuette of the Princess Sobeknefru at Tell Gezer, pp : 49-57, Bulletin of the American Schools of Oriental
Research 213, Février 1974.
Dietrich Wildung :
– L’âge d’or de l’Égypte : Le Moyen Empire, New York University Press, 1977
et PUF, Paris, Novembre 1984.
Christiane Ziegler,
Hartwig Altenmüller et Marine Yoyotte :
– Reines d’Egypte : D’Hetephérès à Cléopâtre – En Anglais, Queens of Egypt : From Hetepheres to Cleopatra,
Somogy, Paris, Juillet 2008 et Grimaldi forum, Monaco, Octobre 2008.
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