Tablettes des archives du palais royal de Mari,
datant du règne de Zimri-Lim – Musée du Louvre |
Ses dates de règne et origine
Zimri-Lim (ou Zimrî-Lîm) est loin de faire l’unanimité sur ses dates de règne.
Nous ne savons pas encore aujourd’hui exactement la période exacte de celui-ci. Ses datations sont fondées sur des allusions
à des événements astronomiques, que les astronomes ont interprétés de manières très différentes. Il y a plusieurs propositions
qui sont donc faites par les spécialistes : 1782 à 1759 ou 1779 à 1757 ou 1775 à 1761/1760 ou
1773 à 1759 ou 1713 à 1695 ou 1709 à 1695 ou enfin 1677 à 1663. Celle retenue généralement par la
grande majorité des spécialistes, dont Maurice Birot, Madeleine Lurton Burke et Wolfgang Röllig, est 1775 à 1761/1760.
Il est généralement considéré comme le fils de
Yahdun-Lim bien que quelques
spécialistes réfutent ce fait s’appuyant sur la découverte d’un sceau
cylindrique qui indique qu’un certain Hatni-Adad (autrement inconnu) serait son
père?. Quoi qu’il en soit il réussit à reprendre Mari et à faire fuir les
Assyriens.
Son début de règne
Une fois monté sur le trône, comme
"son père" avant lui, il dut choisir entre être le vassal
d’Alep
ou d’Eshnunna. Il choisit le Roi Yarim-Lim I
(ou Iarim-Lim, 1780-1765) de la première, à qui il envoya une statue et des objets de culte du Dieu Hadad (Divinité de la cité),
mais il se retrouva en conflit contre la seconde, dont le Roi
Ibal-pi-EL II (1779-1766) suscita une révolte des Benjaminites contre lui. Zimri-Lim comprit rapidement
qu’Ibal-pi-EL II
voulait récupérer pour lui seul l’ancien royaume Assyrien
d’Ekallāté de
Shamshi-Adad I (1814-1775).
La région du Haut-Euphrate, le pays de Suhum, situé à la frontière séparant ces deux territoires, va rester un sujet de
dissension avec Ibal-pi-EL II.
Zimri-Lim chercha alors à reconstruire le royaume de son père et se rendit maître rapidement d’une partie de l’ancien royaume
Assyrien en Haute-Mésopotamie. Mais il dut être en lutte
perpétuelle, dans se petit "empire" qu’il s’était constitué, contre les nomades Benjaminites et des vassaux révoltés,
comme le Roi d’Eshnunna.
Celui-ci conquit les autres villes de l’ancien royaume
Assyrien et en 1772 se retourna contre Mari et envahit la région. Ibal-pi-EL II
envoya une armée sur l’Euphrate en direction de Mari et une autre sur le
Tigre, qui prit Ekallāté
(ou Ekallatum), puis Shekhna (ou Tell Leilan ou Shubat-Enlil, capitale du pays
d’Apum, dans la vallée du Khābūr). En 1770, les deux cités ayant à tour de rôle
essuyées plusieurs revers, une paix fut conclue qui semble donner une certaine souveraineté à
Eshnunna sur
Mari, malgré de véritables
avantages territoriaux que cette dernière obtint dans le partage des territoires conquis.
L’alliance avec Hammourabi
En 1766/65, le Roi
d’Élam,
Siwe-Palar-Khuppak (ou
Siwepalarhuhpak ou Siwe-Palar-Huppak, 1770-1745) lança une attaque en Basse-Mésopotamie dans le but de s’emparer du royaume
d’Eshnunna. Il se fit aidé par le Roi de
Babylone,
Hammourabi (1792-1750),
qui lui aussi menait une politique expansionniste et Zimri-Lim, qui voyaient là un moyen de se débarrasser d’un ennemi gênant aux
portes de leur royaume. La coalition s’empara rapidement de la
cité d’Eshnunna, tuant
Ibal-pi-EL II.
Siwe-Palar-Khuppak
et Hammourabi nommèrent alors dans la ville, sous la pression
de l’armée, un Gouverneur militaire, Silli-Sin (ou Ṣillî-Sîn, 1766 à 1750),
qui épousa la fille du Babylonien, bien qu’il semble
qu’Hammourabi souhaitait assurer lui-même la royauté de la cité.
L’armée Élamite s’installa
dans la cité, d’où elle entreprit de conquérir la région du Haut-Tigre, puis du Khābūr (ou Khabur).
Siwe-Palar-Khuppak décida alors de séparer son armée en deux. Il dirigea une première partie au commande du Général
Élamite, Kunnam et d’un
Amorrite, Atamrum, au Nord sur la
ville d’Ekallāté
(ou Ekallatum), forteresse qui commandait la région Est du Tigre.
Vue partielle du palais de Zimri-Lim
Photo avant retouche :
Wikimedia.org
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La ville fut prise rapidement ainsi que
celle de Shekhna (ou Tell Leilan ou Shubat-Enlil dans la vallée du Khābūr). La
deuxième partie de l’armée de
Siwe-Palar-Khuppak se dirigea au
Sud sur la Babylonie contre ses ex alliés.
Ceci prit au dépourvu Hammourabi et Zimri-Lim,
qui se retrouvèrent à faire face aux volontés expansionnistes des
Élamites sur leur territoire.
Le Roi de Mari, menacée directement par cette avancée rapide, passa une nouvelle alliance avec le Roi de
Babylone
et de nombreux Rois Amorrites,
dont celui d’Alep,
Sumu-Epukh ( ? -1781) et lui fit face.
En 1764, cette coalition réussit à arrêter l’offensive
Élamite sur les deux fronts.
Hammourabi stoppa l’armée
ennemie alors qu’elle s’apprêtait à marcher sur
Babylone. Zimri-Lim, plus les troupes envoyées par le
Babylonien, rencontra
Siwe-Palar-Khuppak
dans la région du Khābūr, à Hiritum. Les
Élamites furent écrasés assez facilement,
Atamrum ayant trahit
Siwe-Palar-Khuppak en se ralliant à Zimri-Lim. L’armée
Élamite se replia sur Eshnunna, qu’elle
pilla avant de repartir en Élam,
Siwe-Palar-Khuppak déléguant la
direction des armées à son fils (ou son frère ?) Kuduzulush I (ou Kudu-Zulush I, 1745-1730) et à ses Généraux. Par cette défaite
le royaume d’Élam perdit d’un seul coup tout appui en
Mésopotamie.
Il ne fut pas affaibli pour autant et ne semblent pas avoir été inquiété par
les Babyloniens qui prenaient
progressivement le contrôle de la Mésopotamie car cette victoire marquait un nouveau pas dans l’expansion de
Babylone.
Dans le même temps les relations entre Zimri-Lim et le nouveau Roi
d’Alep,
Hammourabi I (1765-v.1755, à ne pas confondre avec celui de
Babylone), s’envenimèrent suite à des litiges à propos de domaines à
Alalah (ou Alakhtum ou Alalakh ou Tell Açana, ville
Amorite
près de Tell Atchana Antakya), mais la brouille ne dura pas. En 1763, l’alliance
Zimri-Lim / Hammourabi
s’attaqua au royaume de Larsa, dirigé par le Roi
Rim-Sin I (ou Rîm-Sîn, 1822-1763). Ils prirent la ville et
Hammourabi devint alors maître de la Mésopotamie.
En 1762, un conflit éclata entre Silli-Sin et Hammourabi qui désirait
s’emparer d’Eshnunna. L’affrontement tourna rapidement à l’avantage de
Babylone qui prit
Eshnunna et le royaume de Warum.
La fin de son règne
En 1761/1760, sans que l’on n’en connaisse les raisons, peut être du fait de son
soutien à Eshnunna,
Hammourabi se retourna contre son ancien allié,
Zimri-Lim. Il attaqua le royaume de mari qu’il détruisit complètement et en 1759, il rasa la ville après l’avoir pillée.
Zim-Lim disparait alors complètement des sources, certains spécialistes pensent qu’il fut assassiné
lors d’une révolte de Mari. Il fut le dernier Roi de la ville et son royaume fut morcelé. La partie Nord fut annexée par
Hammourabi et il se forma dans
la vallée de l’Euphrate un petit royaume, le
Hana, avec pour capitale
Terqa (ou Tirqa, Tell Ashara aujourd’hui).
Hammourabi transféra les richesses du palais, puis il décida sa
destruction totale et il frappa la ville d’interdit, si bien que personne ne revint l’occuper. Un nouvel établissement y sera
fondé à l’époque néo-Assyrienne, qui deviendra le chef-lieu
de la province de Suhu. L’anéantissement de Mari mit fin à son existence et elle disparut pour un temps de la scène politique.
Sa politique intérieure
Zimri-Lim ne fut pas qu’un
guerrier, il fut aussi un bâtisseur et un législateur. Sous son règne le Palais de Mari atteint sa plus grande extension avec
trois cents salles et cours (Sur 2500 ha), le règne du Roi porta la ville à son
apogée. Grâce aux archives retrouvées dans ce palais, l’administration du
royaume de Mari est bien connue, même si certains aspects restent obscurs.
Zimri-Lim réorganisa l’administration en nommant aux plus hauts postes des
proches. À la tête du royaume se trouvait le Roi (Sarrum) qui disposait d’une
administration centrale. Le plus important dignitaire était le Vizir (ou
Sukkallum ou Sukkallu). Le Sandabakku avait pour rôle de contrôler l’économie du royaume.
Zim-Lim le divisa en quatre provinces, autour des villes Qatturan, Saggaratum,
Terqa
et Suhum, qui disposait d’un statut à part. À la tête de la province se trouvait un Gouverneur (Sapitum).
Sa famille
Zimri-Lim eut deux épouses attestées :
▪ Dam-Hurasim (ou Dam-hurasi ou Dam huraši), une Princesse du
Qatna. Selon Bernard Frank Batto,
on a trouvé à Mari des lettres indiquant qu’elle ne fut peut-être qu’une femme du harem royal de rang inférieur.
Elle aurait logé dans le palais de
Terqa où elle
joua également une fonction rituelle. Mais ses lettres témoignent également d’une relation étroite avec le Roi.
▪ Shiptu (ou Šiptum ou Shibtu ou Šibtum), la fille du Roi du
Yamkhad
(Alep)
Yarim-Lim I (ou Iarim-Lim, 1780-1765) et de la Reine Gashera. Shiptu eut de vastes pouvoirs administratifs en tant que Reine.
Pendant l’absence de Zimri-Lim elle avait en charge l’administration de la ville, le palais royal et le temple. Les tablettes
trouvées à Mari révèlent une correspondance régulière entre elle et son époux en son absence.
Des lettres personnelles furent également échangées, y compris une notification au Roi de son accouchement de jumeaux,
un garçon et une fille.
Zimri-Lim eut huit filles par ses différentes épouses. Deux devinrent Prêtresse et
beaucoup furent mariées à des dirigeants locaux, comme Shimatum (ou Šimatum) et Kirum (ou Kiru).
Elles furent les femmes d’un des alliés de leur père, Haya-Sumu d’Ilanṣurâ.
Comme nous le précise Georges Dossin, leurs vies sont connues à travers un certain nombre de lettres trouvées dans
les archives du palais de Mari. Kirum y parle de sa souffrance dans
le harem de son mari et le conflit avec sa sœur, ce qui offre un aperçu des conditions internes d’un harem royal.
La correspondance entre le Roi et ses filles, qui fut retrouvée, nous apporte la preuve que Zimri-Lim avait une haute
opinion des femmes. Il les considérait comme compétentes pour prendre des décisions politiques, comme en témoigne le
fait qu’une fut à la tête d’une ville voisine.
Le palais
Le grand palais royal de Mari,
également appelé “palais de
Zimri-Lim“, fut découvert dans les années 1930. Sous ce grand palais demeuraient plusieurs palais qui avaient été
successivement les résidences des souverains de la cité lors des dynasties archaïques. Sous la dynastie des Shakkanakku
un nouveau palais fut construit sur les ruines des anciens, sur des plans nouveaux, sauf pour l’enceinte sacrée
qui conserva son plan originel et son rôle religieux. De cette nouvelle construction date la cour des Palmes, par laquelle
on accédait à la salle du trône.
Sous le règne de ces souverains de très grands travaux furent engagés. Le grand palais royal attint son apogée sous le Roi Zimri-Lim.
Il fut édifié à l’emplacement du précédant. Son emplacement atteint plus de trois hectares et quelque trois
cents salles ou cours ont été dénombrées. Comme il est prouvé que le palais possédait un étage (Dont une partie était peut-être
occupée par des terrasses), il faudrait peut-être doubler ce nombre de pièces.
Fresque du palais de Zimri-Lim |
Le
palais était le centre administratif et économique du royaume, c’est pourquoi il
y a été retrouvé une grande partie des 20.000 tablettes qui permirent de
connaître la politique et de la vie des habitants de Mari à cette époque. Les
textes étaient rédigés Akkadien.
Il n’a été retrouvé ni ouvrages littéraires, ni textes de caractère fiscal. Le palais constituait à la fois le siège
du pouvoir politique et la résidence du Roi et de sa famille avec leurs courtisans et domestiques.
Il comprenait :
▪ La maison du Roi avec les réserves, les cuisines, le secteur du personnel et le
quartier administratif.
▪ La seconde maison qui abritait les Reines et le personnel féminin, les réserves et
le quartier du personnel.
▪ Le quartier des temples à l’emplacement de l’ancienne enceinte sacrée.
▪ Le secteur des grandes réserves, dans la partie Sud du bâtiment.
▪ Des emplacements pour les cérémonies officielles qui se déroulaient dans la
"cour du palmier", dans la salle du trône et la salle du culte des ancêtres.
Dans ce palais furent mises au jour les plus anciennes peintures murales de sacrifice, d’offrande de
l’eau et du feu et scène de l’investiture. Les statues et les objets retirés de l’ensemble du site sont en nombre très
important et témoignent d’une grande qualité, tels que les statues : De "l’Adorante"
(Musée du Louvre) et de la "Grande Chanteuse" Ur-Nina (Musée de
Damas),
celles d’Idi-Ilum (Musée du Louvre), du Prince Ishtup-Ilum et de la Déesse "au vase jaillissant"
(Musée d’Alep).
Bibliographie
Pour d’autres détails
sur le Roi voir les ouvrages de :
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– The royal archives of Ebla, WMUL, PTV Publications, Kent, Ohio, 1980.
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– L’Orient ancien : Histoire et civilisations, Bordas, Paris, 1991 –
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