Site de fouilles
Franco-ouzbèques dit "Des portes de fer" à Derbent, près de Baïsun |
La Sogdiane (ou Sogdia ou Sogdiana, en Ouzbek : Sug`diyona ou Sug`ud,
en Tadjik : Суғд Sugd ou Sughd,
en Persan : سغد Suguda ou Sogd,
en Grec :
Σογδιανn Sugdiana ou Sugda,
en Chinois : 粟特 Sùtè)
fut une région de l’Est Iranien. Les Sogdiens semblent avoir été des Scytho-Sakas sédentarisés. Les petits États Sogdiens n’ont jamais
été politiquement unis, ils étaient centrés principalement autour de la cité de
Samarcande. Ils étaient établis au Nord de la
Bactriane à l’Est de la mer d’Aral, à l’Est de Khârazm (ou Khwarezm)
et au Sud-est de Kongju (ou Kangju ou Kwangju), entre les fleuves Jaxartes (ou Syr-Daria) et Oxus (ou Amou-Daria) qui englobent
la vallée fertile de la Zarafshan (ou Zeravchan, ancienne Polytimetus). La Sogdiane eut une surface variable en fonction des
différentes époques, elle comprenait en général les territoires autour de
Samarcande, Boukhara, Khoujand et Kesh. Ce qui correspondrait à la
province de Samarcande et de Boukhara en
Ouzbékistan moderne, ainsi que la province de Sughd dans le Tadjikistan d’aujourd’hui.
La région, à partir du VIe siècle av.J.C, a développé une civilisation,
qui a conservé à travers les siècles ses connotations culturelles, jusqu’au Xe siècle ap.J.C, atteignant l’apogée de sa splendeur
entre le Ve et le VIIIe siècle ap.J.C. Les Sogdiens étaient connus pour leur tolérance à l’égard des différentes
croyances religieuses. Le Zoroastrisme fut la religion dominante dans la région et le restera encore quelques temps après la
conquête islamique, lorsque les arabes vont à maintes reprises, avec violence, tenter de la supprimer. Le Christianisme Nestorien
survécu également. Une grande partie de notre connaissance des Sogdiens et de leur langue vient des nombreux textes religieux
qu’ils ont laissés derrière eux.
Pièce de monnaie Sogdienne du
VIIIe siècle av.J.C – British Museum |
Ils parlaient une langue orientale
Iranienne appelée Sogdien, qui était étroitement liée à celle de la
Bactriane,
une autre grande langue de la région. Le Sogdien a été écrit en une multitude de
formes, chacune d’entres elles provenant de l’alphabet
Araméen. Les Yaghnobis
vivant dans la province de Sughd au Tadjikistan continuent de parler un dialecte
de la langue Sogdiane.
L’histoire…….
La reconstruction des événements historiques de la région a été rendu
possible par l’existence de diverses sources antiques. La Sogdiane est citée sous le nom de Sukhda dans
l’Avesta (Titre global de textes sacrés de l’ancien Iran, appartenant au
Mazdéisme). Une autre mention est visible dans les inscriptions du Roi
Achéménide
Darius I
(522-486) à Béhistoun (ou Behistun), datant des premières années de son règne.
Les géographes
Grecs
connaissaient bien la région qu’ils nommaient Sugdiana ou Sugda, la plaçant dans la Transoxiane, la région de l’Asie
centrale au-delà de l’Oxus (ou Oxos, aujourd’hui Amou-Daria). Les arabes, à la fin de son
existence, l’appelèrent Sughd (ou al-Sughd). La civilisation Sogdienne se développa le long de la rivière
Zeravchan, mentionnée dans les sources Grecques comme Polytimetos, mais
localement appelée Namik. L’activité économique qui était la base de l’économie locale était l’agriculture, qui faisait usage
de vastes canaux d’irrigation et de drainage.
Sogdiens donateurs au Bouddha dans des robes de
style Sassanide – Fresque de
Bezeklik – Est du bassin de Tarim, en Chine. |
Bien que des preuves archéologiques
démontrent la présence humaine en Sogdiane, depuis les temps préhistoriques, ce
ne fut qu’à partir de l’époque Perse Achéménide
qu’elle prit réellement de l’importance et que les sources écrites la mentionnent.
La Sogdiane devint une satrapie
des Achéménides, après que
Cyrus II le Grand (559-529) ait construit son Empire,
qui s’étendait de la Grèce à l’Indus.
Sur l’inscription de Béhistoun (ou Behistun) de
Darius I elle est indiquée comme la 18e
satrapie.
Les Perses estimaient qu’elle était la 2e "bonnes
terres" que leur Dieu suprême Ahura-Mazda avait créé personnellement. Cette région fut inscrite après la première,
Airyana Vaeja, pays des Aryens, dans le livre de doctrine Zoroastrienne Vendidad, d’où l’on peut voir comment ses anciens
habitants, appelés Sughda (ou Sughd) "Les Sogdiens, la Sogdiane", étaient estimés.
Avec la chute des
Achéménides
du fait de l’invasion Macédonienne en
327, la Sogdiane opposa une forte résistance à l’avancement du Roi
Alexandre le Grand (336-323).
Il semble que cette résistance des Sogdiens poussa le grand chef
Macédonien, bien qu’il
conquit la forteresse d’Ariamazes, à un compromis avec eux. Cet accord fut scellé, la même année, par son mariage avec une
Princesse locale, Roxane (ou Rhôxane),
fille du "Roi" de Sogdiane Oxyartès (ou Oxyarte ou Oxyartes).
Sans doute le Satrape
de la province sous l’Empire des Achéménides. Ce geste d’apaisement fut
imité par quelques-uns des Généraux les plus proches d’Alexandre et
d’autres membres de l’aristocratie Macédonienne. L’intégration de
la diversité culturelle et ethnique n’eut cependant pas en Sogdiane les mêmes résultats positifs que dans d’autres régions,
comme la Bactriane.
La culture Hellénistique ne fut jamais capable
de remplacer le substrat Iranien. Ce fut à partir de cette époque que la Sogdiane fut unie à la
Bactriane dans la nouvelle satrapie
Macédonienne. À la mort
d’Alexandre le Grand, après le partage
de son Empire, la Sogdiane tomba sous la coupe du Roi
Séleucide,
Séleucos I Nikatôr (305-280),
fondateur du royaume des Séleucides.
À cette époque, la classe dirigeante fut représentée par les
Macédoniens et les
Grecs, bien que la plupart de la population
fût composée de Sogdiens et de Bactriens Hellénisés.
Elle resta peu de temps
Séleucide, car elle fut reprise par
la Bactriane lors de l’indépendance
de cette dernière, lorsque le Satrape Diodote I, vers 256,
y fonda le royaume de Bactriane qui est appelé "Empire
Grec de la
Bactriane" ou "royaume
Gréco-bactrien". Le royaume
Gréco-bactrien garda la région pendant près d’un siècle.
Euthydème I (ou Euthydmus ou
Euthydemos, 223-200 ou 195) semble avoir occupé le territoire Sogdien, certaines de ses pièces de monnaie ont été retrouvées
sur place. Eucratide I
(ou Eucratides ou Eukratides, 171-v.145) eut apparemment temporairement la
souveraineté sur la région.
Monnaie de Sogdiane – VIe
Siècle ap.J.C – British Museum
|
Il s’en suivit une période de chaos, pas très bien documentée
par les sources historiques, qui conduisit, vers 200, à la séparation de la
Sogdiane du royaume Gréco-bactrien.
La région devint la cible de raids d’Est en l’Ouest menés par des nomades Scythes et Yuezhi (ou
Tokhariens ou Yueh-Chih ou Yue-Tche), poussés par l’Empire Xiongnu (匈奴 en Chinois, ou Hunnu) dans la Mongolie
et la Chine du Nord, plus tard appelé le Kangju, situé probablement dans les steppes de l’actuel Ouzbékistan et le
Sud-ouest du Kazakhstan. Selon des sources Chinoises, la défaite des Yuezhi par le Xiongnu entre 174 et 160 déclencha une
série de migrations, avec des conséquences importantes pour la politique et l’ethnique de toute l’Asie centrale.
En 135/130, les Yuezhi occupaient une grande partie de la Sogdiane et le Nord de
la Bactriane. Selon
l’Ambassadeur et explorateur Chinois, Zhang Qian de la dynastie Han, ils
représentaient une force considérable entre 100.000 et 200.000 guerriers. Le diplomate, qui
les visita en 128, demanda leur collaboration au nom de l’Empereur Wudi (141-87)
de la dynastie Han, pour sa guerre contre le Xiongnu. Zhang Qian, sous le règne de Wudi écrivit un rapport
de sa visite en Asie centrale et le nom de Sogdiane, "Kongju" (ou Kangju ou Kwangju) est souvent cité.
Entre la fin du Ier siècle av.J.C et le Ier siècle ap.J.C,
l’une des cinq tribus de Yuezhi donna naissance à ce qui allait devenir le
royaume Kuxā’a (environ de 50 av.J.C à 230 ap.J.C), qui comprenait également la
Bactriane et le Nord-ouest de l’Inde. En dépit de la forte influence
économique et culturelle exercée dans les régions adjacentes à la Sogdiane, ce royaume ne put occuper en permanence
la région. Il se limita à mettre en place une sorte d’État tampon qui absorbait les raids des nomades des steppes.
Le Kuxā’a marqua une période de paix en Asie centrale, aboutissant à une série d’alliances matrimoniales avec les souverains
locaux qui s’étendaient de Khwarezm (ou Khorezm) à une partie du bassin du Tarim.
Les seuls conflits d’une certaine taille furent
ceux avec les Parthes Arsacides
(141 av.J.C-224 ap.J.C) à l’Ouest et en 36 av.J.C, une expédition de la dynastie Chinoise Han en Asie centrale, à l’Ouest de
la rivière Jaxartes, rencontra apparemment et vaincu un contingent de légionnaires Romains. La Sogdiane autour de Boukhara,
à l’Est du fleuve Oxus, sur la rivière Polytimetus, fut semble t-il, la pénétration la plus à l’Est jamais faite par des
forces Romaines en Asie. La victoire, les Chinois la durent à leurs arbalètes et à leurs flèches particulières qui pénétraient
les boucliers et les armures Romaines.
Sogdiens représentés sur
une stèle Chinoise |
Les relations avec les
Arsacides ne furent pas très amicales pendant plusieurs années. Mais, néanmoins, les échanges commerciaux et culturels
connurent un fort développement. Ce fut sous le Kuxā’a que le Bouddhisme commença à s’étendre en dehors de l’Inde.
La Sogdiane occupait une position clef sur l’ancienne Route de la soie et joua un rôle majeur pour faciliter le commerce entre
la Chine et l’Asie centrale. L’effondrement du Kuxā’a fut déterminé par le renforcement du dispositif militaire qui
amena la montée en puissance de la
Perse Sassanide (224-637). Le premier souverain
Sassanide,
Ardachêr I (ou Ardashir Babigan, 224-241) envahit la région en 230. La grande inscription de
Châhpûhr I (ou Šāpūr ou Shapur
ou Sapor, 241-272) sur le Zardušt Ka’ba-ye, dans la province de Fars, vers 260, indique la Sogdiane
dans les régions soumises à l’Empire Sassanide.
Sur le plan religieux, on constate à cette époque que le Christianisme faisait de nouveaux adeptes en Asie centrale, mais
son expansion fut freinée en raison des persécutions faites par les
Sassanides, officiellement Mazdéens. En Sogdiane, malgré
la rareté des artéfacts archéologiques sur ce sujet, on peut supposer que les différentes religions coexistèrent.
Au cours de la seconde moitié du IVe siècle, la Sogdiane et les régions adjacentes furent envahies par une population dont
l’origine est inconnue, connue sous le nom de royaume Kidarite qui fut fondé par un vassal des Kouchans du Pakistan,
nommé Kidara.
Bibliographie
Pour d’autres détails sur la Sogdiane voir les ouvrages de :
Guitty Azarpay :
– Sogdian painting. The pictorial epic in Oriental art, University of California Press, Berkeley CA, 1981.
Charlotte Baratin, Georges Rougemont et Frantz Grenet :
– Les provinces orientales de l’empire parthe, Université Lumière Lyon 2, Lyon, 2009.
Émile Benveniste :
– Textes sogdiens, Librairie Orientaliste Paul Geuthner, Paris, 1940.
Pierre Bernard :
– Alexander and his successors in central Asia. Part Two. The Seleucids in Central Asia, pp: 88-97,
History of Civilizations of Central Asia. Volume II. The Development of Sedentary and Nomadic Civilizations: 700 B.C. to A.D. 250,
Paris, 1994.
Pierre Briant :
– Histoire de l’Empire Perse, de Cyrus à Alexandre, Fayard, Paris, 1996 – En Anglais, From Cyrus to
Alexander : A history of the Persian empire, Eisenbraun, Winona Lake, 2002.
Matteo Compareti :
– Introduction to the History of Sogdiana, pp : 373-381, The Turks 1. Early Ages, Ankara, 2002.
Paolo Daffinà :
– La Persia sasanide secondo le fonti cinesi, pp : 121-170, Rivista degli Studi Orientali 57, Roma, 1985.
Elton L.Daniel :
– The history of Iran, CT : Greenwood Press, Westport, 2001-2005.
Allotte De La Fuye :
– Monnaies incertaines de la Sogdiane et des contrées voisines, C. Rollin et Feuardent, Paris, 1910.
Étienne De La Vaissière :
– Histoire des marchands sogdiens, Collège de France, Institut des hautes études Chinoises,
Diffusions de Boccard, Paris, 2002.
– Sogdian traders, A History. Brill, Leiden, 2005.
Frantz Grenet et Zhang Guangda :
– The last refuge of the Sogdian religion, Dunhuang in the Ninth and Tenth Century, pp
: 175-186,
Bulletin of the Asia Institute 10, Wayne State University Press, Detroit, 1996.
Philip Huyse :
– La Perse antique, Éditions Les Belles Lettres, Guide des Civilisations, Paris, 2005.
Christine Palou et Jean Palou :
– La Perse antique, Presses Universitaires de France, Paris, 1962.
Boris J. Stawiski :
– Die völker mittelasiens im lichte ihrer kunstdenkmäler, Keil, Bonn, 1982.
Marc Van de Mieroop :
– A history of the ancient near east, ca. 3000-323 B.C., Blackwell Pub., Malden,
2007.
|