Localisation et généralités
Oumma (En Sumérien : Umma,
en Akkadien : Kissa ou kishsha) est la transcription du
logogramme : Gish-Kushuki. Dans la titulature des Rois d’Oumma, le nom est écrit Sâr-Dis. Le site de la ville,
est identifié aujourd’hui à celui de Tell Djokha (ou Tell Jokha ou Tell Yoja) dans le Gouvernorat de Dhi Qar en Irak.
Il s’étendait sur une colline dominant une plaine qui, à l’époque
Sumérienne, possédait un système d’irrigation et était cultivée. La ville étant éloignée des deux fleuves, le Tigre et
l’Euphrate, tout un ensemble de canaux avaient été construits, suffisamment larges pour permettre aux bateaux de venir accoster
jusqu’au kārum (Marché) et échanger leurs marchandises.
Fragment d’une statue
(222,30cm) d’une femme trouvée à Oumma – v.2100 –
Musée du Louvre |
Nous avons connaissance d’une partie de l’histoire de la cité par les archives de
Lagash qui nous renseigne en particulier sur les querelles entre ces
deux cités-États pour une région palmeraie qui leur servait de frontière, la Gu-Edinna.
On connaît un certain nombre de Rois de la cité grâce à quelques inscriptions, mais pour la grande majorité d’entre eux, ce
ne sont que des noms que les spécialistes ont encore du mal à situer dans le temps.
La divinité tutélaire d’Oumma était le Dieu Shara (Frère de Nidaba, le
“Prince des Cieux”, le “Cher fils d’Inanna”), dont l’un des temples portait le nom, d’Émah (ou
É.Mah "Maison exaltée"). Les autres temples de la ville étaient : Le Sigkursaga (ou Sig.Kur.Sà.Ga, "Brique,
montagne du cœur") et le Ésagepada (ou É.Sà.Ge.Pàd.Da "Maison choisie dans le cœur"),
tous deux dédiés à Shara, le temple Nin-Ibgal dédié à la Déesse Inanna (Ishtar chez les
Akkadiens et
Babyloniens), un temple consacré à
Enkigal, construit par Our-Louma et enfin deux autres, consacrés à Ereshkigal (Déesse des Enfers) et Ninhursag
(Déesse mère, divinité de la Terre). Le site n’a cependant jamais été fouillé de manière officielle. L’énorme quantité de textes
qui provient de cet endroit, concernant surtout la période de la IIIe dynastie
d’Ur, est issue de fouilles clandestines, qui se prolongent encore
malheureusement actuellement.
L’histoire…….
Les Seigneurs d’Oumma sont appelés Ensi (Prince) dans toutes les inscriptions
de Lagash, mais dans leurs propres écrits ils se donnaient le titre de
Lougal (Lugal) (Roi). Le premier Roi dont on ait une trace est un certain Aga, qui est mentionné Roi d’Oumma sur
une perle en lapis-lazuli. Les spécialistes se posent la question de savoir s’il ne s’agirait pas du même que
Agga (ou Aka, v.2585-v.2570), le dernier Roi de la première dynastie de Kish.
Le premier Roi "indigène" semble avoir été Pabilgagi (v.2475), dont le nom fut déchiffré sur une statuette
consacrée au Dieu Enlil. Puis on trouve E’Abzu (ou Eabzu, v.2450) dont le nom est inscrit sur un fragment de statuette en
pierre. Suivit un Roi au nom de Usk (v.2425 à v.2400) qui est donné comme Ensi (Prince) d’Oumma dans les textes de
Lagash. Il est le premier qui déclara la guerre à
Lagash en déplaçant la borne qui fixait les limites des territoires
contrôlés par les deux villes, afin d’intégrer la Gu-Edinna dans sa Principauté.
Il eut deux enfants dont En-A-Kale (ou Enakale, v.2400 à v.2370) qui lui succéda. Ce dernier fut
contemporain du Roi de Lagash,
E-Anna-Tum (ou Entemena, v.2400-v.2375) contre qui il fut en
guerre et E-Anna-Tum s’empara d’Oumma. Ils semblent que la
dispute, qui provoqua le conflit entre les deux cités, portait sur l’approvisionnement en eau. Oumma était située plus en amont
sur le Tigre et était en mesure de drainer à travers des canaux de grandes quantités d’eau sur ses propres terres ce qui
entraînait une baisse des revenus à Lagash.
E-Anna-Tum
signa finalement un traité de paix avec En-A-Kale, à la suite duquel pour commémorer sa victoire il fit creuser à la frontière
des deux États un canal de démarcation sur le bord duquel il fit ériger la stèle de
Mesalim de
Kish (qui eut fonction d’arbitre entre les deux parties),
dite “Stèle des Vautours“. C’est l’un des premiers documents
historiques connus. La stèle, d’1,80 m. de hauteur x 1,30 m. de largeur, comporte deux faces gravées, représentant l’armée
de Lagash écrasant celle d’Oumma et la divinité tutélaire de
Lagash, Ningirsu (ou Ningirsou, Divinité agraire de la ville
de Girsou) soutenant
E-Anna-Tum. Quatre fragments sont aujourd’hui au musée du Louvre.
En-A-Kale eut son fils Our-Louma (ou Ur-Luma ou Urluma v.2370 à v.2360) qui monta sur le trône à sa mort.
Il est mentionné dans deux tablettes, une en lapis-lazuli, une autre en argent, à propos de la construction de temples.
Sa fille Bara-Irnum (ou Bara’irnum) épousera son neveu, Gissa-Kidu.
On sait qu’il abdiqua et que ce fut son fils, un nommé Ila (ou Illi, v.2360 à v.2340) qui lui succéda.
Qui lui même eut un enfant, Gissa-Kidu (ou Gishakidu, v.2340) qui monta sur le trône. Oumma et
Lagash à cette époque s’épuisèrent dans les guerres incessantes.
Lougal-Zaggesi
(ou Lugal-Zaggisi ou Lugal-Zagesi ou Lugal-Zage-Si ou Lugalzagesi, v.2375 à 2347 ou v.2340 à 2316
ou 2359 à 2335 ou 2350 à 2318 ou 2295 à 2271 ou 2294 à 2270) dont le nom veut dire "Roi qui emplit le sanctuaire", arriva au pouvoir.
Il est considéré comme un usurpateur, son père se serait nommé Bubu et généalogiquement il n’était pas lié à ses prédécesseurs,
mais on ignore comment il s’empara du pouvoir. Dès son arrivé sur le trône il partit en campagne. Par à sa victoire sur le Roi de
Lagash,
Our-Inimgina (ou Urukagina ou Uruinimgina, v.2350-v.2340),
il conquit, en plus de la cité de celui-ci, la ville de
Girsou (ou Girsu, Tellô aujourd’hui),
la ville sainte du royaume de Lagash, qu’il pilla et incendia.
Un texte sur tablette d’argile nous apprend qu’il perpétua des massacres dans les palais et les sanctuaires.
Il décrit la fin de Lagash
ainsi :
“L’homme d’Oumma
a bouté le feu au talus-frontière, a bouté le feu à l’Anta-Sura et en a pillé l’argent et le lapis-lazuli. Il a tué dans le
palais du Tiras, il a tué dans l’Apsû Banda, il a tué dans la chapelle d’Enlil et dans la chapelle d’Utu".
Avec cette victoire Lougal-Zaggesi mit fin à la
Ière dynastie de Lagash. Il conquit ensuite
Isin,
Adab et
Kish, où il renversa Our-Zababa (ou Ur-Zababa, v.2370 à 2334).
Puis il guerroya jusqu’au Golfe Persique, il prit Ourouk et
Eridou conquérant
ainsi tout le pays Sumer, réalisant la première unification des cités
Sumériennes.
Il fit des raids jusque sur la côte Syrienne et conquit d’autres territoires
sur l’Euphrate, dont celui de la
cité de Mari qui devint vassale. Il prit le titre
de "Roi de la terre des Sumers" gouvernant 50 cités dont les plus importantes furent,
Mari,
Lagash,
Nippur, Oumma bien sûr,
Ur et
Ourouk où il fonda la IIIe dynastie
(dont il sera le seul Roi d’ailleurs) et y installa sa capitale.
Après la prise de Nippur, il devint Grand Ishakkou d’Enlil.
Il se réclama, sur une inscription, posséder "Toutes les terres entre le haut et les mers inférieures",
c’est-à-dire, entre la mer Méditerranée et le golfe Persique. Ce fut la
première fois qu’un Prince Sumérien prétendit avoir atteint ce qui était,
pour lui, le bord occidental du monde. Bien que son incursion en Méditerranée n’ait été probablement pas davantage qu’une partie
de pillage.
Plan d’un immeuble dans Oumma,
avec des indications sur les surfaces – IIIe dynastie d’Ur –
Musée du Louvre |
Les documents contemporains pour
cette période sont encore trop fragmentaires pour permettre à des chercheurs de reconstituer les événements réels
avec une grande précision. Son pouvoir fut relativement de courte durée et son Empire disparut rapidement
avec lui. En 2316, il fut attaqué dans sa capitale, Ourouk
par Sargon le Grand
d’Akkad (2334-2279) qui détruisit les remparts de la ville et le captura
puis l’emmena dans un carcan, dans la ville sainte de Nippur contraint
d’assister à son triomphe et l’offrit en sacrifice au Dieu Enlil.
Cette chute de Lougal-Zaggesi mit fin provisoirement à la prépondérance des cités du
Sumer sur la Mésopotamie.
Il semble que, pendant la période de domination d’Akkad,
Oumma continua de prospérer et ensuite sous ceux de la IIIe dynastie d’Ur,
lors de la renaissance Sumérienne, comme en
témoignent de nombreuses tablettes économiques la concernant. La cité n’occupa
plus jamais une place politique prépondérante dans la région et son histoire
suivit celle de cette parie de la Mésopotamie.
L’archéologie
Le site d’Oumma fut visité la première fois par William Loftus en 1854 et
John Peters Punnett de l’Université de Pennsylvanie en 1885. Dans les premières années du XXe siècle, il y eut de nombreuses
fouilles clandestines dont les découvertes commencèrent à apparaître sur le marché illégal des antiquités, notamment des sceaux
et tablettes datant de la IIIe dynastie d’Ur.
À la fin des années 1990, certaines fouilles de sauvetage liées à des projets routiers dans la région, furent réalisées à Tell
Djokha (ou Tell Jokha ou Tell Yoja) par des archéologues Irakiens.
Au cours de l’invasion de l’Irak en 2003, après un bombardement de la coalition, les pillards saccagèrent de nouveau le site,
qui est maintenant parsemée de centaines de fossés et puits.
Les perspectives de fouilles et d’études futures sont de
ce fait sérieusement compromises. En 2011, le Réseau du Patrimoine Mondial, qui surveille les menaces qui pèsent sur
le patrimoine culturel dans les pays en développement, a publié des photographies aériennes comparant Oumma en 2003 et en 2010,
montrant un paysage dévasté par des tranchées faites par les pillards pendant sur environ 1,12 km².
Bibliographie
Pour
d’autres détails sur la ville voir les ouvrages de :
Jean Bottéro et Marie-Joseph Stève :
– Il était une fois la Mésopotamie, Gallimard, Collection Découvertes, Paris, 1993.
Jean Bottéro et Barthel Hrouda :
– L’Orient ancien : Histoire et civilisations, Bordas, Paris, 1991 – En Allemand :
Der alte Orient : Geschichte und kultur des alten vorderasien, Orbis-Verl, München, 1991-1998.
Georges Contenau :
– Contribution à l’histoire économique d’Umma, É.Champion, Paris, 1915.
– Umma sous la IIIe dynastie d’Ur, Paul Geuthner, Paris, 1916.
Jerrold S.Cooper :
– Reconstructing history from ancient inscriptions : The Lagash-Umma border conflict,
Undena Publications, Malibu, 1983.
Henri de Genouillac :
– Textes économiques d’Oumma de l’époque d’Our, Paul Geuthner, Paris, 1973.
Benjamin R.Foster :
– Umma in the Sargonic period, Published for the Academy by Archon Books, Hamden, 1982.
Jean-Jacques Glassner et Benjamin R.Foster :
– Mesopotamian chronicles, Society of Biblical Literature, Atlanta, 2004.
George Gottlob Hackman :
– Temple documents of the third dynasty of Ur from Umma, Yale University Press, New Haven, 1937 –
H. Milford, Oxford University Press, London, 1937.
Fritz Rudolph Kraus :
– Sumerer und Akkader : Ein problem der altmesopotamischen Geschichte, North-Holland
Publishing Company, Amsterdam, 1970.
Michel Lambert :
– La guerre entre lugal-zaggesi et urukagina : Ses incidences sur l’économie de lagash (A Summary),
pp : 192-193, Iraq 25, N°2, 1963.
Wilfred G.Lambert :
– The Names of Umma, pp : 75-80, Journal of Near Eastern Studies 49, N° 1, University of Chicago Press, Chicago, 1990.
John P.Peters :
– Nippur, or, explorations and adventures on the Euphrates, G.P. Putnam’s Sons, New York, London, 1897-1899-1904 –
Ulan Press, 2011.
Salah Salman Rumaidh :
– Excavations in Chokha : An early dynastic settlement, Nabu Publications, London, 2000.
Marc Van de Mieroop :
– A history of the ancient near East : ca. 3000-323…, Blackwell, Oxford, 2004 – Blackwell, Malden, 2007.
Charles Leonard Woolley : (Sir)
– The Sumerians, Clarendon Press, 1927-1929 –
Norton, New York, 1965 – A.M.S. Press, New York, 1970 –
Barnes & Noble, New York, 1995.
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