Ruines de Nippur |
Localisation
Nippur (ou
en Sumérien : Nibru, en
Akkadien : Nibbur),
aujourd’hui est située près de la ville de Diwaniyah, capitale du Gouvernorat d’Al-Qadisiyyah
(ou Al-Qādisiyyah ou Al Kadissiya), à près de 160 km au Sud de Bagdad. C’est l’une des plus anciennes cités
Sumérienne de toute la Mésopotamie. Elle était située de part et d’autre du canal Shatt-En-Nil
(Arakhat "Canal aux eaux pures"), l’un des premiers cours de l’Euphrate, entre le lit de la rivière
et le Tigre. Ses ruines sont connues pour les arabes sous le nom : Nuffar (ou Nuffer ou Niffar), et par les anciens
explorateurs sous celui de : Niffer. Les Rois du Sumer
devaient se faire couronner à Nippur, Ur et
Ourouk pour être totalement reconnus. La
possession de Nippur du IIIe au début du IVe millénaire était donc indispensable
pour eux. Elle assurait la légitimité de celui qui se prétendait Roi du pays de
Sumer
et d’Akkad.
Religion
Nippur ne compte pas parmi les cités
royales mentionnées dans la Liste Royale Sumérienne, pourtant
elle était à la fois une ville religieuse importante et le centre culturel du pays de
Sumer et d’Akkad.
La cité, ville sainte, était entre autres le siège de l’adoration du Dieu
Sumérien, Enlil “Seigneur
du vent, maître de l’univers“,
dont le sanctuaire, qui était le temple principal de la ville, se nommait l’Ekur. Certains spécialistes pensent
que le Dieu Ninourta (ou Ninurta)
aurait pu être le Dieu tutélaire originel de Nippur, avant d’être remplacé par le culte d’Enlil dans le courant de la période
dynastique. Ils s’appuient, pour soutenir cette idée, sur l’importance du temple de cette divinité dans la ville (Le deuxième
en superficie derrière l’Ekur) appelé l’Esumesa de Ninourta. Selon une liste topographique, Nippur aurait compté près
de cent temples.
Ruines d’un temple de Nippur
|
L’histoire…….
Certains
historiens avancent que la création de la cité remonterait à vers 5260. L’occupation du site est
toutefois attestée quand même depuis l’époque d’Obeïd
(Étape protohistorique du développement de la Mésopotamie qui va d’environ 5000 à 3750, 2ème phase de l’obeïdien, période
d’Hajji Mohammed) et il fut occupé jusqu’à l’époque islamique. Nippur fut reconstruite plus d’une dizaine de fois jusqu’à l’époque
néo-Babylonienne.
Ce fut au début du IIIe millénaire que le site semble avoir connu sa plus importante occupation.
Nous commençons à mettre au jour des inscriptions écrites sur terre cuite, dans la langue
Sumérienne datant de vers le IVe millénaire. Le site s’étendait alors sur
toute la partie occidentale du fleuve et avec un prolongement vers le Sud qui abritait des jardins et des vergers au milieu
desquels étaient disposées de grandes demeures.
Nippur fut à cette époque un important centre religieux de l’Empire du
Sumer qui lui assura une période de prospérité. Vers 2330 la cité connut
l’invasion des dirigeants Sémites de la ville d’Akkad (ou Agade). En
particulier le premier d’entre eux, Sargon
(ou Sargon l’Ancien, 2334-2279) qui après avoir détruit Oumma
(2316), captura son Roi Lougal-Zaggesi
(v.2340-2316) et l’emmena dans un carcan dans la ville sainte de Nippur et l’offrit en sacrifice au
Dieu Enlil.
On a retrouvé de nombreux objets votifs des Rois d’Akkad,
de Rimush (ou Ouroumoush ou Urumush
ou Alu-Usharsid, 2279-2270), de Sargon
et de Naram-Sin (2255-2218) qui témoignent de la vénération que ces
souverains avaient pour Nippur et son sanctuaire. Le dernier grand monarque de cette dynastie,
d’Akkad, Naram-Sin,
reconstruisit à la fois le temple et les murs de la ville. À cette occupation
Akkadienne réussie succéda la renaissance
d’Ur, avec sa IIIe dynastie et
Our-Nammou (ou Ur-Nammu ou Namma
Ur, 2112-2095) qui reprit Nippur. Les Rois de cette dynastie comme ceux de
l’envahisseur précédant vont parer pendant plusieurs siècles la ville et ses temples de faste.
Tablette d’argile retrouvée à Nippur –
Musée d’archéologie et d’anthropologie – Université de Pennsylvanie |
Avec la création de l’Empire
Babylonien, sous le Roi
Hammourabi (1792-1750), le centre religieux et
politique fut transféré à Babylone,
Le Dieu Marduk devint le Seigneur du panthéon et de nombreux attributs d’Enlil furent transférés dans la ville. Le
sanctuaire d’Ekur fut dès lors dans une certaine mesure négligé. À partir de 1720, la ville connut une période de déclin,
peut-être, pensent certains spécialistes du à une grave crise économique ?, et à son abandon partiel suite à l’assèchement et
au déplacement du canal Shatt-En-Nil (Arakhat), l’un des premiers cours de l’Euphrate, qui arrosait la ville. Ce ne fut que sous
la IIIe dynastie Kassite de
Babylone
(1570-1153) que la ville reprit son essor qui aboutit à près de quatre siècles de prospérité.
Les Rois
Kassites entreprirent un vaste programme de reconstruction
des sanctuaires. L’Ekur fut restauré une fois de plus et redevint comme lors de son ancienne splendeur. Plusieurs monarques de
la dynastie l’agrandirent et l’embellirent. Ce fut sous leurs règnes que fut construit un immense bâtiment officiel qui
servait pour le Gouverneur de la ville et que l’ancien cours de l’Euphrate fut remplacé par un canal. De cette époque date aussi
un palais dans le Tell Ouest.
Base et pieds d’une statue
debout – 2500-2350 – Metropolitan Museum of Art – New York |
Puis, vers le milieu du siècle suivant, le site
connut une nouvelle période d’abandon, peut-être à la suite du raid des
Élamites de 1224.
Il semble avoir souffert, comme l’ont montré des fragments de statues brisées,
mais en même temps, il semble avoir gagné la reconnaissance des
Élamites
conquérants.
Durant cette période le palais
Kassite fut abandonné, seul le quartier sacré de l’Est de la
ville garda une activité. À partir du VIIIe siècle, sous la domination
Assyrienne, Nippur reprit vie. Elle retrouva une très grande prospérité sous l’impulsion de l’Empereur
Assurbanipal (ou Assur-Banapliou, ou Assourbanipal,
669-631 ou 626). L’Ekur fut une nouvelle fois restauré et atteint une splendeur jamais égalée. La ziggourat de cette période
mesurant près de 40 m.
Cette renaissance se poursuivit à l’époque
néo-Babylonienne, puis lors de
l’occupation des Perses Achéménide. La cité
fut alors le centre d’une vaste région agricole dont le système d’irrigation fut complètement rénové et l’un des grands centres
d’échange et de banque. Quelques textes des archives administratives de l’Ekur montrent que le temple et
l’Esumesa continuèrent de fonctionner, mais à une échelle beaucoup moins importante qu’à l’époque
Sumérienne. Après la conquête de la Mésopotamie par
Alexandre le Grand (336-323),
l’essor de la ville se poursuit.
Un texte daté du règne du Roi de
Macédoine
Démétrios I Poliorcète
(294-287) montre que l’administration de l’Ekur fonctionnait encore à cette époque. Pendant la période d’occupation des Rois
Séleucides qui suivit, l’ancien
temple fut transformé en forteresse. D’énormes murs furent érigés sur les bords de l’ancienne terrasse, les cours du
temple se remplirent de maisons et de rues et la ziggourat, curieusement, fut convertie en acropole de la forteresse.
Plus tard, durant la période d’occupation par les
Parthes Arsacides (141
av.J.C-224 ap.J.C) une importante forteresse fut édifiée sur la ziggourat de l’Ekur, un grand palais fut construit sur
l’emplacement du temple de Gula et de nombreuses constructions dans le reste du site témoignent de l’importance de la
ville. Durant toutes ces périodes, Nippur est restée l’une des principales agglomérations de basse Mésopotamie. Cette
importance dura jusqu’à sous l’invasion des
Perses Sassanide (227 ap.J.C). Puis petit à petit la cité tomba en décomposition et l’ancien sanctuaire devint, un
simple lieu de sépulture et seul un petit village de huttes fait de briques
crues, sur l’Antique ziggourat, continua à être habitée jusqu’à l’époque islamique.
Archéologie
Nippur est divisée en deux quartiers principaux par le lit à sec de l’ancien
Shatt-En-Nil. Le point le plus élevé de ses ruines est une colline conique dépassant les 30 m. au-dessus du niveau de la
plaine environnante, au Nord du lit du canal. Elle est appelée par les arabes, Bint el-Amiror "fille du
Prince". À l’Est (Nord-est) le quartier sacré, comportait le sanctuaire principal de la ville, l’Ekur d’Enlil
(ou l’É.kur "Maison montagne"), un vaste ensemble dédié à la Déesse Inanna (Ishtar chez les
Akkadiens et
Babyloniens), des bâtiments administratifs, des greniers
et des écoles de scribes.
Le tout, ceint par une muraille, qui couvrait à la fin du IIIe millénaire près de 150
ha. Selon la légende c’est à l’Ekur qu’Enlil s’unit à Ninlil. Le temple d’Inanna était l’un des plus extraordinaires de la ville.
Il fut construit et reconstruit sur 22 niveaux, le plus ancien remontant à l’époque dite
d’Ourouk moyen, le plus récent datant de l’occupation des
Parthes Arsacides (141 av.J.C-224 ap.J.C). L’enceinte sacrée renfermait plusieurs temples et chapelles dominés par une
grande ziggourat construite par le Roi d’Ur
Our-Nammou (ou Ur-Nammu
ou Namma Ur, 2112-2095).
Ziggourat de Nippur |
Ce fut en 1851 que les Anglais Austen Henry Layard et Henry Rawlinson,
lors d’expéditions découvrirent le site qu’ils durent quitter après quelques jours du fait du climat de la région.
Le site fut ensuite fouillé à grande échelle de 1888 à 1900 par des archéologues de l’université de Pennsylvanie dirigés par
John Punnett Peters, John Henry Haynes et Hermann Volrath Hilprecht. En 1916, l’archéologue Allemand Eckhard Unger,
Conservateur du Musée archéologique d’Istanbul, identifia un étalon de mesure de longueur retrouvé
lors des fouilles. Cette coudée de Nippur date du début du IIIe millénaire.
Elle est considérée aujourd’hui comme le
spécimen le plus ancien d’un instrument de mesure gradué. Il fut mis au jour également sur le site 30.000 tablettes
(15.000 en 1888) en écriture cunéiforme (Plus de 80% de toutes les œuvres littéraires connues de Mésopotamie furent
trouvées à Nippur) à un endroit qui est appelé depuis la "colline aux tablettes" ou
“quartier des scribes", au Sud-est du complexe de l’Ekur.
En 1948, une nouvelle expédition fut menée par cette même université rejointe par l’Oriental
Institute de Chicago dirigées par Robert F.Harper et Donald E.McCown et l’American Schools of Oriental Research.
Nippur était totalement couverte de dunes de sable ce qui impliqua une grande dépense en termes d’argent et d’efforts.
L’un des objectifs étant de donner un contexte historique aux premiers artéfacts récupérés au cours de la première expédition.
Pour les trois premières saisons (1948-1952), les fouilles se concentrèrent plus particulièrement dans le secteur de la ziggourat,
de la colline aux tablettes et la zone des temples, ainsi que sur le temple Nord. Ces tablettes mises au jour nous apprennent
que Nippur aurait compté plus de cent temples, consacrés en majorité à Enlil. Robert A.George (1990 à 1998) en recensa
environ 120 (Temples, chapelles et parties de temples). En 1952, l’Université de Pennsylvanie se retira du projet.
Donald E.McCown fut
remplacé par Richard C.Haines en 1953, qui fut responsable du site jusqu’en 1962, quand la direction des fouilles incomba à
l’Université de Chicago seule.
En 1964, James E.Knudstad, de l’Université de Chicago signa un accord avec le gouvernement Irakien afin de
poursuivre les fouilles sur le long terme. L’épicentre de la recherche fut le domaine de la ziggourat. Celle-ci nécessita
l’excavation de la forteresse de l’époque
Parthes. De 1964 à 1967, les fouilles du fort continuèrent, mais lorsque les archéologues voulurent enlever de
nouveaux déblais afin d’étudier les couches plus anciennes ils furent bloqués par l’administration Irakienne qui
jugea que le travail nuirait à la valeur touristique du site. Le programme d’excavation fut donc interrompu
jusqu’en 1972.
Tablette d’argile avec une carte de
Nippur –
XIVe-XIIIe siècle av.J.C – Museum of Archaeology and Anthropology – University of Pennsylvania
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À cette date McGuire Gibson en devint le Directeur. Il institua un nouveau programme d’excavation visant à
mettre en évidence non seulement la religion, mais aussi le secteur privé et le gouvernement de la ville avec une
reconstruction du site. McGuire Gibson étudia la relation entre la ville, les fonctions religieuses et ses environs. Il fit
réexaminer les murs de la cité et essaya de combler les lacunes dans les séquences stratigraphiques des différentes
périodes Mésopotamiennes. Les fouilles s’arrêtèrent de nouveau en 1990 lorsque
débuta la première guerre du Golfe.
Les fouilles archéologiques ont mis aussi au jour un immense
complexe dédié aux Déesses Ba’u et Gula (Épouse Dieu Ninourta, Déesse de la guérison). Il est possible que ce complexe
faisait partie du second temple de Nippur après l’Ekur, appelé l’Esumesa de Ninourta. Un troisième grand monument religieux
fut dégagé dans la partie Nord de ce quartier (Temple Nord) sans qu’on puisse encore identifier la
divinité à laquelle il était consacré.
Hors des remparts, la cité possédait un port qui communiquait avec l’Euphrate par l’ancien canal
Shatt-En-Nil ("Canal aux eaux pures"). Un plan de la cité fut retrouvé sur une tablette
datant de la période Kassite. Il apporte des précisions
sur d’autres parties de la cité, on y voit que l’angle Sud-ouest de la ville était occupé par un jardin et des vergers.
Dans la banlieue de Nippur on trouve Puzrish-Dagan qui correspond au site actuel de Drehem.
Cette ville fut construite sous le règne du Roi d’Ur,
Shulgi (ou Sulgi ou Shoulgi, 2094-2047). Elle n’a jamais fait l’objet
de fouilles officielles, mais certaines de ses archives cunéiformes que l’on y a retrouvées sont exposées au Musée royal de
l’Ontario à Toronto. Elles datent de la IIIe dynastie d’Ur (2113-2004).
Il existe, dans les archives de Drehem, des textes économiques néo-Sumériens. Ce sont des tablettes cunéiformes et elles sont
en quantité suffisante pour permettre une description précise de l’administration de la ville. La cité est
considérée comme un centre de redistribution du bétail, mais quelques spécialistes pensent qu’elle était peut-être destinée
à devenir la capitale du royaume ?.
Bibliographie
Pour
d’autres détails sur la ville voir les ouvrages de :
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– Il était une fois la Mésopotamie, Gallimard, Collection Découvertes, Paris, 1993.
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– L’Orient ancien : Histoire et civilisations, Bordas, Paris, 1991 – En Allemand :
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