Fonctions et origine
Neith (ou Neit ou Nit ou Net “Celle qui est“) fut à l’origine la Déesse de la
chasse et de la guerre, puis elle devint celle de la création. Elle engendra le soleil à l’aide de sept flèches ou sept paroles.
Dans une forme ancienne, en tant que Déesse de la guerre, elle fut considérée comme la gardienne des armes des guerriers morts au
combat. Son symbole peut également être interprété comme une navette, de sorte que Neith devint la Déesse des tisseurs, d’où lui
vient le nom de “la tisserande“. Dans ce rôle, en tant que Déesse des arts domestiques elle fut la protectrice de la femme
et du mariage. Les femmes de la famille royale ajoutaient souvent à leur théophore son nom en son honneur.
Elle fut également une Déesse funéraire aux côtés de
Douamoutef, avec qui elle est
associée pour protéger le vase canope contenant l’estomac du
défunt. Au fil du temps, comme son nom pouvait aussi être
interprété comme signifiant “eau“, Neith fut considéré comme la personnification des eaux primordiales de la création, dans
l’Ogdoade. Au Nouvel Empire (1549-1080), elle fut
considérée comme la Déesse mère qui enfanta Rê, apparaissant alors sous la
forme de la vache Hésat, ou Methyer. Comme Déesse des eaux,
à l’Ancien Empire (2647-2150), elle fut considérée comme
la mère de Sobek et était montrée
allaitant un petit crocodile.
Dans des temps plus récents, elle fut identifiée avec Nephtys et donc
considérée comme la parèdre de Seth. À Esna, elle fut la parèdre de
Khnoum.
Cette très ancienne Déesse Égyptienne est originaire de
Saïs, dans le Delta, où elle y assumait la fonction de démiurge.
Elle devint la Déesse dynastique lorsque sous la XXVIe dynastie
(1070/69-1045) la ville de Saïs fut choisie comme capital.
Certains chercheurs ont émis l’hypothèse que Neith peut correspondre à la Déesse Carthaginoise Tanit (ou Ta-Nit – Déesse d’origine
Berbère reprise par les
Phéniciens, chargée de veiller à la fertilité, aux naissances et à la croissance).
Platon (Philosophe et mathématicien
Grec, 427-346), dans le
Timée, l’identifie à la Déesse
Grecque Athéna.
Ses représentations et symboles
Neith est représentée comme une femme coiffée de la
couronne rouge de la Basse-Égypte et
à l’origine elle avait pour symboles du pouvoir deux flèches croisées sur un bouclier et le sceptre du pouvoir
Ouas
(w3s). Puis elle fut représentée tenant un arc et des flèches et un bouclier
sur la tête, parfois dans les mains. Dans cette représentation, on l’associe aux victoires militaires du souverain
et c’est sous cet aspect que les
Grecs l’assimilèrent à leur Déesse Athéna.
Elle est également représentée sous la forme d’une Déesse tenant un arc et des
flèches, portant sur sa coiffe le symbole que l’on retrouve dans son nom et
qui est parfois placé à la verticale, parfois à l’horizontale, symbole ovoïde représentant la navette que les tisserands
Égyptiens utilisaient dans leurs métiers. Elle personnifie ainsi la protectrice de tous ceux qui travaillaient et produisaient
les tissus, étoffes et bandelettes nécessaires pour les rites de momification.
En tant que Déesse mère qui enfanta Rê, elle apparaissait sous la
forme de la vache Hésat, ou Methyer. Elle est également quelques fois représentée comme une femme à la tête de lionne,
où à Latopolis avec un poisson comme attribut, ou un serpent ou encore allaitant un petit crocodile.
Ses symboles étaient :
▪ Ses attributs divins : Deux flèches entrecroisées sur un bouclier, puis la
couronne rouge
de la Basse-Égypte, l’arc, les flèches et un bouclier.
▪ Animaux, couleur et élément :
Ses animaux furent la lionne, le serpent et le crocodile. Sa couleur le rouge et
son élément l’eau.
▪ Les fêtes en son honneur : Une grande fête, appelée la “Fête des lumières“,
avait lieu chaque année en son honneur pendant la
saison
Peret, les mois de Tybi et Mekhir. Par Hérodote
(Historien Grec, v.484-v.425) nous savons
que les dévots de la Déesse, lors de sa célébration, éclairaient la nuit avec des centaines de lumières en plein air.
Statuette de Neith – Musée du Louvre
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Ses lieux de cultes principaux
On retrouve le culte de Neith dans les grands centres religieux du pays et plus
particulièrement à :
▪ Saïs qui
fut son lieu de culte principal et où elle fut considérée comme étant à l’origine du monde.
Selon certains spécialistes, le Roi
Horus Aha (v.2995-2974, Ière dynastie) fut peut-être le premier
à faire ériger dans la cité un temple consacré à Neith. Son culte y culmina aux alentours
de la XXVIe dynastie (664-525). À dater de cette époque son clergé
devint très puissant et son grand temple fut réputé avoir l’une des bibliothèques les plus riches du pays ainsi qu’une école
de médecine célèbre dans tout l’Égypte.
▪
Memphis où elle reçut un culte sous l’appellation de
Neith au Nord du Mur et fut associée à la cosmogonie parfois considérée comme la contrepartie féminine de
Ptah, Dieu créateur qui par le Verbe donna naissance à toute chose.
Dans la ville un grand temple lui fut dédié
au Nord de l’Hout-ka-Ptah (Le grand
temple de Ptah).
▪ Esna où elle intervint au sein d’une cosmogonie complexe et remplit le rôle de
parèdre de Khnoum, Dieu créateur qui forme le corps des hommes sur son
tour de potier divin.
▪ Latopolis (En
Grec :
Λατόπολις ou πόλις Λάτων,
ou Younet ou Iunyt ou Ta-Senet en Égyptien, ou Lato en Latin) sur la rive Ouest du Nil. Le nom
Grec de la ville, Latopolis, fut donné en
honneur de la perche du Nil, Lates niloticus. Ce poisson fut d’ailleurs largement représenté dans les sculptures et il
servit de symbole à Neith, associée par les
Grecs comme Pallas-Athéna, entourée par le bouclier.
▪ Neith reçut également un culte
à Tanis ; Dans l’oasis de Khargeh, où elle partagea
un sanctuaire avec la Déesse Tapsaïs à l’époque Romaine et dans le Fayoum.
Le culte de Neith
Le culte de Neith est très ancien. Elle est l’une des plus ancienne Déesse dont on ait
un témoignage, à l’époque elle fut aussi appelé Tehenut “La Libye”. Son culte à
Saïs remonterait à
l’époque Pré-dynastique
(v.3500-v.3150) où elle avait la forme d’un scarabée, puis elle devint la Déesse de la guerre et de la chasse.
On a retrouvé des étiquettes en bois liées au Roi
Horus Aha (v.3080-v.3055)
de la Ière dynastie (v.3040-2828). Elles décrivent sa visite au
sanctuaire du culte de
Neith. Il
fut peut-être le premier à faire ériger dans la ville un temple consacré à la Déesse. Au moins deux Reines de cette dynastie
eurent des noms composés avec l’élément Neith,
Neith-Hotep
épouse de
Narmer/Ménès (v.3040-v.2995) et
Merneith (ou Meret-Neith, v.2914-v.2900)
épouse du Roi Horus Djet (2927-2914).
Statuette de Neith – Walters Art Museum – Baltimore
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À l’Ancien Empire (2647-2150),
épouse de Seth, elle fut considérée comme
la mère de Sobek, elle fut considéré comme la protectrice du Roi
ou du Pharaon et identifié avec l’abeille. Elle protégeait également Osiris
et Rê avec des flèches qui engourdissaient les mauvais esprits. Au
Nouvel Empire (1549-1080), elle devint la “Déesse
mère", créatrice asexuée ou androgyne des Dieux et des hommes. Dans ce rôle, c’est elle qui engendra l’univers et le Soleil à travers sept flèches ou sept paroles, celle
qui souleva la colline primordiale. Elle tisse le monde et en fixe les limites avec sept tissus, puis elle crée les sept paroles
justes qui la font maîtresse de l’univers. À la période Saïte
(664-525) elle fut une Déesse domestique et proclamée "Mère de tous les Dieux“.
Les Pharaons de cette époque en firent une Déesse dynastique et lui érigèrent un
magnifique temple dans la ville. Cette période fut le point culminant de son culte et son clergé devint très puissant.
Elle fut également une Déesse funéraire et devint la Patronne des tisserands. Aux côtés de
Douamoutef, avec qui elle fut associée,
elle protégeait le vase canope
contenant l’estomac du défunt et dont le couvercle représentait la tête d’un chacal. La Déesse de la guerre fut associée à la mort,
on pensait que Neith restait sur les corps des morts avec les bandages lors de l’embaumement. Elle était également en charge de
la restauration des âmes, et leur offrait du pain et de l’eau après leur long voyage du monde des vivants.
Le service des Prêtresses de Neith consistait principalement dans le fait de danser devant la statue de la Déesse.
Neith était considérée comme une Déesse de la sagesse et on fit appel à elle en tant qu’arbitre dans le conflit entre
Horus et Seth.
Hérodote
(Historien Grec,
v.484-v.425) signale un culte rendu à la Déesse sous la forme d’une vache couchée, la tête dorée, et portant un disque d’or
entre ses cornes. Comme beaucoup de Déesses Égyptiennes, Neith pouvait être assimilée à
Hathor, la grande vache céleste qui supporte sur son dos la course
du Dieu solaire Rê. Neith
dans ce cas était considérée en tant que Déesse mère qui enfanta ce dernier.
Beaucoup de spécialistes pensent aujourd’hui que Neith peut correspondre à la Déesse Tanit
(ou Ta-Nit) qui fut très vénéré en Afrique du Nord par les Berbères et existant depuis les débuts de l’écriture et par les
premiers Carthaginois. Cette Déesse fut aussi reprise par les
Phéniciens. Ta-nit, ce qui
signifie en Égyptien "au pays de Nit", était aussi une Déesse de la guerre et un symbole de fertilité,
chargée de veiller aux naissances et à la croissance. Son symbole est remarquablement similaire au signe Égyptienne ânkh et dans
son sanctuaire, fouillé à Sarepta, dans le Sud de la
Phénicie, on a trouvé une
inscription qui la lie solidement à la Déesse
Phénicienne Astarté.
Plusieurs des principales Déesses Grecques
ont également été identifiées avec cette Tanit par syncrétisme. Une Déesse
d’Asie Mineure qui était adorée par des
immigrants d’Égypte présente également des similitudes avec Neith. Cette Déesse de la guerre fut montrée portant une couronne
courbée à plumes, une lance, un arc et des flèches. En Égypte, elle fut ensuite assimilée et identifiée à Neith, qui à cette époque
avait développé ses aspects de Déesse de la guerre.
 l’époque Gréco-romaine Neith fut assimilée à
Isis et par ce biais transmit une partie de son caractère de
démiurge à la divinité Égyptienne dont le culte se répandit dans tout l’Empire se confondant avec celui de la grande
Déesse Cybèle (En Grec :
Κυβέλη / Kybélê “Gardienne des savoirs“), divinité d’origine
Phrygienne.
Platon (Philosophe et mathématicien
Grec, 427-346), dans le
Timée, identifia Neith à la Déesse
Grecque Athéna, avec un autre nom, mais historiquement, les deux divinités ne partagent pas les mêmes origines.
Ernest Alfred Thomson Wallis Budge a
fait valoir que la propagation du Christianisme en Égypte fut influencée par la ressemblance des attributs
entre la Mère du Christ et les Déesses Isis et Neith. Il avance
que des propriétés appartenant à ses deux Déesse furent transférés à la Mère du Christ par l’intermédiaire des Évangiles apocryphes
comme une marque d’honneur.
Neith et Selket – Musée Égyptien du Caire |
Légendes et mythes
Neith est une Déesse primordiale, créatrice asexuée ou androgyne faisant ainsi partie
du cercle très restreint des démiurges du panthéon Égyptien. Dans ce rôle, elle est fécondée par le Verbe et engendre l’univers et
le Soleil. Elle tisse le monde et en fixe les limites avec sept tissus, puis elle crée les sept paroles,
ou sept mots, justes qui la font
maîtresse de l’univers. Elle fut la mère de Sobek qui engendrait
Rê au matin et le dévorait au soir. Elle fit aussi partie du mythe
Osirien en tant que la "Grande de sagesse" qui jugea le
combat entre Seth et
Horus et proposa au tribunal divin qu’Horus devienne Roi du monde
végétal et Seth du monde désertique, mais pour ne pas favoriser
Horus elle offrit à
Seth en mariage des Déesses étrangères.
Par la suite elle fut parfois considérée comme l’épouse de
Khnoum. Elle fut aussi parfois assimilée à la
Déesse Nout, la voûte céleste.
Bibliographie
Pour d’autres détails sur la Déesse
voir les ouvrages de :
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