Son origine
Tiâa I (ou Tia’a – §jAA) est
une Reine d’Égypte de la XVIIIe dynastie.
Elle fut la Grande Épouse Royale
d’Amenhotep II (1428-1401) et sera la seule femme du Roi.
Ses origines sont encore aujourd’hui inconnues et très discutées, car elle porte le titre de
Mère du Roi (mwt-nswt), mais pas celui de Fille du Roi
(s3T-nswt). Il a été spéculé qu’elle fut la sœur
d’Amenhotep II, ou sa demi-sœur, mais c’est loin
d’être certain. Beaucoup d’égyptologues, dont
Christian Leblanc, pensent qu’elle
n’était pas d’origine royale et qu’il faut abandonner l’idée proposée par
William Christopher Hayes qui
voyait en elle une demi-sœur d’Amenhotep II,
car cette hypothèse ne repose sur aucune preuve. Du fait que le plus grand
nombre de vestiges de Tiâa I furent mis au jour dans le Sud du pays, certains
spécialistes y on vu là une possible origine de la souveraine. Toutefois aucune
source archéologique ne vient confirmer cette hypothèse.
Thoutmôsis IV et sa mère Tiâa I – Musée Égyptien du Caire
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Son histoire
Tiâa I sera la dernière Reine de la
XVIIIe dynastie à porter le titre d’Épouse du Dieu
(HmT-nTr), hérité par les femmes de la famille royale depuis sa
création par Ahmès–Néfertari I.
La lignée ne reprendra qu’avec la Reine
Satrê, épouse de
Ramsès I (1295-1294,
XIXe dynastie). Elle bénéficiait aussi de l’appellation
de Main du Dieu (Drt-nTr)
et ne recevra le titre de
Grande Épouse Royale
que sous le règne de son fils. On sait que Tiâa I et certains proches de la
famille royale résidèrent à Miour, dans le Fayoum. La Reine semble y avoir fait
de longs séjours pendant le règne de son époux. Le Papyrus Wilbour, rédigé au
cours de la XXe dynastie (1186-1069),
fait allusion à un domaine de Tiâa I qui se trouvait sur
le territoire d’Amon, à Karnak.
Cependant, comme le précise
Christian Leblanc,
rien n’autorise à croire qu’il s’agissait d’une chapelle consacrée au culte de la Reine divinisée.
Ce domaine personnalisé pouvait faire partie de ses propriétés financières. Son nom nous est essentiellement
connu parce qu’elle va être la mère du prochain Roi,
Thoutmôsis IV.
Ce fut d’ailleurs avec le règne de celui-ci que la Reine prit de l’importance, car sous celui
d’Amenhotep II, elle
resta très en retrait, éloignée de la vie officielle et n’apparaissant jamais (ou pratiquement jamais) sur le devant
de la scène politique et/ou diplomatique.
La relation très étroite qui va exister entre la souveraine
et son fils est soulignée dans toutes sortes d’inscriptions, qui suggèrent
qu’elle doit être considérée comme l’équivalent terrestre des Déesses :
Hathor,
Isis et
Mout, la Déesse mère et épouse
d’Amon. L’une des filles de
Thoutmôsis IV,
est susceptible d’avoir été nommée Tiâa en mémoire de sa grand-mère.
Joyce Anne
Tyldesley fait remarquer qu’à partir de Tiâa I, et ce jusqu’à la fin de la
XVIIIe dynastie, la Mère du Roi va jouer un
rôle de plus en plus important sur la scène politique et, surtout, dans les rites religieux, les souverains
cherchant à prouver leur propre caractère divin à travers l’histoire de leur naissance.
Sur l’une des parois de la cour de l’enceinte du grand temple
d’Amon-Rê,
construite par Thoutmôsis IV, on peut
voir Tiâa I représentée entrain d’assister à l’un des rites de la fondation de cette cour. Le souverain est
suivi par la Reine qui tient un sceptre floral.
Christian Leblanc nous
dit que sa présence dans un tel contexte est exceptionnelle au
Nouvel Empire, car il faudra
attendre la Basse-Époque (656-332)
pour voir apparaitre à nouveau ce type de scène avec la
Divine Adoratrice d’Amon
Chépénoupet II (710-650).
Il semble que la Reine bénéficia d’un culte funéraire. En effet, une scène, relevée par Robert Hay, à
Sheikh Abd el-Gourna, représentée dans la tombe
(TT76) de Thenouna, Porteur de l’éventail à la droite du Roi, nous montre
Thoutmôsis IV officiant, à l’occasion des
fêtes du nouvel an. On ne sait pas exactement à quel moment du règne de son fils mourut Tiâa I.
Ce qui est sûr en revanche c’est qu’elle survécut plusieurs années à son époux et que l’on célébra ses funérailles
dans la vallée des Rois.
Amenhotep II – Musée de Louxor
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Ses représentations
Sous le règne
d’Amenhotep II, les femmes de la famille royale furent
beaucoup moins représentées que plus tôt dans la dynastie. Cet état fut traduit par le fait
que, probablement, le Roi ne voulait pas que l’une d’entre elle usurpe le pouvoir comme l’avait fait la Reine
Hatchepsout
(1479-1457) quelques décennies plus tôt. Tiâa I est peu représentée sur les monuments construits par son
époux, mais elle est très présente sur ceux qui furent achevés par son fils,
Thoutmôsis IV. Elle sera la première femme avant
Néfertari à accompagner le Roi sur de nombreuses statues
de celui-ci.
Amenhotep II fit modifier deux
représentations de sa mère, Méritrê-Hatchepsout,
à Karnak, de façon à les attribuer à son épouse Tiâa I. Sur un colosse assis du Roi, placé contre la face Sud du VIIIe
pylône du site, Tiâa I est qualifiée de
Grande Épouse Royale (HmT-nswt wrT) de
Maîtresse [Souveraine] des Deux Terres (Hnwt tAwy)
et de Mère du Roi (mwt-nswt). On sait aujourd’hui que
ce fut après sa mort que furent gravées ces épithètes.
Joyce Anne
Tyldesley nous dit qu’une statue, mise au jour à Karnak, montre la Reine d’allure spécialement jeune, vêtue d’une
longue robe et coiffée d’une lourde perruque, de la couronne de vautour et de l’Uræus. À Karnak et à
Louxor (ou Louqsor), les fouilles ont livré d’autres témoignages de Tiâa.
Georges Legrain mit au jour,
en 1903, deux stèles la représentant. La Reine se trouve derrière son époux officiant devant
Amon-Rê.
L’œuvre la plus importante qui nous soit parvenue de la souveraine est sans aucun doute une statue en granit noir,
aujourd’hui au musée Égyptien du Caire,
exhumée d’une salle située au Sud des piliers héraldiques du temple
d’Amon-Rê. Tiâa I est assise à
côté de son fils
Thoutmôsis IV, avec une
attitude suggérant une grande affection entre les deux personnages (voir photo ci-dessus).
La Reine porte une volumineuse coiffure faite de nattes. Elle est parée d’un
collier et de bracelets et est vêtue d’une robe s’arrêtant aux chevilles.
À Guizèh, non loin du
Sphinx,
Selim Hassan mit au jour en 1936,
deux fragments de statue d’une Reine, malheureusement perdus depuis. Les textes qui y étaient gravés furent recopiés
à l’époque par Bernhard Grdseloff.
Ils nous informent qu’elle appartenait à la Reine Tiâa I. C’est l’unique statue de la Reine
représentée seule et debout. Sur cette statue on a pu relever certains de ses titres. Ceux-ci n’avaient pas été attribués
à une souveraine depuis l’Ancien Empire, comme :
La suivante d’Horus, La Prêtresse de Bapef[y], Surveillante des équarrisseuses de la maison de l’acacia, Celle qui voit
Horus et Seth.
Entrée de la tombe KV32
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Sa sépulture
Tiâa I fut enterrée dans la tombe
KV32 de la
vallée des Rois, découverte en 1898 par
Victor Loret où des fragments de son matériel funéraire y furent mis au jour.
La chambre funéraire était en partie remplie de débris d’inondation provenant de la tombe
KV47 du Roi
Siptah,
de la XIXe dynastie,
adjacente à la sienne et avec laquelle elle communiquait par un large trou.
La découverte de ces débris ont dans un premier temps amenés les égyptologues à croire que la tombe
de Siptah appartenait à sa mère,
qui porte aussi le nom de Tiâa, toutefois, depuis lors la mère de
Siptah a été identifiée et la tombe
fut donc réattribuée à Tiâa I.
Cette attribution est confirmée par de récentes recherches menées dans
KV32 par
Elina Paulin-Grothe. Elles ont également abouti à la mise au jour de nouvelles pièces du mobilier
funéraire de la Reine. À ce jour nous n’avons toujours pas retrouvé sa
momie. L’hypothèse avancée par
Carl Nicholas Reeves,
selon laquelle la femme inconnue D retrouvée dans une chambre de la tombe
KV35,
serait la Reine Tiâa I, reste à confirmer, car pour d’autres égyptologues, il
pourrait s’agir de la dépouille de la Reine
Isis-Nofret II, une des épouses du Pharaon
Mérenptah (1213-1203).
Sa famille
Tiâa I donna probablement cinq enfants à
Amenhotep II,
les avis des spécialistes sont très partagés, surtout pour les garçons. Par exemple
Christian Leblanc
affirme que la Reine n’eut qu’un fils, le futur
Thoutmôsis IV
et que les autres enfants mâles sont d’autres mères.
Aidan Marc Dodson,
Dyan Hilton ou
Donald Bruce Redford, pour ne citer qu’eux, en compte trois. Sans plus de preuves il convient
de respecter toutes les propositions.
Quatre garçons :
▪ Ouebsenou (ou Oubensénou ou Webensenu ou Ubensenu) dont on ne sait rien, mais qui mourut
semble t-il jeune. Dans la tombe KV35
dans la vallée des Rois,
d’Amenhotep II, on a
retrouvé des fragments de
vase canope au nom d’Ouebsenou qui nous confirment sa filiation avec lui. Sur ceux-ci il est
nommé "Fils royal, aimé de lui, superviseur des chevaux".
Ouebsenou est aussi nommé "Fils royal, aimé de lui" sur la statue (CG638) du
Scribe royal, Superviseur des ouvriers à Karnak et
Architecte en chef, Minmès (ou Minmose). Il est possible que la stèle B
du temple d’Amenhotep II à
Guizèh ait pu lui appartenir.
Thoutmôsis IV – Musée du Louvre
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▪ Ahmosis (ou Ahmosé) qui sera Grand-Prêtre de
Rê à
Héliopolis sous le règne de son frère
Thoutmôsis IV.
Une stèle lui étant attribuée se trouve aujourd’hui au
musée de Berlin et une statue brisée, provenant probablement de
Coptos, est à celui du Caire.
▪ Aménémopet (ou Amenemipet). Selon Peter Der Manuelian, il est attesté comme fils
d’Amenhotep II sur la stèle C, trouvée dans le
temple du Sphinx du Roi.
Donald Bruce Redford propose qu’Aménémopet soit le fils aîné.
▪
Thoutmôsis IV qui
succède à son père d1401/00 à 1390.
Christian Leblanc avance qu’il naquit en l’an 6 du règne
d’Amenhotep II.
Cette filiation est contestée par certains égyptologues.
Une fille :
▪ Iaret (ou Jaret ou Varet
ou Ouadjet – JArt) qui sera vers l’an 7 de son règne une des épouses de son
frère Thoutmôsis IV.
Elle porte les titres de :
Grande Épouse Royale (HmT-nswt wrT),
Fille du Roi (sAT-nswt) et
Sœur du Roi (snt-nswt).
Selon Betsy Morrell Bryan, elle est représentée sur une stèle, datant de l’an 7, a Konosso, ainsi que dans le temple
d’Amada en Nubie. Sur la stèle, elle apparait derrière
Thoutmôsis IV frappant l’ennemi.
Cinq autres enfants sont attestés au Roi : Nedjem qui n’est connu que d’une seule source. Il est mentionné,
avec son frère (ou demi-frère), Ouebsenou, sur une statue de Minmès (ou Minmose),
Superviseur des ouvriers à Karnak ; Amenhotep ; Khâemouaset ; Âakhéperkarê et
Âakhéperourê (ou Âa-chepru-Rê), Tiâa I est peut-être la mère de certains.
Selon
Claude Vandersleyen, Ouebsenou et Nedjem ne sont pas des noms habituels que
l’on trouvait à cette époque pour des Princes destinés à être Roi. Ce qui lui
fait suggérer que leur mère était peut-être d’origine étrangère. D’après l’égyptologue Tiâa I
ne serait donc pas celle-ci.
Bibliographie
Pour d’autres détails sur la Reine voir les ouvrages de :
Janet R.Buttles :
– The queens of Egypt, A. Constable, London, 1908.
Aidan Marc Dodson et Dyan Hilton :
– The complete royal families of ancient Egypt, Thames and Hudson, London, Septembre 2004 et Février 2010.
Michel Gitton :
– Les Divines Épouses de la XVIIIe dynastie, Centre de recherches
d’histoire ancienne, Annales littéraires de l’université de Besançon, Les Belles-Lettres, Paris, 1984 et 1989.
Jean-Claude Goyon et Mohamed A.El-Bialy :
– Les Reines et Princesses de la XVIIIe dynastie a Thèbes-Ouest, Atelier national de reproduction des thèses,
Lille, 2005.
Christian Leblanc :
– Reines du Nil au Nouvel Empire, Bibliothèque des introuvables, Juillet 2010.
Joyce Anne Tyldesley,
Aude Gros de Beler et Pierre Girard :
– Chronicle of the Queens of Egypt : From early dynastic times to the death of Cleopatra, Thames & Hudson Ltd,
Octobre 2006 et Janvier 2007 – En Français, Chronique des Reines d’Egypte : Des origines à la mort de Cléopâtre,
Éditions : Actes Sud, Collection : Essais Sciences, Juillet 2008 – En Allemand, Die königinnen des alten Ägypten : Von
den frühen dynastien bis zum tod Kleopatras, Koehler + Amelang Gmbh, Février 2008.
Peter Der Manuelian :
– Studies in the reign of Amenophis II, Hildesheimer Ägyptologische Beiträge Verlag, Gerstenberg, Hildesheim, 1987.
Lana Kay Troy :
– Patterns of queenship in ancient egyptian, myth and history, Acta universitatis Upsaliensis.boreas 14,
Uppsala studies in ancient mediterranean and near eastern civilisations, R. Holthloer, T. Linders, Uppsala, 1986.
Christiane Zivie-Coche : (Christiane M.Zivie-Coche)
– Tiaa, pp : 551-555,
LÄ, Band VI/4, Wiesbaden, 1985.
– Une curieuse statue de la reine Ti`aa à Giza,
MGEM,
IFAO, Le Caire, 1985.
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