Ânkhesenamon – Tête d’une statuette – Brooklyn Museum |
Son origine
Ânkhesenamon
(anx-sn-Jmn) ou Ânkhesenpaaton
(anx-sn-Jtn) de son nom de naissance est une Reine
d’Égypte de la XVIIIe
dynastie. Elle fut la troisième fille de Néfertiti et
Amenhotep IV
(ou Akhénaton, 1353/52-1338). Elle naquit en l’an 5/6 du règne de son père. On trouve aussi selon les spécialistes l’an 4 ou la fin de l’an 7.
Christian Leblanc avance au plus tard l’an 6/7. Sa date de naissance n’est donc pas encore connue avec certitude.
Elle semble être née à Ouaset (ou Thèbes),
mais passa son enfance à Akhetaton
(ou Amarna), la cité du soleil construite par son père. Une certaine Tia semble
avoir été sa nourrice, ainsi que celle d’autres enfants royaux comme nous le
révèle un bloc trouvé à Hermopolis Magma et aujourd’hui au Metropolitan Museum
of Art de New yorck
Son histoire
Ânkhesenamon épouse à l’âge de 11 ans (On trouve aussi 12 ans) son père. Quelques égyptologues, dont
Christian Leblanc, pensent que l’hypothèse d’une union moins tardive avec
son père n’est pas à écarter, mais elle suppose que la Princesse serait alors
née plus tôt que l’on pense. Puis elle devient la
Grande Épouse Royale de son demi-frère, le Pharaon
Toutânkhamon (1336-1327), né lui vers l’an 10/11 et qui avait accédé à l’âge de huit ou neuf ans au trône.
Christiane Desroches
Noblecourt avance que
Toutânkhamon devait être plus jeune que sa demi-sœur de deux ou trois ans
(ce qui semble juste en fonction des dates ci-dessus). Dans cette perspective, il faudrait reconnaitre
qu’Ânkhesenamon devait avoir 12 ans lors de son mariage avec lui et que celui-ci
aurait été célébré autour de 1336 ?.
C.Leblanc nous dit qu’elle devait avoir une quinzaine d’années compte tenu
du court règne de
Méritamon avant celui de son époux.
Détail d’une fresque d’Amarna,
Ânkhesenamon et Toutânkhamon Ägyptisches Museum – Berlin |
Comme on le voit cette période est très confuse car dans tous les cas on a
une différence d’âge entre les époux de 4 à 6 ans (Le Roi plus jeune), ce qui peux surprendre car lorsque l’on
observe les objets funéraires provenant de la
tombe de Toutânkhamon les représentations des époux donnent plutôt l’impression inverse.
Sur cette constatation, Jurij Jakovlevič Perepelkin avança en 1979 une idée
intéressante (en tout cas pas plus impossible que les autres). Il propose que la
Ânkhesenamon, épouse de Toutânkhamon,
ne soit pas la troisième fille-épouse d’Amenhotep IV,
mais plutôt le fruit ce cette union, c’est à dire
Ânkhesenamon Tasherit (ou Ânkhesenpaaton Tasherit), qui est très souvent donnée
comme une fille de ce couple particulier.
Ânkhesenamon Tasherit serait donc une
Ânkhesenamon II ?. Cette hypothèse, outre le fait qu’elle explique les
représentations et le changement de nom (Ânkhesenamon / Ânkhesenpaaton), elle
justifie aussi que dans l’iconographie de Toutânkhamon
on ne trouve pas trace de cette enfant qu’aurait eu sa femme.
Quoi qu’il en soit, si l’on ne retient pas l’idée de Perepelkin, ce serait après le mariage,
qu’Ânkhesenpaaton changea de nom, comme son époux, lorsque le culte
d’Aton fut aboli par celui-ci et devint Ânkhesenamon.
Se mettant ainsi de nouveau sous la protection du Dieu
Amon, le maître de Thèbes.
La Reine semble avoir menée une existence discrète, car on la voit rarement en compagnie de son mari dans un contexte officiel.
Elle participe à quelques fonctions de l’administration publique et religieuse.
Elle est représentée sur certaines pièces du mobilier funéraire retrouvées par
Howard Carter
dans la tombe du jeune souverain dans ces participations. Les égyptologues sont
sceptiques sur l’endroit où vécu le jeune couple, en effet si beaucoup pensent
qu’il s’installa au palais de Malkata (ou Malqatta) à
Thèbes, pas le moindre indice archéologique ne vient
en apporter la confirmation.
Détail d’une paroi d’un coffret du
mobilier funéraire de Toutânkhamon, Ânkhesenamon offre deux bouquets à son époux –
Musée Égyptien du Caire |
Le jeune Pharaon voit son règne s’interrompre brutalement, et,
à peine âgée de 22 ans, après la mort de
Toutânkhamon, Ânkhesenamon se retrouve à la tête du pays. Le problème est
que la Reine n’a pas donné d’héritier légitime.
Elle sait qu’elle va devoir lutter alors contre les complots de palais visant à
s’emparer du trône. Comme le précise
Christian Leblanc, l’absence d’héritier à certainement nécessité de la
part du Vizir Aÿ II (Futur
Pharaon -1327-1323), véritable maître du pouvoir, une rapide reprise en main de
la situation pour ne pas déstabiliser davantage un royaume très affaibli.
Probablement pendant la vacance du pouvoir durant laquelle se préparaient les
funérailles royales, la Reine prit une décision étonnante et encore aujourd’hui
très débattue.
Plutôt que de s’associer à un des hauts
dignitaires Égyptiens, selon certains spécialistes, elle aurait alors proposé à l’Empereur des
Hittites (Les pires ennemis de l’Égypte), d’épouser un de ses
fils pour régner à ses côtés, mais ce dernier aurait d’abord refusé croyant à un piège.
On sait que sur l’insistance de la Reine qui fit deux messages à la cour
Hittite, l’Empereur finit par accepter. Le document écrit de sa demande, qui fut retrouvé dans la capitale
Hittite, Hattousa,
il était conservé dans les archives royales, Hans Gustav Güterbock le traduit ainsi :
"…. Celui qui était mon époux est mort. Je n’ai pas de fils. Jamais je
n’accepterai un de mes serviteurs (ou sujets) pour en faire mon mari. On dit que
tes fils sont nombreux ; donne-moi donc un de tes fils. Pour moi il sera
un époux, mais en Égypte il sera Roi. Si tu m’envoyais l’un d’eux, je l’épouserai."
En fait il semble bien que le Prince étranger ne parvint jamais
en Égypte et qu’Ânkhesenamon dut se plier aux réactions sûrement violentes qu’un
tel acte avait engendré. Dans les annales
Hittites, écrites par
Moursil II (ou Mursil ou Mursili, 1321-1295), la Reine Égyptienne est connue sous le
nom de "Dakhamunzu (ou Dahamunzu ou Dahamenzou)", version
phonétique du terme Égyptien "Ta set neferou" "La place de beauté",
mais elle n’a pas été identifiée avec certitude. Selon William Mc Murray, le nom est peut-être tout simplement
une translittération du titre Égyptien "Tahemetnesu" (Femme Reine) et non pas le nom d’une personne.
Certains égyptologues avancent que la souveraine auteur de cette lettre pourrait être la sœur aînée
d’Ânkhesenamon, Méritaton,
voire pour d’autres, Néfertiti ?.
Ânkhesenamon semble pourtant la plus probable, car il n’y avait pas de candidats pour le trône à la mort de
Toutânkhamon.
Il faut aussi souligner que l’on n’est même pas certain de l’origine de cette
lettre, car aucune archive Égyptienne ne fait état de cet évènement, ni même de ce document.
Il est vrai que cet appel à l’aide est très étonnant, sauf si l’on admet, comme
certains égyptologues le proposent, que
Toutânkhamon
fut le fils d’une Princesse/Reine
Mitannienne ou
Hittite, comme
Tadukhepa ou
Kiya.
La démarche d’Ankhesenamon n’aurait peut-être pas eu d’autre but que de
maintenir de bonnes relations avec l’Empire voisin, jusque là peu enclin à
attaquer l’Égypte.
Ânkhesenamon et Toutânkhamon détail du fauteuil trouvé dans la
tombe de Toutânkhamon – Musée Égyptien du Caire |
Selon Christine El Mahdy, la partie de la phrase concernant le mariage avec un
"serviteurs (ou sujets)"
(Traduit par certains comme "fonctionnaires") est probablement
une référence à
Aÿ II,
qui faisait pression sur la jeune veuve afin de l’épouser et légitimer ses prétentions au trône d’Égypte.
Selon
Aidan Marc Dodson et Dyan Hilton, elle est donc peut-être obligée d’épouser
Aÿ II, qui est
d’ailleurs peut-être son oncle, et qui prend le titre de Pharaon. Cette hypothèse repose cependant sur un très
mince indice, une bague portant les
cartouches
d’Aÿ II et de la jeune veuve. Surtout que dans la
tombe du Pharaon à Amarna (TA 25, Tombe du Sud),
la seule Reine représentée, est son épouse
Tiyi II (ou Ti ou Tiy ou Ty). Là encore il
convient d’attendre d’autres preuves avant d’être affirmatif.
À partir d’après 1324, plus aucune trace Ânkhesenamon ne
subsiste. Elle disparaît de la vie politique du jour au lendemain. Est-elle
répudiée ? Est-elle tuée ? Quand est-elle vraiment morte et où fut-elle enterrée ?. Autant de questions sans réponse
à aujourd’hui.
Ânkhesenamon sur les genoux de sa mère |
Ses représentations
Ânkhesenamon est représentée dans
différentes scènes d’Amarna,
sous les traits d’une fillette au crâne ovoïde, volontairement allongé. Elle
apparait en tant que femme sur de nombreux monuments publics de
Toutânkhamon, dont le temple de Louxor, et sur des objets personnels découverts
dans la tombe de son époux, où elle joue le rôle de la Déesse
Maât pour le soutenir.
Une statue de la Déesse Mout, mise au jour dans le temple de Louxor, adopte les
traits de la jeune Reine.
Sa sépulture
La sépulture reste toujours une
énigme. Certains spécialistes ont avancé que la tombe
KV63 pourrait être la sienne,
ce qui est très loin d’être confirmé car, à ce jour, on n’a toujours pas retrouvé de
momie dans cette tombe. De plus, des
tests ADN récents, publiés en février 2010, ont émis l’hypothèse que l’une des
deux momies de Reine, datant de la fin de la
XVIIIe dynastie, retrouvée dans la tombe
KV 21 de la
vallée des Rois, pourrait être Ânkhesenamon.
Sa famille
Là encore beaucoup d’incertitudes sur ce sujet. Selon
Aidan Marc Dodson et Dyan Hilton, Ânkhesenamon aurait eut un enfant,
Ânkhesenamon Tasherit
(ou Ânkhesenpaaton Tasherit), mais on ignore qui fut le père ?, la filiation n’est pas claire. Certains égyptologues comme : Violaine Vanoyeke
(qui est très controversée sur tous ses travaux), Cyril Aldred ou
Claire Lalouette,
avancent qu’Amenhotep IV
serait celui-ci car des sources mentionnent ce fait à plusieurs reprises ?.
Ils basent leur hypothèse sur des inscriptions retrouvées à
Hermopolis Magma et provenant d’Amarna,
notamment ce texte :
"La fille royale qui appartient à son corps, Ânkhesenpaaton, puisse-t-elle
vivre et la fille royale qui appartient à son corps, sa bien-aimée, Ânkhesenpaaton la petite".
Cela dit compte tenu de l’âge auquel elle épousa son père elle aurait eu cet enfant à 11 ou 12 ans ?.
D’autres proposent des parents différents pour
Ânkhesenamon Tasherit. À aujourd’hui rien ne vient contredire ou affirmer telle ou telle proposition. Il a aussi été retrouvé
dans la tombe de Toutânkhamon, découverte en 1922
par Howard Carter,
une boîte en bois de 61cm de long, qui avait dû être fermée par un sceau avec comme motif un chacal (Le sceau de
la vallée des Rois).
Ce coffre renfermait deux petits sarcophages, placés tête-bêche, de fœtus de deux filles.
Une inscription identifiait chacun d’eux comme
"Osiris", mais sans autre
précision de nom. Des tests ADN récents ont confirmé que le jeune Pharaon en était bien le père,
la théorie actuelle est donc de supposer qu’Ânkhesenamon fut la mère.
De cette tombe, on a également dégagé une petite chapelle dorée dont les scènes, qui y sont
figurées, nous donnent des indications sur le rôle qu’a pu jouer Ânkhesenamon pendant le règne de son époux.
Elle y est représentée portant une longue robe blanche, un collier large à plusieurs rangs et des boucles d’oreille.
Elle a le visage très bien maquillé, les yeux fardés et est coiffée d’une perruque, le serpent uræus au front.
Bibliographie
Pour d’autres détails
sur la Reine voir les ouvrages de :
Cyril Aldred :
– Akhenaten and Nefertiti, Thames and Hudson, Studio, London, 1973 et Juin 1974.
Dorothée Arnold, Lynn Green et
James Peter Allen :
– The royal women of Amarna. Images of beauty in ancient Egypt, Harry N. Abrams, New York Metropolitan Museum
of Art, 1996.
Aidan Marc Dodson :
– Amarna sunset : Nefertiti, Tutankhamun, Ay, Horemheb and the Egyptian
counter-reformation, The American University in Cairo Press, 15 Novembre 2009.
– Amarna Letters : Essays on Ancient ca. 1390-1310 B.C., KMT
Communications, San Francisco, 1994.
Aidan Marc Dodson et Dyan Hilton :
– The complete royal families of ancient Egypt, Thames and Hudson, London, Septembre 2004 et Février 2010.
Marc Gabolde :
– Le droit d’aînesse d’Ânkhesenpaaton (à propos de deux récents articles sur la stèle U.C. 410), pp. 33-47,
BSEG 14, Genève, 1990.
Michel Gitton :
– Les divines épouses de la XVIIIe dynastie, Centre de recherches
d’histoire ancienne, Annales littéraires de l’université de Besançon, Les Belles-Lettres, Paris, 1984 et 1989.
Jean-Claude Goyon et Mohamed A.El-Bialy :
– Les Reines et Princesses de la XVIIIe dynastie a Thèbes-Ouest, Atelier national de reproduction des thèses,
Lille, 2005.
Wolfram Grajetzki :
– Ancient Egyptian Queens : A hieroglyphic dictionary, Golden House Publications, London, 2005.
Hans Gustav Güterbock :
– The deeds of Suppiluliuma as told by his son, Mursili II, Journal of cuneiform studies 10, New Haven, 1956.
William Joseph Murnane :
– Texts from the Amarna period in Egypt, Law Collections from Mesopotamia and
Asia Minor, Writings from the Ancient World, Society of Biblical Literat,
Scholars Press, Janvier 1995, Décembre 1995 et 1997.
Jurij Jakovlevič Perepelkin : (ou Yury Yakovlevich Perepelkin)
– The secret of the gold coffin, Nauka Publ. House, Moscow, 1978.
Joyce Anne Tyldesley,
Aude Gros de Beler et Pierre Girard :
– Chronicle of the queens of Egypt : From early dynastic times to the death of Cleopatra, Thames & Hudson Ltd,
Octobre 2006 et Janvier 2007 – En Français, Chronique des Reines d’Egypte : Des origines à la mort de Cléopâtre,
Éditions : Actes Sud, Collection : Essais Sciences, Juillet 2008 – En Allemand, Die königinnen des alten Ägypten : Von
den frühen dynastien bis zum tod Kleopatras, Koehler + Amelang Gmbh, Février 2008.
Christiane Ziegler,
Hartwig Altenmüller et Marine Yoyotte :
– Reines d’Égypte : D’Hetephérès à Cléopâtre, et en Anglais, Queens of
Egypt : From Hetepheres to Cleopatra,
Somogy, Paris, Juillet 2008 et Grimaldi forum, Monaco, Octobre 2008.
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