La bataille d’Issos par Jan
Brueghel
l’Ancien (1568-1625) – Musée du Louvre |
Présentation
La bataille d’Issos (ou Naumachia tēs Ιssos, en
Grec :
Ναυμαχία της Ισσού, en Latin : Issus)
fut une bataille qui se déroula le 1er ou le 5 ou le 12 Novembre 333. Elle eut à 10 km. d’Issos, près de l’actuel İskenderun, plaine stratégique
près de l’embouchure du petit fleuve côtier Pinaros (ou Pinarus), à l’Est dans la province actuelle Turque d’Hatay, près de la
frontière avec la Syrie. L’identification de ce fleuve côtier pose problème mais il s’agirait bien de l’actuel Payas (Pajas).
Ce fut une confrontation entre l’armée
Macédonienne et de la Ligue Hellénique, sous le commandement du Roi
Alexandre le Grand (336-323), et celle des
Perses Achéménides, pour la première fois commandée par le Roi
Darius III (336-330).
L’armée Macédonienne remporta une victoire décisive
sur l’armée Perses.
Le contexte et prélude
Après sa victoire écrasante,
en Mai 334, contre les Satrapes
Perses et les mercenaires
Grec dirigés par
Memnon de Rhodes (ou Memnôn de Rhodes, en
Grec :
Μέντωρ ὁ Ῥόδιος,
v.380-333) à la bataille du Granique, le Roi de
Macédoine
Alexandre le Grand (336-323)
avait la porte ouverte pour envahir l’Asie Mineure aux mains des
Perses.
Il occupa toute la région, avec l’idée de prendre toutes les villes côtières de manière à annuler la puissance de la flotte
Perse, largement supérieure à la sienne, mais qui serait privée de base.
Cependant dès l’hiver, le Roi Perse
Darius III (336-330) reprit l’initiative et commença à
regrouper une armée à Babylone.
Confiant dans ses capacités de stratège, il entendait affronter
Alexandre en personne et faire sa jonction en Syrie avec le contingent des mercenaires
Grec amenés par la flotte du
Satrape Pharnabaze (ou Pharnabazus
III, v.370-v.320), successeur de Memnon dans la défense de la mer Égée.
Au début de l’été 333 Alexandre apprit que
Darius III marchait sur la
Cilicie, il quitta alors
Gordion. Il se rendit dans un premier temps à Ancyre (L’actuelle
Ankara) et il reçut la soumission de la Paphlagonie, puis celle de la
Cappadoce jusqu’au Halys. Il poussa ensuite son armée vers le Sud et pénétra en
Cilicie par le passage des Portes Ciliciennes
gardé par le Satrape Arsamès.
En Juin 333, il fit étape dans la capitale
Tarse où il tomba malade plusieurs semaines après s’être baigné dans le Cydnus (Sans doute des suites d’une hydrocution).
Dans le même temps, il envoya
Parménion occuper les passes qui permettaient le passage de la
Cilicie à la plaine d’Issos, passe de Jonas,
(Col de Kazanluk-Kapu), puis celles qui contrôlaient le col de Belen (ou Beilan ou Beylan) passage vers la Syrie.
En Septembre 333, Alexandre une fois guéri,
soumit, en sept jours selon Arrien (ou Lucius Flavius Arrianus Xénophon ou Arrien de
Nicomédie, historien
Grec et philosophe de l’époque Romaine, v.85-v.145),
les populations montagnardes de Cilicie
et s’empara de Soles (ou Soli ou Pompéiopolis, aujourd’hui Mezitli) à 11 km. à l’Ouest de Mersin.
Mosaïque Romaine de Pompéi,
représentant la bataille d’Issos – Musée National Archéologique de Naples
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Il apprit à ce moment la pacification de ses arrières avec les victoires de Ptolémée
(Ne pas confondre avec
Ptolémée I le futur Roi d’Égypte, 305-282) en
Carie et la soumission de
Cos (ou Kos).
Mais, peu de temps après (333), le Satrape
Pharnabaze, à la tête de la flotte Perse soumit Ténédos, une îles
de la mer Égée et Sigée (ou Sigeion ou Sigeum) une cité
Grecque en Troade, à l’embouchure du Scamandre et s’entendit avec le Roi de
Sparte, Agis III (338-331), qui tentait de soulever la
Grèce en lui donnant de l’argent et quelques navires. La situation pour
Alexandre restait donc délicate d’autant qu’il allait faire face à l’arrivée
imminente de Darius III.
Celui-ci savait que Parménion tenait le col de Jonas et donc choisit une route plus au Nord pour continuer son avancée, par la passe de l’Amanos
et se retrouva sur les arrières d’Alexandre et lui coupait les lignes
d’approvisionnement.
Le souverain Achéménide
s’installa dans la plaine d’Issos sans opposition, dans la volonté de contraindre
Alexandre à la bataille.
Ce dernier fit faire demi-tour à l’armée Macédonienne
vers la passe de Jonas afin de mener combat sur un terrain connu. Darius III
avança ensuite vers le Sud jusqu’au petit fleuve côtier Pinaros (ou Pinarus) où ses éclaireurs repérèrent
Alexandre qui arrivait. Il décida alors d’établir là,
sur cette plaine côtière étroite que traversait le petit fleuve, son campement. Malgré l’avis de ses conseillers
Grecs, le 1 (ou 5 ou 12) Novembre 333,
Darius III allait accepter la bataille sur un terrain pourtant
peu propice à sa cavalerie et de fait la supériorité numérique qui était son principal atout ne pouvait jouer pleinement.
Les effectifs
Comme pour
beaucoup de batailles de l’antiquité, les sources donnent des chiffres très différents sur le nombre de participant dans chaque camp.
La bataille d’Issos ne déroge pas à cette règle. En ce qui concerne l’armée
Perse les auteurs :
Arrien (ou Lucius Flavius Arrianus Xénophon ou Arrien de
Nicomédie, historien
Grec et philosophe de l’époque Romaine, v.85-v.145)
et Plutarque
(Philosophe, biographe et moraliste Grec, 46-v.125),
qui basent leurs récits sur les sources Grecques antérieures
en fournissent un décompte. Ils estiment 600.000 le nombre de soldats au total.
Diodore de Sicile (Historien Grec,
v.90-v.30) et Justin (ou Marcus Junianus Justinus ou Justinus Frontinus, historien Romain du IIIe siècle) l’estiment à 400.000 et
Quinte-Curce (ou Quintus Curtius Rufus, historien Romain, Ier siècle ap.J.C.) lui à 250.000 ?.
Les historiens modernes considèrent le nombre de 600.000 hommes d’Arrien et Diodore
hautement improbable. Ils soutiennent que la logistique pour plus de 100.000 soldats dans une bataille était extrêmement difficile à l’époque.
À l’inverse le chiffre donné par Hans Delbrück de 25.000 hommes semble lui beaucoup trop petit.
La plupart des historiens, comme Peter Morris Green, estiment la taille totale de l’armée de
Darius III à
plus de 100.000 hommes, y compris 11.000 cavaliers, 10.000 de la garde des Immortels et 10.000 mercenaires
Grecs.
John Gibson Warry l’estime à 108.000 au total. On trouve assez souvent ces décomptes : 30.000 mercenaires
Grecs, 70.000 à 60.000 fantassins
Perses, 50.000 à 30.000 cavaliers
Perses et un grand nombre de soldats légèrement armés.
En ce qui concerne l’armée Macédonienne et
Hellénique les chiffres ne sont guère plus fiables. On estime néanmoins qu’elle ne pouvait pas dépasser
beaucoup plus de 40.000 hommes,
y compris les autres alliés. John Gibson Warry donne un total de 31.000 hommes. On trouve assez souvent ces décomptes :
30.000 ou 26.000 ou 22.000 phalangistes et hoplites, 13.000 peltastes et 6.000 cavaliers.
Le déroulement
Sisygambis, Héphestion et Alexandre , après la défaite Perse à Issos – Francesco de Mura
(1696-1782)
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Cette fois
Darius III dirigea lui-même son armée.
Il eut l’avantage de mettre celle-ci la première en ordre de bataille. Il se positionna au centre
avec sa meilleure infanterie, les mercenaires Grecs, et sa garde royale
de cavalerie et plaça 20.000 fantassins légers sur les flancs de la montagne et disposa près de la côte sa cavalerie lourde concentrée sur son aile droite,
suivit de la phalange de mercenaires Grecs.
Thymondas (ou Timondes, en Grec :
Θυμώνδας), fils de Mentor de Rhodes
(v.385-v.340) et neveu de Memnon de Rhodes (v.380-333),
fut un des commandants des mercenaires.
À côté de la phalange Grecque
Darius III déploya son infanterie
Perse, le long de la rivière et dans les contreforts.
Selon certains historiens, comme Potis Stratikis, il essaya de reproduire la formation de combat Hellénique de la
bataille du Granique.
Suivant son dispositif habituel, Alexandre dirigea la cavalerie
des "Compagnons" sur le flanc droit tandis qu’il plaça sur le flanc gauche, contre le rivage, la cavalerie
Thessalienne sous le commandement de Parménion et
la phalange en retrait, le long du cours d’eau. Celle-ci était protégée sur ses flancs par des bataillons de peltastes.
La bataille commença par un choc entre les deux infanteries sur les rives du Pinaros (ou Pinarus).
Les mercenaires Grecs de Thymondas (ou Timondes)
combattirent avec acharnement et réussirent un temps à rompre la phalange
Macédonienne commandée par
Cratère (ou Kraterós ou Craterus, en
Grec : Κρατερός, v.370-321).
Au même moment la cavalerie Perse chargea
Parménion traversant la rivière pour ouvrir la bataille. Mais elle se heurta à une grande résistance de celui-ci qui tint l’aile gauche
Macédonienne.
L’aile gauche d’Alexandre devint le cœur de la bataille.
Appuyé par son corps d’élite des Hypaspistes, le Roi à la tête de la cavalerie des “Compagnons“,
défit l’aile gauche adverse et se rabattit,
à travers le lit de la rivière, vers le centre de Darius III, dont il
réussit à percer la ligne.
Diodore de Sicile (Historien Grec,
v.90-v.30) avance qu’Alexandre cherchait à défier
Darius III en combat singulier, mais selon
Arrien (ou Lucius Flavius Arrianus Xénophon ou Arrien de
Nicomédie, historien
Grec et philosophe de l’époque Romaine, v.85-v.145)
cette manœuvre au centre semblait davantage dirigée contre les mercenaires
Grecs.
Cependant, dès que le
Macédonien aperçut
Darius III, il lança une attaque directement contre lui.
La garde royale Perse opposa une grande résistance autour du char royal.
Plusieurs Satrapes et officiers de haut rang y
laissent la vie pour sauver leur Roi. Dans la mêlée, les chevaux de
Darius III furent blessés, il eut toutefois la possibilité de changer
de char et il prit la fuite dans la panique générale. Les Perses,
voyant que leur Roi avait disparu abandonnèrent leurs positions. Ce retrait entraîna la débâcle de leur cavalerie, puis de l’armée tout entière.
En fuite dans un défilé étroit, les cavaliers Perses périrent
en se foulant mutuellement, ou en chutant dans les ravins. La cavalerie Hellénique poursuivit les fuyards
Perses et surtout
Darius III jusqu’au coucher du soleil, mais en vain.
La tente, le trône et les magnifiques meubles
de Darius III récupérés par Alexandre après sa victoire |
Comme avec la plupart des batailles anciennes, le carnage significatif eut lieu après la bataille lorsque les
Macédoniens abattirent les fuyards désorganisés.
Comme pour les effectifs, les chiffres des pertes sont très variés. On retient aujourd’hui 7.000 tués côté
Macédonien et 20.000 côté
Perse.
Darius III parvint à s’enfuir vers l’Euphrate, laissant
son char et ses attributs royaux (Son arc, son bouclier et son manteau) et aussi laissant sa famille avec sa mère
Sisygambis (ou Sisygambes), son épouse
Stateira I, son fils de cinq ans Ochus et ses filles
Stateira II et Drypteis, qui furent capturés par
Alexandre, ainsi qu’un immense butin.
Cette scène est illustrée sur une mosaïque retrouvée à Pompéi, dans la maison du Faune où l’on voit le Roi
Perse prendre la fuite.
Le Roi fut très magnanime à leur égard et traita avec déférence la Reine et sa famille.
Ce serait à ce moment que se situe l’épisode légendaire de la confusion faite par
Sisygambis (ou Sisygambes) entre
Alexandre
et Héphestion (ou Héphaestion
ou Héphaistion ou Hêphaistíôn, 356-324).
Stateira I conserva son statut royale et le
Macédonien épousera
Stateira II lors des Noces de
Suse en 324 et Drypteis épousera Héphestion
(ou Héphaestion).
Selon Wilhelm Bernhard Kaiser, Darius III envoya alors à son
adversaire une lettre dans laquelle il lui offrit un traité d’amitié et lui demanda la libération de sa famille.
Alexandre, qui avait pourtant renoncé à la poursuite
immédiate de Darius III
refusa cette demande.
La bataille d’Issos fut une victoire Hellénique décisive et elle marqua le début de la fin du pouvoir
Perse.
Ce fut la première fois que l’armée Perse fut battue avec son Roi à sa tête.
Alexandre entama alors la conquête de la
Phénicie et de
l’Égypte et allait remporter ensuite une ultime victoire
contre Darius III à la
bataille de Gaugamèles
le 01 Octobre 331.
Bibliographie
Pour d’autres détails sur la bataille voir les ouvrages de :
Frédéric Bey :
– Issus & Gaugamela : Alexander the Great versus Darius III, Histoire & Collections, Paris, 2014.
Theodore Ayrault Dodge :
– Alexander : A history of the origin and growth of the art of war from the earliest times to the battle of Ipsus,
301 BC, with a detailed account of the campaigns of the great Macedonian,
Da Capo Press, New York, 1996.
Paul K.Davis :
– 100 decisive battles : From ancient times to the present, Oxford University Press, New York, 2001.
Hans Delbrück :
– History of the art of war, 4 Volumes, University of Nebraska Press, 1920 – Reprint edition, 1990.
Alexander Demandt :
– Alexander der Große : Leben und legende, C.H. Beck, München, 2009.
Maurice Dessemond et Jean Lartéguy :
– Alexandre Le Grand : l’homme-dieu, Georges Naef, Genève, 2001.
Marcel Dieulafoy :
– La bataille d’Issus : Analyse critique d’un travail manuscrit du commandant bourgeois, Imprimerie nationale, Klincksieck, Paris, 1912.
Theodore Ayrault Dodge :
– Alexander : A history of the origin and growth of the art of war from the earliest times to the battle of Ipsus,
301 BC, with a detailed account of the campaigns of the great Macedonian, Da Capo Press, New York, 1996.
Johann Gustav Droysen :
– Die schlacht bei Issos, Junker und Dünnhaupt, Berlin, 1936.
Liliane Dutrait :
– La bataille d’Issos, Préhistoire et archéologie 37, 1981.
Andrea Frediani :
– Les grandes batailles d’Alexandre le Grand, Newton Compton, 2004.
Peter Morris Green :
– Alexander of Macedon, 356-323 B.C. : A historical biography,
University of California Press, Berkeley, 1991.
Robin Lane Fox :
– Alessandro Magno, Einaudi, Turin, 1981-2004- En Anglais, Alexander the Great, Penguin, London, 2005.
Phillip Harding :
– From the end of the Peloponnesian War to the battle of Ipsus, Cambridge University Press, Cambridge, New York, 1985.
Dominique Joly et Antoine Ronzon :
– La fabuleuse Histoire d’Alexandre le Grand, Collection : La fabuleuse histoire, Tourbillon, Paris, 2005.
David J.Lonsdale :
– Alexander, killer of men : Alexander the Great and the Macedonian art of war, Constable, London, 2004.
John Gibson Warry :
– Warfare in the classical world : An illustrated encyclopedia of weapons, warriors, and warfare in the ancient civilizations of Greece and Rome,
St. Martin’s Press, New York, 1980.
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Filmographie |
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– Alexander the Great and the battle of Issus, Réalisation :
Phil Grabsky, Seventh Art Productions, Channel Four (Great Britain), Ambrose Video Publishing et Direct Cinema Ltd.,
DVD
vidéo, Éditeur : Direct Cinema Ltd., Santa Monica, 2008.
– Battles B.C. : Alexander lord of war, Réalisation :
Arts and Entertainment Network, New Video Group et History (Television network),
DVD
vidéo, Éditeur : A & E Television Networks, New York, 2008.
– The great commanders : 6 battles that changed history, Réalisation :
Phil Grabsky, Brian Cox, David G.Chandler, Channel Four (Great Britain),
DVD
vidéo, Éditeur : Direct Cinema Ltd., Santa Monica, 2008.
– The true story of Alexander the Great, Réalisation :
Jim Lindsayn Peter Woodwardn Rafael Ferrern William Murray, Brian Bosworth, Peter Green
Arts and Entertainment Network, New Video Group et History (Television network),
DVD
vidéo, Éditeur : Burlington, VT : A & E Television Networks, Distributed by New Video, New York, 2005.
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