Localisation et généralités
Les Gasgas (ou Kaska
ou Kaskians
ou kaškaš, en
Égyptien : KSkS “Gens de la montagne du Nord” ou Kaškäer ou Kaschkäer
ou Kaškäischen ou Gaschgesch ou Gašgeš ou Keschkesch,
en Égyptien :
Krchkch ou Keske ou kasku) étaient un peuple à l’âge du bronze situé dans
les montagnes d’Anatolie Pontique à l’Est de la Paphlagonie.
Bien qu’historiquement attesté ils sont pratiquement inconnus archéologiquement. Les sources Hittites les situent dans le
centre et le Nord de la région du Hatti jusqu’en
bordure de la mer Noire, à l’Est de
Zalpa. C’est la raison pour laquelle, plus tard,
l’Empire Hittite ne s’étendra jamais vers
le Nord de cette région. Les Gasgas, selon Cyril Toumanoff, étaient probablement originaire de la rive
orientale de la Propontide.
Surnommés "Tisseurs de lin et éleveurs de porcs“, ils s’installèrent dans les vallées situées entre
la frontière Nord du royaume Hittite et la mer
Noire. Ayant semble-t-il un mode de vie semi-nomade ils ne construisirent pas de villes et étaient fragmentés en au moins neuf
tribus différentes. Les Gasgas n’avaient pas de langage écrit
et parlaient une langue non Indo-européenne, peut-être liée à la langue Hatti. Ils vivaient du bétail et d’une agriculture
rudimentaire.
La culture Gasgas est extrêmement mal connue, et selon Einar Von Schuler, de ce fait seulement quelques noms
de personnes et de divinités ont été identifiés. Notre connaissance de ce peuple vient avant tout des sources
Hittites retrouvées à
Hattousa, notamment des annales royales et des
textes reprenant des accords diplomatiques conclus avec des tribus Gasgas. Ces textes nous présentent ce peuple comme des bandes
de pillards. Mais ils n’en furent pas moins des adversaires redoutables pour les
Hittites, prenant à plusieurs
reprises leur capitale, et peut-être contribuèrent-ils à la chute de ces derniers, vers 1190 av.J.C.
Leur organisation politique n’est pas très claire, elle était de forme tribale. Les Gasgas formaient
seulement des alliances temporaires entre tribus pour attaquer leurs voisins (Ce qui était très fréquent). Ce fut cette absence
de structures politiques qui fit d’eux des adversaires très dangereux pour les
Hittites, car, même si une invasion de ces
derniers sur le territoire Gasgas réussissait, il était impossible d’en créer des royaumes vassaux ou d’en définir les frontières
et rien n’empêchait les Gasgas de revenir à leur mode de vie traditionnel.
L’Empire Hittite vers 1650 – 1620 |
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L’histoire…….
Les Gasgas furent tout au long de leur histoire une source
permanente d’ennuis pour les
Hittites. Ils apparaissent dans les sources pour la première fois dans des prières
Hittites
datant du règne d’Hantili II, avec des références, vers 1480, à leur invasion.
Ils envahirent le petit territoire
Hittite, conquérant la ville de Tiliura
et la ville sainte de
Nerik (Au Nord d’Hattousa,
mais dont l’emplacement exact est inconnu). Une partie des chercheurs suppose
donc qu’ils arrivèrent seulement dans le Nord de l’Anatolie à cette époque,
d’autres pensent au contraire qu’ils furent des autochtones ?. Ce dernier avis est
plausible si l’on admet que le nom attesté de Kaškäischen en Anatolien,
se réfère à eux. L’absence de ce peuple dans les textes datant d’avant 1480 fait
pencher plutôt pour le premier avis.
On les retrouve ensuite sous le règne de
Tudhaliya I
(ou Tudhalia, v.1430-v.1420), dont un des premiers objectifs lors de son arrivé au pouvoir fut de combattre leurs tribus,
constamment menaçantes à la frontière Nord du royaume. Bien que
Tudhaliya I ne remporta pas une
victoire complète, il les força à retourner dans leur territoire. Ce fut pour peu de temps car son successeur, Arnouwanda I
(ou Arnuwanda, v.1420-v.1400), vit malheureusement sous son règne, les Gasgas atteindre le centre de son royaume, pillant et
détruisant toutes les villes sur leur passage. Il adressa une prière aux Dieux à
Nerik pour sauver son Empire et il y mentionne
les villes de Kammama et
Zalpa (ou Zalpuwa, qui n’est pas localisée avec certitude mais qui devrait se situer sur la côte Sud de
la mer Noire, près de l’embouchure du Halys), maintenant sous la domination Gasgas. Il essaya de freiner leur invasion et
pillages par le paiement d’une rançon importante. Son fils Tudhaliya II (ou Tudhalia ou Touthalija, v.1400- ?) reprit les armes,
il les chassa et récupéra les territoires perdus par son père.
Dans "les lettres d’Amarna",
(Important recueil retrouvé dans la cité, de la correspondance des souverains
Égyptiens avec leur voisins,
généralement composées en Akkadien,
la langue diplomatique à cette époque),
Amenhotep III (1390-1353/52) écrivit au
Roi d’Arzawa,
Tarhunta-Radu, que la "région d’Hattousa”
avait été détruite, et il demandait de lui envoyer certains de ces Gasgas dont il avait entendu
parler. Des lettres retrouvées à Maşat Höyük (Site archéologique situé en Turquie, correspondant à l’ancienne
ville de Tapikka (ou Tappika ou Tappiga), à la frontière Nord du royaume
Hittite) nous fournissent un texte
qui raconte
que, quelque temps plus tard, pendant le règne de
Souppilouliouma I (ou Suppiluliuma, 1355-1322),
des invasions de sauterelles ravagèrent les cultures de céréales. Les Gasgas touchés par la faim se joignirent au royaume
d’Hayasa-Azzi (Situé au Nord de l’Euphrate) et à l’Isuwa dans l’Est Anatolien (Dans la région du cours supérieur des l’Euphrate)
et attaquèrent la capitale
Hittite,
Hattousa. Il est probable qu’ils brûlèrent aussi la capitale secondaire
Hittite,
Sapinuwa (ou Şapinuva
ou Shapinuwa ou aujourd’hui Ortaköy, chef-lieu de district de la province de Çorum
située à 75 km. au Nord-est d’Hattousa)
obligeant la cour Hittite à se replier à
Samuha (Dont l’emplacement exact
est toujours discuté), plus au Sud-est. Toutefois,
Souppilouliouma I
maîtrisa rapidement la rébellion et sécurisa ses frontières, mais cela ne suffit pas à pacifier la frontière Nord, qui se
souleva fréquemment. Certains chefs Gasgas comme Pitaggali réussirent même à
contrôler des principautés importantes.
Le renforcement des frontières fut de nouveau effectué sous le règne de son fils
Moursil II
(ou Mursil ou Mursili, 1321-1295) dont les annales nous décrivent les campagnes
punitives organisées contre les tribus de Gasgas, dans les deux premières années de son règne, pour assurer la sécurité à la
frontière Nord et celle de sa capitale Hattousa.
Puis Moursil II
se tourna vers l’Ouest, où le Roi d’Arzawa
avait coalisé des États du Sud-ouest de l’Anatolie dans une tentative de créer un royaume indépendant. Après ces campagnes
à l’Ouest, il dut de nouveau retourner au Nord où un nouveau chef Gasgas, Pihhuniya de
Tipiya (ou Tippiya), avait pris une importance politique
considérable. Le Roi Hittite ne connut
pas au début un grand succès et Pihhuniya réussit à prendre des territoires au Nord-est
d’Hattousa, dont Istitina et il s’avança
jusqu’à Zazzissa (ou Zazsa). Moursil II
réussit à reprendre le dessus et à vaincre Pihhuniya qui fut envoyé en tant que prisonnier à
Hattousa.
Les Hittites, face à cet ennemis constant et
incontrôlable dans le temps qu’était les Gasgas, passèrent à une stratégie défensive en créant une chaîne de forteresses
aux frontières Nord de la Devrez.
Son fils et successeur
Mouwatalli II
(ou Muwatallish ou Muwattalli, 1295-1272) comme pour les souverains avant lui, vit son règne rythmé par les guerres contre les
Gasgas. Ces derniers avaient une nouvelle fois franchi la frontière et ravageaient le pays, jusqu’à la capitale
Hattousa qui fut prise et détruite.
Mouwatalli II se réfugia alors
dans le Sud à Tarhuntassa (ou Tarhundassa, dont localisation exacte est encore indéterminée,
on pense dans le Sud Anatolien, en
Cilicie ou Pamphylie). Pour reprendre le Nord du pays,
il nomma son frère
Hattousili III (Empereur de
1264-1234) administrateur des provinces du Nord. Pendant que celui-ci s’occupait du Nord du pays,
Mouwatalli II entra en conflit avec le
Pharaon Séthi I (1294-1279) qui avait lancé une
campagne en Palestine.
La confrontation eut lieu à Kadesh sur
l’Oronte, Sethi I réussit à y vaincre une importante
armée Hittite
qui essayait de défendre la ville. La cité cependant revint dans l’escarcelle des
Hittites, les
Égyptiens ne pouvant pas maintenir une
occupation militaire permanente. Cinq ans après la mort de
Séthi I, son fils
Ramsès II allait reprendre officiellement les
hostilités conscient que Kadesh était un
point stratégique. En Mai 1274, il partit de sa capitale
Pi-Ramsès vers le Nord à la tête d’une immense
troupe. Mouwatalli II réunit alors une immense armée
composée d’une coalition de près de vingt peuples de ses vassaux
Anatoliens et Syriens, dont
beaucoup de
Gasgas, soit environ 30.000 hommes, dont 3.000 chars. Cette nouvelle
bataille de Kadesh, qui connut de part et d’autre de
lourde perte ne vit pas vraiment de vainqueur chacun prétendant avoir remporté la victoire.
Les campagnes victorieuses
d’Hattousili III dans le Nord,
notamment contre les Gasgas qui furent sévèrement battus, reculant de manière significative la frontière entre eux et les
Hittites, et en réoccupant la ville de
Nerik,
lui assurèrent une grande reconnaissance de son frère, qui lui concéda alors en récompense le royaume d’Hakpissa (ou Hakmis
ou Hakpiš), au Nord du
Hatti (Toutes les régions au Nord
d’Hattousa),
mais dont l’emplacement exact est inconnu. Ce dernier ne se contenta pas de ça, il usurpa le trône à
Ourhitechoud (ou Urḫi-Teššub ou Moursil III, 1272-1265), le fils de
Mouwatalli II.
Après cette défaite les Gasgas ne connurent plus de grandes victoires jusqu’à la chute de l’Empire
Hittite (vers 1190), dont ils furent sûrement
également responsable, rejoignant les Peuples de la
Mer lors de leur conquête de l’Anatolie, ce qui leur permis de pénétrer en
Anatolie Orientale. Pour beaucoup ils migrèrent donc vers le Sud.
Ils sont mentionnés un peu plus tard dans
les annales de l’Empereur
Assyrien,
Teglath-Phalasar I (ou Tiglath-Pileser ou Tiglatpileser, 1116-1077). Il y est dit qu’ils s’allièrent aux Mosques
(ou Mushki ou Moushkis) et qu’ils furent très actifs dans ce qui avait été le cœur du
Hatti, mais que
Teglath-Phalasar I
les affronta et les battit à l’Est de l’Euphrate. Repoussés par les
Assyriens,
les Gasgas disparurent un moment de l’histoire. Une partie des spécialistes, comme Cyril Toumanoff, avancent qu’une subdivision
des Gasgas aurait pu passer au Nord-est du Caucase, où probablement ils se mélangèrent avec les
Proto-Colchide autochtones, ce qui aurait donné la formation du
système politique connu sous le nom Kolkha ? (Plus tard la
Colchide pour les
Grecs). Une autre branche pourrait s’être
établis en Cappadoce, qui, au VIIIe siècle,
serait devenue vassale de l’Assyrie
qui contrôlait certaines régions d’Anatolie, d’où le fait qu’ils furent sporadiquement cités, mais sous un autre nom,
dans des textes Assyriens qui les situent
dans l’Est Anatolien. Dans les annales de
Sargon II (ou Sargón ou Šarru-kīn, 722-705) le nom Kaškäer
est mentionné pour la dernière fois. Après cela leur trace est perdue et ils disparurent de l’histoire.
Bibliographie
Pour d’autres détails sur les Gasgas voir les ouvrages de :
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– The Kingdom of the Hittites, Clarendon Press, Oxford, 1998 – Oxford University Press,
New York, 1998 – 2005.
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– L’extension de la zone des Gasgas à l’Ouest, pp : 101-110, Revue hittite et asianique 118, 1930.
Georges Contenau :
– La civilisation des Hittites et des Hourrites du Mitanni,
Payot, Paris, 1934- 1948 – Éditions d’Aujourd’hui, Paris, 1983.
Serkan Demirel :
– Some questiones of required response about Hittite-Kaška relations,
Gazi University, Ankara, 2013.
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– Les civilisations anatoliennes,
PUF, Paris, 1998.
Massimo Forlanini et Gian Maria Di Nocera :
– Anatolia, La prima metà del II millennio A.C.,
Università degli Studi di Roma La Sapienza, Dipartimento di Scienze Storiche, Archeologiche e Antropologiche dell’Antichità,
Roma, 1992.
Jacques Freu :
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langues de la Méditerranée ancienne 11, Université de Nice-Sophia Antipolis, Nice, 1990.
– Les “barbares” Gasgas et le royaume Hittite, pp : 61-99, Cahiers de Kubaba 7, L’Harmattan, Paris, 2005.
John Garstang :
– The land of the Hittites, Constable and Company Ltd., London, 1910.
Nebahat Ilgi Gercek :
– The Kaska and the northern frontier of Hatti, Deep Blue, 2012.
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James Galloway Macqueen :
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Cyril Toumanoff :
– Manuel de généalogie et de chronologie pour l’histoire de la Caucasie Chrétienne, Edizioni
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– Les dynasties de la Caucasie Chrétienne de l’Antiquité jusqu’au XIXe siècle, Aquila, Rome, 1990.
Einar Von Schuler :
– Die Kaškäer. Ein Beitrag zur Ethnographie des alten Kleinasien, De Gruyter, Berlin, 1965.
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