Monnaie du Satrape Mithrapata – vers 380 av.J.C |
L’histoire…..
Les
Hittites,
dans leurs textes, citent les Lukkas (ou Luka ou Loukou), un peuple inconnu qui était situé à l’extrême Ouest de leur
Empire, près de la mer, où un de leurs Rois mena une campagne militaire au cours de laquelle il aurait conquis les villes de :
Myra,
Patara, Arnna (De son nom Grec :
Xanthos
ou Xantos) etc.. Les Lukkas auraient fait partie des
"Peuples de la mer",
on les retrouve plus tard lors de la
bataille de
Kadesh (ou Qadesh, fin Mai 1274) alliés des Hittites
qui s’opposaient au Pharaon Ramsès II (1279-1213).
Ils sont cités par les
Égyptiens sous le nom de Ruku ou Luk
ou Lukki. En fait nous ne connaissons que leur nom, car les fouilles n’ont révélé, à ce jour, aucune trace matérielle de leur
existence. L’emplacement exacte de ce peuple est toujours sujet à de nombreux débats, et ne coïncide pas nécessairement avec
la Lycie.
C’est cinq siècles plus tard, qu’apparut le peuple des Lyciens. Selon
Hérodote (Historien
Grec, v.484-v.425), les premiers habitants
se nommaient les Solymes. Ils furent remplacés lors de l’invasion
Minoenne (ou Crète) menée par Sarpédon, par
une population originaire de la Crète, les Termyles. Ils furent ensuite soumis par Lycos, le fils du Roi
d’Athènes, Pandion I.
Homère (Poète Grec, VIIIe siècle), lui, avance que les Lyciens étaient les alliés des Troyens et de leur Roi Priam, pendant la
guerre de Troie. Ce qui est sûr, c’est que l’étude de leur langue, typiquement Anatolienne, montre une certaine apparentée avec
celle des Hittites.
Plus tard, vers le VIe siècle, les Lyciens formèrent une
confédération avec
pour principales cités Xanthos (ou Xantos ou Xanthe),
Telmessos,
Myra et
Patara.
Vue du site de Xanthos |
La Lycie comme toutes les régions
d’Asie Mineure, connut à partir de 546 l’invasion des
Perses Achéménides de
Cyrus II (559-529).
La conquête de la région fut confiée au Général
Harpage (ou Harpagos), qui conquit également
l’Ionie et la
Carie. L’armée
Perse entra probablement dans le pays par
le Nord-ouest, à travers la forêt près de
Telmessos.
Hérodote
(Historien Grec,
v.484-v.425 – Histoires : 1174-178) raconte que les Lyciens vaincus dans une bataille par
Harpage,
gagnèrent Xanthos
et que la population de la ville fit preuve d’un grand héroïsme face à l’envahisseur. Ils détruisirent leur acropole, brûlèrent
tout leur bien, tuant leurs femmes, enfants et esclaves et se lancèrent à l’assaut des
Perses, dans une ultime attaque où ils
furent tous massacrés.
Seules 80 familles absentes survécurent et la cité fut entièrement incendiée.
Il faut signaler que cet acte héroïque rapporté ne fut qu’un événement unique, pas un processus de rébellion global.
Toutefois, les Lyciens avaient une réputation de pirates et ils ne s’assujettirent que très nominalement à l’Empire
Perse.
Afin de garder un climat apaisé, les
Perses permirent aux habitants de la région de maintenir leurs traditions et leurs dirigeants autochtones,
bien qu’ils faisaient partie d’une région gérée par un
Satrape, puisque
la Lycie fut incluse dans la première
satrapie avec
l’Ionie,
l’Éolide, la
Carie et la
Pamphylie.
Xanthos fut repeuplée et devint sans doute un centre
administratif local. Dans le cas de la Lycie, il n’existe aucune preuve de garnisons
Perses permanentes à cette époque. Ils
utilisèrent la collaboration des dynastes locaux pour assurer l’ordre interne. Quant à ses relations avec la
Grèce, la Lycie apparemment ne prit aucune
part à la révolte Ionienne de 495.
Au contraire, en 480, lors de la
Deuxième Guerre Médique,
les Lyciens participèrent à la campagne du Roi
Perse,
Xerxès I (486-465) contre la
Grèce continentale.
Ils soutinrent la flotte Perse
à la
bataille du cap Artémision (Situé au Nord-est d’Eubée) en envoyant 50 navires sous le commandement du Général Kybernis.
Tombeau Lycien près d’Üçağız – Turquie |
Après les défaites des Perses
en Grèce, le
Général Athénien,
Cimon (ou Kimôn, v.510-450/449), fils de
Miltiade, commença une campagne navale qui le conduisit à la libération des côtes d’Asie Mineure et à l’annexion de la Lycie à
la Ligue de Délos (Avec d’autres parties
de la côte d’Asie Mineure) et à sa grande victoire à la
bataille de l’Eurymédon (469). Ainsi la Lycie figure sur une liste de
charges des membres de la Ligue en 446/445.
L’hégémonie d’Athènes sur la région dura peu de temps,
puisqu’elle ne figure pas dans la liste des membres de la
Ligue donnée
par Thucydide (Homme politique et historien
Athénien, v.460-v.400/395), au moment de l’éclatement,
en 431, de la Guerre du Péloponnèse.
Certains spécialistes avancent que la région sortit de la Ligue de Délos en 429
et retourna sous la domination Perse.
Dans les décennies qui suivirent, la Lycie vécut dans un état de guerre quasi permanent entre dynastes locaux
de grandes villes. Vers 400 ceux de
Xanthos semblent avoir dominé le pays.
Vers 380, Périclès de Limyra rompu avec les
Perses et décida de gagner militairement sur
toute la Lycie. Il s’autoproclama Roi de Lycie et mis en place une sorte de “dictature militaire”. Il fit de Limyra
la capitale de l’Union Lycienne et il chassa le
Satrape
Perse, Arttumpara, Gouverneur de la Lycie
occidentale. La volonté de Périclès semble avoir été d’obtenir l’indépendance totale de la Lycie. Sa victoire à
Xanthos contre Arttumpara lui permit de contrôler, un
temps, l’ensemble de la région et celles voisines au Nord et à l’Est.
Les Perses ne pouvaient pas tolérer ce
changement de pouvoir et ils firent intervenir en 362 le
Satrape de
Carie
Halicarnasse,
Mausole (377-353), qui mit fin à la
sédition et devint le nouveau maître de la région. Périclès fut exécuté par Payava de
Xanthos en 360.
Les cités Lyciennes adoptèrent alors des constitutions
Grecques et ne frappèrent plus leur monnaie.
Elles restèrent propriété
d’Halicarnasse jusqu’a leur
libération en 333 par Alexandre le
Grand (336-323).
Alexandre inclut
la Lycie dans la nouvelle
satrapie de
Pamphylie, avec Néarque comme
Satrape.
Après la mort d’Alexandre
et du partage de son Empire et des luttes qui en découlèrent, elle fut donnée en
320 à Antigonos
I Monophtalmos (Roi 306-301),
avec les provinces de Phrygie, de
Lycaonie et de Pamphylie. Toutefois, ce statu quo fut vite brisé et
après la défaite d’Antigonos I à
la
bataille d’Ipsos en 301, la Lycie fit brièvement partie des possessions de
Cassandre (Roi 301-297). Elle fut
ensuite combattue, avec d’autres régions d’Asie Mineure, entre le Roi
Séleucide,
Séleucos I Nikatôr (305-280)
et celui d’Egypte, Ptolémée I Sôter (305-282)
qui fut vainqueur et y imposa la langue
Grecque. En 197 elle tomba sous le contrôle
du Roi Séleucide,
Antiochos III Mégas (223-187),
comme une grande partie de l’Anatolie. En 190 les Romains vainquirent
Antiochos III et avec le traité de
paix (Paix d’Apamée) qui s’en suivit elle fut concédée par les Romains à
Rhodes, de 188 à 168. Lors de toutes ses occupations,
les Lyciens conservèrent une certaine liberté et les villes furent même être assez prospères.
Tombeau d’Amyntas à Telmessos |
Selon Tite-Live (ou Titus Livius, historien Romain, v.59
av.J.C-17 ap.J.C), en 178 la Lycie se plaignit au Sénat Romain que la population
était traitée comme des esclaves par les
Rhodiens.
Le fouet était institué comme une punition
corporelle et les femmes et les enfants étaient maltraités. Les Romains envoyèrent un avertissement sévère à
Rhodes en les avertissant qu’ils n’avaient pas
l’intention que les Lyciens ou d’autres personnes nées dans la liberté soient asservis par
eux, et que la cession n’était qu’un protectorat.
Les Rhodiens envoyèrent un Ambassadeur en retour à
Rome en affirmant que les Lyciens créaient de graves problèmes et qu’ils étaient un fardeau financier pour
Rhodes.
La suite de l’histoire n’a pas survécu, mais en 168 av.J.C
la Lycie retrouva momentanément son indépendance. Avec le consentement de Rome, elle fonda alors une confédération de cités,
la Confédération Lycienne.
Bien qu’elle fut pendant des siècles sous l’hégémonie Romaine, la Lycie fut la dernière
région Hellénistique à être intégrée formellement dans l’Empire Romain. En l’an 43 ap.J.C, sous l’Empereur Claude (41-54),
elle acquit le statut de province en raison de conflits internes et la mort de certains citoyens Romains, mais il
est difficile de savoir si ce fut une entité distincte, probablement avec comme capitale
Patara, ou si elle fut rattachée
avec la Pamphylie. Dans tous les cas elle fut une unité
culturelle et géographique, et, en tant que tel, fut prise en compte dans les textes.
En 129 l’Empereur Hadrien (117-138), visita la Lycie et il fit construire, dans les villes portuaires de
Myra et
Patara deux bâtiments pour stocker et préserver
la production de blé de la région de façon stratégique. Ces infrastructures restèrent actives jusqu’au IVe siècle ap.J.C.
En 141 un violent tremblement de terre dévasta la région causant de grands dégâts. Opramoas de Rhodiapolis, l’homme le plus riche
de la péninsule, investit de fortes sommes pour la reconstruction des villes dévastées.
En 304/305 la Lycie fut coupée en deux provinces distinctes, par l’Empereur Dioclétien (284-305) pour former
une province Romaine du diocèse d’Asie.
La Confédération Lycienne
Selon Tite-Live (ou Titus Livius,
historien Romain, v.59 av.J.C-17 ap.J.C), en 178 la Lycie se plaignit au Sénat Romain que la population était traitée comme des
esclaves par les Rhodiens. Le fouet était institué
comme une punition corporelle et les femmes et les enfants étaient maltraités. Les Romains envoyèrent un avertissement sévère à
Rhodes en les avertissant qu’ils n’avaient pas
l’intention que les Lyciens ou d’autres personnes nées dans la liberté soient asservis par eux, et que la cession n’était
qu’un protectorat. Les Rhodiens envoyèrent un
Ambassadeur en retour à Rome en affirmant que les Lyciens créaient de graves problèmes et qu’ils étaient un fardeau financier
pour Rhodes.
Reconstitution du temple de Léto |
La suite de l’histoire n’a pas
survécu, mais en 168, la Lycie fut libérée de l’emprise de
Rhodes. Il n’était pas question d’indépendance à proprement parlé, la région n’étant pas souveraine, seulement autonome en
vertu des principes républicains. Elle ne pouvait ni négocier avec les puissances étrangères, ni désobéir au Sénat Romain.
Elle pouvait toutefois gouverner son propre peuple et battre ses propres
monnaies.
Avec l’accord de Rome, elle fonda alors une confédération de cités, la
Confédération Lycienne (en
Grec : Λυκιωντοκοινον "debout ensemble").
Selon Strabon (Géographe
Grec, v.63 av.J.C-v.23 ap.J.C) cette confédération regroupait au départ 36 villes, puis 23. Le Consul Romain
Lucius Licinius Murena (105-22), ajoutera 3 autres cités en 81. Elles se réunissaient sur le site du Létôon, à proximité de
Xanthos, afin d’y élire une assemblée (ou Sénat, en
Grec : συνέδριον, Synedrion, “assis ensemble“), des magistrats et
d’autres fonctionnaires, et leur président appelé Lyciarch (ou Liciarca), selon un système de
représentation proportionnelle. Chaque ville, en fonction de sa taille, pouvait envoyer un à
trois représentants au sein du conseil. Les villes de
Xanthos,
Patara,
Pinara,
Olympos,
Myra et
Tlos avaient droit à trois votes.
Le but de cette ligue fut le suivi de la mise en œuvre des droits
des différentes cités et la gestion des terres communes. Elle dut faire face à quelques conflits, entre autres elle eut
à lutter contre la cité de Termessos
en Pisidie.
Sur ce site se trouvait également un sanctuaire où l’on y vénérait le culte de Léto, mère d’Apollon
et d’Artémis. Des ambassadeurs d’Égypte
et de Grèce venaient sur le site sacré où
le culte se perpétua jusqu’au VIIe siècle ap.J.C.
Bibliographie
Pour
d’autres détails sur la Lycie voir les ouvrages de :
İlhan Akşit :
– Ancient civilizations and treasures of Turkey, Akşit Kültür Ve Turizm Yayincilik, Istanbul, 2004.
George Ewart Bean :
– Lycian Turkey : An archaeological guide, E.Benn, London, 1978 – W.W.Norton, New York, 1978.
Hartwin Brandt et Frank Kolb :
– Lycia et Pamphylia : Eine Römische provinz im südwesten kleinasiens, Philipp Von Zabern, Mainz am Rhein, 2005.
Hadrien Bru, François Kirbihler et Stéphane Lebreton :
– L’Asie Mineure dans l’Antiquité : Échanges, populations et territoires : Regards actuels sur une péninsule :
Actes du Colloque International de Tours, 21-22 octobre 2005, Presses Universitaires de Rennes, Rennes, 2009.
Patrice Brun, Laurence Cavalier, Koray Konuk et Francis Prost :
– Euploia : La Lycie et la Carie antiques : Dynamiques des territoires, échanges et identités :
Actes du colloque de Bordeaux, 5, 6 et 7 novembre 2009, Éditions Ausonius, Bordeaux, 2013.
Trevor Bryce et Jan Zahle :
– The Lycians : A study of Lycian history and civilisation to the conquest of Alexander the Great,
Museum Tusculanum Press, Copenhagen, Janvier 1986.
Trevor Bryce :
– The Lukka problem – and a Possible Solution, pp : 395-404,
JNES 33, Chicago, 1974.
– Political unity in Lycia during the dynastic period, pp : 31-42,
JNES 42, Chicago,1983.
– The Lycians vol. 1. Copenhagen, Museum Tusculanum Press, Copenhagen, 1986.
Albert Carnoy
– Lycien – Etrusque – Indo-Européen, L.Durbecq, Louvain, 1956.
Marc Desti :
– Les civilisations anatoliennes,
PUF, Paris, 1998.
Hansgerd Hellenkemper et Friedrich Hild :
– Lykien und Pamphylien, Verlag der Österreichischen Akademie der Wissenschaften, Wien, 2004.
Shelagh Jameson :
– The Lycian league : Some problems in its administration, Walter de Gruyter, Berlin, New York, 1980.
Antony G.Keen :
– Athenian campaigns in Karia and Lykia during Peloponesian War, pp : 152-157, The Journal of Hellenic Studies 113,
Londres, 1993.
– Dynastic Lycia : A political history of the Lycians and their relations with foreign power, c.545-362 BC,
E.J.Brill, Leiden, Boston, 1998.
Frank Kolb et Barbara Kupke :
– Lykien : Geschichte Lykiens im altertum, Philipp von Zabern, Mainz am Rhein, 1992.
Eric Raimond et Alain Bresson :
– Les divinités indigènes de Lycie, Université Michel de Montaigne-Bordeaux III, Bordeaux, 2004.
Maurice Sartre :
– L’Asie Mineure et l’Anatolie, d’Alexandre à Dioclétien, Armand Colin, Paris, 1997.
Hyla A.Troxell
– The coinage of the Lycian League, American Numismatic Society, New York, 1982.
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