Présentation
La bataille navale des îles Arginuses
(ou Naumachia tēs Arginusae, en Grec :
Ναυμαχία της Αργινουσών)
fut l’un des derniers grands épisodes de la Guerre du Péloponnèse
(431-404). Elle se déroula en Juillet 406 av.J.C. Elle eut lieu en mer Égée, au large à l’Est de l’île de
Lesbos, face aux petites îles Arginuses
qui bordent à cet endroit la côte de l’actuelle Turquie. La flotte
Athénienne, commandée par huit Stratèges, y défit la flotte
Spartiate dirigée par Callicratidas
(ou Callicratidès, en Grec :
Καλλικρατίδας, Amiral (ou Navarque)
Spartiate,
Juillet 406). La bataille avait été précédée par une victoire
Spartiate qui avait conduit la flotte
Athénienne, sous le commandement de Conon (Général
Athénien, 444-390), à trouver
refuge à
Mytilène.
Les Athéniens avaient rassemblé une force partant de zéro, composée en grande
partie de navires nouvellement construits et dirigés par des équipages inexpérimentés pour lui porter secours.
Représentation de trière Grecque
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Cette flotte inexpérimentée était donc tactiquement inférieure aux
Spartiates, mais ses Commandants furent en mesure de contourner
ce problème en utilisant de nouvelles tactiques, qui permirent aux Athéniens
d’assurer une victoire inattendue. La nouvelle de la victoire fut accueillie avec jubilation à
Athènes, et le peuple reconnaissant vota pour accorder la citoyenneté
aux esclaves et Métèques qui avaient combattu dans la bataille.
Cette victoire Athénienne
se solda néanmoins par des conséquences tragiques, puisque les Généraux victorieux furent condamnés à mort par les
Athéniens pour avoir négligé, à la suite d’une tempête, de recueillir et de
ramener dans la cité les corps de 25 Athéniens naufragés.
À Sparte, les traditionalistes qui avaient soutenu
Callicratidas se pressèrent de vouloir faire la paix avec Athènes.
Ce parti envoya une délégation à Athènes pour faire une offre de paix.
Les Athéniens, cependant, rejetèrent l’offre, et
Lysandre (ou Lýsandros, en
Grec
: Λύσανδρος, Homme politique et Amiral (ou Navarque)
Spartiate, †395) partit en mer
Égée pour prendre le commandement de la flotte pour le reste de la guerre.
Contexte et prélude
En 406
Callicratidas (ou Callicratidès, en Grec :
Καλλικρατίδας, Amiral (ou Navarque)
Spartiate,
Juillet 406)
fut nommé Amiral (ou Navarque) de la flotte
Spartiate, en remplacement de
Lysandre (ou Lýsandros, en
Grec : Λύσανδρος,
Homme politique et Amiral (ou Navarque) Spartiate, † 395).
Callicratidas était un Spartiate traditionaliste, méfiant de l’influence
que les Perses avaient sur sa cité et il n’hésitait
pas à
demander le soutien du Prince Perse
Cyrus le Jeune (v.424-401) en lutte pour le pouvoir contre son frère
Artaxerxès II (404-359),
qui fut un fervent partisan de Lysandre.
Ainsi, Callicratidas, pour rester le maximum indépendant, fut forcé de monter sa flotte en recherchant un financement auprès des alliés de
Sparte parmi les villes
Grecques de la région.
De cette façon, il rassembla une flotte de quelque 140 trirèmes.
Selon Xénophon (Philosophe,
historien et maître de guerre
Grec, v.430-v.355), Conon (Général Athénien,
444-390), quant à lui, Commandement de la flotte Athénienne à
Samos, ne put, du fait de problèmes avec le moral de ses marins,
utiliser seulement que 70 sur plus de 100 trirèmes qu’il avait en sa possession. Callicratidas, une fois qu’il eut assemblé sa flotte, navigua vers
Méthymne (ou Methymna, en
Grec : Μήθυμνα),
sur la côte Nord de l’île de Lesbos,
qu’il assiégea et prit d’assaut.
Il pouvait dès lors se servir de la cité comme base pour prendre le reste de l’île, ce qui lui
ouvrit la voie pour déplacer sa flotte vers l’Hellespont, qu’il lui fallait contrôler car c’était un point principal de la route
d’acheminement du grain pour l’alimentation d’Athènes.
Afin de défendre Lesbos
Conon fut contraint de déplacer sa flotte, numériquement inférieure, de
Samos vers des îles près de
Méthymne (ou Methymna).
Lorsque Callicratidas l’attaqua, avec une flotte maintenant de 170 navires, Conon fuit à
Mytilène, où il fut bloqué avec ses
navires et assiégé après en avoir perdu 30 dans un affrontement à l’embouchure du port.
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Assiégé par terre et par mer, Conon était impuissant à agir contre les
forces très supérieures qui l’entouraient et fut juste capable de glisser un
navire messager vers Athènes pour porter les mauvaises nouvelles sur sa situation.
Lorsque le navire messager atteignit Athènes, l’assemblée ne perdit pas de temps
et vota immédiatement des mesures extrêmes pour construire et recruter une force de secours. Les statues d’or de la Déesse Niké furent fondues
pour financer la construction des navires et des esclaves et des Métèques furent recrutés pour servir d’équipage à la flotte.
Pour s’assurer d’un groupe suffisamment important et loyal de membres d’équipage, les
Athéniens prirent la mesure radicale d’étendre la citoyenneté à
des milliers de ces hommes qui rameraient avec la flotte.
Plus d’une centaine de navires furent préparés et équipés grâce à ces mesures et les contributions des alliés augmentèrent la taille de la flotte à 150
trirèmes lorsque l’armada atteignit Samos
pour délivrer Conon.
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Dans un agencement peu orthodoxe, la flotte fut commandée conjointement par huit Généraux :
Aristocrate (ou Aristocrates), Aristogène (ou Aristogenes), Diomédon, Erasinidès, Lysias, Périclès le Jeune, Protomaque (ou Protomachus) et
Thrasylle (ou Thrasyllus). Après avoir quitté Samos, la flotte
Athénienne navigua vers les îles Arginuses, à l’Est de l’île de
Lesbos, où elle fit escale une soirée.
Callicratidas, informé de l’approche de ces forces, laissa une cinquantaine de navires en poste pour maintenir le siège de
Mytilène et prit le large avec 120 navires.
Il mena sa flotte à la rencontre des Athéniens,
repéra leurs feux de signalisation en face des Arginuses et pensa les attaquer de nuit par surprise,
mais comme le vent soufflait fort et que de fortes pluies orageuses s’abattaient, il fut contraint de retarder son attaque jusqu’au matin.
Le déroulement
À l’aube
du jour suivant, les deux armées se mirent en ordre de bataille. Callicratidas avait 140 navires et en face les
Athéniens 150. Pour la première fois dans la guerre, les équipages et les Commandants
Spartiates étaient plus expérimentés que leurs contraires
Athéniens. Cependant, pour contrer cette faiblesse les Commandants
Athéniens mirent en place plusieurs tactiques nouvelles et novatrices.
Tout d’abord, leur flotte fut divisée en huit divisions autonomes, chacune commandée par un des Généraux.
Deuxièmement, ils organisèrent leur flotte dans une double ligne, au lieu de la ligne traditionnelle unique, afin d’empêcher les
Spartiates
d’utiliser la manœuvre connue sous le nom diekplous, dans laquelle une trirème se faufilait dans un espace entre deux navires ennemis, puis frappe
l’un de ceux-ci sur le côté. Comme prévu, les Lacédémoniens s’étendirent sur une seule ligne, face aux Arginuses, tandis que les
Athéniens formèrent donc une double ligne, dos aux Arginuses, attendant l’ennemi.
L’aile gauche des Athéniens était commandée par
Aristocrate (ou Aristocrates) et Diomédon, chacun à la tête de 15
trirèmes, soit une trentaine de vaisseaux alignés. Ils étaient soutenus, en deuxième ligne, par le même nombre de navires, dirigés par Périclès le Jeune et
Erasinidès. À côté d’eux, 10 vaisseaux Samiens s’étaient rangés en une
seule ligne, au centre. Derrière ceux-ci, la dizaine de vaisseaux aux ordres des Taxiarques formaient aussi une seule ligne, soutenus encore à l’arrière par
quelques navires supplémentaires. Enfin, leur aile droite, dirigée par Protomaque (ou Protomachus) et Thrasylle (ou Thrasyllus) à l’avant,
Lysias et Aristogène (ou Aristogenes) à l’arrière, était composée comme la gauche de deux lignes de 30 navires. Comme dit plus haut, cette formation empêchait
toute possibilité aux Spartiates de couper leurs lignes en deux.
Plus les Athéniens avançaient, plus ils étendaient
considérablement leurs lignes évitant d’être surpassés sur les flancs, mais débordant ainsi les
Spartiates.
Les combinaisons et tactiques que les Athéniens avaient mises en œuvre, créèrent
une situation dangereuse pour les Spartiates.
Les timoniers de Callicratidas, qui dirigeait l’aile droite de leur flotte, voyant qu’il ne pouvait faire un front égal à celui des
Athéniens, lui conseillèrent de se retirer sans combattre,
mais le Navarque insista et il décida de diviser son armée en deux, pour attaquer des deux côtés les lignes ennemies et éviter de se faire encercler.
Un violent et long combat s’engagea alors entre les navires des deux flottes.
Callicratidas fut tué alors que son navire heurtait un navire adverse,
le précipitant dans la mer. Sa mort découragea ses hommes et son aile droite s’effondra.
La gauche continua de lutter plus longtemps, mais ne put résister face l’ensemble de la flotte
Athénienne. Elle finit par fuir avec l’aile droite.
Au total, selon Diodore de Sicile
(Historien et chroniqueur Grec,
v.90-v.30), les Spartiates perdirent 75 navires et les
Athéniens 25.
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Au lendemain de la bataille, les Commandants
Athéniens durent décider de plusieurs tâches urgentes et concentrer leur
attention sur comment secourir Conon retenu par 50 navires Lacédémoniens à
Mytilène. De plus il fallait avoir une action décisive contre ces navires pour conduire à leur destruction avant qu’ils n’aient une chance de
rejoindre le reste de la flotte de Callicratidas.
Dans le même temps, cependant, il fallait récupérer les survivants et les noyés des 25 navires
Athéniens coulés ou hors d’usage.
Pour faire face à ces deux préoccupations,
les huit Généraux décidèrent de croiser avec la majeure partie de la flotte vers
Mytilène, où ils tenteraient de soulager Conon, confiant aux Triarches Thrasybule et Théramène le soin de rester sur place avec un détachement
plus petit afin de récupérer les naufragés. Cependant, ces deux missions furent contrecarrées par l’arrivée soudaine d’une tempête qui conduisit les navires
de la flotte Athénienne à revenir au port, dans les Arginuses.
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La flotte
Spartiate qui avait fui à
Mytilène à l’issue de la bataille, eut alors le temps de s’échapper et il s’avéra impossible de secourir les nombreux marins tombés à l’eau. À
Athènes, la joie du peuple à l’annonce de la victoire inattendue
laissa vite place à une bataille pour déterminer qui était responsable de l’absence de secours apporté aux marins naufragés.
Lorsque les Généraux apprirent la colère du peuple, ils affirmèrent que Thrasybule et Théramène, qui étaient déjà revenus dans la vile,
étaient responsables du fiasco. Ces derniers se défendirent brillamment contre ces accusations et la vindicte populaire se retourna alors contre les Généraux.
Les huit Stratèges furent relevés de leurs charges et débuta leur procès.
On finit par soumettre l’accusation contre les Stratèges au vote de l’assemblée. Le peuple, dans un accès de frénésie de vengeance condamna finalement à mort
les huit Généraux qui avaient pris part à la bataille navale.
À Sparte, la défaite des Arginuses s’ajoutait à
une série de revers et les traditionalistes découragés qui avaient soutenu Callicratidas se pressèrent de vouloir faire la paix avec
Athènes.
Ce parti envoya une délégation à Athènes pour faire une offre de paix.
Les Athéniens, cependant, rejetèrent l’offre, et
Lysandre (ou Lýsandros, en
Grec :
Λύσανδρος, Homme politique et Amiral (ou Navarque)
Spartiate, † 395) partit en mer
Égée pour prendre le commandement de la flotte pour le reste de la guerre.
Bibliographie
Pour d’autres détails sur la
bataille voir les ouvrages de :
Jean-Nicolas Corvisier :
– Guerre et société dans les mondes grecs (490-322 av.J.C), Armand Colin, Paris, 1999.
Richard Crawley :
– Complete writings : The Peloponnesian war de Thucydides, Modern Library, New York, 1951.
Debra Hamel :
– The battle of Arginusae : Victory at sea and Its tragic aftermath in the final years of the Peloponnesian War,
Johns Hopkins University Press, Baltimore, 2015.
Ludwig Ferdinand Herbst :
– Die Schlacht bei den Arginusen, Gedruckt bei J.A. Meissner, Hamburg, 1855.
Peter Hunt :
– The slaves and the Generals of Arginusae, pp : 359-380, American Journal of Philology 122, N°3, 2001.
Donald Kagan :
– The Peloponnesian War, Viking, New York, 2003.
John Francis Lazenby :
– Arginusae, battle of (406 bc), Oxford University Press, Oxford, 1967.
Fred Eugene Ray :
– Land battles in 5th century B.C. Greece : A history and analysis of 173 engagements, McFarland, Jefferson, 2009 – 2011.
Denis Roussel :
– La guerre du Péloponnèse, Le Livre de poche, Paris, 1964, 1966.
Norman Tobias :
– Arginusae, battle of – Atonement, war of, Acad. Internat. Press, Gulf Breeze, 2004.
Simon Verdegem :
– Plutarch’s life of Alcibiades : Story, text and moralism, Leuven University Press, Leuven, 2010.
Eleutherios Ang Vourvachēs :
– Hē naumachia tōn Arginousōn kai hē dikē kai hē se thanato
katadikē tōn Athēnaiōn Stratēgōn (406 p. Ch.),
Ekdoseis Enalios, Athènes, 2007.
Rex Warner :
– History of the Peloponnesian war of Thucydides, Penguin Books, Harmondsworth, Baltimore, 1972.
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