Relief représentant Thoutmôsis I – Temple d’Hatshepsout – Deir el-Bahari
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Sa durée de règne
Thoutmôsis I (ou Thoutmès ou Thutmose ou Thutmosis en
Grec ou Djéhoutymosé en Égyptien) est le troisième Roi de la
XVIIIe dynastie. Il est appelé par
Manéthon, Misaphris (Africanus, Eusebius) ou Mêphrês (Flavius) et lui compte 13 ans (Africanus) ou 12 ans (Eusebius) ou 12 ans et 9 mois de règne (Flavius).
Il y a des différences entre spécialistes sur la date précise de son couronnement.
Par exemple, selon F.Maruéjol (et d’autres), elle figure,
dans le décret émis par le nouveau souverain pour proclamer sa titulature. Le texte en a été reproduit par Touri, le Gouverneur de Nubie,
sur deux stèles érigées à Bouhen et à Qouban. C’est le 2e jour du 3e mois (Phamenoth) de la
saison Peret. Le calendrier,
qui repart de zéro au début de chaque règne, démarre à partir de cette date. D’autres lisent le 21e jour du troisième mois de la saison
saison Peret.
La date est confirmée par les "faire-part" qu’il envoya au vice-Roi de Nubie, Touré (ou Turi). Par contre la durée de
son règne est très discutée par les égyptologues. Les estimations vont de 13 ans pour
Nicolas Grimal et
Hans Wolfgang Helck
à 6 ans pour Edward Frank Wente.
La grande majorité des spécialistes lui donnant 12 ans et 9 mois, mais avec des dates de règnes bien différentes comme d’habitude (Voir ci-dessus).
Selon Jürgen von Beckerath, ces données sont appuyées par
deux inscriptions trouvées sur un bloc de pierre à Karnak, qui date de la 8e ou 9e année de son règne et qui porte son
cartouche.
Selon
Nicolas Grimal, ces dates, de même que toutes les dates de la XVIIIe dynastie,
peuvent cependant être contestables en raison des incertitudes sur les circonstances entourant l’enregistrement d’un lever héliaque de l’étoile Sothis
sous le règne d’Amenhotep I (1525/24-1504). Incertitudes concernant l’endroit où il convient
d’observer ce phénomène qui sert de point de repère pour la datation, en effet on l’enregistre à une date
différente si on se trouve à Memphis où à
Thèbes (entre autres).
Un papyrus des annales du règne d’Amenhotep I note cette observation astronomique,
ce qui fait que théoriquement, il pourrait être utilisé pour corréler la chronologie Égyptienne avec le calendrier moderne, mais pour ce faire, il nous
faudrait connaître la latitude où l’observation fut prise en compte, hors nous
n’avons pas à ce jour cette information.
Son origine
On connait mal les origines de ce Roi.
Comme le précise Christian Leblanc, l’absence d’une quelconque mention
de son ascendance paternelle dans la documentation fut très largement interprétée par les égyptologues comme le fait qu’il fut forcément un fil
d’Amenhotep I. Cependant aucunes preuves, encore aujourd’hui,
ne vient justifier cette parenté. Il ne serait donc pas fils de Roi, aucune inscription invite à conclure qu’il est le descendant direct d’un Souverain.
Ce père n’est évoqué nulle part. Mais cela ne signifie pas qu’il s’agit d’un obscur personnage, sans lien avec la monarchie.
De même sa sœur et épouse, Ahmès,
(ou Ahmose), n’est jamais qualifiée de fille de Roi, ce qui devrait aussi être le cas.
Il y a aussi de ce fait débat sur sa mère. Certains, dont
Leblanc et Claire Lalouette,
avancent qu’il existe des preuves comme quoi son père aurait eu une concubine du nom de
Séniséneb (ou Senseneb ou Seni-Seneb), fille d’un Général nommé Amenhotep.
Suzanne Ratié donne cette Séniséneb comme une épouse secondaire
d’Amenhotep I, mais il n’existe aucune preuve de cette union.
Florence Maruéjol, donne aussi le nom de
Séniséneb (Sen-seneb pour elle) et nous dit qu’elle est
mentionnée comme sa mère, à Bouhen, sur la stèle du décret du couronnement et figurée dans le temple
d’Hatchepsout, à
Deir el-Bahari.
Séniséneb dans une chapelle
de la terrasse supérieure du Temple à Der el-Bahari
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Celle-ci aurait eut le titre de Mère du Roi
(mwt-nswt)
et serait la mère de Thoutmôsis I. Elle est en effet citée, voire représentée, sur quelques monuments
avec ce titre. Dès la première année du règne de Thoutmôsis I cette dignité lui est reconnue sur une stèle à Bouhen, annonçant le couronnement de ce dernier.
Leblanc nous dit qu’elle fut également la mère
d’Ahmès, mais il précise que ces deux enfants ne sont peut-être pas issus du même
père. La seule image que l’on en connaisse est celle d’un relief qui orne la niche d’une chapelle localisée au Nord du complexe solaire sur la terrasse
supérieure du temple de Deir el-Bahari.
Elle y apparait debout derrière Thoutmôsis I qui procède à une consécration d’offrandes pour le Dieu
Anubis. Elle porte pour cette circonstance le titre de
Maîtresse [Souveraine] des Deux Terres (Hnwt t3wy).
Elle est parée de bijoux et est vêtue d’une longue tunique et porte
la “dépouille de vautour” masquant sa perruque. Celle-ci est normalement, comme le veut la tradition,
réservée aux Mères du Roi. Tout ceci est-il suffisant pour justifier le fait qu’elle fut la mère de Thoutmôsis I ?, le débat reste ouvert.
Claire Lalouette, avancent qu’à la mort d’Amenhotep I la légitimité des droits
dynastiques passent à sa fille (ou sœur) Ahmès (ou Ahmose).
Cette dernière épouse Thoutmôsis I, qui n’a donc aucun lien
de parenté avec la famille royale, et lui lègue les prérogatives du pouvoir. Cependant, cette théorie peut être contredite pour deux raisons. Tout
d’abord, selon
Nicolas Grimal, la barque en albâtre d’Amenhotep
I construite à Karnak associe le nom d’Amenhotep I
avec le nom de Thoutmôsis I bien avant la mort d’Amenhotep I.
Deuxièmement, Amenmès (ou Amenmosé),
le premier enfant que Thoutmôsis I à avec son épouse la Reine Ahmès,
est apparemment né bien avant le couronnement de son père. Il peut être vu sur une stèle du Roi datant de l’an 4 du règne, trouvée près de
Memphis et il est devenu Général des armées de Thoutmôsis I quelques temps avant sa mort, qui
selon
Alan Gardiner, a été au plus tard au cour de l’an 12 de Thoutmôsis I.
Ce titre montre que le garçon n’est plus un enfant, mais un adolescent ou un jeune homme et qu’il est né bien avant l’accession de son père à la royauté.
À quel moment, Thoutmôsis I se serait-il alors uni à (sa sœur ?) Ahmès. Selon
Florence Maruéjol probablement après son accession au trône,
l’égyptologue nous dit aussi qu’Amenmès
(Imenmès pour elle) est vraisemblablement le fils de
Moutnofret I (Moutnéfret pour
elle), femme que le Roi épousa avant son accession au trône.
Enfin dernière proposition, Thoutmôsis I, selon d’autres spécialistes, serait issu d’une autre branche de la famille royale,
un cousin ou neveu ? Il serait peut-être le fils d’Ahmès-Sipair (ou Ahmosé Sipair), autre fils
d’Ahmès I (ou Ahmôsis) et de
Séniséneb (ou Senseneb
ou Seni-Seneb). Comme on le voit cette partie de la généalogie de la dynastie est encore très floue.
Stèle de Thoutmôsis I – Musée Égyptien du Caire |
Son règne
Thoutmôsis I
va mettre en place les fondations de la politique qui sera suivi par ses successeurs. Dès la première année de son règne,
le Roi va mener des incursions militaires énergiques en Nubie, puis au Moyen-Orient. En l’an 2, il remonte la vallée du
Nil pour châtier une révolte en Nubie, d’un Prince indigène, qui s’était soulevé contre la domination Égyptienne. Selon
Georg Steindorff,
celui-ci est tué et son cadavre est attaché à la proue du navire du Roi, comme le précisent aussi deux inscriptions
trouvées à Tombos et à Assouan.
Cette dernière commémorant le retour de l’armée au début de l’an 3. On a aussi le récit des ces faits par les textes
autobiographiques retrouvés, à El Kab, dans les tombes
d’
Ahmès-Pennekhbet (EK2), qui
participa aux campagnes militaires du Roi et qui fut récompensé de "l’or de la
vaillance" pour ses actions dans cette campagne militaire en Nubie, et (Sûrement posthume)
d’Ahmès fils d’Abana (EK5).
Après cette campagne de l’an 3 de son règne, Thoutmôsis I mène une seconde expédition contre la Nubie au cours
de laquelle, le 22e jour du 1er mois de la saison Shemou,
il ordonne le dragage du canal de la première cataracte, qui avait été construit sous
Sésostris III
(1878-1843, XIIe dynastie) afin de faciliter
le voyage en amont de l’Égypte à la Nubie. Lors de cette deuxième campagne, le Roi progresse jusqu’à Kenissa (Quatrième cataracte) et porte sans
doute le coup décisif au royaume de Kerma. Selon Georg Steindorff,
cela a permis d’intégrer la Nubie dans l’Empire Égyptien. Thoutmôsis I fixe la nouvelle frontière méridionale de
son royaume à la troisième cataracte. Il y construit une forteresse et fonde la province de Kouch.
Il divise cette région en cinq principautés qu’il confit à cinq Princes Nubiens.
Deux stèles frontières relatent ses
exploits. Une à Tombos, au niveau de la troisième cataracte, qui enregistre la construction d’une forteresse, et une
gravée dans le rocher de Hager-el-Meroua, à Kenissa. Elles témoignent d’un Empire Égyptien étendu jusqu’à ces villes.
Thoutmôsis I pénètre donc loin à l’intérieur de l’Afrique ce qui va être profitable au commerce et va favoriser
l’accès à la zone d’importantes mines d’or qui vont passer sous contrôle Égyptien.
Ouadjyt (Salle de
couronnement) de Thoutmôsis I – Karnak |
En l’an 4 (ou 5),
le Roi se tourne vers le Proche-Orient et il étend le protectorat Égyptien sur la
Syrie du Nord,
jusqu’à l’Ouest de l’Oronte. Au cours de ses expéditions, qui vont le mener jusqu’à
Karkemish et les abords de l’Euphrate, il se heurte pour la première fois à l’Empire du
Mitanni.
Selon Ian Shaw et
Paul T.Nicholson,
le Roi franchit l’Euphrate et pour commémorer cet exploit, il fait ériger une stèle. Ceci dit, à aujourd’hui,
même si elle est avérée par des traces écrites sur une autre stèle érigée par
Thoutmôsis III, elle n’a pas encore été retrouvée.
Au cours de cette campagne, les Princes
Syriens vont
déclarer allégeance à Thoutmôsis I. Cependant, selon
Georg Steindorff, dès que le Roi tournera le dos et rentrera en Égypte, ils cesseront cet hommage et commenceront à
fortifier des villes en préparation d’éventuelles nouvelles incursions Égyptiennes. Toujours selon
Steindorff,
cette campagne en
Syrie doit être placée au début de sa seconde année de règne et c’est une autre campagne que le Roi mena en
l’an 4 pour mater une nouvelle rébellion.
On sait aussi que Thoutmôsis I célèbre ses victoires par une chasse à l’éléphant, dans la région de
la ville (ou royaume)
Syrienne de Niya (ou Niyi, aujourd’hui el-Qalcat Mudik), près
d’Apamée
sur la rive droite l’Oronte. Selon
Hermann Alexander Schlögl, plus tard, sa fille la Reine
Hatchepsout,
fera graver des scènes de ces moments sur les bas-reliefs de
son temple funéraire de
Deir el-Bahari.
Puis le Roi retournera en Égypte avec des histoires étranges sur l’Euphrate, ce
fleuve qui pour les Égyptiens coulait en amont alors qu’il aurait du le faire
vers l’aval. En effet, l’Euphrate fut le premier fleuve important que les Égyptiens
n’avaient jamais rencontré et qui coulait du Nord, qui était en aval sur le
Nil, au Sud, qui était en amont sur le Nil. Ainsi, ce fleuve fut connu en
Égypte sous le nom de "celui qui avait son courant inversé".
La puissance et le prestige de la capitale
Thèbes augmente avec l’afflue des richesses
amassées lors des conquêtes, ce qui va naturellement profiter au culte du Dieu
Amon de la ville.
Cette divinité, devient le Dieu principal pour le reste de l’Empire.
Sa succession
C’est à la mort de son fil aîné
Amenmès (ou
Amenmosé), que se pose la question de la place de sa fille, la future Reine
Hatchepsout.
Selon une interprétation des textes de la "Théogamie" (Récit
de la naissance divine) de Deir el-Bahari,
largement défendue par certains spécialistes, mais critiquée
par
Claude Vandersleyen, Thoutmôsis I aurait décidé à ce moment de faire couronner sa fille
Hatchepsout et lui aurait abandonné
la plus grande partie du pouvoir. Hatchepsout
va s’en servir comme élément pour assoir sa légitimité sur le trône à la mort de son père
et de son époux. Elle sera en grande partie
aidée en cela par des Prêtres du clergé d’Amon.
Statue Osiriaque de
Thoutmôsis I – Karnak
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Ses constructions
Thoutmôsis I compte parmi les Rois qui ont
mis en œuvre beaucoup de projet de construction. Il va notamment effectuer de grands travaux d’agrandissement et
d’embellissement à Karnak, selon
James Henry Breasted sous la supervision de l’architecte Inéni, afin de satisfaire aux nouvelles exigences du culte
d’Amon.
Inéni pour toutes ses réalisations sera récompensé largement par le Roi. Il se fera construire un
somptueux tombeau (TT81)
à Sheikh Abd el-Gourna.
Thoutmôsis I édifie le IVe et vraisemblablement aussi le Ve pylône avec deux obélisques en
façade, dont un est encore préservé, et achève la chapelle d’albâtre commencée par
Amenhotep I.
Entre le IVe et Ve pylône il construit un temple, qui sera entouré d’un mur avec un péristyle dont les colonnes
étaient en bois cèdre. Il y sera déposé des statues du Roi représenté en
Osiris, avec, selon
Nicolas Grimal, chacune en alternance la
couronne de la Haute-Égypte et la
couronne de la Basse-Égypte. Les colonnes de cèdre de la salle hypostyle seront remplacées par des colonnes de pierre par
Thoutmôsis III.
Ce type de structure était courant dans les anciens temples Égyptiens et était censée représenter un marais de papyrus,
un symbole de la création.
Thoutmôsis I fut un grand bâtisseur, on retrouve des traces de ses constructions en Égypte à :
Armant où il construit des bâtiments, à Abydos où il
fait ériger, entre autres, des statues représentant l’ennéade (Groupe de neuf divinités dans la mythologie Égyptienne),
à Edfou,
à Éléphantine,
à Dehenet Oueret (ou el-Hiba), à Guizèh,
à Memphis,
à Ombos.
En Nubie à : Aniba, Bouhen, Huer, Qasr Ibrim, Quban, Sai, Semna où selon
Johann Peter Adolf Erman,
il agrandit le temple de
Khnoum
construit par Sésostris III
(1878-1843, XIIe dynastie) ; et enfin dans le Sinaï à
Serabit el-Chadim.
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