Son origine, la succession d’Amenhotep IV
Statue d’un Roi non identifié de
la XVIIIe dynastie, peut-être Ânkh–Khéperourê / Méritaton – Musée du Louvre |
Ânkh-Khéperourê Néfernéferouaton est le 11e Roi de la
XVIIIe dynastie.
Manéthon, appelle le successeur
d’Amenhotep IV,
Acenchêrês (Flavius Josèphe) ou Acherrês (Africanus) ou Achencherês (Eusebius), qui serait une mauvaise transcription d’Ankh-Khéperourê. Il lui compte
12 ans et 1 mois de règne (Josèphe
Flavius) ou 32 ans (Africanus) ou 16 ans (Eusebius). Il ne figure pas sur les
Tables d’Abydos. Il y a une
très grande polémique entre les spécialistes sur l’identité de ce souverain. Ce
qui est à peu près certain aujourd’hui, c’est que c’est une Reine qui succède
à Amenhotep IV (ou Akhénaton, sous le nom
d’Ânkh(t)Khéperourê Néfernéferouaton, dans une confusion politique et militaire
catastrophique pour le pays, due à l’offensive des
Hittites. Les égyptologues appuient cette théorie sur le fait que le nom de Roi Ânkh(t)Khéperourê
Néfernéferouaton, possède presque toujours des déterminatifs féminins. Outre les différences de transcription
des noms en hiéroglyphes, d’autres indices montrent que nous avons à faire à une femme.
La tombe de Toutânkhamon
possédait un trésor incalculable, cependant une étude attentive du contenu de
celle-ci démontre, sans le moindre doute, que de nombreux objets furent réalisés
non pas pour le jeune Roi, mais pour ses prédécesseurs. Si quelques uns portent
le nom de Semenkhkarê, la plupart
indique une femme sur les textes. Cette "presque" agrégation est relativement récente, car depuis
le début de l’égyptologie et la découverte des
cartouches au nom d’Ânkh-Khéperourê
Néfernéferouaton dans la tombe de Mérirê II à Amarna
par
Karl Richard Lepsius et d’un graffito dans la tombe à
Sheikh Abd el-Gourna, TT139
du Grand-Prêtre d’Amon Pairi (ou Pairy),
les égyptologues, avec en tête
Percy Edouard Newberry, pensaient que ce Ânkh-Khéperourê était le seul Roi succédant à
Amenhotep IV, qu’ils rangeaient sous le nom de
Semenkhkarê.
Depuis peu, plusieurs autres propositions on été faites par les spécialistes.
Son histoire et les hypothèses sur son identité
Ce fut donc une Reine qui succéda à
Amenhotep IV, mais il y a un très grand
débat des spécialistes sur : Qui est cette Reine ?. Certains égyptologues avancent qu’il s’agit de
Néfertiti ?. Un
autre vocable attribué à la souveraine mystérieuse est Néfernéferouaton, qui est aussi le nom de
naissance de Néfertiti.
Son nom complet devient en l’an 3 du règne
d’Akhénaton
lorsqu’elle l’épouse, Néfernéferouaton-Néfertiti. Selon quelques égyptologues
Néfertiti aurait bien régné après le
décès d’Akhénaton. Dans son palais, on a
retrouvé des jarres qui porteraient comme indication : l’an 1 de
Néfertiti ?
(Cette idée est loin de faire l’unanimité).
Erik Hornung pense lui que ce rajout à son nom est plus une sorte de prénom donné à la Reine.
Fragment d’oushebti appartenant à une Reine Amarnienne ayant régné.
Ânkh–Khéperourê / Méritaton ? – Musée du Louvre
|
Autre hypothèse, qui est la plus fréquemment retenue, cette Reine est
Méritaton (ou Mérytaton ou Meritaten, la version masculine serait Mériaton,
ou Méritamon), la
fille aînée d’Amenhotep IV (ou Akhénaton), qui
naît en l’an 3 (ou 4) de son règne, qu’il épousa et qui après la disparition de
Néfertiti serait devenu, de ce fait,
Grande Épouse Royale,
puis Corégente, puis Reine, à peine âgée de quinze ans ?.
À Amarna, une stèle commémorative la désigne, à cette
époque, comme l’unique fille du Roi, ce qui est étrange car il semble que deux autres de ses jeunes sœurs étaient encore
en vie. Elle ne figure pas sur les
Tables d’Abydos. Le rôle important de Méritaton au sein de la famille royale est cependant largement attesté par
l’iconographie Amarnienne.
De plus, les lettres d’Amarna,
tablettes d’ordre diplomatique qui étaient en fait la correspondance
échangée par les souverains d’Égypte avec leurs homologues des grandes cours étrangères de l’époque, nous informent qu’une
Mayati (que
Marc Gabolde identifie à Méritaton) connait une ascension rapide à la cour Égyptienne. Cette montée rapide en
puissance semble indiquer la disparition de
Néfertiti de la scène politique.
Statuette en bois de Semenkhkarê Musée de l’Égypte
– Monaco |
On a constaté sur les représentations datant de la
fin du règne de son père, l’absence de sa mère lors des cérémonies religieuses, à cause peut-être d’une
mauvaise santé ?. Son nom est très souvent écrit avec le déterminatif "femme" alors qu’elle est encore
très jeune, ce qui peut faire penser qu’elle officiait symboliquement dans les cérémonies religieuses avec le
statut de Reine lorsque sa mère était absente. C’est au cours des dernières années du règne
d’Amenhotep IV que le déterminatif "femme"
est devenu "Reine".
La seule interprétation fiable de la fin du règne du Pharaon ne peut aujourd’hui se faire que sur
la correspondance du souverain avec les autres dirigeants des royaumes de l’époque. Celle-ci se
constitue, comme expliqué plus haut, du corpus de 380 tablettes appelées "lettres
d’Amarna" écrites pour
la plupart en
Akkadien, mais aussi en
Hourrite, en
Assyrien ou bien encore en
Hittite. Ces textes nous informent sur les relations diplomatiques, politiques et commerciales entre les États.
Les relations avec les
Hittites se sont énormément dégradées au point
qu’Akhénaton enverra une armée pour secourir
ses vassaux du moyen Orient attaqués par ces derniers, mais elle arrivera trop tard. La situation à
Amarna semble elle aussi très tendue du fait de
la politique religieuse du Pharaon. En l’an 13/14 de son règne, n’ayant surement plus confiance en son entourage,
de plus Néfertiti étant semble t-il
disparue à cette date, Akhénaton aurait alors
placé tous ses espoirs en sa fille Méritaton, identifiée à Ânkh-Khéperourê Néfernéferouaton, que le souverain
nomme comme Corégente. Il l’épouse, à l’âge de 13-14 ans et en fait sa
Grande Épouse Royale.
Cette "promotion" peut, là encore, signifier que
Néfertiti n’est plus présente à la cour.
Le Roi de
Babylone, Kurigalzu II (1345-1324) nomme Méritaton dans sa correspondance (EA10) au départ "Votre fille
Mayati", puis dans une autre lettre il utilise une autre forme pour désigner Méritaton où les spécialistes
ne savent pas si le
Babylonien s’adresse à une Reine, ou à un haut dignitaire. Dans la lettre EA155, un des vassaux
d’Akhénaton se dit le serviteur
de "Mayati dont
Tyr est la ville". C’est sur ces quelques affirmations que les égyptologues ont déduit que
Méritaton était devenue l’épouse de son père et malgré son jeune âge, sa représentante diplomatique.
Masque en plâtre, trouvé à Amarna,
d’une tête royale, sûrement Méritaton –
Ägyptisches Museum – Berlin |
Après la mort du Pharaon (an XVI/XVII) le nom d’Ânkh-Khéperourê
Néfernéferouaton est attesté aussi sur des blocs
Amarniens qui furent mis au jour à
Hermopolis Magma. Cependant ce qui est étrange c’est que le nom
d’Ânkhesenpaaton
(Future Ânkhesenamon) lui est associé sans toutefois que leur relation soit précisée.
Si Méritaton est le souverain Ânkh-Khéperourê Néfernéferouaton de cette époque, sa sœur
Ânkhesenpaaton remplissait alors peut-être
le rôle de l’épouse ?. Toutefois le changement de nom et de prénom de Méritaton reste un mystère. Beaucoup
d’énigmes donc sur cette succession, qui apportent un grand nombre d’hypothèses, le débat reste ouvert.
Qui que fut cette Reine, on voit apparaître au début de son règne (an II), un Roi au nom de
Semenkhkarê. Avec lui aussi on assiste à
des divergences d’opinions entre les spécialistes. Selon certains (et ils sont une large majorité), ce fut un Prince,
au nom de Zananza (ou Zannanza), qui épousa la Reine et "régna" avec elle sous le nom de
Semenkhkarê.
Zananza fut un des fils de l’Empereur des
Hittites,
Souppilouliouma I (1355-1322). Des archives découvertes dans la capitale de ce peuple,
Hattousa,
évoquent une Reine d’Égypte, qui après la mort de son époux, s’adressa à l’Empereur
Souppilouliouma I, le suppliant de lui envoyer un de ses fils pour qu’elle l’épouse.
Après des hésitations et au moins deux voyages d’émissaires en
Égypte pour vérifier les faits et s’assurer qu’il n’existait pas de descendant pouvant prétendre au trône, l’Empereur
Hittite décida d’envoyer son fils.
Cette union, (si elle a eu lieu) est évidemment faite dans l’esprit d’apaiser le conflit avec les
Hittites, où les Égyptiens étaient à
coup sur perdants. Si l’histoire s’est bien déroulée ainsi,
on peut alors penser que ce Prince Zananza serait arrivé lors de la deuxième année de règne de Méritaton.
Mais une minorité de spécialistes arguent le fait qu’il n’y a pas de certitude que ce soit Méritaton qui est présentée
cette demande à l’Empereur
Hittites. De quelle Reine alors s’agit-il ?. Selon
Carl Nicholas Reeves c’est
Néfertiti, d’autres avancent que ce fut
Ânkhesenpaaton
(ou Ânkhesenamon), la jeune épouse de
Toutânkhamon, qui à la mort de celui-ci ne voulait pas d’un mari Égyptien ?, mais pourquoi ?.
Une autre hypothèse rencontrée est que
Semenkhkarê (De son nom de naissance)
serait le fils d’Amenhotep IV, il aurait assuré avec lui une corégence de
deux ans avant de lui succéder. Comme preuve, une stèle retrouvée à
Amarna qui représenterait
Semenkhkarê portant la
couronne de Basse-Égypte et
Amenhotep IV portant la double
couronne ?.
Ce qui est sûr c’est que le Roi Semenkhkarê ne
"règne" que quelques mois, à
Amarna, l’unique scène le représentant, dans la tombe
de Mérirê II, est inachevée, preuve de sa brièveté. On ne connaît pas les raisons de sa mort.
Marc Gabolde, suite
à ses conclusions, prétend qu’il na jamais régné, il pourrait avoir raison.
Statuette d’une "femme Roi" de la
XVIIIe dynastie qui régna avant Toutânkhamon, mais que ce dernier usurpa – Musée du Louvre
|
Ânkh-Khéperourê/Méritaton reprend alors seule le pouvoir, mais pour peu de
temps semble t-il. La trace de la date la plus haute de son règne d’après un graffito
Thébain est l’an 3. Elle renonce à l’Atonisme instauré
par son père au profit de l’ancien clergé d’Amon. La Reine avait un Prêtre d’Amon dans son temple funéraire à Thèbes.
Fin de l’an 3, elle rétablit
Thèbes comme capitale dynastique, que son successeur
Toutânkhamon laissera pour
Memphis. Elle meurt (? en tout cas disparaît) cette
même année, s’il s’agit de Méritaton, à l’âge de dix-sept ans, mais on n’en connaît bien sûr pas la raison. Si l’on
atteste cette chronologie proposée par
Marc Gabolde,
qui acceptée par la plupart des égyptologues, on a en résumé l’histoire ainsi :
▪ À la mort
d’Akhénaton le règne d’une femme Roi identifiée à
Méritaton, puis au cour de l’an 2 de son règne, un règne conjoint
avec Semenkhkarê son époux (?), puis reprise
du pouvoir par Méritaton avec une installation à
Thèbes, puis juste après mort de la Reine. Un sérieux indice plaide pour cette reconstitution, une rondelle en or
(Carter 46gg) provenant du tombeau de
Toutânkhamon où dessus figurent deux
cartouches parfaitement lisibles :
Ânkh-Khéperourê et Méritaton. Le sens de lecture étant identique pour les deux
artéfacts les spécialistes en déduisent qu’il s’agit d’un Roi unique.
Reste à savoir pourquoi ce n’est pas directement
Toutânkhamon qui succède à son père ?. Peut-être
son trop jeune âge, 5 ou 6 ans, dans une période de troubles et de risque de guerre avec les
Hittites. Il est sur que Méritaton était plus âgée et qu’elle avait déjà à
Amarna la notoriété requise auprès des vassaux,
puisque Grande Épouse
Royale. De plus on peut porter à son profit le fait qu’elle possédait une certaine expérience du pouvoir.
Selon quelques spécialistes Méritaton aurait eu une fille de son union avec
Semenkhkarê, Méritaton Tasherit, mais là
encore rien n’est certain.
Sa sépulture
La tombe d’Ânkh-Khéperourê Néfernéferouaton / Méritaton
reste à découvrir, quelques spécialistes s’avancent sur le fait qu’il y aurait une relation avec les récentes découvertes
de momies retrouvées dans la tombe
KV35 et des cercueils vide de la tombe
KV63.
La mémoire d’Ânkh-Khéperourê Néfernéferouaton / Méritaton a subit beaucoup d’usurpation car sur de nombreux objets
son nom fut effacé pour être réattribué notamment à
Toutânkhamon.
Bibliographie
Pour d’autres détails sur la Reine voir les ouvrages de :
Peter A.Clayton :
– Chronicle of the Pharaohs : The reign-by-reign
record of the rulers and dynasties of ancient Egypt, Thames and Hudson, New York, 1994, 1996, Novembre 2006
et janvier 2007 – American University in Cairo Press, Le Caire, 2006 – En Français, Avec
Florence Maruéjol,
Chronique des pharaons : L’histoire règne par règne des souverains et des dynasties de l’Égypte ancienne,
Casterman, Paris, 1994 et 1995.
Aidan Marc Dodson :
– Amarna sunset : Nefertiti, Tutankhamun, Ay, Horemheb and the Egyptian counter-reformation,
The American University in Cairo Press, 15 Novembre 2009.
– Amarna Letters : Essays on Ancient ca. 1390-1310 B.C., KMT Communications, San Francisco, 1994.
Marc Gabolde :
– Baketaton fille de Kiya ?, pp : 27-40,
BSEG 16, Genève, 1993.
– D’Akhénaton à Toutânkhamon,
CIAIA 3, Lyon, Paris, 1998 et Inst. Arch. Hist. Antiquité, 2000.
– Akhénaton : Du mystère à la lumière, Collection : Découvertes, Éditions Gallimard, Paris, Novembre 2005.
Christian Leblanc :
– Reines du Nil au Nouvel Empire, Bibliothèque des introuvables, Juillet 2010.
Christiane Ziegler,
Hartwig Altenmüller et Marine Yoyotte :
– Reines d’Égypte : D’Hetephérès a Cléopâtre, et en Anglais, Queens of Egypt : From Hetepheres to Cleopatra,
Somogy, Paris, Juillet 2008 et Grimaldi forum, Monaco, Octobre 2008.
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