Son origine
Isis-Nofret I (ou Isis-Néferet ou Isisnéfret ou Iset-Nofret ou Isetnofret
ou Isisnofret – 3st-nfrt) est une Reine d’Égypte de la
XIXe
dynastie. On ne sait pas grand chose sur elle si ce n’est qu’elle va réussir à imposer sa présence
dans l’ombre du souverain. Ses origines sont pratiquement inconnues et encore aujourd’hui très débattues.
Certains spécialistes avancent qu’elle serait Syrienne, rapport au nom de sa fille aînée
Bentanat I (ou Bint-Anath ou Bintanath ou Bentanath
– Fille de la Déesse Anat) et qu’elle aurait été donnée en mariage lors
du règne de Séthi I
(1294-1279) au jeune corégent
Ramsès II.
D’autres pensent qu’elle fut peut-être descendante du Pharaon
Horemheb (1323-1295).
Ils reposent leur proposition sur le texte d’un oushebti découvert, par
Geoffrey Thorndike Martin,
dans le puits I de la tombe de ce souverain, à
Saqqarah. D’autres encore la donnent
comme la fille d’un dignitaire de la cour du Pharaon Séthi I, ou comme
Ruth Schumann-Antelme,
descendante des grands ancêtres auxquels fait allusion une stèle
et qu’elle fut choisie pour faire partie des premières femmes du harem recrutées pour le souverain.
Ses parents sont donc aussi inconnus, mais il est presque évident qu’elle ne fut pas d’origine royale car on n’a jamais
retrouvé pour elle le titre de, Fille du Roi (s3t-nswt) ou de
Noble Dame (rpatt), ce qui ne veut pas dire qu’elle ne fut pas
Égyptienne.
Buste d’Isis-Nofret |
Son histoire
Isis-Nofret I fut l’une des
Grandes Épouses Royales de
Ramsès II (1279-1213) dont elle portait le
titre "Hemet Nesout Ouret" "La Grande Épouse
Royale". La grande question aujourd’hui est : Est-ce qu’elle accéda à
ce rang en même temps que Néfertari,
la première épouse du souverain, ou dut-elle attendre que celle-ci fut morte et enterrée.
Cette dernière option est soutenue par
Claire Lalouette et
Kenneth Anderson Kitchen. Pour eux, pour preuve, Isis-Nofret I n’apparaît dans l’iconographie qu’après
la mort de Néfertari.
Ce n’est qu’à partir de cette époque qu’elle est représentée à côté du Pharaon
sur quelques monuments.
On la voit en épouse et Reine avec son mari et leurs
enfants, Bentanat I
et Mérenptah, sur une stèle familiale érigée à
Assouan, qui selon
Joyce Anne Tyldesley daterait de l’an 24-30, ainsi que sur plusieurs
inscriptions sur des petites statues ; Et dans le temple rupestre du Gebel
el-Silsileh (جبل السلسلة Ğabal
as-Silsila, la Montagne de la Chaîne ou Jabal al-Silsila ou Gebel es-Silsila ou Gebel Silsileh ou Gebel Silsila),
à environ 40 km au Sud d’Edfou, l’endroit où
le Nil arrive en Égypte, qui daterait de l’an 33-34.
Toutefois, il faut souligner que ces images ne sont pas d’une commande de
Ramsès II lui
même, mais de son fils
Khâemouaset et pour quelques spécialistes il est fort possible qu’elles furent gravées après la mort de la souveraine.
Louis A.Christophe et
Erik Hornung pensent au
contraire, pour des raisons chronologiques, qu’Isis-Nofret I a du obtenir cette qualité de
Grandes Épouses Royales
avant Néfertari.
On ne sait pas non plus si Isis-Nofret I occupa comme
Néfertari des fonctions liturgiques. Il semble évident que oui mais aucune archive documentaire ne vient le confirmer
en lui accordant un titre sacerdotal.
Si l’on en juge par les
dates de naissance des enfants réciproques de ces Reines,
Ramsès II dut les épouser à peu-près à la même époque.
Christian Leblanc situe celui
avec Isis-Nofret I pendant la corégence, peu de temps après celui avec
Néfertari, alors que le jeune
Ramsès est âgé de 16 ou 17 ans ?.
Néfertari
eut toujours la préférence du Pharaon et Isis-Nofret I n’eut pendant un long
moment qu’un rôle secondaire et les deux Reines ne furent jamais représentées
ensembles. C’est peut-être pour
cette raison qu’elle ne fut jamais figurée sur les temples jubilaires de
Ramsès II, notamment au Ramesseum.
À Abou Simbel,
ce sont les enfants de Néfertari qui apparaissent entre les
jambes et de chaque côté des colosses. Ses enfants à elle figurent sur d’autres monuments du Pharaon datant du tout
début de son règne. Pour beaucoup de spécialistes cela implique qu’elle fut peut-être mariée à
Ramsès II avant même qu’il monta sur le trône ?.
Ce qui fait, si cela était confirmé, que si elle se maria et eut des enfants pendant le règne de
Séthi I, elle naquit sûrement quelque part durant
les dernières années du Roi Horemheb (1323-1295).
Cette suggestion n’est encore qu’une hypothèse que rien ne vient la confirmer.
En ce qui concerne la date de décès (ou en tout cas
disparition) de la Reine, la grande majorité des spécialistes se rangent sur la
proposition de
Kenneth Anderson Kitchen, en 1245, mais le pourquoi et le comment sa disparition
restent un mystère.
Joyce Anne Tyldesley voit sa mort bien avant car elle nous dit que le Reine
décéda peu de temps après Néfertari,
qui mourut en 1255/1254. Il faut souligner qu’à ce jour aucun indice sérieux
n’autorise à la voir disparaître plus tôt que 1245, comme le suggèrent aussi
Louis A.Christophe,
Elmar Edel,
Farouk Gomaà et
Hourig Sourouzian.
On peu essayer de déduire la date de sa mort en étudiant les deux représentations citées ci-dessus. Dans celle
d’Assouan,
Isis-Nofret I est montrée avec un sceptre floral et un lotus, alors que sur la stèle du
Gebel el Silsilé, elle tient la croix ânkh à la main, ce qui suggère qu’elle fut décédée à cette époque
(an 33-34), soit vers 1246/45. Comme le précisent quelques égyptologue, dont
Joyce Anne Tyldesley, une seule chose est certaine à ce jour,
Mérenptah
étant né vers l’an 15 (selon des spécialistes entre l’an 10 et 21, Hourig Sourouzian
avance qu’il serait né entre l’an 10 et 17), elle ne
peut être décédée avant cette date.
Plusieurs hypothèses au fil du temps ont été avancées sur la cause de son décès :
Elle serait morte avant l’âge de maladie ou assassinée ?, elle aurait été
évincée par une rivale ?. Ou tout simplement, selon certains égyptologues, dont
Christiane Desroches Noblecourt et
Thomas Garnet Henry James, parce que l’héritier de
Ramsès II à cette époque était le Prince
Amonherouenemef
(Puis Amonherkhepshef), qui était un fils de Néfertari.
Elle aurait perdu son rang de prééminence ne réussissant pas à donner un enfant
male à Ramsès II
(Elle donnera après des fils au souverain) et aurait disparut de ce fait de la cour.
Il est aussi possible que du vivant de
Néfertari, la seconde
Grande Épouse Royale (si elle avait déjà ce titre) n’ait eu de l’influence que sur la Basse-Égypte, à
Memphis ou à
Pi-Ramsès, pour ne pas porter ombrage à
Néfertari.
Une statue colossale d’Isis-Nofret I datée de cette époque, qui a été retrouvée récemment à
Bubastis, en apporterait la preuve.
Dans cette hypothèse ce serait l’état dans lequel sont les sites de Basse-Égypte qui expliquerait pourquoi la
statuaire à son effigie est rarissime. Cette quasi-absence dans la documentation avant la mort de
Néfertari serait davantage le résultat de la mauvaise
conservation des sites dans cette région d’Égypte plutôt que la conséquence d’une disgrâce.
Bloc au nom d’Isis-Nofret découvert à Saqqarah |
Ses représentations
Comme nous le précise
Christian Leblanc, un fait
incontestable est que la documentation existante sur la Reine Isis-Nofret I semble avoir été beaucoup plus présente
dans le Nord du pays que dans le Sud. Autres que ceux déjà cité dans cet
article, plusieurs témoignages relatifs à la souveraine proviennent de la région
Memphite, ce fut d’ailleurs dans la capitale du Nord
que certains de ses enfants firent carrière. Sur un bloc mis au jour dans la nécropole de
Saqqarah et sur un oushebti provenant de la région de
Memphis, la souveraine se proclame
Souveraine du Nord et du Sud ou encore Dame du double pays.
Un buste d’Isis-Nofret I en grès schisteux, appartenant à la collection
Égyptiennes des musées royaux de Bruxelles, montre la Reine sous des traits
encore juvéniles avec son époux, avec son nom inscrit dans un cartouche sur
l’épaule droite et elle porte l’uraeus. Dans le secteur du Serapeum fut mis au
jour en 1986 par Mohamed Ibrahim Aly, un bloc en calcaire sur lequel est figurée
en relief une procession de génies nilotiques, comprenant notamment ceux des
5e et
7e nomes de
Basse-Égypte. Ce qui est exceptionnel c’est d’y trouver également le nom
d’Isis-Nofret I en lieu et place de celui normalement du souverain.
Comme le suggèrent quelques spécialistes, faut-il voir là un indice relatif à
l’attribution par le Pharaon de certains domaines agricoles du Nord à son épouse ?. Sur un petit monument, un groupe en grès rose, vendu au
musée du Louvre en 1842, un texte montre les liens que la Reine avaient avec la nécropole
de Memphis. Elle y est représentée en compagnie de ses fils
Ramsès le Jeune et
Khâemouaset et l’inscription, qui est typiquement d’inspiration funéraire,
est une invocation du Pharaon en faveur de son épouse pour lui permettre d’accéder au monde du divin.
Tête d’une statue de
Khâemouaset
– Ägyptisches Museum – Berlin
|
Sa sépulture
On ignore où Isis-Nofret I fut enterrée. Son fils
Khâemouaset lui édifia un sanctuaire à Saqqarah,
mais son tombeau n’a jamais été retrouvé. Certaines présomptions placent sa
sépulture dans cette nécropole, ou dans la
vallée des Reines
?. Aujourd’hui aucune preuve
ne vient étayer ces propositions, car de plus, comme nous le précise
Elizabeth Thomas, un ostracon datant de la
XIXe dynastie, trouvé
par Howard Carter,
laisse supposer qu’elle put être enterrée dans la proche
vallée des
Rois. Cet artéfact nous précise même quelques mesures afin de localiser le tombeau.
Malheureusement, à ce jour, les recherches sont peu fructueuses.
Joyce Anne Tyldesley pense même qu’il s’agit d’une autre Isi-Nofret, pas
celle qui épousa le Pharaon ?.
Christian Leblanc pense que compte tenu que la souveraine semble avoir été
plus présente dans le Nord, rien n’empêche d’imaginer que ses funérailles aient
pu être célébrées à ou près de
Memphis.
Surtout si on se réfère aux inscriptions sur le groupe en grès du Louvre, cité
ci-dessus.
Sa famille
Isis-Nofret I eut plusieurs enfants avec
Ramsès II,
mais là encore aucune certitude, le nombre allant de 4 à 7. En fonction
des égyptologues on trouve :
Trois ou quatre fils :
▪
Ramsès le Jeune (ou Ramessou
"Né de Rê"),
qui fut le 2e fils de
Ramsès II.
Il naquit probablement pendant la corégence de son père avec son grand-père
Séthi I.
Christian Leblanc nous dit qu’il fut l’ainé des enfants du couple, c’est la
raison pour laquelle il fut parfois mentionné dans les textes comme étant Le
Premier de sa Majesté ou Le Premier engendré par Lui. Il
est parfois appelé le Jeune pour éviter la confusion avec son père. Il succède à
son frère
Amonherkhepshef comme Prince Héritier, pour certains spécialistes vers l’en 30 de
Ramsès II.
Il aurait vécu au moins jusqu’à la 52e année de règne de son père.
Il mourut à l’âge entre 40 et 50 ans.
Il porta les titres de Scribe royal et de Porte éventail à la droite
du Roi, mais le Prince Ramsès fit surtout une carrière militaire.
▪
Khâemouaset (ou
Chaemwaset ou Cha em Wasetest ou Khaemweset – #a-m-wAs.t
"Apparaît radieux [Intronisé] à Thèbes")
qui fut le 4e fils de
Ramsès II et
le second de la Reine. Il naquit probablement aussi pendant la corégence de son
père avec son grand-père
Séthi I. Il fut nommé par son père
vers l’âge de 20 ans, Prêtre Sem de
Ptah à Memphis,
puis Grand Prêtre de Ptah.
Il sera Prince héritier de l’an 50 à l’an 55 de Ramsès. Il est donné comme le père
d’Isis-Nofret II par Aidan Marc Dodson et
Dyan Hilton, l’épouse de son frère Mérenptah.
Buste de Mérenptah – Musée Égyptien du Caire |
▪ Mérenptah
(ou Mineptah ou Merneptah ou Merienptah – mri.n-ptH
"Celui que Ptah a choisit") qui fut le 13ème
fils de Ramsès II et qui lui succéda de 1213 à 1203.
Hourig Sourouzian avance qu’il serait né entre l’an 10 et 17 du règne de son
père, soit entre 1269 et 1262. La première date semble plus juste car on sait
qu’il monte sur le trône à un âge très avancé, entre 55 et 60 ans, après la
disparition de ses frères aînés et une corégence avec son père de 12 ans.
Certains spécialistes avancent une date très précise pour sa prise de pouvoir,
entre le 26 et 28 Juillet 1213.
▪ On trouve aussi un Sethi ou Souti ?. Séthi
était le 9e fils de Ramsès II. Sur son équipement funéraire son nom est écrit Sutiy.
Deux ou trois filles :
▪
Bentanat I (ou Bint-Anath
– bnt ant) qui est un nom Syrien
signifiant "Fille de la Déesse Anath", qui fut l’aînée.
Elle serait née pendant le règne de
Séthi I (1294-1279), alors qu’a cette époque
Ramsès II n’est que le Prince héritier.
Elle épouse son père au alentour de l’an 25, soit vers 1255/54. Juste après, elle devint
Grande Épouse Royale suite
à la mort de Néfertari. Elle joua un rôle important à la
cour, surtout après la mort de sa mère vers 1245. Cependant, elle semble avoir partagé certaines de ses fonctions
de Reine avec sa demi-sœur
Méritamon (ou Merytamen).
▪
Isis-Nofret II,
qui est la 5ème fille de Ramsès II.
Elle est peut-être l’Isis-Nofret qui épouse
Mérenptah
(1213-1203). Les avis des spécialistes divergent sur cette Reine.
Elle est attestée à plusieurs reprises pendant le règne de son mari : Sur une statue
d’Amenhotep III
qui sera usurpée par
Mérenptah. Sur une stèle du Vizir Panéhésy, située au
Gebel el-Silsileh. Sur une autre stèle située dans la galerie du Spéos
d’Horemheb,
toujours au Gebel el-Silsileh. Cette stèle représente
Mérenptah suivi par la Reine et le
Vizir Panéhésy, ils font une offrande à la Déesse
Maât, à
Amon-Rê et à
Mout.
▪ Nebettaouy
(ou Nebtaoui ou Nebtaui ou Nebettawy ou Nebettaui
– Nb.t t3wi)
qui fut la 6ème fille de Ramsès II. Elle épousa son père.
Certains égyptologues, dont
Aidan Marc Dodson, la donnent pour être une fille de
Néfertari.
Elle n’est cependant jamais spécifiquement liée à l’une ou l’autre de ces deux
souveraines. Après Bentanat I et
Méritamon, elle fut la troisième des filles de
Ramsès II à devenir son épouse, probablement après la mort
de Méritamon. Il semble que Nebettaouy
fut la fille la plus aimée par
Ramsès II. Elle aura le titre de
Grande Épouse Royale. Il
existe peu de témoignages de son implication dans les affaires de l’État à la fin du règne de son père, hormis les jubilés.
Bibliographie
Pour d’autres détails
sur la Reine voir les ouvrages de :
Christiane Desroches Noblecourt :
– Le grand Pharaon Ramsès II et son Temps, Palais de la Civilisation Montréal, Montréal, 1985.
– Ramsès II, la véritable histoire, Éditions Pygmalion, Paris,
Juillet 1997 et Janvier 1998 – Flammarion, Coll. Cultures et Civilisation, Sept. 2007.
Aidan Marc Dodson et Dyan Hilton :
– The complete royal families of ancient Egypt, Thames and Hudson, London, Septembre 2004 et Février 2010.
Christian Leblanc :
– Isis-Nofret, grande épouse de Ramsès II, La reine, sa famille et Nofretari, pp
: 313-333,
BIFAO 93, Le Caire, Janvier 1993.
– Reines du Nil au Nouvel Empire, Bibliothèque des introuvables, Paris,
2009 et Juillet 2010.
Elizabeth Thomas :
– Cairo Ostracon J. 72460, Oriental Institute, Chicago, 1976 – Studies in ancient oriental civilization 39,
pp. 209-216, 1977.
Joyce Anne Tyldesley,
Aude Gros de Beler et Pierre Girard :
– Chronicle of the queens of Egypt : From early dynastic times to the death of Cleopatra, Thames & Hudson Ltd,
Octobre 2006 et Janvier 2007 – En Français, Chronique des Reines d’Egypte : Des origines à la mort de Cléopâtre, Éditions :
Actes Sud, Collection : Essais Sciences, Juillet 2008 – En Allemand, Die königinnen des alten Ägypten : Von den frühen dynastien
bis zum tod Kleopatras, Koehler + Amelang Gmbh, Février 2008.
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