Localisation
Téos (ou Théos ou Teo, en
Grec :
Τέως, en Latin : Tium) était une ville maritime d’Ionie,
sur une péninsule entre Chytrium et Myonnesus, au Nord d’Éphèse,
à environ 40 km. au Sud-ouest de Smyrne
(Aujourd’hui Izmir), près du port de Sigacik (ou Sığacık) en Turquie. La cité
antique possédait deux ports. Le principal au Sud est aujourd’hui ensablé. Le second, plus au Nord, est toujours utilisé de
nos jours par les pêcheurs de Sigacik. Au cours de la période Romaine, la ville était connue pour son vin.
Le village moderne de Sigacik est situé à proximité des ruines de Téos. L’intérieur de ce qui était auparavant
la ville a maintenant été cultivés intensivement, ce qui rend difficile l’excavation du site.
Grâce aux laboures, de la poterie a été ramenée à la surface, qui a été recueillie par une mission archéologique.
L’histoire…….
D’après la tradition, rapportée par
Pausanias (Géographe
Grec, v.115-v.180)
la ville fut fondée, fin du IIe / début du Ier millénaire av.J.C. Elle fut colonisée par des habitants d’Orchomène en
Béotie, puis par des colons venus de
Thessalie et d’Athènes.
La ville a une histoire liée à celle de l’Ionie
et plus particulièrement à celle de sa voisine
Lébédos. Téos fit partie
d’une confédération Ionienne regroupant douze cités :
Chios (ou Chio ou Kios),
Clazomènes,
Colophon,
Éphèse,
Érythrée,
Lébédos,
Milet,
Myonte,
Phocée,
Priène,
Samos et
Smyrne.
Halicarnasse
les rejoignit après avoir été chassée pour impiété de la sienne. La cité n’eut jamais une grande importance au sein de
cette confédération.
Autre vue des ruines du temple
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Téos, comme petit à petit une grande partie de l’Asie Mineure, passa à partir de vers 700, sous protectorat des
Lydiens.
Cette domination dura près d’un siècle et demi puisque après la défaite du dernier Roi
Lydien,
Crésus(ou Kroisos, 562-546 ou 561-547) devant le Roi
Perse,
Cyrus II (559-529)
les riches cités d’Ionie passèrent sous la domination des
Achéménides.
Cyrus II envoya en effet
Harpage soumettre les villes
Grecques qui étaient auparavant
sous le contrôle de la Lydie et qui refusaient de se
soumettre. Cette action entraîna l’exode d’une partie de la population entre 545 et 540, vers la
Thrace en particulier
où elle participa à la refondation de la cité d’Abdère (ou Abdéra ou Ábdēra sur
la mer Égée, près de l’embouchure du fleuve Nestos, en face de l’île de Thassos).
Téos se joignit ensuite aux autres cités
Grecques lors de la grande révolte de 499 à l’origine des
Guerres Médiques (499-479).
Mais la coalition fut battue à la
bataille de Ladé, près de Milet,
à l’été 494, lorsque les cités Ioniennes se retrouvèrent opposées à la flotte
Perse de
Darius I (522-486). Ce n’est qu’après les
victoires des cités de la Grèce continentale,
que les Ioniens retrouvèrent leur liberté.
Téos fut alors débarrassée de la tutelle des
Achéménides.
Cette liberté fut de courte durée car ce fut au tour
d’Athènes, qui avait joué un rôle
prépondérant dans la victoire, de tirer profit de la région avec en 478 la fondation de la
Ligue de Délos,
qui entreprit de constituer un Empire maritime assurant l’hégémonie de la cité sur la mer Égée et sa domination sur le monde
Grec.
En 476, Téos, comme beaucoup de villes
Ioniennes, entra dans la
Ligue.
L’Ionie et ses cités subirent ensuite les
Guerres du Péloponnèse (431-404).
Cependant en 412, sur l’instigation d’Alcibiade (450-404), Téos se révolta avec le reste de l’Ionie,
contre Athènes,
mais les villes furent battues vers 411/410 par la cité Attique. En 405, le
Sparte,
Lysandre battit la flotte
Athénienne à
la
bataille d’Aigos Potamos.
Après sa victoire, toutes les cités restées fidèles à
Athènes avant la bataille lui firent défection
et se soumirent à Lysandre.
En 404 l’hégémonie Athénienne n’exista plus et la
Ligue de Délos fut dissoute. Les cités d’Ionie
passèrent alors de nouveau sous la tutelle des
Perses. En 395 le Roi de
Sparte,
Agésilas II (398-360) lança une campagne
en Asie Mineure contre le
Satrape Perse de
Lydie et de
Carie,
Tissapherne (v.413-395). La campagne
d’Agésilas II se solda par la libération
des cités d’Ionie de la tutelle
Achéménide.
Vue des ruines du théâtre
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Elles subirent ensuite la domination de Sparte,
pour peu de temps. Le climat politique était très tendu et en 387/386,
Sparte, menacée de tous côtés,
conclut la paix d’Antalcidas
ou paix du Roi avec les Perses
et tous les
Grecs. Elle acceptait la domination
Perse et leur cédait des cités
Grecques d’Asie Mineure.
Après un sursaut de Sparte,
en juillet 371, à la
bataille de Leuctres la suprématie
Spartiate
sur le monde Égéen fut définitivement terminée. L’hégémonie du vainqueur,
Thèbes qui s’ensuivit n’eut que peu d’impact sur le monde Anatolien. Les
Perses, profitant du cahot du monde
Grec,
reprirent possession de l’Ionie.
Leurs nouvelles dominations, physique et politique, sur les cités furent similaires à celles qui précédaient les
Guerres Médiques, en particulier sur les très lourds impôts.
En 334, Théos fut libérée du joug
Perse par le Roi de
Macédoine
Alexandre
le Grand (336-323) lors de sa conquête de l’Asie Mineure. Après la mort
de ce dernier et les luttes pour sa succession entre les différents Diadoques, la région passa sous
différentes tutelles. Téos fut un temps sous la domination du Roi de
Macédoine
Antigonos I Monophtalmos qui relança l’activité du port. Celui-ci souhaitait fusionner la cité avec celle de
Lébédos, toutefois cette opération fut
réalisée de façon incomplète. En 301, après la
bataille d’Ipsos, en
Phrygie, contre
Antigonos I
Monophtalmos (306-301), Téos tomba sous la domination du Roi de
Thrace,
Lysimaque
(322-281).
Autre vue des ruines du théâtre
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En
292, il ravagea la cité et déporta ses habitants à Éphèse. Puis, comme toute
l’Ionie, Téos fut le centre des conflits
d’influences et d’intérêts entre les
Séleucides à
l’Est, les Rois de Pergame
au Nord et les Ptolémée
d’Égypte au Sud.
Le Roi de Pergame,
Eumène II (ou
Eumènès, 197-159)
s’étant allié aux Romains pour contrer l’expansion
Séleucide vers
la mer Égée, obtient après la victoire, par la
paix d’Apamée en 188, le contrôle d’une partie de l’Asie Mineure. Téos se trouva dans la région nouvellement
attribuée et resta sous la domination des
Attalides jusque sous le règne
d’Attalos III Philométor (ou Attale,
138-133). Lorsque celui-ci mourut sans enfant mâle, il légua son royaume à la République Romaine et l’Anatolie, dont Téos,
passa dans le monde Romain.
Au IIe siècle av.J.C, la cité, qui était restée prospère malgré les troubles du monde hellénistique,
construisit sous la direction de l’architecte Hermogène de Priène le plus grand temple du monde antique consacré au Dieu
Dionysos, puis plus tard au culte de l’Empereur Tibère (14-37) et enfin à celui de l’Empereur Hadrien (117-138). Ce temple,
est aujourd’hui en cours de reconstitution. Nous ne savons rien de la cité au cours de l’ère Chrétienne.
Elle figure dans tous les "Notitiae Episcopatuum" comme suffragants
d’Éphèse. On suppose que Téos fut détruite par un tremblement de terre.
L’archéologie
Téos était l’une des plus importantes
villes d’Ionie dans l’antiquité. Les recherches sur le site
antique de la cité et les fouilles du temple de Dionysos furent réalisées par Mustafa Duran Uz et
Ayla Çevik-Çenberci, puis poursuivies par Numan Tuna, le projet est soutenu depuis 1993 par le Taçdam
(ou Takdam). Les cartes topographiques du site, qui montrent les bâtiments d’origine et les terrasses, témoignent
de l’efficacité de l’utilisation de la surface des terres dans l’Antiquité.
Le temple de Dionysos, l’agora (Lieu de rassemblement, marché de la cité), les murs de la ville,
la zone de l’acropole et le port antique furent l’objectif principal des recherches. Une prospection
archéo-géophysique fut faite sur la région Sud-est de la colline de l’acropole afin d’éclairer les chercheurs
sur les dimensions des terrasses et des anciens murs de la ville.
Le temple de Dionysos, construit vers 190 av.J.C par l’architecte
Grec
Hermogène de Priène (Fin IIIe siècle-début IIe siècle av.J.C), est considéré comme l’un
des bâtiments les plus importants de l’antiquité. Il est décrit par Vitruve (ou Marcus Vitruvius Polliodans,
architecte Romain, v.90-v.20 av.J.C) dans ses Dix Livres d’Architecture (III.3.6-8, IV 3.1).
Le podium du temple et les plates-formes de la zone du téménos (Espace sacré d’un temple antique) ont été formés
par l’arasage et le nivellement de la colline naturelle. La plate-forme du téménos est surélevée de 1,50 m.
Le temple et son autel à l’Est se trouve au centre de celui-ci, et une plate-forme pavée rejoint le temple à l’autel
pour former une unité architecturale. Le niveau de la zone du téménos est plus élevé à l’Ouest
et il est constitué, vers l’Est, d’une séries de terrasses en escalier.
Les vestiges du temple forme un périptère (Édifice entouré de rangées de colonnes sur chacune de ses faces)
hexastyle (Qualificatif des temples
Grecs dont la façade a
un portique de six colonnes) avec onze colonnes sur les côtés.
Les archéologues ont retrouvé des preuves d’un temple archaïque antérieur à celui de l’époque Hellénistique.
Autre vue des ruines du temple
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Les mesures de la cella (Élément d’un temple désignant le sanctuaire) sont de 38,46 m. x 7,30 m. Elles
sont semblables, aux proportions de 1:5, à celles du temple Héraion
de Samos. Le reste de la superstructure de ce temple, plus ancien,
est en marbre blanc avec des reliefs au Sud-ouest du téménos. Le temple de Téos fut construit par un nivellement
de la roche et le remplissage de la zone de plus de 3 mètres de côté. Les vestiges de la superstructure du temple
et de la terrasse au Nord de l’agora ont montré que les colonnes étaient en style composite mélangeant des éléments
Ioniens et Attiques. Le placement et la proportion des colonnes sont en relation avec les œuvres précédentes de
l’architecte Grec.
Les recherches archéologiques sur le théâtre et le bouleutérion sont terminées.
Le théâtre, du IIe siècle av.J.C, est situé au Sud-est de la Colline Kocakır.
Quelques ajouts à la construction d’origine ont été faits à l’époque Romaine sous l’Empereur Hadrien (117-138).
La cavea (Creux qui désigne la partie d’un théâtre où se trouvent les gradins) de l’édifice, sur une hauteur de 15 m.,
est bien conservée. Le bouleutérion se situe à l’angle Nord de l’agora. Il se trouve à 4,50 m. au-dessus du substratum
rocheux, et 3 m. d’épaisseur de remplissage furent utilisés pour le terrassement des murs du bâtiment.
L’un des domaines importants des fouilles fut le brise-lames du port du Sud. Il s’étend sur 200 m. le longueur dans
une direction Est-ouest. C’est un des rares exemples construit dans les ports de l’Ouest
Anatolien qui ait survécu .
La technique de construction du mur du brise-lames présente des similitudes avec celle de la muraille de la ville,
une preuve épigraphique lié à la construction du mur de la ville fut trouvée sur une paroi et date du IIe siècle av.J.C,
ce qui fait penser aux chercheurs que la digue pourrait être contemporaine. Les recherches sur la muraille de la ville
ont révélé que sa partie interne fut comblée avec des tessons de céramique produite dans la cité.
Quelques personnages célèbres
Téos
fut le berceau de plusieurs personnalités parmi lesquelles on trouve :
▪ Anacréon (ou Anakréôn, en
Grec :
‘Aνακρέων, v.550-v.464) qui fut l’un des plus grands poètes lyriques
Grecs avec
Alcée et
Sappho de
Mytilène. Il fut surnommé Le chantre
ou le vieillard de Téos.
▪ Antimaque de Téos (ou Antimachus ou Antimachos
ho Teos, Grec :
‘Aντίμαχος ὁ
Τέως) qui fut un poète lyrique. D’après
Plutarque,
il serait contemporain de la naissance de Rome (soit en 753).
Il ne faut pas le confondre avec Antimaque de
Colophon, poète de l’époque classique.
Il est souvent cité comme l’auteur possible des Epigones.
▪ Hécatée (ou Hecataeus d’Abdère, en
Grec :
‘Eκαταĩος, IVe siècle av.J.C), qui fut historien.
Il fut un contemporain du Roi de
Macédoine
Alexandre le Grand (336-323).
Selon les sources il naquit soit à Téos, soit à Abdère (ou Abdéra ou Ábdēra). Il fut le disciple du philosophe sceptique Pyrrhon,
vers 300 av.J.C. Il n’y a pas d’œuvres complètes de lui qui aient survécu jusqu’à nos jours, et notre connaissance
de son écriture n’existe que dans les fragments situés dans diverses œuvres d’anciens auteurs
Grec et Latins, principalement
Diodore de Sicile.
▪ Protagoras (ou Prōtagóras, en
Grec :
Πρωταγόρας,
v.490-v.420) qui fut un sophiste. Il est considéré comme un penseur présocratique et comme un sophiste par
Platon
(Philosophe Grec, 427-346).
Il est célèbre pour sa formule selon laquelle "l’homme est la mesure de toute chose", souvent
interprétée, à tort ou à raison, comme une défense du relativisme.
▪ Scythinos (ou Scythinus, en
Grec :
Scythinos) qui fut un poète.
▪ Andron (ou Andronitis ou Andrón, en
Grec :
‘Aνδρῶν-ῶνος)
qui fut un géographe.
Bibliographie
Pour
d’autres détails sur la cité et ses monuments voir les ouvrages de :
Sophia Aneziri :
– Die vereine der dionysischen techniten im kontext der hellenistischen gesellschaft : Untersuchungen zur geschichte,
organisation und wirkung der hellenistischen technitenvereine, F. Steiner, Stuttgart, 2003
Pierre Devambez :
– Bas-relief de Téos, A. Maisonneuve, Paris, 1962.
Mustafa Duran Uz et Ayla Çevik-Çenberci :
– The temple of Dionysos at Teos, Dokuz Eylül Universitesi, Fen Bilimleri Enstitüsü, Izmir, 1991.
George Ewart Bean :
– Teos (Siğacik or Siğacak) Turkey, The Princeton encyclopedia of classical sites,
Princeton University Press, Princeton, 1976.
– Kleinasien. Band 1. Die ägäische Türkei von Pergamon bis Didyma, Auflage. Kohlhammer, Stuttgart, 1987.
Peter Herrmann :
– Antiochos der große und Teos, pp : 29–160, Anadolu 9, 1965 – Türk Tarih Kurumu Basimevi, Ankara, 1967.
Philip Kinns :
– Studies in the coinage of Ionia Erythrae, Teos, Lebedus, Colophon, c.400-30 B.C,
University of Cambridge, Ganville & Caius College, 1980.
Aliki Moustaka :
– Klazomenai, Teos and Abdera : Metropoleis and colony, proceedings of the international symposium held at the
archaeological Museum of Abdera, Abdera, 20 – 21 October 2001, University Studio Press, Thessaloniki, 2004.
Jeanne Robert et Louis Robert :
– Une inscription Grecque de Téos en Ionie. L’union de Téos et de Kyrbissos, Klincksieck, Paris,
Janvier 1976 – Journal des Savants 3, pp : 153-235, 1976.
Lene Rubinstein :
– Teos, pp : 1101–1102, Mogens Herrman Hansen : An inventory of archaic and classical poleis, Oxford, 2004.
Freya Stark :
– Ionia, a quest, J. Murray, London, 1954.
Jonathan Ryan Strang
– The city of Dionysos : A social and historical study of the Ionian city of Teos,
State University of New York at Buffalo, 2007.
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