Détail d’une fresque montrant
Akhénaton et Néfertiti devant Aton – Musée Égyptien du Caire |
Fonction et origine
Aton (ou Aten ou Atonou) est le Dieu du disque solaire. Il était considéré comme l’esprit qui encourage la vie sur
Terre. Il est surtout connu comme le Dieu suprême sous le règne du Pharaon
Amenhotep IV (ou
Akhénaton, 1353/52-1338 – XVIIIe dynastie), qui lui donna ce statut
par sa réforme religieuse entreprise à la période d’Amarna
(ou Akhétaton). Cependant son origine est bien plus ancienne en tant que principe du Dieu
Atoum-Rê, comme le décrivent les
Textes des
Pyramides de la fin de
l’Ancien Empire (2647-2150) qui le présentent sous sa
forme physique du disque solaire, originaire d’Héliopolis.
On trouve aussi des traces de ce Dieu au début de la XIIe dynastie
(1991-1783) au cours du règne d’Amenemhat I
(1991-1962) dans l’histoire de Sinouhé, où le mort vol au ciel pour rejoindre Aton, la chair divine qui
l’avait engendré. Lors de la XVIIIe dynastie
le nom d’Aton est de nouveau utilisé sous Thoutmosis I
(1504-1492). On trouve également des références nombreuses à Aton sous les règnes
d’Amenhotep II (1428/27-1401) et
Thoutmosis III
(1479-1425), qui vont gagner en force sous le règne
d’Amenhotep III (1390-1353/52).
L’augmentation de l’influence du culte du Dieu Soleil fut progressive. Il ne fut pas seulement compartimenté
à ce rôle, mais prit une dimension plus universelle en tant que créateur et géniteur de toutes choses, y compris d’autres Dieux.
Ainsi, chaque divinité fut simplement identifiée comme une manifestation d’Aton.
La base de la théologie Amarnienne étaient donc déjà solidement
ancrée bien avant le début du règne d’Amenhotep IV.
Le syncrétisme des croyances religieuses lors de la XVIIIe dynastie
évolua pour devenir un culte "monothéiste" distinct autour du Dieu soleil. Comme pour les Pharaons, le nom d’Aton fut écrit dans
un cartouche, une autre rupture avec la tradition
antique. Au début du règne d’Amenhotep IV, Aton était vénéré
sous le nom Rê-Horakhty “Que vive". Le statut de Dieu suprême
d’Aton ne dura qu’un règne puisque le clergé d’Amon fut rétabli à ce rang
sous Toutânkhamon (1336/35-1327). La ville
d’Amarna (ou Akhétaton) fut abandonnée et la cour retourna à
Thèbes.
Ses représentations et symboles
À l’origine, Aton était représenté
comme un être humain avec une tête de faucon et portant le disque solaire avec
un serpent uræus, symbole de la royauté. Sous le règne du Pharaon Amenhotep IV (ou
Akhénaton, 1353/52-1338 – XVIIIe dynastie)
on le trouve comme un disque solaire duquel descendent des
rayons se terminant par des petites mains qui offrent au Pharaon et à sa famille
le symbole de la vie (Croix ânkh).
Ses symboles étaient :
▪ Ses attributs divins : Rayons solaires terminés par des mains (période Amarnienne)
▪ Animaux, couleur et élément : Aucun animal, couleur ou élément n’est
attribué à Aton.
Fragment de relief représentant Akhénaton
et sa famille protégés par Aton – Ägyptisches Museum – Berlin |
Le culte d’Aton
Durant son
règne, le Roi Amenhotep III (1390-1353),
donna à Aton un rôle primordial. Mais ce fut surtout son fils,
Amenhotep IV (ou Aménophis ou Akhénaton, 1353/52-1338)
qui lui donna un sens spécial en en faisant le Dieu dynastique de l’Égypte au
détriment d’Amon. Le Pharaon prit alors le nom d’Akhénaton,
"celui qui est utile à Aton", il donna aussi à ses enfants des noms comprenant le nom d’Aton.
Il transforma le grand temple du Dieu Amon-Rê à Karnak (Thèbes) en lui
accolant tout un complexe cultuel dédié au disque solaire. En l’an 5 de son règne, il fit construire en son honneur une ville :
Akhétaton, “l’Horizon d’Aton” (ou Amarna, Actuelle
Tell el-Amarna en Moyenne-Égypte) qui devint sa capitale. Aton devint alors le Dieu unique, considéré comme la puissance
universelle qui dispensait aux humains, la lumière, la vie et la chaleur.
Symbolisé par le Soleil à partir duquel les rayons transmettaient la vie sur terre, Aton n’eut pas d’autres
formes tangibles que le disque visible du soleil qui brillait dans le ciel tous les jours. Il ne peut donc être représenté par
une image taillée ou une idole. Gravé sur un mur de la tombe du Pharaon
Aÿ II, qui est considéré comme le père de
Néfertiti, il a été découvert un Hymne au soleil dédié au
Dieu Aton par Amenhotep IV :
"…. Ho Disque Solaire de vie comme tu es beau, grand, lumineux, tes rayons qui entourent la terre au bord de tout ce que
tu as créé…. tu es le Dieu unique que personne n’égale”…tu as créé la terre selon ton désir et les hommes et le bétail, et
tout ce qui est dans les cieux…". Le culte du Dieu vivant devait être pour
des générations, la personnification divine du Pharaon lui-même.
Le Pharaon, avec sa
Grande Épouse
Royale, Néfertiti, fut le seul représentant d’Aton auprès
de ses sujets, intercesseur entre eux et le Dieu, et le seul habilité à procéder aux rites sacrés et à toutes les représentations
de ce culte. Néfertiti sera souvent représentée entrain de faire les rituels quotidiens dans le grand
temple d’Aton à Amarna (ou Akhétaton). Les fidèles
pouvaient se passer de Prêtres pour faire l’intermédiaire entre eux et le Dieu, puisqu’ils le voyaient chaque jour renaître. Ils
s’adressaient directement à lui par deux prières principales, qui sont réputées avoir été inspirées par le souverain lui-même.
Au cours des neuf premières années de la période Amarnienne,
Aton fut identifié avec Rê-Horahkty et
Shou en tant que symbole de la lumière.
Le statut de Dieu suprême d’Aton ne dura qu’un règne puisque le clergé d’Amon
est rétabli à ce rang sous Toutânkhamon
(1336/35-1327). La ville d’Amarna (ou Akhétaton) fut abandonnée
et la cour retourna à Thèbes. Des prières et des hymnes à Aton
ont été retrouvés dans la tombe d’Amenhotep IV, ils remplaçaient
les traditionnels textes funéraires. Le plus célèbre est le “Grand Hymne à Aton” que les spécialistes pensent rédigé par
le Pharaon lui-même.
Ânkhesenamon et Toutânkhamon,
protégés par Aton détail du fauteuil trouvé dans la tombe de Toutânkhamon –
Musée Égyptien du Caire |
Aton et les autres Dieux
Il est à noter que contrairement à une idée très répandue, le Pharaon
Amenhotep IV n’a pas aboli l’ancien système de la théologie.
Il y a apporté des changements, probablement plus par motivation politique que par croyance en un culte des astres qui était trop
abstrait pour la mentalité des Égyptiens de l’époque. Toutefois, afin que cette réforme soit efficace, sa seule option était de
l’imposer par l’autorité. De ce fait vers la fin de son règne il interdit les cultes des anciens Dieux et retira leur pouvoir aux
Prêtres du culte du puissant et riche Amon. Comme preuve de cette théorie
les nombreux syncrétismes associant Aton à d’autres divinités. Quelques divinités se sont toutefois maintenues comme
Maât ou les deux Déesses de
la couronne, Ouadjet et
Nekhbet.
Le fait que les souverains faisaient chaque année des sacrifices au
culte solaire était déjà un fait avant Amenhotep IV, qui, il
est vrai le sublima d’une façon magistrale. Le culte d’Aton fut loin d’être pratiqué que dans sa ville consacrée,
il fut imposé dans les sanctuaires des Dieux majeurs dans tout le pays, par la création d’un groupe de prédicateurs de la
nouvelle religion, en charge de prêcher la bonne parole dans tout l’Égypte. À
Héliopolis par exemple on a trouvé les vestiges d’un
monument dédié au disque solaire et à Karnak une expansion du culte d’Aton éclipsa le Dieu
Amon. Par contre, dans le Delta du Nil, il n’a jamais, à aujourd’hui, été
trouvés d’inscriptions dédiées au Dieu Aton. Ce culte n’était pas naturel pour
les Égyptiens mais imposé, il eut donc de grosses difficultés à s’imposer sur l’ensemble du territoire.
Le premier monothéisme au monde pour certains, était plutôt un hénothéisme ou une monolâtrie qui dura plus de 15 ans,
qui reconnaissait l’existence de plusieurs Dieux, mais qui en vénérait un de préférence, voire à exclure des autres.
Aton et la religion monothéiste
Beaucoup de spécialistes pensent que l’Atonisme fut le
précurseur de Judaïsme, qui
reprit nombre de ses concepts et vit le jour dans la population Juive d’Égypte moins d’un siècle plus tard.
Cette thèse est soutenue par exemple dans essai de Sigmund Freud “Moïse et le monothéisme“.
Un des facteurs principaux de cette théorie est le suivant :
Amenhotep IV consacra beaucoup d’attention à sa nouvelle capitale
Amarna (ou Akhétaton) et délaissa le reste de l’Égypte qui entra dans le déclin. Après lui montèrent sur le trône en tant
que Pharaon Toutankhamon et
Aÿ II. Ce dernier fut le souverain sacrificateur
d’Amarna (ou
Akhétaton). Bien qu’il fut à l’origine un fidèle d’Aton,
Aÿ II se rendit compte qu’il était nécessaire pour le pays de pratiquer un retour aux anciens Dieux. Les Prêtres d’Aton
ne voulurent pas se convertir et ils furent expulsés avec les masses des fidèles d’Aton. En compensation,
Aÿ II leur fit des dons et les envoya coloniser le pays de
Canaan, où les Prêtres s’établirent dans le Sud, sur le territoire de Juda, tandis que les fidèles laïcs installèrent dans le Nord.
Selon cette théorie, Aÿ II était tellement respecté en tant que
Père Divin qu’il était vénéré comme une incarnation de Dieu. Dans la version Araméenne de l’Ancien Testament, Dieu est
appelé Ay et non Yahvé, et le mot Adonaï, utilisé par les Juifs pour éviter de dire à haute voie le nom de
Dieu, signifie Seigneur Ay.
Bloc de pierre représentant Akhenaton
en sphinx trouvé Amarna – Musée Kestner – Hanovre |
Clément d’Alexandrie (Un des Pères de l’Église, v.150-v.220) en 200 av.J.C fut l’un des premiers à parler
d’une similitude remarquable entre les symboles Égyptiens et ceux utilisés par les anciens
Hébreux. Il convient
également de rappeler la forte similarité de certains psaumes
biblique, qui chantent la gloire de Dieu dans la création, avec “l’Hymne au soleil d’Akhenaton“, trouvé dans la tombe
d’Aÿ II. La
relation entre le culte d’Aton et
Moïse peut être
expliquée par l’éducation que
Moïse reçut à la cour du Pharaon, sous le règne duquel il naquit. Une
proposition de concordances historiques suggère que la fille de Pharaon (dans la Bible, Pharaon est le nom propre), adopta
Moïse
à une époque où commença le culte d’Aton, peut-être la Reine
Ânkhesenpaaton (qui devint Ânkhesenamon), troisième fille
d’Amenhotep IV et de
Néfertiti, puis
Grande Épouse Royale de Toutankhamon. Bien qu’il n’y ait
absolument aucune pertinence historique à cet égard, selon certains chercheurs, il est probable qu’elle épousa à la mort du
jeune Pharaon, son successeur Aÿ II. D’autres sources avancent
la possibilité que la femme qui adopta l’enfant est la même que la première épouse
d’Horemheb,
(successeur d’Aÿ II – 1223-1295),
Moutnedjemet, qui aurait été la sœur de
Néfertiti.
Après l’épisode des 10 plaies imposées aux Égyptiens, les Juifs furent expulsés du pays.
À cet instant un point de discussion est intéressant. Selon plusieurs spécialistes, le but de ces fléaux n’était pas, comme
certains l’affirment, pour convaincre le Pharaon de libérer les juifs, mais plutôt de démontrer la grandeur du Seigneur au peuple
Égyptien. Outre Sigmund Freud, il convient de mentionner parmi les spécialistes qui on le plus contribué à cette
recherche sont Joseph Campbell,
Jan Assmann,
Ahmed Osman et Ralph Ellis.
Selon une autre théorie de Manéthon,
dans une histoire rapportée par Flavius Josèphe
(ou Titus Flavius Josephus ou Josèphe ben Mattathias, historien Juif, 37-v.100),
Moïse était un Prêtre du
Dieu Osiris à
Héliopolis. Enfin certains chercheurs prétendent que le
monothéisme avait déjà été introduit en Égypte par Joseph (voir le Livre de la Genèse) et que Aton était essentiellement
un ersatz du Dieu des Juifs.
Légendes et mythes
Il n’y a pas de légendes particulières se rapportant à ce Dieu comme il en existe
pour tant d’autres comme Horus,
Seth etc … Contrairement à ce que l’on pense, des dizaines de Dieux du
panthéon Égyptien cohabitaient avec Aton, mais “le Soleil” était au centre d’une vénération particulière et représentait
probablement mieux que d’autres le divin dans un sens universel. Cette étoile fut le protagoniste du premier épisode dans le
cadre de la religion Égyptienne, de l’hérésie monothéiste, ou plus exactement
hénothéiste, comme un Dieu représentant toutes
les divinités.
Bibliographie
Pour d’autres détails sur le Dieu
voir les ouvrages de :
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