Son origine
Représentation d’Hatchepsout
effectuant le rituel de fondation de la chapelle rouge
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Hatchepsout I Maâtkarê (ou Hatshepsout ou Hatshepsut ou Hatschepsut)
est le 5e Roi de la XVIIIe dynastie.
Manéthon l’appelle Amessis (Flavius Josèphe) ou Amensis (Africanus) et lui compte
22 ans de règne (Africanus) ou 21 ans et 9 mois de règne (Josèphe Flavius). Elle ne figure pas sur les
Tables d’Abydos.
Elle est la fille de Thoutmôsis I et de la
Grande Épouse Royale,
Ahmès,
mais nous ne savons pas à quelle époque elle nait, la plupart des égyptologues pense que c’est avant le couronnement de son père. Selon l’égyptologue
Claude Vandersleyen, dans la
Théogamie (Récit de la naissance divine) de
Deir el-Bahari, il est dit qu’à sa naissance
Thoutmôsis I était encore Inepou. Ce
terme était utilisé pour désigner un Roi avant son couronnement, mais sans indication sur son âge. Cette interprétation des textes n’est pas acceptée par
tous ses confrères. Christian Leblanc avance que la Reine était âgée
de 25 ans lorsque son époux Thoutmôsis II
décéda en 1479, ce qui la ferait naitre aux alentours de 1454/55.
Nous ne connaissons pratiquement rien de son enfance, si ce n’est qu’il semble qu’elle voyage beaucoup avec son père,
notamment en Basse-Égypte. Elle eut pour nourrice royale et première éducatrice, Satrê (ou Sitrê-In ou Sat-Rê ou Sit-Rê,
dite aussi Inet), une fidèle servante de la famille royale, connue par une statue aujourd’hui au
musée du Caire,
où la petite Princesse est figurée assise sur ces genoux.
Christian Leblanc nous
dit que plus tard son instruction fut assurée par
un fonctionnaire du nom d’Ahmès-Pennekhbet (ou Ahmose Penneckbet), originaire
d’El Kab qui possède une magnifique tombe
(EK2) dans la cité, et que ce fut
sous la férule de ce précepteur que l’adolescente fut formée à son futur métier de Reine. Elle vécut sûrement
avec le reste de la famille à Thèbes.
Son père eut trois fils dont les spécialistes discutent encore aujourd’hui sur le fait qu’ils
fussent de la Reine
Ahmès ou de son autre épouse, la Reine
Moutnofret I (ou Moutnéfert, "Mout est belle"),
toutefois les monuments connus montrent qu’il existait peu de lien entre les deux branches royales.
Florence Maruéjol pense que leur
lecture n’est peut-être pas à prendre au premier degré.
Son histoire
Hatchepsout – British Muséum
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L’avant règne
Selon
Christian Leblanc, durant son règne,
Hatchepsout résida dans le voisinage de Karnak, apparemment au Nord-ouest du Dromos du temple
d’Amon-Rê,
dans un palais auquel elle donna le nom "Je ne m’éloignerai pas de lui” ou “Je ne m’en éloignerai pas“.
Son demi-frère, Amenmès (ou Amenmosé),
qui était l’aîné et Prince héritier, mourut, selon Alan Henderson
Gardiner, au plus tard pendant l’an 12 du règne de son père. Ce posa alors la question de la place de la future Reine, surtout que son autre demi-frère
Ouadjmès (ou Ouadjmosé ou Wadjmose
ou Wadjmès ou Wadj-Messu), décéda juste après le premier. Selon une interprétation des textes de
la Théogamie (Récit de la naissance divine) de Deir el-Bahari, largement
défendue par certains, mais critiquée par
Claude Vandersleyen, Thoutmôsis I
aurait décidé à ce moment de faire couronner sa fille et lui aurait abandonné la plus grande partie du pouvoir.
Hatchepsout va se servir de ces textes comme élément pour assoir sa légitimité sur le trône lorsque son père décèdera.
À partir de là on a des
avis différents entre spécialistes, les premiers pensent qu’à la mort de Thoutmôsis I elle
était âgée d’une quinzaine d’années. (Florence Maruéjol nous dit 11/12 ans).
Elle épousa alors son demi-frère Thoutmôsis II, né de la Reine
Moutnofret I (ou Moutnéfert) qui monta sur le trône. Nous savons que
Thoutmôsis II était une personne qui n’était pas
d’une condition physique remarquable et de nombreux égyptologues spéculent que même pendant son règne, Hatchepsout
était peut-être la véritable maître du pouvoir. Les travaux de l’égyptologue
Luc Gabolde, sur les inscriptions
des monuments, nous permettent de mieux connaître l’équilibre des pouvoirs à cette époque.
Florence Maruéjol
met en évidence une deuxième possibilité que soutiennent d’autres spécialistes
qui pensent que les égyptologues ont longtemps considéré comme une évidence qu’Hatchepsout était non seulement
une adulte, mais aussi une femme de tête dès le début de la régence. Or, comme
nous dit Florence Maruéjol, il
est possible que la Reine n’ait été qu’une adolescente. Une hypothèse que les inscriptions ne contrediraient pas, au contraire.
Dans le discours qu’il prononce au cours d’une audience réunissant les grands du royaume,
Thoutmôsis II affirme avoir transmis sa fonction à sa fille
“alors qu’elle n’était qu’une enfant". De même, sur le bloc 147 de la Chapelle rouge, la Reine affirme :
“Mon élévation eut lieu alors que je n’étais qu’une enfant.” Le jeune âge d’Hatchepsout lors de l’avènement de
Thoutmôsis III pourrait expliquer l’importance considérable prise par le
dignitaire Sénènmout. La dynastie représentée par un nourrisson et par une adolescente aurait trouvé en lui son défenseur.
La Reine Ahmès, mère d’Hatchepsout, resta aux côtés de sa fille Régente.
Elle est encore en vie après son couronnement comme l’établit une stèle, aujourd’hui à Berlin. Ahmès,
Grande Épouse Royale, sœur du Roi et mère du Roi, y rend le culte à
Hathor, tandis que sa fille, la Déesse : Maâtkarê, autrement dit Hatchepsout Pharaon,
est en compagnie du Dieu Horus de
Béhédet.
Pendant cette période Thoutmôsis II eut une activité architecturale
assez importante, notamment à Karnak. Les vestiges de décor de ses monuments montrent la Reine Hatchepsout, au début, assez effacée derrière
Thoutmôsis II. Puis, au fil de son règne, elle devint de plus en plus présente,
voire comme le précise Luc Gabolde, sa présence
fut systématique. Faut-il y voir un réel pouvoir, la Reine ayant déjà un rôle sacerdotal ?.
L’arrivée au pouvoir
Il y a une polémique entre les spécialistes sur la durée
du règne de Thoutmôsis II. Les propositions vont de 15/14 ans comme pour :
Edward Frank Wente et
Nicolas Grimal, à 3 ans comme pour
Cyril Aldred,
Hans Wolfgang HelcK,
Erik Hornung,
Rolf Krauss,
Luc Gabolde et
Jean Yoyotte.
Une grande partie des égyptologues s’accordent toutefois sur une durée de 12/13 ans. Les partisans d’un règne court appuient leur théorie sur le fait du peu de
documents, artéfacts, ou inscriptions sur les monuments à son nom. Quoi qu’il en fut à la mort de son époux, Hatchepsout n’ayant pas eu de fils avec lui,
la succession revint à Thoutmôsis III, un fils que
Thoutmôsis II avait eu avec une épouse
secondaire, Iset. Cependant celui-ci est très jeune, il avait à peine 5 ans.
À la cour s’installa alors un désaccord sur cette succession. Un groupe voyait comme “Dauphin” la Reine Hatchepsout, parce qu’elle était
l’héritière légitime, mais de nombreux conseillers étaient en faveur d’un successeur mâle. L’Oracle
d’Amon fut interrogé et les Prêtres
d’Amon confirmèrent le trône au jeune Prince
Thoutmôsis III, mais du fait de son jeune âge, ils donnèrent la régence à sa
belle-mère et tante Hatchepsout. Cette décision ne semble pas à l’époque avoir posé de
problème, comme l’écrit Inéni, Maire de Thèbes et
Surintendant des greniers d’Amon,
dans la biographie de sa tombe (TT81)
à Sheikh Abd el-Gourna.
“Il (Thoutmosis II) monta au ciel et s’unit aux Dieux. Son fils (Thoutmosis III)
fut élevé sur son trône comme Roi du Double-Pays. Il gouverna sur le trône de celui qui l’avait engendré tandis que sa sœur [son égale],
l’Épouse du Dieu Hatchepsout, administrait le pays, les Deux Terres, conformèrent à ses directives et on s’activa pour elle, car Kemet respectait son
autorité étant soumis à sa politique”. (Traduction B. Matthieu) (Les Égyptiens de l’Antiquité donnaient parfois à leur pays le nom de Kemet ou Kêmi).
Ce qui est à noter c’est que dans les documents, les années de règne
de Thoutmôsis III sont l’unique décompte utilisé, Hatchepsout n’est jamais mentionnée.
Selon Florence Maruéjol, brusquement, la Régente
quitta les parures d’Épouse Divine. Elle arbora les ornements de Rê,
la couronne du Sud et la couronne du Nord étant mêlées sur sa tête, autrement dit elle se fit couronner Pharaon.
La Reine fit valoir les droits que lui avait concédés son père. Certains égyptologues avancent qu’en l’an 2 de
Thoutmôsis III et pour d’autres vers la fin de l’an 7,
Hatchepsout obtint tous les pouvoirs en se faisant couronner Pharaon avec l’appui du haut clergé
d’Amon,
qui était dirigé par le Grand Prêtre Hapouseneb. À quel moment exacte Hatchepsout abandonne-t-elle donc son rôle de Régente pour celui de Corégente aux côtés de
Thoutmôsis III ?.
Selon, entre autres, Florence Maruéjol, cet événement se situe entre
le 7 du 2e mois (Payni) de la saison Shemou de l’an 2, date du décret de Semna
réglant le fonctionnement du temple, au nom du seul Thoutmôsis III, et l’an 7,
date de la première attestation certaine du nom de couronnement d’Hatchepsout, Maâtkarê "Maât est le ka de Rê".
Siegfried Schott démontra, en se fondant sur le
texte du bloc 287 de la chapelle rouge d’Hatchepsout à Karnak, que la cérémonie s’était déroulée en l’an 2, quelques mois après le décret de Semna. Mais
Jean Yoyotte a prouvé que l’inscription ne se rapportait pas au
couronnement longuement décrit sur ce monument, mais à un oracle ou plutôt à un signe prodigieux.
Le 29 du 2e mois (Mekhir) de la saison Peret de l’an 2, le Dieu promit
la royauté à Hatchepsout dans la cour du petit sanctuaire qui s’élevait alors à Louqsor.
Toutefois, cette date peut aussi se référer à son père et elle pourrait suivre immédiatement la naissance d’Hatchepsout ?.
Un document, très controversé, dressé dans une chapelle du temple de Karnak-Nord, mentionne
Thoutmôsis III et Hatchepsout Pharaon. Il s’agit de la stèle de la donation,
rappelant un don de terres fait par
Sénènmout.
La Reine justifia sa légitimité en usant de
plusieurs artifices : Les dernières volontés de son père qui souhaitait la voir régner ; elle s’inventa une naissance divine qui est racontée
dans des textes et des représentations qui décorent son
temple funéraire de Deir el-Bahari, c’est cette justification qui est
appelée Théogamie (Naissance divine). Il y est dit que le Dieu Amon se serait
uni avec sa mère Ahmès pour l’engendrer ;
l’oracle d’Amon plaide en sa faveur ; elle est
Grande Épouse Royale,
Fille de Roi et Épouse du Dieu Thoutmôsis II etc…
Cela dit elle n’usurpa pas à proprement parlé le trône, car Thoutmôsis III
resta associé aux manifestations et décisions royales, mais pendant une vingtaine d’année (1479-1457) le Roi fut tenu à l’écart de l’État. Par
contre à partir de son couronnement, Hatchepsout ne tint plus à être reconnue comme une femme. Elle remplaça sur ses représentations la robe-fourreau et sa
Couronnes de Reine. Elle prit tous les attributs d’un Pharaon :
Couronnes, le
Némès, uraeus ou cobra dressé sur le front, barbe postiche,
titulature, sceptres, pagne court et queue de taureau fixée à la ceinture.
Elle ne rejeta que l’épithète “Taureau puissant“, référence au Dieu dynastique
Montou, qui introduit
le nom d’Horus.
L’abondance de statues la représentant en homme prouve son désir d’être reconnue comme un "Roi".
Quelles peuvent être les raisons du changement d’attitude d’Hatchepsout.
Comme le précise Florence Maruéjol, d’abord, pourquoi laisse-t-elle
s’écouler 7 ans avant de procéder à son couronnement ?. Peut-être simplement à cause de son âge et de son absence de maturité.
Si l’on admet qu’elle ne devint Régente avant ses 15 ans, il n’est guère surprenant qu’elle ait attendu plusieurs années. Il lui fallait acquérir la
pleine maîtrise du gouvernement pour franchir cette étape.
Ensuite, la présence d’une jeune fille et d’un enfant en bas âge sur le trône a pu inciter quelques dignitaires à se croire plus qualifiés que ce duo,
pour prendre en main les affaires de l’État. Si les hauts fonctionnaires Thébains,
comme les Vizirs Amethou et Ouseramon, soutinrent indéfectiblement la couronne,
ce ne fut peut-être pas le cas de tous les dignitaires, notamment en province.
En lui conférant la nature divine attachée à la fonction royale, le couronnement a pu donner à la Reine l’autorité nécessaire pour
prendre les mesures énergiques, visant à mettre fin à des troubles politiques. Dans les textes qu’elle fit graver au spéos Artémidos,
en Moyenne-Égypte, la Reine proclame : “En tant que conquérante, je suis venue comme Horus, mon
uraeus s’enflammant contre mes adversaires. J’ai éloigné ce que les Dieux abhorrent et j’ai ramené le pays sous leurs sandales. (…)“.
Peut-être qu’en se faisant couronner Hatchepsout voulut préserver le trône de
Thoutmosis III et sa propre dynastie.
Le couronnement lui permit aussi d’envisager plus sereinement l’avenir au cas où le jeune souverain viendrait à décéder.
Une fois investie de la puissance d’un Pharaon, la Reine était assurée que le trône ne lui échapperait pas.
Sa politique étrangère
Le règne du Pharaon Hatchepsout se caractérisa par
une politique étrangère basée non plus sur les grandes conquêtes militaires, mais sur des relations commerciales intenses et des expéditions. Selon
Donald Bruce Redford et
Walter Friedrich Reineke six campagnes au moins en Nubie et en
Phénicie ont pu être documentées. Notamment celle vers la
Phénicie, (Au Liban) d’où elle importa du bois nécessaire
à la construction des bateaux, ou celle vers le Sinaï pour y exploiter les mines de cuivre et de turquoise.
La plus célèbre expédition, en l’an 8/9 de son règne, fut dirigée
par Néhésy (ou Néshi) et ce fit vers le Pays de Pount à l’intérieur de la mer Rouge à proximité l’Éthiopie actuelle.
La Reine fit représenter cet épisode sur les bas-reliefs de son
temple funéraire.
Les troupes qui accompagnèrent l’émissaire de la Reine embarquèrent sur 5
bateaux. Les relations commerciales, interrompues depuis presque trois cents ans
avec le pays de Pount, reprirent grâce à cette expédition.
Buste d’Hatchepsout –
Nouveau Musée de Berlin
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Le pays regorgeait alors de bois aromatiques,
de résines précieuses, de parfums et d’huiles de sycomore, d’or et d’ivoire et d’animaux sauvages. Bien que l’on ne sache pas avec précision où se déroula
cette expédition en pays de Pount, la faune et la flore représentées sur les reliefs du
temple funéraire de la Reine montrent que les échangent eurent
lieu dans un pôle commercial d’Afrique orientale probablement situé quelque part sur la côte, entre l’Erythrée et l’Ethiopie. Le retour de la flotte vers
l’Égypte avec sa prodigieuse cargaison fut un véritable triomphe et demeura, dans les annales de l’histoire du pays, comme
l’un des faits les plus éclatants du règne de cette souveraine.
Ses campagnes
Hatchepsout ne fut pas une Reine guerrière, cela dit ce ne fut pas non plus
une Reine pacifiste comme il a souvent été écrit. On lui connaît au moins trois expéditions militaires en Nubie et
une en Syrie/Palestine.
Joyce Anne Tyldesley nous précise que sous son règne :
"L’assujettissement des étrangers est rondement mené grâce à une succession de campagnes militaires victorieuses contre les vassaux du Sud et de
l’Est". La première est en Nubie au début de son règne. Elle nous est connue par une inscription de son trésorier Tay (ou Ty) sur l’île Sehel.
Une expédition punitive en Syrie/Palestine après l’an 7,
mais on ne sait pas la date précise.
La troisième, en Nubie, pourrait avoir eu lieu en l’an 12 et mena ses armées jusqu’à la deuxième cataracte. Elle mata, en l’an 20, une rébellion
Nubienne au même endroit comme inscrit sur la stèle de Tombos. Même si la majorité de ses constructions en Nubie furent détruites par la suite pour des
raisons politiques, il subsiste quelques traces de son passage à Kasr Ibrîm et à Bouhen où elle fit construire un temple dans la grande forteresse. À
Deir el-Bahari, sur des fresques,
on peut apercevoir le Dieu Nubien Dédoun, conduisant une série de cités Nubiennes prisonnières, chacune représentée sous l’aspect d’une ville fortifiée
ou d’un cartouche crénelé surmonté d’une tête de Nubien, vers la Reine victorieuse Hatchepsout.
La Reine et Sénènmout
La Reine hérita des courtisans de son demi-frère
défunt, mais peu à peu elle s’entoura de conseillers de son choix qui furent souvent d’origine modeste.
Un de ceux-ci fut l’Intendant d’Amon,
Sénènmout (ou Senmout – sn-Mw.t).
La nature exacte des relations de la Reine avec le fonctionnaire est encore aujourd’hui très débattue. Certains spécialistes, et ils sont de plus en plus
nombreux sur cette voix romanesque, avancent qu’elle eut semble-t-il une relation "amoureuse" avec lui. Voire même pour quelques-uns un mariage,
mais cette idée, comme le précise Joyce Anne Tyldesley,
n’est pas à retenir. En effet, poursuit Tyldesley, un mariage est
hors de question pour une femme Pharaon car il n’aurait pas manqué de provoquer des conflits d’intérêt, mais ont ils été amants ? pourquoi pas.
Un graffiti, mis au jour dans une tombe de Deir el-Bahari, montre un
homme debout ayant des rapports sexuels avec une femme parée d’une coiffe royale, mais ce dessin est-il a prendre en tant que preuve ?.
À l’inverse, comme le précise les spécialistes, le fait que Sénènmout osa graver son
image dans le temple funéraire de la Reine, montre une hardiesse
sans précédent de la part de quelqu’un qui n’est pas de sang royal. Il devait donc être très proche de la Reine pour qu’elle en accepte l’acte.
S’ajoute le fait que son second tombeau empiétait sur l’enceinte de Deir el-Bahari.
Cet argument plaide encore plus fortement en faveur d’une relation particulière entre la souveraine et son conseiller car pour effectuer cette construction
il lui fallut obligatoirement l’aval de la Reine.
Christian Leblanc
réfute toute relation amoureuse entre ces deux personnages. Il prétend que "Le fait que le nom de Roi d’Hatchepsout,
Maâtkarê, soit gravé sur un de ses linceuls n’apporte aucune preuve, mais indique tout au plus que ce jeune homme, peut-être fils d’un Prince étranger, éduqué en
Égypte et donc protégé de la couronne, à du mourir durant ce règne".
Tête d’Hatchepsout trouvée à Louxor – Musée national d’Alexandrie
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Sénènmout naquit à Hermonthis (ou Ermant, environ à 30 km. au Sud de Louxor) et fut le fils de
Ramosé, qui porte le simple titre de Dignitaire et de la Maitresse de maison Hatnéfer.
Il eut trois frères et deux sœurs.
Sa famille, bien que notable du pays de Ouaouat était d’origine modeste
(Contrairement à ce qu’avance Christian Leblanc),
mais son ambition lui permit d’accéder aux faveurs de la Reine.
Sa brillante carrière débuta avec la régence, comme il l’affirme lui-même dans sa tombe
(TT71) à
Sheikh Abd el-Gourna : “J’étais dans le pays sous ses
ordres (ceux d’Hatchepsout) à partir de la mort de son prédécesseur.” Sort-il des rangs de l’armée ? D’après
Hans Wolfgang Helck, le cursus qu’il suivit
par la suite indiquerait que Sénènmout fut un ancien soldat. En effet, l’égyptologue souligne que les précepteurs des enfants royaux étaient recrutés
parmi les valeureux militaires.
Dans la même sépulture (TT71),
Sénènmout évoqua des activités militaires. L’inscription, très fragmentaire, domine un défilé de soldats armés de haches ou d’arcs et de flèches,
figuré sur le mur nord de la salle large. Elle mentionne la Nubie, un butin et un bracelet d’or reçu en guise de récompense et la prise de captifs.
Si Sénènmout se vanta bien ici d’un séjour dans l’armée, se distingua-t-il en Nubie sous
Amenhotep I,
Thoutmosis I,
Thoutmosis II ou encore sous Hatchepsout ?.
Voilà qui reste impossible à déterminer. Sur une de ses statues du musée du Caire (CG 579), provenant du temple de
Mout à Karnak, il se définit comme un fidèle compagnon qui
suit le Roi dans les pays étrangers et qui reçoit l’or de la récompense.
Sous la régence et jusqu’au couronnement de la Reine, Sénènmout exerce les fonctions d’intendant de l’Épouse royale Hatchepsout,
d’intendant et Précepteur de la Princesse Néferourê et de Directeur du double
grenier d’Amon. Il est aussi qualifié de Prince et Gouverneur
et Chancelier du Roi de Basse-Égypte, titres honorifiques qui le classent parmi l’élite des dignitaires.
Sa carrière administrative a peut-être commencé sous Thoutmosis II, mais aucun
document ne l’atteste. Vers la fin de la régence, il reçut les titres d’Intendant
d’Amon, de Directeur du trésor, sans doute
d’Amon,
Directeur de ce qui est scellé, Directeur des champs d’Amon,
Directeur du bétail d’Amon et de
Supérieur de la main-d’œuvre mérou d’Amon.
Les titres de Supérieur des secrets dans la maison du matin, Celui qui enveloppe les deux couronnes avec l’étoffe rouge, de Prêtre sematy du
Roi dans le privé et de Gardien du diadème dans la parure du Roi, établissent la part prise par
Sénènmout dans le couronnement de la Reine.
Il renonça ensuite aux responsabilités liées aux maisons de la Reine et de la Princesse et à l’éducation de
Néferourê. Il continua à cumuler les titres en rapport avec le temple
d’Amon et il se para du titre de Directeur des travaux dans Karnak
et de Directeur des travaux d’Amon.
Après l’an 9 et l’expédition de Pount, il se glorifia du titre de Grand intendant d’Amon
qui marqua une nouvelle étape dans son ascension sociale et politique.
Il devint le premier conseiller de la Reine, accumulant richesses et titres et abusant petit à petit de sa confiance.
Il finit par être découvert et la Reine lui retira tous ses titres et il disparut mystérieusement.
Le mystère qui entoure sa fin a fait naître l’idée qu’il avait été victime d’une persécution.
Une théorie alimentée par la soi-disant mutilation de ses noms et de ses représentations.
Avec son rôle prééminent et ses nombreuses prérogatives, a-t-il déchaîné les foudres de ses souverains ?. Est-il tombé en disgrâce sous Hatchepsout,
ou a-t-il été inclus par Thoutmosis III dans la proscription visant la Reine ?.
Pour certains, sa soif inextinguible de pouvoir se heurta à l’ambition sans limites d’Hatchepsout qui l’écarta brutalement du pouvoir
et fit marteler ses images. Pour d’autres, Thoutmosis III étendit la
campagne de proscription dirigée contre sa belle-mère à son puissant Ministre.
À la même époque Néferourê décéda. La Reine s’entoura alors d’une garde réduite de hauts dignitaires compétents et
dévoués dont : Pouyemrê, Deuxième Prophète d’Amon et également
Grand Architecte, Néhésy (ou Néshi) Chancelier et Chef du Trésor et Hapouseneb son Vizir et Grand Prêtre
d’Amon
qui supervisa l’essentiel des grands travaux et des expéditions.
Christian Leblanc, nous dit que Sénènmout
eut deux épouses :
Une certaine Iâh-Hotep (ou Ahhotep) et une autre dame que l’on voit en sa compagnie dans la tombe
TT353 de
Deir el-Bahari, mais qui est demeurée anonyme et que l’on ne connait pas d’enfant
de ces unions. À l’inverse, Christine Meyer offre des preuves convaincantes pour démontrer que Sénènmout fut célibataire toute sa vie :
Par exemple, il est dépeint seul avec ses parents sur les stèles funéraires de ses tombes ;
il est représenté seul, plutôt qu’avec une femme, dans la vignette du chapitre 110 du
Livre des Morts de la tombe
TT353 ;
enfin, ce fut un de ses frères et pas un de ses fils, qui fut chargé de l’exécution de ses rites funéraires.
On ne sait pas où il fut enterré, il avait une chapelle et un tombeau construit pour lui
(TT71),
dans la vallée des Nobles à Sheikh Abd el-Gourna et
le tombeau (TT353), près du
temple de la Reine à
Deir el-Bahari.
Ils furent tous deux fortement vandalisés durant le règne de Thoutmosis III,
peut-être pendant la campagne de ce dernier pour éradiquer toutes traces de la mémoire d’Hatshepsout.
Sa disparition
Les informations concernant la fin du règne d’Hatchepsout sont rares. La Reine est mentionnée en l’an 17
dans l’inscription appartenant à la dédicace du Palais de Maât, à Karnak. Les artistes y
travaillaient donc encore. Un an 18 est gravé sur une statue fragmentaire, exhumée dans la chapelle du Prince Ouadjmès et aujourd’hui perdue.
Ce qui est sûr c’est que “l’affaire” avec
Sénènmout affaiblit Hatchepsout qui perdit la couronne deux ans après la chute de son "fidèle".
Hatchepsout – Ägyptisches Museum – Berlin
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Elle apparaît pour la dernière fois dans deux documents officiels en l’an 20, puis plus de trace d’elle.
L’un provient de Sérabit el-Khadim, au Sinaï. C’est une stèle exécutée pour un scribe du nom de Nakht.
L’autre inscription provient de la pyramide à degrés de Djoser à
Sakkarah.
Un scribe y commémore une visite touristique effectuée le 2 du 3e mois (Phamenoth) de la
saison Péret de l’an 20 de
Thoutmosis III et d’Hatchepsout.
Enfin, un texte, inscrit sur un ostracon provenant de Deir el-Bahari, mentionne
le 4e mois (Pharmouti) de saison Péret de l’an 20 d’un Pharaon non nommé
et un certain Djéhoutyhotep. Or celui-ci est l’intendant de la Reine. Hatchepsout vit donc encore en l’an 20.
Après, est-elle morte de suite ou d’abords disgraciée ?. Si elle avait 14/15 ans au début de la régence, elle disparaît vers l’âge de 35/36 ans.
Elle laissa Thoutmôsis III seul
Roi d’Égypte autour de l’an 21/22. La date exacte de la mort d’Hatchepsout n’étant pas connue on considère qu’elle survint le jour
où Thoutmôsis III devint Roi d’Égypte.
Joyce Anne Tyldesley précise que sur une stèle érigée à Armant
(ou Hermontis), ce serait le 10e jour, du IIe mois (Mekhir), de la saison Peret,
de l’an 22 de son règne. Soit pour James Peter Allen
le 16 Janvier 1458. Cette hypothèse pour la disparition et/ou le décès de la Reine est la plus fréquemment retenue par les égyptologues, dont
Florence Maruéjol. Elle semble, il est vrai, la plus probable.
Cependant, d’autres spécialistes comme Claude Vandersleyen
ne tranchent pas et préfèrent laisser planer un doute.
À la mort de la Corégente, sa tante et belle-mère,
Thoutmôsis III lui rendit tous les honneurs qui lui étaient dus.
Contrairement à ce qu’envisageait l’égyptologue W.F.Edgerton, en 1933, Le Roi ne jeta son corps ni aux chiens ni aux chats.
Il présida aux cérémonies qui assuraient la vie éternelle de la Reine. Il confia sa dépouille aux embaumeurs, établis sur la rive gauche de
Thèbes, afin qu’ils procèdent à la momification avec tout le soin requis.
Le Roi mit à profit les 70 jours que dura cette opération rituelle pour organiser l’enterrement et rassembler le matériel préparé par la souveraine.
Il prit la tête du cortège qui pénétra dans la Vallée des Rois,
suivi par les Prêtres et la foule nombreuse des dignitaires et des porteurs chargés des objets et des offrandes destinés à la sépulture. Ce scénario trouve
confirmation grâce aux maigres vestiges de l’équipement funéraire d’Hatchepsout exhumés dans l’hypogée par
Howard Carter.
Cependant, juste après les cérémonies, Thoutmôsis III
fit marteler ses cartouches et images, leur substituant
ceux de Thoutmôsis I
et Thoutmôsis II, ou encore les siens.
On assista donc à une tentative d’effacement du souvenir d’Hatchepsout sur les documents historiques. Dans le temple de
Deir el-Bahari, les statues furent renversées,
brisées ou défigurées avant d’être enterrées dans une fosse.
Joyce Anne Tyldesley nous dit qu’à Karnak, on tenta même de murer les obélisques.
Il faut toutefois préciser que contrairement à ce qui est souvent pensé, ce ne sont pas tous les
cartouches, ou toutes les images que les
ouvriers effacèrent, mais seulement ceux relatifs à Hatchepsout "Roi", pas ceux appartenant à la Régente, ou à la Reine. Si l’on suit la tradition
Égyptienne, Thoutmôsis III laissa
de ce fait à Hatchepsout la possibilité de revivre dans l’au-delà.
Aujourd’hui encore se pose la question du pourquoi d’un tel acte de la part du Roi ?.
Était-ce une question politique, était-ce pour se venger d’avoir été tenu à l’écart du pouvoir aussi longtemps ?. Mais, dans ce cas, pourquoi avoir attendu
22 ans ?. Surtout que le Roi étant chef des armées il lui aurait été facile de prendre le pouvoir par la force, hors tout au long de son règne rien ne laisse
penser que la Reine eut une quelconque peur d’une action de son beau-fils.
La question divise les égyptologues car en l’absence de document sur l’état d’esprit du Roi il est difficile d’imaginer ses motivations.
De fait, on ne dispose d’aucune preuve à l’appui de la théorie consistant à penser que
Thoutmôsis III haïssait Hatchepsout, ou éprouvait de l’animosité envers elle.
Florence Maruéjol pense qu’il faut voir une volonté politique de
Thoutmôsis III de rétablir une succession à son profit. Dans ce cas Hatchepsout doit
être perçue comme une usurpatrice.
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