Buste d’Antiochos III – Musée du Louvre |
Présentation
La bataille de Magnésie du Sipyle (ou Naumachia tēs Magnesía tou Sipúlou, en
Grec :
Ναυμαχία της Μαγνησίας
του Σιπύλου) se déroula en Décembre 190 av.J.C., dans une plaine
au confluent du fleuve Hermos (ou Hermus, aujourd’hui Gediz) et de la rivière Phrygie (ou Phrygius ou Frygios, en
Grec : Φρύγιος) *,
au Nord du mont Sipyle (ou Sipylos ou Sipylus aujourd’hui Spil Dağı, en
Grec :
Σίπυλος), et de la ville de Magnésie (en Latin : Magnesia ad Sipylum, aujourd’hui Manisa, en Grec :
Μαγνησία του Σιπύλου Magnesía tou Sipúlou).
La bataille opposa l’armée Romaine, menée par le Consul Lucius Cornelius Scipio Asiaticus (dit Scipion l’Asiatique, † 183)
et le Roi de Pergame
Eumène II (ou Eumènès, en
Grec :
Ευμένης Β΄ της Περγάμου,
197-159), à l’armée Séleucide, menée par le Roi
Antiochos III Mégas
("Le Grand", en Grec :
‘Aντίoχoς Γ’ Μέγας, 223-187).
La bataille fut un affrontement décisif de la Guerre Antiochique (192 à 189 av.J.C.) et appartient aujourd’hui, avec
la bataille de Cynocéphales et
la bataille de Pydna, aux trois grandes batailles
qui opposèrent le style de guerre Romain, à celui
Macédonien.
Pour la première fois dans son histoire, Rome dut faire face à un “vrai” Empire, celui des
Séleucides,
descendant d’un des Généraux ayant combattu pendant toute la campagne
Macédonienne aux côtés
d’Alexandre le Grand (336-323).
La guerre et la bataille qui suivirent sur la plaine de Magnésie, opposèrent non seulement les plus grands Commandants de l’époque,
mais aussi deux grandes puissances militaires et signèrent ainsi le sort de la suprématie d’une des deux nations.
* Son nom ancien serait Hyllos (ou Hyllus, en Grec :
‘Yλλος, du nom du fils aîné d’Héraclès), mais aux temps de Strabon (Géographe
Grec, v.63 av.J.C-v.23 ap.J.C) on l’appelait
Phrygius et Tite-Live (ou Titus Livius, historien Romain, v.59 av.J.C-17 ap.J.C.) reprit ce nom. La
rivière Phrygie (ou Phrygius), était une rivière affluent du Nord-ouest du fleuve Hermos
(actuellement Gediz), à quelques kilomètres au Nord de l’ancien site de Magnésie du Sipyle (ou Magnesia ad Sipylum).
Or, l’auteur Pline l’Ancien (Écrivain et naturaliste Romain, 23-79) prétend que
la rivière Hyllos (ou Hyllus) et la rivière Phrygie (ou Phrygius) étaient différentes. Toutefois, il est très probable que l’existence de cette
rivière soit réelle vu qu’elle est mentionnée par Pline,
Strabon (Géographe
Grec, v.63 av.J.C-v.23 ap.J.C), Hérodote (Historien
Grec, 484-v.425) et Homère (Poète
Grec de la fin du VIIIe siècle av.J.C).
Cependant, étant donné la proximité des deux cours d’eau, Hermos et Phrygie (ou Phrygius), dans la plaine de Magnésie,
il est difficile de dire près duquel les deux armées ont combattu. Il y a même la possibilité que Tite-Live ait échangé, par erreur, le
nom Hermos avec Phrygius ?.
Le contexte
Lorsque le Roi Séleucide
Antiochos III Mégas
("Le Grand", en Grec :
‘Aντίoχoς Γ’ Μέγας,
223-187) arriva au pouvoir, en 223 av.J.C., après la mort de son père
Séleucos II Kallinikos
(ou Callinicus ou Kallémies "Le victorieux" 246-225), il hérita un
Empire qui fut tout sauf stable. Très vaste, il fut très rapidement sujet à de nombreuses révoltes qui apparurent lors de son règne.
En effet, en Asie Mineure, en 219 il se heurta à une
rébellion d’Achaïos II (ou Achaeus, en Grec :
Αχαιός B’, 219 à 215/4), Prince de la
dynastie Séleucide,
qui usurpa le pouvoir dans la région et reçut le soutien de la part de
l’Égypte. Ce dernier
réussit à se détacher de la sphère d’influence d’Antiochos III,
tandis qu’à l’Est de l’Empire, certaines satrapies
se révoltèrent, formant ainsi des royaumes rivaux, comme celui de Bactriane et
celui des Parthes (De la dynastie des
Arsacides). L’Égypte Ptolémaïque ne se montra pas non plus très neutre.
En effet, elle soutenait Achaïos II qui déstabilisait le royaume
Séleucide.
Représentation de principes et triarii
par Giuseppe Rava, illustrateur historique et militaire
|
Devant réagir le plus rapidement possible,
Antiochos III décida de s’occuper en premier lieu de l’Égypte
et reconquit certaines villes Ptolémaïques, notamment
Séleucie de Piérie et
Tyr. Cependant, la
"contre-offensive" du Roi Ptolémée IV
Philopatôr (222-204) fut fatale pour
Antiochos III. En effet, battu à la
bataille de Raphia (Juin 217), ce dernier dut se retirer dans ses frontières.
Toutefois, Antiochos III réussit rapidement à surmonter
la défaite et tenta de mener une autre campagne militaire, cette-fois contre Achaïos II, d’où il sortit vainqueur.
En conséquence, le Roi Séleucide réussit entre 216
et 212 à rétablir de l’ordre dans le Sud et Nord-ouest de l’Asie
Mineure. De 209 à 204,
Antiochos III mena une autre campagne "punitive", cette fois dirigée vers l’extrême Est de son royaume, contre
les nouveaux "royaumes rebelles". Longue et fatiguant (Le portant aux extrêmes frontières de l’Inde), il en ressortit (plus ou moins)
victorieux, tout en démontrant son autorité et son esprit diplomatique face aux différents peuples.
13 ans après la défaite de Raphia,
Antiochos III eut finalement l’occasion de
pouvoir se venger contre la maison des Ptolémée. En effet, avec la mort de
Ptolémée IV Philopatôr en 204, le royaume tomba dans l’anarchie.
Le fils de ce dernier, Ptolémée V Épiphane Eucharistos (196-180)
était encore trop jeune pour pouvoir régner et les Ministres ne surent pas contrôler la politique royale.
Antiochos III profita de cette
situation et réussit à conquérir la Phénicie,
la Syrie, la Palestine et la
Judée, alors sous possession
Ptolémaïque.
Ainsi, il put reconquérir toutes les terres perdues dans le passé, tout en élargissant son Empire.
En 192, l’intérêt du Roi Séleucide
se tourna de nouveau vers l’Asie
Mineure et sur tous les territoires qui se trouvaient au-delà, comme la
Grèce. Motivé à la fois par le soutient des Étoliens (voir
Causes Troisième Guerres Macédonienne),
mais aussi par Hannibal Barca (Général Carthaginois, 247-183) qui s’était
réfugié à la cour d’Antiochos III.
Il est certain que celui-ci incita le Roi à agir ainsi principalement pour des
causes personnelles, comme par exemple se venger de Rome. En effet, il savait que tôt ou tard celle-ci interviendrait militairement si
Antiochos III
envahissait la Grèce et il espérait ainsi battre
une nouvelle fois Rome sur un champ de bataille et par le manque de présence
militaire Romaine en Grèce.
Antiochos III décida de mener d’abords une campagne
de conquête en Thrace, puis il se dirigea directement, par la mer,
vers la Grèce, prétendant de lui
redonner "ses anciennes libertés". Toutefois, il faut noter que l’opération ne fut pas de grande envergure puisque son armée
d’invasion n’était que de 10.000 hommes environ.
Cette action fut tout de même considérée par Rome comme une offense. Elle ne pouvait pas accepter la présence
et l’influence d’une autre puissance en Grèce autre qu’elle-même.
Elle mobilisa donc un force militaire d’environ 20.000 hommes pour battre celle
d’Antiochos III. Le Roi de
Macédoine
Philippe V (221-179)(voir
Deuxième Guerre Macédonienne et
Causes Troisième Guerre Macédonienne)
s’allia à Rome en voyant qu’ils avaient un ennemi en commun.
Équites Romain contre "Compagnon" Séleucide (aile gauche Séleucide)
|
La présence d’Antiochos III
en Grèce fut très brève. En effet, en 191 l’armée Romaine,
menée par Manius Acilius Glabrio (Consul en 191), réussit à battre celle des
Séleucides, qui s’était placée au passage des Thermopyles.
La stratégie Séleucide
était de rendre nul leur infériorité numérique grâce à l’étroitesse du lieu, mais
Antiochos III fut tout de même battu.
En effet les Romains utilisèrent la même stratégie qu’avait adoptée le Roi
Perse
Xerxès I (486-465) pour battre le Roi de
Sparte
Léonidas (490-480), 200 ans auparavant.
L’armée Séleucide fut presque totalement massacrée et
Antiochos III dut se
retirer en Asie Mineure, tout en gardant cependant les territoires
conquis en Thrace.
Maintenant qu’il avait abandonné la Grèce, le Roi
Séleucide espérait pouvoir signer une paix rapide avec Rome.
Mais il se trompait vu que la “machinerie de la politique militaire Romaine” était déjà en marche. En effet, en 190 tandis que Glabrio s’occupait de punir
les Étoliens pour leur désobéissance, en mer Égée eurent lieu plusieurs batailles navales. La flotte
Séleucide,
commandée par le Général et Amiral Polyxénidas et par Hannibal Barca,
eut à faire face à la puissante flotte Romaine, commandée par le Préteur Caius Livius Salinator, puis par Lucius Aemilius Regillus, soutenue par ses alliés de
Pergame,
Rhodes et toutes les autres villes portuaires prêtes à l’aider.
Les deux camps réussirent à obtenir des victoires (parfois petites, parfois grandes), mais finalement ce fut Rome qui eut le dessus,
lui permettant ainsi d’obtenir un contrôle majeur en mer Égée.
Dans le même temps, une armée invasive traversa la Grèce
et se dirigea vers la Thrace,
menée par le Consul Lucius Cornelius Scipion et son frère Publius Cornelius Scipion. Ce dernier s’était proposé de l’accompagné en tant que Légat.
Cet argument motiva le Sénat à nommer Lucius comme nouveau Consul et non pas son concurrent Caius Laelius. Ils avaient réalisé que Lucius avait le soutien du plus grand stratège de Rome.
Or, bien que le cadet fût à la tête de l’armée, ce fut souvent Publius qui fut considéré
comme l’autorité supérieure, surtout dans le domaine de la diplomatie, étant donné sa réputation de grand Général et stratège qui lui donnait une position
supérieure face à son frère. Antiochos III en personne le
vit comme le principal interlocuteur lors des négociations diplomatiques.
Le Roi
Séleucide essaya de négocier avec
Rome et était même près à retirer toute présence militaire Séleucide
d’Europe. Cependant, Rome en voulut plus et demanda l’abandon de toute
l’Asie Mineure par le Roi
Séleucide.
Antiochos III refusa, mais il retira
tout de même ses troupes de Thrace pour
préparer une résistance militaire plus efficace en Asie Mineure.
Ainsi, le passage de l’Hellespont fut libre et l’armée Romaine put, dès lors,
mettre pour la première fois pieds sur un nouveau “continent”.
Le but premier des deux frères Scipion, était de rejoindre le plus vite possible les territoires de leur allié
le Roi de Pergame
Eumène II (ou Eumènès, en
Grec :
Ευμένης Β΄ της Περγάμου,
197-159) puis continuer (avec son soutient) leur marche vers Sud, contre le Roi
Séleucide.
Cependant, Publius Scipion tomba malade et il dut être laissé à Elée. Selon Tite-Live (ou Titus Livius, historien Romain, v.59 av.J.C-17 ap.J.C.) et
Appien d’Alexandrie (Historien
Grec, 90-v.160), le respect qu’avait
Antiochos III envers le Romain était si grand que lorsqu’il
apprit la maladie du Général, il lui rendit librement son fils, qu’il avait capturé auparavant. Les raisons de
cette capture sont inconnues vu qu’on ne sait que très peu de chose sur le fils de Publius. Probablement, en accompagnant son père dans la
campagne militaire, il dut faire partie d’un corps expéditionnaire,
qui fut intercepté et capturé par des soldats Séleucide.
Cet acte de générosité sera rappelé par Publius, surtout lors des négociations après la bataille de Magnésie.
Quoi qu’il en soit, le commandement de l’armée revint donc à son frère Lucius.
Cependant, Appien d’Alexandrie nous raconte, que Scipion laissa à son frère
un certain Gnaeus Domitius *, en tant que conseiller militaire.
Dans le même temps, Antiochos III fit camper son armée
(Qu’il avait réussi à constituer en toute hâte) à Thyateira (ou Thyatira ou Thyatire,
aujourd’hui Akhisar, en Grec :
Θυάτειρα) à la frontière entre la
Lydie et la Mysie,
pour empêcher toute avancée Romaine. L’armée Romaine se dirigea donc vers cette position pour lui livrer
bataille, mais lorsqu’elle y arriva, elle découvrit que l’armée
Séleucide avait pris une position plus défensive,
dans la plaine de Magnésie du Sipyle, pour protéger
Éphèse. Lucius fit alors avancer ses troupes à marche forcée,
par peur que l’ennemi ne lui échappe à nouveau.
Le camp Séleucide
se trouvait sur une hauteur, au Sud de la rivière Phrygie (ou Phrygius). Pour renforcer ses défenses, Antiochos III fit
construire “[…] un fossé profond de six coudées et large de douze, en dehors duquel il éleva une double palissade
(Tite-Live, Livre XXXVII, 37, 37). Lorsque l’armée Romaine arriva, Lucius fit établir son camp de l’autre côté de
la rivière à 6/7 km. du camp
Séleucide.
* La présence de Gnaeus Domitius est plutôt controversée vu que nous n’avons aucune information détaillée sur ce personnage. Tite-Live
ne le mentionne que brièvement en tant qu’éclaireur tandis qu’Appien nous affirme qu’il joua stratégiquement un rôle clef durant la bataille de Magnésie.
Probablement il n’a été qu’un simple Tribun (ou peut-être Légat), commandant une partie des manipules Romaines. Toutefois certains spécialistes pensent que les
sources de Tite-Live sont plus fiables, étant donné qu’il vécut dans un siècle plus proche des événements de Magnésie (v.59 av.J.C-17 ap.J.C.) ce qui
n’est pas le cas d’Appien d’Alexandrie
(90-v.160) ayant vécu à une époque plus tardive.
Les effectifs
Les effectifs de chaque camp pour la bataille, sont encore aujourd’hui discutés, comme pour beaucoup de batailles de
l’antiquité. On trouve des chiffres différents en fonction des sources. Les deux auteurs Tite-Live (ou Titus Livius, historien Romain, v.59 av.J.C-17 ap.J.C.)
et Appien d’Alexandrie (Historien
Grec, 90-v.160), sont nos principales sources
d’informations sur la composition des deux armées. Bien qu’avec quelques différences, dans l’ensemble leurs opinions arrivent au résultat suivant :
▪ Côté Romain, le Consul Lucius Cornelius Scipion possédait deux légions complètes
(on trouve souvent 10.000 hommes) ; ainsi que deux divisions d’alliés de droit Latin,
chacune composée d’environ 5.400 hommes ; 3.000 soldats auxiliaires appartenant au Roi de
Pergame
Eumène II (ou Eumènès,
197-159), dont aussi des Achéens armés légèrement ; 3.000 cavaliers,
dont 800 fournis par Pergame, les autres étaient
Romains ; 500 de Trallès (ou Séleucie du Méandre, aujourd’hui Aydin, en
Lydie) et de
Crète ;
2.000 (On trouve aussi 3.000) mercenaires Thraces et
Macédoniens (Qui s’étaient enrôlés volontairement lors du
passage de l’armée Romaine à travers leurs pays) et 16 éléphants de guerre, pour un total d’environ 30.000 hommes
(Tite-Live XXXVII 39–40). On trouve aussi très souvent le chiffre de 35.000 hommes, voire 50.000 pour John D.Grainger.
▪ Côté Séleucide,
Antiochos III comptait 16.000 phalangistes (Armés à
la Macédonienne) ; 5.500 cavaliers Galates ;
6.000 Cataphractes (ou Cataphractaires, cavalerie lourde) ; 1.000 cavaliers
Mèdes ; 3.000 argyraspides (Les "boucliers d’argents"
comparables aux hypaspistes Macédoniens)
on trouve aussi 10.000 ; 1.200 archers à cheval Perses ;
3.000 troupes légères de Trallès (ou Séleucie du Méandre) et de Crète ;
2.500 archers Mysiens, 4.000 frondeurs Cyrtéens (Peuple de
Médie) et archers Elyméens ; 2.000 cavaliers
Cappadociens ; 1.000 “Compagnons” du Roi
(Tite-Live les appelle "Escadron du Roi") ; une dizaine de quadriges armés de faux
; quelques archers montés sur des dromadaires ; 50 éléphants de guerre, on
trouve aussi 54 et finalement plusieurs milliers d’autres auxiliaires
venants des quatre coins de l’Empire pour un total d’environ 50.000 hommes, ce que donne John D. Grainger.
Certaines sources, mentionnent aussi le nombre, encore vraisemblable, de 65.000,
voire 70.000 hommes (Tite-Live XXXVII.44).
Le prélude
Un groupe de 1.000 cavaliers (Principalement des Galates)
de l’armée Séleucide, profita de la
confusion qui régnait lors de la construction du camp Romain, pour attaquer ces derniers. Bien que l’effet surprise fût présent et qu’ils réussirent à créer de
la confusion dans les avant-postes Romains, ceux-ci se reprirent rapidement, aidés par leur cavalerie qui sortit du camp (tout proche), pour leur prêter main
forte. Les cavaliers Séleucide durent alors se retirer,
subissant plusieurs pertes lors du passage de la rivière.
Ces actions isolées ne perturbèrent pas le Roi Séleucide
Antiochos III
(223-197) qui avait décidé d’attendre et
n’était pas « pressé » d’engager le combat. De plus, il se trouvait sur une meilleure position défensive et possédait de meilleurs ravitaillements.
Après deux jours d’inaction, les Romains décidèrent finalement de prendre l’initiative. Ils passèrent la rivière et se
positionnèrent à environ 3 km. du camp Séleucide, tout en tenant
leur côté gauche protéger par la rivière. Cette fois, ce furent 3.000 auxiliaires de l’armée
Séleucide qui tentèrent de déranger la construction du camp Romain,
mais les soldats, qui gardaient la position réussirent à les repousser. Puis il s’écoula 4 jours sans aucun combat. Les troupes Romaines voulurent
alors provoquer Antiochos III en avançant jusqu’à moins de
2 km. de son campement, en vain, le Roi ne bougea pas.
De leur côté, les Romains commencèrent à se soucier de cette attente vu que l’hiver approchait et qu’ils se trouvaient sur un terrain qui leur était encore
hostile. Cependant, les troupes étaient motivées à combattre et il fallait donc profiter de ce court avantage. Un conseil de guerre fut alors tenu et le
Consul Lucius Cornelius Scipio Asiaticus (dit Scipion l’Asiatique, † 183), qui les commandait, décida de provoquer encore plus l’ennemi en plaçant
son l’armée entière à environ 1 km. du camp Séleucide.
"De son côté, Antiochos, renonçant à ses hésitations, dans la crainte de décourager ses troupes par de plus longs délais et
d’augmenter la confiance des Romains, sortit enfin de son camp […]" (Tite-Live, Livre XXXVII, 37, 39).
Représentation d’un quadrige Séleucide d’après les descriptions de Tite-Live par Angus McBride
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Le déroulement
La vue de l’armée Séleucide
laissa certainement les légionnaires Romains bouche bée.
En effet, cette imposante armée, qui comptait des troupes venant des quatre coins de l’Empire, dominait pratiquement toute la plaine.
Le Roi Séleucide
Antiochos III (223-197) plaça ses 16.000 phalangistes au
centre de sa formation. Ils étaient divisés en 10 corps et chaque phalange atteignait une profondeur de 32 hommes.
Entre chaque corps, il y avait 2 éléphants de guerre. La phalange
Macédonienne était donc
le corps principal de l’armée Séleucide.
Sa composition organisée et ses longues lances formaient une barrière ” impénétrable “. D’après Tite-Live
(ou Titus Livius, historien Romain, v.59 av.J.C-17 ap.J.C.) et Appien d’Alexandrie
(Historien Grec,
90-v.160), le centre (Donc les phalangistes ainsi que les frondeurs et les
archers) était commandé par trois Généraux ("commandants“) : Minion (Qui sera Ministre d’Antiochos III), Zeuxis
(Macédonien, fils de Kynagos) et
un certain Philippe.
L’aile droite Séleucide était composée de
1.500 cavaliers Galates, 3.000 cataphractes, 1.000 cavaliers
Mèdes, 16 éléphants de guerre et environs 3.000
argyraspides, ainsi que près de 10.000 auxiliaires (archers, frondeurs, infanterie et cavalerie légère).
Antiochos III en personne commandait l’aile droite.
Quant à l’aile gauche (Qui était commandée par son fils le futur
Séleucos IV Philopator
et son neveu Antipater (ou Antipatros)) elle était composée de 4.000 cavaliers Galates, 3.000 cataphractes ainsi que 2.000 cavaliers
Cappadociens, 1.000 ” Compagnons ” du Roi
(Très probablement sous le commandement de
Séleucos) et environ 10.000 auxiliaires des différentes nations plus 16 éléphants de guerre placés à une certaine distance.
Devant les différentes unités de cavalerie, se placèrent les quadriges et les dromadaires.
De l’autre côté le Consul Romain Lucius Cornelius Scipio
Asiaticus (dit Scipion l’Asiatique, † 183) adopta la stratégie classique Romaine
avec : "Les Romains [qui] occupaient le centre [et] les Latins les deux ailes; les hastati en tête, derrière eux les principes, au troisième rang les
triairii” (Tite-Live, Livre XXXVII, 37, 39). Tandis que Lucius occupait le centre, son allié, le Roi de
Pergame
Eumène II (ou Eumènès, 197-159)
se plaça avec ses 3.000 auxiliaires sur l’aile droite, avec les 3.000 cavaliers (Romains et Pergaméniens) et les 500
hommes de Trallès (ou Séleucie du Méandre, aujourd’hui Aydin, en Lydie) et
de Crète. Les éléphants furent placés derrière les triarii. Les 2.000
Thraces et
Macédoniens servirent comme arrière garde pour protéger le camp.
L’aile gauche, de l’autre côté, n’était protégée que par un petit contingent de cavalerie, vu que la rivière Phrygie (ou Phrygius) formait déjà une
protection naturelle.
Les deux armées, placées sur cette vaste plaine, étaient imposantes. En effet, ” Chacun
était positionné de façon à semer la terreur chez l’ennemi, tant par le
nombre que par l’équipement [des soldats] ” (Appien, Guerres Syriennes, Chapitre VI, 6, 33.).
Antiochos III voulut démarrer
la bataille en lançant ses quadriges et ses dromadaires sur l’aile droite Romaine et créer ainsi de la confusion. Or
Eumène II avait déjà vécu dans le passé une
attaque de quadriges et connaissait les conséquences. Il ordonna donc à une partie de son infanterie légère (Notamment à
des archers et frondeurs) d’aller à la “rencontre” des quadriges, toutefois sans adopter des formations compactes, mais plutôt libres.
Cette stratégie eut du succès vu que l’infanterie légère n’eut aucune difficulté à désarmer et éliminer les chevaux et les dromadaires ainsi que leurs cavaliers.
La charge fut alors stoppée et les quadriges et dromadaires restants abandonnèrent le champ de bataille.
De plus, il faut noter que le temps n’était pas du tout en faveur de l’armée
Séleucide. En effet, selon Tite-Live, il avait plu durant le matin,
rendant ainsi le terrain défavorable aux mouvements de la phalange, ainsi que de toute autre unité lourde, y compris les quadriges. Il y avait aussi du
brouillard qui minimisait la visibilité des deux armées.
Eumène II saisit
la situation pour mener une rapide et puissante contre-attaque avec toute la cavalerie et son infanterie vers l’aile gauche
Séleucide. Les soldats, voyant tout à coup ses troupes
sortir du brouillard, sans qu’ils aient été affectés et mis à mal par les quadriges, furent surpris et n’arrivèrent pas préparer une vraie résistance.
La cavalerie cataphracte était trop lourdement armée pour pouvoir se bouger librement sur le terrain boueux.
Quant à la cavalerie Galate et les éléphants, ils manquaient également de mobilité et ne pouvaient donc rien changer sur le
déroulement de la défense. Rapidement, la panique commença à se propager entre les rangs
Séleucide.
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Le côté gauche de la phalange, ne put venir en aide à son aile car dans la foulée
Eumène II et Lucius avaient fait avancer les légions contre le
centre Séleucide. Les manipules Romaines, étant plus agiles,
n’eurent aucun problème à se bouger sur le terrain boueux, tandis que les lourdes phalanges ne
purent qu’avec grande difficulté maintenir les hastati à distance. Les éléphants, placés entre les phalanges, ne furent pas non plus d’une grand aide.
En effet, les légions Romaines comptaient dans leurs rangs des soldats qui avaient participés aux guerres d’Afrique et qui savaient comment éliminer des éléphants.
Sans ces derniers, des ouvertures se créèrent entre les différents corps de phalanges, laissant ainsi leurs flancs ouverts.
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Représentation d’éléphants de guerre |
À cause du brouillard, Antiochos III ne
sut pas de suite ce qui s’était passé sur l’aile gauche de son armée (La distance entre les deux ailes était très grande, ce qui n’était pas le cas chez les
Romains) et il décida de mener une charge avec toute sa cavalerie contre la faible aile gauche Romaine
(Laissant les argyraspides et le reste des auxiliaires en défense du côté droit
Séleucide). Dans un premier temps, il réussit à la mettre en
déroute (En la divisant du gros de l’armée qui s’était dirigé vers le centre
Séleucide).
Toutefois le Tribun Marcus Aemilius Lepidus (Fils du personnage homonyme qui deviendra Consul en 187 av.J.C.) et
Attalos II Philadelphe de
Pergame (ou Attale ou Attalus ou Attalos II Philadelphos, 159-138,
le frère d’Eumène II) qui avait été
placé avec celui-ci sur l’aile droite Romaine, en voyant la déroute de l’aile gauche, prirent un contingent de cavalerie et se dirigèrent vers le camp
Romain pour le protéger.
Ils réussirent à regrouper les troupes en fuite et avec les 2.000
Thraces et
Macédoniens en réserve arrêtèrent la charge
d’Antiochos II. Lorsque
celui-ci se rendait compte qu’il ne pouvait plus rejoindre le camp Romain, un messager l’informa que le gros de son armée s’enfuyait : La bataille
était donc perdue. Le Roi Séleucide décida alors de fuir et
abandonna le champ de bataille (Nombreux de ces Généraux suivirent l’exemple. En ce qui concerne son fils
Séleucos
il est très probable qu’il ait fuit lui aussi le champ de bataille, même si nous n’avons aucune source certaine qui mentionne ce fait).
Dans l’entre temps, beaucoup de soldats Séleucides
s’étaient enfuis vers le camp principal. Selon Tite-Live, ce fut à cet endroit qu’eut lieu le vrai carnage,
car l’espace resserré rendait la fuite plus difficile. À la fin de la journée, l’armée
Séleucide avait subi des pertes s’élevant à plus
de 20.000 morts (10.000 selon John D.Grainger). Tite-Live et Appien d’Alexandrie
mentionnent 50.000 fantassins, plus 3.000 cavaliers et 1.400 prisonniers pour Tite-Live (XXXVII.44), pourtant ce nombre est très improbable.
Les Séleucides avaient également perdu plus de la moitié de leurs
éléphants (Le reste fut capturé).
Les Romains ne perdirent eux pas plus de 5.000 hommes selon des sources
modernes (dont entre autres John D.Grainger), alors que selon Tite-Live ce ne furent que 300 fantassins, 24
cavaliers et 25 Pergaméniens. Appien d’Alexandrie mentionne, de son côté, aussi
un nombre de morts très bas : 349 morts (Syriaca 7).
En fin de compte, il y eut trois grands points qui causèrent la défaite de l’armée
Séleucide : Le terrain boueux ainsi que le climat, le manque de
visibilité dû au brouillard et le fait que l’armée était composée de nombreux peuples, qui ne lui donnaient aucune “entité”.
Après la bataille
Après la défaite,
le Roi Séleucide
Antiochos III
(223-197) se dirigea avec un poignée de soldats restants à
Sardes (la capitale
Lydienne),
qu’il quitta rapidement pour
Apamée. Bien qu’il laissa le contrôle des différentes villes
majeures (comme Sardes et
Éphèse) sous le commandement de certains de ses
Généraux. Les différents habitants des villes reconnurent la puissance de Rome et préférèrent s’y soumettre plutôt que de subir un long siège.
Ainsi, les Gouverneurs Séleucide
durent abandonner les villes. Le Consul Lucius Cornelius Scipion se dirigea avec grande partie de son armée, y compris son allié le Roi de
Pergame
Eumène II (ou Eumènès,
197-159) sur
Sardes. Là, les Romains se mirent d’accord avec des
Ambassadeurs d’Antiochos III pour ouvrir des négociations.
Buste de Scipion l’Africain – Musée Pouchkine – Moscou |
Lucius fut très rapidement rejoint dans la ville par son frère Publius (Qui avait guéri de sa maladie) et
quelques jours après par la délégation Séleucide
composée par les Généraux Zeuxis (Qui avait été nommé Gouverneur provisoire de la
Lydie) et Antipater (ou Antipatros) qui se présentaient à Sardes,
en tant que principaux représentants du pouvoir royale, pour négocier la paix avec Rome. Ce fut Publius qui présenta les conditions.
Selon Tite-Live (ou Titus Livius, historien Romain, v.59 av.J.C-17 ap.J.C.), les conditions avaient été déjà rédigées par les Romains,
avant l’arrivée des Ambassadeurs :
“[…] aujourd’hui que nous sommes vainqueurs et vous vaincus, nous ne changeons rien à
ces conditions. Renoncez à toute possession en Europe, abandonnez toute l’Asie au-delà du mont Taurus. Pour les frais de la guerre, vous nous donnerez quinze
mille talents, dont cinq cents comptant, deux mille cinq cents lorsque le Sénat et le peuple Romain auront ratifié la paix et les douze mille autres
en douze paiements égaux, d’année en année. Vous paierez aussi quatre cents talents à Eumène […]” (Tite-Live, Livre XXXVII, 37, 45).
De plus, Scipion demanda qu’on remette à Rome 20 otages entre autre Hannibal Barca * et l’Étolien
Thoas (Un des chefs principaux ayant guidé les rebellions Étoliennes et s’étant réfugié à la cour
d’Antiochos III).
Ces conditions ne prirent une valeur officielle (Surtout en ce qui concerne
l’abandon des territoires) que durant le traité d’Apamée (ou
paix d’Apamée) en 188 av.J.C.
Bien que l’Empire Séleucide
ait subit une grosse perte de territoires, il se maintint sous
Antiochos III tout de même assez “stable”. Cependant, la mort du Roi ne fut pas du tout glorieuse.
Il fut tué durant le pillage du trésor d’un temple du royaume d’Élymaïs
(ou Élymais) en Perse, lors de sa campagne militaire contre le Luristan.
Ce ne fut vraiment qu’avec la mort d’Antiochos IV Épiphane
(175-164, fils cadet d’Antiochos III) en 164 que
commencera le vrai déclin de l’Empire Séleucide.
De son côté, Rome n’avait aucun intérêt à maintenir ses légions en
Asie Mineure. Elle les retira donc en 189, tout en laissant
ses alliées, Pergame et
Rhodes,
plus puissantes que jamais avec leurs nouveaux territoires acquis. En ce qui concerne Lucius, il reçut un grand triomphe à Rome, ainsi que le surnom
"d’Asiaticus". Cependant, sa fin ne fut également pas mémorable. En effet, il fut accusé d’avoir encaissé pour son propre compte une partie
des indemnités payées par Antiochos III.
Les accusations l’affaiblirent politiquement, le laissant ainsi (Lors de ses dernières années de vie) dans une “crise financière”.
Publius Cornelius Scipion Africanus, le “grand sauveur de Rome” s’était fait durant sa carrière militaire et politique beaucoup d’ennemis.
Malheureusement, sa “clémence” ** envers Antiochos III
lui apporta à son tour de nombreuses accusations. Bien que le Sénat ne puisse rien prouver contre lui, les dégâts avaient été
faits et Publius se retira de la scène politique à Liternum (Actuelle Lago Patria en Campanie, Italie) où il y mourut humblement, sans recevoir aucun triomphe.
On peut donc conclure qu’indirectement, la Guerre Antiochique impliqua les plus grands commandants et conquérants de l’époque, ainsi que l’une des plus grandes
confrontations entre légionnaire et phalangiste.
* Hannibal Barca chercha refuge chez le Roi de
Bithynie
Prusias I Cholus
"le Boiteux" (ou Prousias, 229-182). Celui-ci le nomma commandant de sa flotte. Il ne regretta pas son choix vu qu’Hannibal réussit à
battre la flotte de Pergame en 184 durant une bataille navale.
Rome dut alors menacer Prusias I pour que celui-ci lui
remette son Amiral. En 183 il le livra à Rome pour éviter les représailles. Hannibal Barca afin de ne pas tomber entre les mains de ses anciens ennemis,
s’empoisonna (Certains historiens mentionnent aussi une mort causée par l’infection d’une blessure).
** Les conditions de paix négociées par les Romains avec le Roi
Séleucide (voir
au-dessus) semblent être plutôt sévères que clémentes, mais il faut se rappeler que Tite-Live nous affirme que les conditions présentées furent décidées avec
tous les hauts officiers et diplomates Romains et non pas par Publius lui-même. Il est cependant fort probable que Publius ait eut auparavant des idées
clémentes (vu qu’il était connu pour sa clémence) sans pourtant pouvoir les exprimées. Il est donc probable qu’il ait eut l’intention de remercier
Antiochos III
pour lui avoir rendu son fils qu’il détenait en captivité. Cependant, ce ne sont que des suppositions
qui sont difficiles à prouver.
Bibliographie
Pour d’autres détails sur la bataille voir les ouvrages de :
Gregory S.Aldrete :
– The decisive battles of world history, Teaching Co., Chantilly, VA, 2014.
Lee L.Brice :
– Warfare in the Roman republic : From the Etruscan wars to the battle of Actium, ABC-CLIO, Santa Barbara, California, 2014.
Peter Connoly :
– Greece and Rome at War, Greenhill Books, Londres, 1981 et 1998.
John Anthony Cramer :
– A geographical and historical description of Asia Minor, Adolf M. Hakkert, Amsterdam, 1971.
Boris Dreyer :
– Die römische nobilitätsherrschaft und Antiochos III, (205 bis 188 v. Chr.), Collection : Frankfurter
althistorische Beiträge, Bd. 11, M.Clauss, Hennef, 2007.
Nic Fields et Martin Windrow :
– Roman battle tactics, 390-110 BC, Long Island City, Oxford, 2010 – Osprey, New York, 2010.
Andrea Frediani :
– Le grandi battaglie di Roma Antica : I combattimenti e gli scontri che hanno avuto come protagonista la città eterna,
Newton & Compton, Roma, 2002 – 2003 – 2004 – 2009.
Andrea Frediani et Sara Prossomariti :
– Le grandi famiglie di Roma antica : storia e segreti, Newton Compton editori, Roma, Novembre 2014.
John D.Grainger :
– The Roman war of Antiochos the Great, E.J.Brill, Leiden, Boston, 2002.
– The Seleukid Empire of Antiochus III, 223-187 BC, Pen & Sword Military, South Yorkshire, 2015.
John Francis Lazenby :
– Magnesia, battle of, Oxford University Press, Janvier 2005.
John Roberts :
– Magnesia, battle of, Oxford University Press, 1998.
Michael J.Taylor : (Military historian)
– Antiochus the Great, Pen & Sword Military, Barnsley, 2013.
Edouard Will :
– Histoire politique du monde hellénistique (323-30 av. J.-C.). Tome 2 :
Des avènements d’Antiochos III et de Philippe V a la fin des Lagides,
Faculté des Lettres et des Sciences humaines de l’Université de Nancy, 1967-1968-1982.
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