Son origine, sa jeunesse
Démosthène (ou Dêmosthénês, en Grec :
Δημοσθένης) fut un homme
d’État et un orateur Athénien, il fut l’un des plus grands orateurs
Attiques. Il naquit à Athènes en 384 et mourut à Calaurie (ou Poros) en 322. Il naquit dans une famille Athénienne riche, mais
commerçante. Son père, nommé également Démosthène, appartenaient à la tribu locale, Pandionis, et vivait dans le dème de Péanie
(ou Paeania). Il possédait une manufacture d’armes, ce qui lui valut le mépris des vieilles familles aristocratiques.
Eschine (ou Aiskhínês, en Grec :
Αiσχίνης, v.390-314), le plus grand rival politique de Démosthène, soutint que sa mère Cleóbula (ou Kleoboula) était une Scythe
par le sang, une allégation contestée par beaucoup de chercheurs. On la donne généralement comme fille d’un
Athénien du nom de Gylon.
Démosthène devint orphelin à l’âge de 7 ans. Son père, par testament, le confia à trois tuteurs légaux.
Deux de ses neveux, Aphobos (ou Aphobus) et Démophon et un certain Thérippidès (ou Therippides), qui malmenèrent son héritage
dilapidant sa fortune. En 366, dès que Démosthène eut l’âge, il exigea qu’ils rendent compte de leur gestion.
Selon lui les comptes révélaient le détournement de ses biens. À l’âge de 20 ans
Démosthène poursuivit ses administrateurs afin de récupérer son patrimoine et livra cinq discours : Trois
Contre Aphobos (ou Aphobus) en 363 et 362 et deux Contre Onètor en 362 et 361.
Les pourparlers et discussions entre Démosthène et ses ex tuteurs durèrent trois années au bout desquelles, ils furent
incapables de parvenir à un accord, aucune des deux parties était prêt à faire des concessions. Les tribunaux
fixèrent alors les dommages de Démosthène à dix talents, mais il ne réussit à récupérer qu’une partie de son héritage initial.
Dans ses discours, Eschine utilisa les relations pédérastiques de Démosthène comme un moyen de l’attaquer.
Dans le cas d’Aristion, un jeune de Platées qui vivait depuis longtemps dans la maison de Démosthène, Eschine se moqua de la
relation “scandaleux” et “illégitime”. Dans un autre discours, Eschine évoqua la relation pédéraste de son adversaire avec
un garçon appelé Cnosion. La calomnie que la femme de Démosthène couchait aussi avec ce garçon suggéra que la relation fut
contemporaine de son mariage. Démosthène idéalisait sa ville et s’efforça tout au long de sa vie à restaurer la suprématie
d’Athènes et motiver ses compatriotes contre le Roi de
Macédoine
Philippe II (359-336).
Démosthène pratiquant l’art oratoire – Jean-Jules-Antoine
Lecomte du Nouÿ – 1870
|
Son éducation
Dès 366, Démosthène se prépara pour les essais et l’amélioration de son talent
oratoire. À seize ans, alors qu’il n’était qu’un adolescent, sa curiosité pour cet art fut remarquée par l’orateur Callistratos,
qui était alors à la hauteur de sa réputation, juste après avoir gagné un procès contre lui d’une importance considérable.
Démosthène décida d’apprendre la rhétorique et devint l’élève d’Isée, un autre orateur Attique, spécialisé dans les affaires
de succession, auprès duquel il s’initia à la profession de logographe. Il mena cette carrière avec un certain succès puisqu’il
eut comme clients certains des plus riches Athéniens, comme Phormion
(v.415-v.340), riche banquier pour lequel il écrivit le Pour Phormion. L’affaire portait sur la somme énorme de 20 talents.
Beaucoup de grands érudits, en fonction des auteurs, sont rattachés à sa formation. Selon le philologue et
philosophe Allemand Friedrich Nietzsche, et l’historien Grec Constantine Paparrigopoulos, Démosthène était un étudiant
d’Isocrate (ou Isokrátês, un des dix orateurs Attiques, 436–338). D’après un témoignage, Démosthène aurait lu
Platon (Philosophe Grec, 427-346), dont il fut disciple,
ce que prétendent aussi : Cicéron (ou Marcus Tullius Cicero, philosophe Romain, homme d’État et un auteur Latin, 106-43 av.J.C.)
et Quintilien (ou Marcus Fabius Quintilianus, rhéteur et pédagogue Latin du Ier siècle ap.J.C). Lucien de Samosate (ou Loukianòs ho
Samosateús, rhéteur et satiriste Romain, v.120-v.180), répertorie les philosophes :
Aristote (Philosophe Grec, 384-322),
Théophraste (ou Théophrastos, v.371-v.288) et Xénocrate de
Chalcédoine (396-314) parmi ses professeurs.
Selon Plutarque
(Philosophe, biographe et moraliste Grec, 46-v.125), lors du premier discours en public de Démosthène, l’assistance se moqua
d’un problème d’élocution qu’il avait, vraisemblablement une difficulté à prononcer la lettre R, et de ses gestes maladroits.
Il fut raillé pour son style "étrange, barbare et torturé, avec de longues phrases et des arguments formels".
Pour son trouble de la parole, Plutarque se réfère
à “une faiblesse dans la voix d’un énoncé perplexe et confus”. Eschine se moquait de lui et l’appelait dans ses discours par
le surnom de “Batalus” (ou Batalos) qui signifiait bègue, apparemment inventé par les pédagogues de Démosthène.
Selon Diogène Laërce (ou Diogenês Laertios ou Diogenes Laertius ou Diogène de Laërte, poète, doxographe et biographe Grec,
début du IIIe s. ap.J.C), ce fut Eubulide (ou Euboulide ou Euboulidès de
Milet ou Euboulídês, philosophe Grec,
milieu du IVe s. av.J.C.) qui aurait appris à Démosthène à corriger sa prononciation défectueuse.
Démosthène s’efforça alors de
rectifier ses défauts. Il entreprit un programme rigoureux pour surmonter ses faiblesses et améliorer sa prestation, y compris
la diction, la voix et les gestes. La légende raconte, qu’il s’entrainait à parler avec des galets dans la bouche,
ou même en s’exerçant à dominer de la voix le bruit d’une mer furieuse. Il s’enfermait régulièrement chez lui pour étudier le
style de Thucydide
(Homme politique et historien
Athénien, v.460-v.400/395). À cause de toutes ces préparations, et de sa réticence à improviser, les autres orateurs lui
reprochèrent souvent de n’avoir aucun don naturel.
Certains citoyens, toutefois, reconnaissaient son talent. Lorsqu’un jour il quittait
l’Ecclésia (l’Assemblée
Athénienne) découragé, un vieil homme,
nommé Eunomus, l’encouragea, en lui disant que ses débuts étaient très semblable à ceux de
Périclès ce qui lui redonna du courage. Une autre fois, après que
l’Ecclésia eut refusé de l’entendre,
et qu’il rentrait chez lui abattu, un acteur du nom de Satyre le suivit et entra dans une conversation amicale avec lui.
Ses discours constituèrent une expression significative de prouesses intellectuelles
Athénienne contemporaines et donnent un aperçu de la politique et de la
culture de la Grèce antique au cours de la IVe siècle av.J.C. Ce qui est sûr c’est que Démosthène appris la rhétorique en
étudiant les discours des grands orateurs précédents.
Buste de Démosthène –
Copie Romaine d’un original de Polyeucte – Musée du Louvre |
Sa carrière
Sa carrière juridique
Pour gagner sa vie, Démosthène se
spécialisa dans le règlement de litiges professionnels, en tant que logographe. Cela consistait en la rédaction de discours
pour une utilisation dans des poursuites judiciaires privées, pour les avocats (synegoros) s’exprimant au nom d’une autre personne.
Il semble avoir été en mesure de gérer tout type de cas, l’adaptation de ses compétences pour presque n’importe quel client,
comme dit plus haut, y compris les hommes riches et puissants. Beaucoup de spécialistes pensent qu’il n’est pas improbable qu’il
devint un professeur de rhétorique et qu’il apportait beaucoup aux élèves qui avaient des cours avec lui.
Cependant, comme le précise George A.Kennedy, s’il continua probablement d’écrire des discours tout au long de sa carrière,
il cessa de travailler en tant que défenseur une fois qu’il entra dans l’arène politique. Orateur judiciaire était devenu une
profession et un genre littéraire important dans la seconde moitié du Ve siècle, tel que ce fut représenté dans les discours
des prédécesseurs de Démosthène, Antiphon (ou Antiphôn, un des dix grands orateurs Attiques, v.480-410), et Andocide
(ou Andokídês, également un des dix orateurs Attiques, v.440-v.390).
Logographes étaient un aspect unique du système de justice
Athénien. La preuve d’un cas fut compilée par un
Magistrat dans une enquête préliminaire ou les plaideurs pouvaient présenter à leur guise des discours préparés. Cependant, on
se méfiait des témoins et des documents, car ils pouvaient être obtenus par la force ou la corruption.
Il y avait peu de contre-interrogatoire au cours du procès. Il n’y avait pas de réunion entre juristes avant de voter.
Le nombre des jurys était d’ailleurs énorme (entre 201 et 501 membres).
Comme le précise James Herbert Vince, puisque les politiciens Athéniens
furent souvent accusés par leurs adversaires politiques, il n’y avait pas toujours une distinction claire entre les cas privés et
publiques, et donc sa carrière de logographe ouvrit la voie à Démosthène pour se lancer dans une carrière politique.
Un logographe Athénien pouvait rester anonyme, ce qui lui permettait de
servir des intérêts personnels, même si ils étaient préjudiciables au client. Mais cela pouvait le mettre face à des
allégations de faute professionnelle. Ainsi, par exemple Eschine accusa Démosthène d’avoir une attitude contraire à l’éthique,
en particulier lorsqu’il écrivit un discours pour le riche banquier Phormion.
Plutarque (Philosophe, biographe et moraliste Grec,
46-v.125) beaucoup plus tard appuya cette accusation, affirmant que Démosthène eut une attitude déshonorante.
Ses débuts en politique
Démosthène démontra très tôt un intérêt pour la politique. En 363 et 359,
il assuma la charge de la Triérarque (Commandant d’une trirème). Il fut parmi les premiers Triérarques bénévole en 357,
et il participa à la répartition des dépenses du navire. De 355 à 351, il continua à pratiquer le droit privé, alors
qu’il était de plus en plus intéressé par les affaires publiques. En 354 il donna son premier discours politique publique,
sur la marine, où il proposa la réforme des “symmories” (“groupe de répartition”, désigne un groupe
de contribuables chargés de prendre en charge collectivement le financement d’une triérarchie) comme source de financement
pour la flotte Athénienne.
Pendant cette période, il écrivit Contre Androtion (Historien et atthidographe Grec, v.410-v.350) et
Contre Leptinès (ou Leptine), deux violentes attaques contre des
politiciens qui avaient tenté d’abroger certaines exemptions fiscales, comme les des liturgies. Puis avec Contre
Timocratès et Contre Aristocratès, il plaida pour l’élimination de la corruption. Tous ces discours,
offrirent un aperçu de ses principes généraux en matière de politique étrangère, comme l’importance de la marine,
celles d’alliances et de l’honneur national.
Buste de Démosthène –
Jardins de Trianon |
Au lieu d’une campagne électorale, les politiciens
Athéniens utilisaient des litiges et des diffamations pour éliminer leurs rivaux du processus gouvernemental. Souvent, ils
inculpaient l’autre pour des infractions aux lois, mais les accusations de corruption étaient également omniprésentes dans
tous les cas et faisaient partie du dialogue politique. Les orateurs avaient souvent recours à la diffamation, tant dans les
tribunaux qu’à l’Ecclésia. Les accusations haineuses et
souvent exagérées, comme caricaturée par la comédie ancienne, étaient soutenues par
des insinuations et par des conclusions avec une absence totale de preuve.
Comme le précise James Herbert Vince, “Il n’y avait pas de place pour la chevalerie dans la vie
politique Athénienne”. Cette rivalité permit aux Démos de régner en tant que juge, jury et bourreau. Harvey Yunis nous dit que
Démosthène s’engagea pleinement dans ce type de litige et il joua aussi un rôle dans le développement de la puissance du Conseil
de l’Aréopage qui inculpait les personnes pour trahison.
En 352, il écrivit Pour les Mégalopolitains et, en 351, À la liberté des Rhodiens. Dans ces deux
discours il s’opposa à Eubule (ou Euboulus ou Euboulos, en Grec :
Εὔβουλος), le plus puissant homme d’État
Athénien de la période de 355 à 342. Ce dernier n’était pas pacifiste
mais il voulait éviter de pratiquer une politique interventionniste agressive dans les affaires intérieures des autres villes
Grecques. Contrairement à Eubule, Démosthène appela à une alliance avec Mégalopolis (ou Megalópoli, ville dans le Péloponnèse,
dans la vallée de l’Alphée), contre Sparte ou
Thèbes, et il soutint la faction démocratique des
Rhodiens dans leur conflit interne.
Ses arguments révélèrent
son désir d’exprimer les besoins et les intérêts d’Athènes grâce à une
politique étrangère plus militante. Bien que ses premiers discours furent infructueux, ils révélèrent un manque de réelle
conviction et de politique cohérente, Démosthène s’imposa comme une personnalité politique importante et il rompu avec la faction
d’Eubule, dont Eschine était un membre éminent. Il jeta ainsi les bases de ses futurs succès politiques et devint le leader
de son propre parti (La question est de savoir si le concept moderne des partis politiques peut être appliqué dans la démocratie
Athénienne ce qui est vivement contesté parmi les chercheurs actuels). En 348, il devint chorège (ou khorêgós), un citoyen riche
chargé de recruter, d’organiser et d’entraîner à ses frais un chœur, en accordant les dépenses d’une production théâtrale.
La confrontation avec Philippe II de Macédoine
Démosthène était conscient du
danger que représentait le Roi de Macédoine,
Philippe II (359-336).
Le Macédonien venait d’intervenir en
Thrace, menaçant ainsi les clérouquies
d’Athènes et ses routes d’approvisionnement en blé.
À partir de 352 il exhorta la cité à prendre des mesures, mais il fut contesté par son rival Eschine.
La plupart des grands discours de Démosthène furent alors dirigés contre la montée en puissance de
Philippe II. Depuis 357, lorsque
Philippe II prit Amphipolis
(En Grec : ‘Aμφίπολις, cité Grecque de la région des Édoniens en
Macédoine orientale) et
Pydna (ou Púdna, en Grec : Πύδνα), la plus importante cité Grecque de Piérie en Macédoine,
Athènes fut officiellement en guerre contre
les Macédoniens.
En 353 ou 352, Démosthène présenta Philippe II comme le pire
ennemi de sa ville. Son discours annonçait les attaques féroces qu’il allait lancer contre le Roi de
Macédoine au cours des
années suivantes. Un peu plus tard, il avertit que ce dernier était aussi dangereux que le Roi de
Perse.
En 353 ou 352, les troupes Athéniennes furent opposées avec succès à
Philippe II aux Thermopyles, mais au printemps de la même
année la victoire Macédonienne sur les forces du Général
Phocidien
Onomarque de Phocide (ou Onomarchus ou Onomarchos ou Onómarkhos, en
Grec : Ονόμαρχος) à la bataille du
Champ de Crocus, où Onomarque fut tué, secoua Démosthène.
Buste en ivoire de Philippe II,
retrouvé dans sa tombe à Vergina – Musée archéologique de Thessalonique
|
En 351, il se sentit assez fort pour exprimer son point de vue concernant la question la plus importante
de la politique étrangère d’Athènes à l’époque : La position que devrait
prendre sa ville face à Philippe II.
Selon Jacqueline de Romilly, la menace de Philippe II
donna aux positions de Démosthène un accent et une raison d’être. C’est alors qu’il prononça sa première Philippique
(351-350). Il commença par démontrer à ses concitoyens que le Roi de
Macédoine était une menace à l’autonomie de toutes les
villes Grecques et que la situation n’était mauvaise qu’en raison de leur inactivité. Qu’inversement un sursaut d’énergie
pouvait renverser les choses. Démosthène s’opposa, par son volontarisme, à la politique défensive prônée par Eubule (ou Euboulus
ou Euboulos, en Grec : Εὔβουλος) que la majorité du
peuple suivait.
Dans son vibrant appel à la résistance, il demanda à ses compatriotes de prendre les mesures nécessaires et
affirma que “pour un peuple libre, il ne peut y avoir une plus grande contrainte que la honte de leur position actuelle“.
Il proposa d’envoyer un corps expéditionnaire en Macédoine
même. Il fournit ainsi pour la première fois un plan et des recommandations spécifiques pour la stratégie à adopter contre
Philippe II dans le Nord. Entre autres choses, le plan
prévoyait la création d’une force de réaction rapide, à moindre coût, puisque chaque
hoplite ne serait payé seulement que dix
drachmes, ce qui était inférieur au salaire moyen des ouvriers non qualifiés à
Athènes. Cela impliquait que le soldat pouvait compléter le manque de
salaire par le pillage.
À partir de ce moment jusqu’en 341, tous les discours de Démosthène viseront la même question, la lutte contre
Philippe II. Parallèlement, la cité d’Olynthe,
alliée du Macédonien, s’inquiéta elle aussi de
l’accroissement de pouvoir de ce dernier. Elle commença à se rapprocher
d’Athènes et
même à signer une paix séparée au cours de l’hiver 352/351. En 349,
Philippe II exigea d’Olynthe qu’elle lui remette
deux réfugiés politiques Macédoniens.
Devant le refus de la cité, il envahit la Chalcidique. Olynthe appela aussitôt
Athènes à son aide.
Démosthène soutint la requête de la cité dans sa Première Olynthienne, où il critiqua ses compatriotes et dénonça
leur manque d’action exhortant Athènes d’aider Olynthe. Il insulta
également Philippe II en le traitant de “barbare”.
Il proposa un plan double. Le premier volet consistait à aider Olynthe en lui envoyant un contingent.
Le second proposait de nouveau de frapper le royaume même
Macédonien.
Les Athéniens rechignèrent à expédier des troupes, effrayés par la
perspective d’une guerre avec Philippe II.
Pour achever d’emporter leur assentiment,
Démosthène prononça sa Seconde Olynthienne, dans laquelle il entendit démontrer la fragilité de la puissance de
Philippe II et que ses alliés se retourneraient contre
lui au premier échec. Ce second discours ne fut suivi d’aucune mesure effective, aussi Démosthène composa t-il sa
Troisième Olynthienne, attaquant la loi d’Eubule. Cette loi imposait de transférer les excédents du merismós (Sorte de
budget de la cité) au fonds des spectacles, le theôrikón, alors que depuis
Thémistocle (v.525-v.460/459) ils étaient affectés aux
dépenses militaires de la cité. Les Athéniens refusèrent d’abroger cette
loi, mais votèrent l’envoi de secours.
Cependant ces derniers furent si faibles qu’ils n’empêchèrent pas Olynthe de capituler et
de tomber aux mains des Macédoniens.
Philippe II vaincu également l’ensemble de Chalcidique
et tous les États de la fédération Chalcidique qu’Olynthe avait autrefois dirigé. Toutefois il faut signaler qu’avant même la
chute d’Olynthe, Philippe II avait proposé la paix à
Athènes, sans doute parce qu’il préférait se consacrer à l’expansion
vers le Sud et l’Est. Après ces victoires Macédoniennes,
Athènes poursuivit les négociations pour la paix avec le Roi
Macédonien. Démosthène fut parmi ceux qui étaient
favorables à un compromis. Il ne s’agissait pas d’un changement de politique de sa part, mais il pensait profiter de ce répit
pour renforcer les défenses Athéniennes.
Buste de Démosthène – Copie Romaine d’un original du
IVe s. – Neues museum – Berlin |
En 347, une délégation d’Athènes, comprenant
Démosthène, Eschine et Philocrate, fut officiellement envoyé à
Pella pour négocier le traité de paix.
L’Ecclésia acceptant officiellement les dures conditions de
Philippe II, y compris le renoncement à leur prétention
sur Amphipolis. Cependant, lorsque la délégation Athénienne arriva à
Pella pour mettre
Philippe II sous serment, qui était nécessaire pour
conclure le traité, il faisait campagne à l’étranger. Ils décidèrent d’attendre le Roi pour la ratification.
Étant très inquiet du retard et du temps qui passait, Démosthène insista pour que l’Ambassade se rendit à l’endroit où se
trouvait le souverain et que ce dernier jure sans délai.
En dépit de ses suggestions, les envoyés
d’Athènes, y compris Eschine lui-même restèrent à
Pella, jusqu’à ce que
Philippe II termine avec succès sa campagne en
Thrace.
Le Roi finit tout de même par entériner le traité, mais il retarda considérablement le départ des envoyés
Athéniens, qui, de plus, n’avaient pas encore reçu les serments des
alliés des Macédoniens comme la
Thessalie.
Enfin, la paix fut ratifiée à Phères,
où Philippe II accompagna la délégation
d’Athènes, après avoir terminé ses préparatifs militaires vers le Sud.
De retour à Athènes, Démosthène accusa les autres envoyés de vénalité
et de faciliter les plans de Philippe II par leur
position.
Dans le même temps, Athènes approcha les cités Grecques
en leur proposant un sursaut panhellénique anti-Macédonien.
Cette initiative ne connut pas un franc succès, mais la cité n’y porta pas un grand intérêt. En effet, elle avait désormais le
regard tourné vers les protagonistes de la
Troisième Guerres Sacrées
(357-346). Pour empêcher une intervention Macédonienne, les
Phocidiens confièrent la garde du défilé des Thermopyles aux
Spartiates et aux Athéniens. Toutefois la paix avec les
Macédoniens venant juste d’être signée
Athènes, qui au début
était favorable pour les soutenir, ne fit aucun geste pour aider les Phocidiens, sans cependant combattre aux côtés de
Philippe II.
Celui-ci engagea les hostilités contre les Phocidiens qui refusaient de libérer
Delphes. Il franchit les Thermopyles, ruina les cités
Phocidiennes et libéra Delphes.
La Macédoine prit alors le contrôle des votes des
Phocidiens dans la Ligue Amphictyonique, une organisation religieuse Grecque formée pour soutenir les plus temples d’Apollon et de
Déméter. Malgré une certaine réticence de la part des dirigeants
Athéniens, la ville accepta finalement l’entrée de
Philippe II dans ce Conseil.
Démosthène fut parmi ceux qui adoptèrent une approche pragmatique, et recommanda cette position dans son
discours sur la paix. La menace directe sur la Grèce centrale et le Péloponnèse semblant écartée. De nouveau,
Athènes envoya
des Ambassadeurs pour fédérer les cités Grecques. En 344 Démosthène voyagea dans le Péloponnèse afin de détacher autant de
villes que possible de l’influence de la Macédoine,
mais ses efforts, en grande majorité, échouèrent. La plupart des Péloponnésiens voyaient
Philippe II comme le garant de leur liberté et
envoyèrent une ambassade conjointe à Athènes pour exprimer leurs
griefs contre les activités de Démosthène. Un retournement de situation survint alors.
Un nouveau coup d’État fit revirer
les Phocidiens en faveur de Philippe II.
Les contingents Spartiate et
Athénien se virent interdire l’accès aux Thermopyles. Une ambassade,
comprenant Démosthène et Eschine, fut envoyée d’urgence à
Philippe II, dans l’espoir de conclure une paix.
Eschine prétendra que “Démosthène fut si décontenancé devant le Roi qu’il bafouilla un discours inintelligible“.
Démosthène dut donc de nouveau consentir une paix temporaire, compte tenu de la faiblesse dans laquelle se trouvait
Athènes.
En réponse, Démosthène livra la deuxième philippique, une attaque véhémente contre
Philippe II exhortant de nouveau les Grecs à réagir.
En 343 il livra Sur la fausse ambassade et Sur la couronne deux discours judiciaires contre Eschine qui
fut confronté à une accusation de haute trahison. Néanmoins, Eschine fut acquitté par une marge étroite de 30 voix par un jury
qui comptait 1501 membres. La même année, les forces
Macédoniennes menèrent des campagnes en
Épire et, en 342,
Philippe II refit campagne en
Thrace. Il négocia également avec les
Athéniens une
modification de la paix de Philocrate.
Toujours en 342, Démosthène livra sa troisième philippique, qui est considérée comme
le meilleur de ses discours politiques. En utilisant toute la puissance de son éloquence, il exigea une action résolue contre
Philippe II et appela à un sursaut d’énergie des
Athéniens. Il dominait maintenant la politique
Athénienne et réussit à affaiblir considérablement la faction
pro-Macédonienne d’Eschine.
Copie d’une statue de Démosthène –
Médiathèque Emile Zola – Montpelier |
L’année 341 allait être riche en rebondissement. En Mars/Avril,
Philippe II envoya des secours à Cardia après le
refus d’Athènes de régler un conflit territorial entre les
habitants de la ville et les clérouques par voie judiciaire. Au Printemps, lorsque
l’armée Macédonienne approcha en Chersonèse
(aujourd’hui connue sous le nom péninsule de Gallipoli), un Général
Athénien nommé Diopeithès (ou Diopites ou Diopithe, en
Grec :
Διoπείθης) ravagea les côtes de
Thrace, exhortant ainsi la colère de
Philippe II.
Ce dernier adressa une lettre de protestations aux Athéniens et
réclama le rappel de Diopeithès. Démosthène s’opposa vigoureusement à cette demande.
En raison de cette turbulence, l’Assemblée
Athénienne fut convoquée
et Démosthène convaincu les Athéniens ne pas rappeler Diopeithès.
Philippe II obtint alors le ralliement de la
ville de Cardia, malgré la résistance de Diopeithès, et installa le Tyran Hécatée à la tête de la cité. En Mai,
le Roi envoya de nouveaux mercenaires en
Eubée pour soutenir
Érétrie. À l’été, Démosthène livra sa
quatrième philippique, qui prônait notamment l’envoi d’une ambassade auprès du Roi de
Perse,
Artaxerxès III Okhos (358-338)
en vue d’une entente contre Philippe II.
Dans le même temps les Macédoniens
poursuivirent leur guerre victorieuse contre la Thrace.
Elle se terminera à l’hiver par la défaite du Roi
Cersobleptès I (ou Kersobleptès ou Cersouleptes, 359-341) et son incorporation
comme province Macédonienne. Comme le précise
James R.Ashley, fin de l’été, les Athéniens, alliés à
Chalcis,
intervinrent à leur tour en
Eubée et en chassèrent les Tyrans, Philistidès à
Oraioi (ou Oréos ou Oreus ou Oréi) et Clitarque (ou Cleitarchus ou Cleitarchos à
Érétrie.
À la fin de l’année, les Athéniens envoyèrent une ambassade dans le
Péloponnèse. La ville passa alors alliance avec
Mégare,
Eubée et
l’Achaïe.
À l’hiver 341/340 Démosthène fut envoyé à Byzance, où il chercha à renouveler son alliance avec la ville et un nouvel accord
fut négocié. Grâce à des manœuvres diplomatiques de Démosthène, Abydos conclut également une alliance avec
Athènes. Ces développements inquiétèrent
Philippe II et augmentèrent sa haine contre Démosthène et
il protesta vivement auprès de l’Assemblée Athénienne.
L’Ecclésia, non seulement, mit de côté les griefs de
Philippe II contre la conduite de Démosthène, mais
elle dénonça le traité de paix. Ce faisant, s’éleva une déclaration officielle de guerre.
Avant la bataille de Chéronée
En 339
Philippe II fit sa dernière
et la plus importante manipulation pour conquérir le Sud de la Grèce, assisté par la position d’Eschine au Conseil Amphictyonique.
Lac ampagne du Roi de
Macédoine en Grèce fut liée à la
Quatrième Guerre Sacrée
(automne 339 à l’automne 338).
À l’instigation des Thébains, Amphissie (ou Amphissa) avait accusé
Athènes, en 340, devant le Conseil
Amphictyonique, d’avoir commis une faute de caractère religieux en installant une inscription. En fait les
Thébains étaient agacés parce que sur
cette inscription, il y était rappelé qu’au cours des
Guerres Médiques ils avaient pris
le parti des Perses. Eschine
(ou Aiskhínês, en Grec :
Αiσχίνης, v.390-314), représentant
d’Athènes, retourna la situation et démontra que c’était les
gens d’Amphissie (ou Amphissa) qui étaient des sacrilèges, car ils cultivaient la plaine de Crisa consacrée à Apollon et
avaient reconstruit le port détruit pendant la Première Guerre Sacrée,
ce qui était un mauvais présage. Le président du Conseil, un
Thessalien nommé Cottyphos (ou Cottyphus),
proposa la convocation d’un Congrès Amphictyonique pour infliger une punition
sévère aux Locriens. Le Conseil condamna Amphissie (ou Amphissa) et envoya des troupes pour dévaster les terres cultivées et
déclara une Guerre Sacrée contre Amphissie.
Buste de Démosthène – Copie Romaine d’un original de
Polyeucte – British Museum |
Après l’échec d’une première excursion militaire contre la Locride, la session d’été du Conseil Amphictyonique donna le commandement des
forces de sa Ligue à Philippe II et lui demanda de mener une seconde excursion.
Le Roi ne se fit pas prier, il avait là une trop bonne occasion qu’il saisit aussitôt. Ce fut un prétexte pour faire campagne en
Grèce, il est cependant probable que le Roi y serait allé de toute façon.
Au début de 339, les Thébains avaient pris la ville de Nicée près des
Thermopyles, où Philippe II avait une garnison depuis 346.
Le Roi ne semble pas avoir traité cela comme une déclaration de guerre, mais ça lui présenta néanmoins un problème important.
En effet cette action lui bloquait la route principale vers la
Grèce.
Cependant, deuxième chemin était possible, en traversant le mont Kallidromo (ou Callidromos, en
Grec : Καλλίδρομο)
dans le Sud de la Phthiotide et en redescendant sur la Phocide.
Les Athéniens et les
Thébains avaient soit oublié l’existence de cette route, ou pensaient
que Philippe II ne l’utiliserait pas et ils la laissèrent sans
surveillance. Les troupes de Macédoniennes entrèrent donc en
Grèce centrale sans opposition.
Le traitement relativement clément de Philippe II envers les
Phocidiens à la fin de la Troisième Guerre Sacrée,
en 346, allait maintenant porter ses fruits. Il arriva à Elatée (ou Elateia, en Grec : Ελάτεια)
vile de Phocide la plus importante après Delphes
qu’il prit et où il restaura les fortifications de la cité.
Cela fournit à Philippe II une base en
Grèce et de nouveaux alliés reconnaissants parmi les Phocidiens.
Le Roi arriva probablement en Phocide en Novembre 339, mais la
bataille de Chéronée n’eut pas lieu avant le mois d’Août 338.
Au cours de cette période il délégua sa responsabilité au Conseil Amphictyonique.
Dans le même temps,
Athènes orchestra la création d’une alliance avec : La
Première Ligue Achéenne, l’Acarnanie
(Région occidentale de la Grèce, délimitée au Nord par le golfe Ambracique et à
l’Ouest et au Sud-ouest par la mer Ionienne),
Corinthe,
Eubée,
Mégare
et d’autres États dans le Péloponnèse.
Par la ruse, il trompa une armée de 10.000 mercenaires qui gardaient la route menant à Amphissie (ou Amphissa ou Amfissa),
les obligeant à abandonner leurs postes, puis il s’empara de la cité, expulsa ses citoyens qu’il renvoya à
Delphes. Lorsque la nouvelle de l’arrivée des
Macédoniens à Elatée (ou Elateia) arriva à
Athènes (À trois jours de marche) ce fut la panique dans la ville.
Dans ce que George Cawkwell décrit comme son moment le plus fier, seul Démosthène conseilla de lutter contre le désespoir, et proposa que les
Athéniens cherchent une alliance avec les
Thébains. Son décret fut adopté, et il fut envoyé comme Ambassadeur.
Les arguments qu’il utilisa pour convaincre les
Thébains demeurent inconnus.
Philippe II de son côté envoya également une ambassade à
Thèbes, en demandant que les
Thébains le rejoigne, ou du moins lui permettre de passer à travers
la Béotie sans entrave. Étant donné que ces derniers n’étaient pas encore officiellement en guerre contre
Philippe II, ils auraient pu éviter tout conflit.
Cependant, en dépit de la proximité des armées
Macédoniennes et de leur inimitié traditionnelle avec
Athènes, les
Thébains choisirent de s’allier avec les
Athéniens, dans la cause de la lutte pour la liberté de la
Grèce.
L’armée Athénienne avait déjà été envoyée préventivement vers la Béotie,
afin qu’elle puisse se joindre éventuellement à la force Thébaine
quelques jours après l’alliance si celle-ci était convenue. Selon Plutarque (Philosophe, biographe et moraliste
Grec, 46-v.125), alors que les Athéniens et les
Thébains se préparaient pour la guerre,
Philippe II
fit une dernière tentative pour apaiser ses ennemis, proposant en vain un
nouveau traité de paix. Les détails de la campagne menant à la
bataille de Chéronée sont presque totalement inconnus.
Il est présumé que Philippe II fut empêché d’entrer en
Béotie par la route du mont Hélicon, comme les Spartiates
avaient fait à la bataille de Leuctres,
ou par l’un des autres cols qui conduisait de Phocide en Béotie. Il y eut certainement quelques escarmouches préliminaires.
Démosthène fait allusion dans ses discours à une “bataille d’hiver”
et une “bataille sur la rivière“, mais aucun autre détail n’a été préservé. Enfin, en Août 338, l’armée de
Philippe II marcha droit sur la route principale de Phocide à la Béotie,
pour faire face à la majeure partie de l’armée alliée qui défendait la route à Chéronée.
Philippe II attira la phalange des confédérés
d’Athènes et de
Thèbes dans une plaine près de Chéronée, où il les écrasa. Démosthène y combattu comme un simple
hoplite.
La haine du Macédonien contre Démosthène était telle que,
selon Diodore de Sicile
(Historien Grec, v.90-v.30), le Roi après sa victoire ricana des malheurs de l’homme d’État
Athénien.
Ses dernières actions politiques et sa mort
Après Chéronée
Philippe II infligea une punition sévère à
Thèbes, mais fit la paix avec
Athènes dans des conditions très clémentes.
Démosthène continua à plaider en faveur de la résistance au
Macédonien, par exemple dans son
Oraison funèbre des morts de la guerre, où il encouragea la fortification de la ville. Il fut nommé commissaire
chargé de la surveillance des travaux de reconstruction des fortifications et y contribua sur sa propre fortune. En 337,
Philippe II créa la
Ligue de Corinthe, une confédération
d’États Grecs sous sa direction, et retourna à Pella.
En 336, le Roi fut assassiné lors du mariage de sa fille,
Cléopâtre de Macédoine, avec le Roi
d’Épire,
Alexandre I (342-331).
L’armée Macédonienne proclama rapidement
Alexandre III (Alexandre le Grand, 336-323),
alors âgé de 20 ans, comme le nouveau Roi de Macédoine.
Les villes Grecques, comme Athènes et
Thèbes, virent dans ce changement de direction l’occasion
de retrouver leur pleine indépendance. Démosthène fêta l’assassinat de
Philippe II et joua un rôle de premier plan dans le soulèvement
de sa ville.
Selon Eschine, "Il était joyeux et le septième jour après la mort du Roi, bien que les cérémonies de
deuil ne furent pas encore terminées, il mit une guirlande sur sa tête et des vêtements blancs sur son corps…".
Démosthène envoya également des émissaires au Général Attalos (ou Attale, un proche de
Philippe II qui avait épousé sa nièce
Cléopâtre), qu’il considérait
comme un opposant interne d’Alexandre le Grand.
Ce dernier ne tarda pas à prendre la relève de son père et se présenta peu de temps après devant les portes de
Thèbes.
Quand les Athéniens apprirent
qu’Alexandre avait agit rapidement pour prendre
la Béotie, ils paniquèrent et supplièrent le nouveau Roi de
Macédoine de les épargner.
Alexandre le fit et n’imposa aucune sanction.
En 335 il se sentit libre d’engager les
Thraces et les
Illyriens, mais, alors qu’il faisait campagne dans
le Nord, Démosthène répandit une rumeur qu’un messager l’avait averti
qu’Alexandre et toute sa force expéditionnaire
avaient été battus par les Triballes (Peuples qui habitaient la Mésie).
Les Thébains et les
Athéniens se rebellèrent alors une fois de plus, financés par le Roi de
Perse,
Darius III (336-330). Il fut dit que
Démosthène reçut environ 300 talents pour le compte d’Athènes et il
fit face à des accusations de détournement de fonds.
Alexandre réagit immédiatement et en représailles
rasa Thèbes. Il n’attaqua pas
Athènes, mais demanda l’exil de tous les politiciens
anti-Macédoniens, Démosthène en premier. Selon
Plutarque (Philosophe, biographe et moraliste
Grec, 46-v.125), une ambassade
Athénienne spéciale dirigée par Phocion (Stratège et orateur
Athénien, 402-318), un adversaire de la faction
anti-Macédoniens, réussit à convaincre
Alexandre
de se laisser fléchir.
Buste d’Eschine – Copie Romaine
d’un original Grec du IVe s. av.J.C – Musée Pio-Clementino – Vatican
|
Malgré les initiatives infructueuses contre
Philippe II et
Alexandre, les
Athéniens respectaient toujours Démosthène. En 337/336, l’orateur
Ctésiphon proposa que la cité lui décerna une Couronne d’or, pour ses mérites, lors des Dionysiaques.
Cette proposition devint une question politique et, en 330, Eschine, attaqua le projet comme illégal sur des accusations
d’irrégularités juridiques dans son Contre Ctésiphon. Démosthène n’avait en effet pas rendu de compte à l’issue
de son mandat. Si Eschine avait raison d’un point de vue juridique, il s’agissait de toute évidence d’attaquer Démosthène
sur ses idées politiques et il poursuivit Ctésiphon.
Dans son discours le plus brillant, son Sur la couronne,
Démosthène écrivit lui-même la défense de son admirateur. Il défendit avec véhémence Ctésiphon et attaqua ceux qui auraient
préféré la paix avec la Macédoine.
Il ne se repentit pas de ses actions politiques passées et insista sur le fait que lorsqu’il était au pouvoir,
son but constant était l’honneur et l’ascendant de son pays et qu’à chaque occasion et dans toutes les affaires,
il conserva sa fidélité à Athènes.
Eschine fut finalement désavoué et dut s’exiler
En 324, ce fut au tour de Démosthène lui-même de prendre le chemin de l’exil, suite à l’affaire Harpale
(ou Hárpalos, ami d’enfance et trésorier
d’Alexandre, † en Crète en 323).
Ce dernier, à qui Alexandre avait confié
d’énormes trésors, s’était enfui pour se réfugier à
Athènes. L’Assemblée avait d’abord refusé de l’accepter, suivant
les conseils de Démosthène, mais finalement il fut accueilli dans la ville. Toutefois, il fut emprisonné après une proposition de
Démosthène et Phocion, malgré la dissidence d’Hypéride (ou Hypereídês, un des dix orateurs Attiques, 389-322), un homme d’État
ancien allié de Démosthène. En outre, l’Ecclésia décida de
prendre le contrôle de l’argent d’Harpale, qui fut confié à un comité présidé par Démosthène.
Lorsque le comité décida
de compter le trésor, il constata qu’il n’y avait seulement que la moitié de l’argent qu’Harpale avait déclaré posséder,
néanmoins, il décida de ne pas divulguer le déficit. Mais Harpale s’échappa et l’Aréopage mena une enquête et accusa Démosthène
d’avoir détourné une partie de l’argent placé sous séquestre. Pendant le procès, Hypéride soutint que Démosthène n’avait pas
révélé l’énorme déficit, parce qu’il était corrompu par Harpale. Démosthène fut condamné à une amende et fut emprisonné, mais il
s’échappa rapidement. Reste à savoir si les accusations portées contre lui étaient justes ou pas ?.
Il dut se retirer à Égine (Île Grecque du golfe Saronique), puis à Trézène (Cité du Péloponnèse, sur la côte
Nord de l’Argolide), mais, en 323, il fut rappelé à
Athènes par le peuple, qui abrogea la peine, suite à la mort
d’Alexandre.
Il y prononça de nouveau des discours anti-Macédoniens,
où, encore une fois, il exhorta les
Athéniens à rechercher l’indépendance de la
Macédoine dans ce qui resta connu sous le nom
de Guerre Lamiaque (ou Guerre Hellénique). Cependant,
Antipatros (ou Antipater, Régent de
Macédoine, 321-319), successeur
d’Alexandre, après la défaite de Crannon,
réprima toute opposition et exigea que les
Athéniens sanctionnent Démosthène et Hypéride, entre autres.
Suite à sa demande, l’Ecclésia adopta un décret condamnant
à mort les agitateurs anti-Macédoniens les plus éminents.
Démosthène fut forcé de nouveau à fuir, cette fois en compagnie d’Hypéride, pour échapper aux soldats
d’Antipatros.
En 322, il se réfugia dans le temple de Poséidon situé dans l’île de Calaurie (ou Kalaureia, l’actuelle Poros),
au large de l’Argolide. Plutarque
rapporte qu’il fut abordé dans le temple par un dénommé Archias, confident
d’Antipatros
(ou Antipater).
Celui-ci voulut attirer Démosthène hors de l’enceinte sacrée en lui promettant
la vie sauve. Démosthène refusa, et, prétendant écrire une lettre à sa famille,
s’empoisonna en mordillant l’extrémité de son calame, comme il avait l’habitude
de le faire en réfléchissant. Démosthène, sûr désormais que le poison allait
bien faire effet, se découvrit et aurait dit à Archias :
“Tu peux maintenant, te hâter de jouer le Créon de la tragédie et faire jeter ce corps sans sépulture. Pour moi, ô cher
Poséidon, je sors encore vivant de ton temple, tandis qu’Antipatros et les Macédoniens n’ont même pas respecté la pureté de
ton temple”.
D’après Démocharès (Orateur et homme d’État
Athénien, membre du parti démocratique, v.355-v.275) qui était son neveu,
Démosthène ne mourut pas du poison. Les Dieux, par une
faveur et une providence particulières, lui envoyèrent une mort prompte et douce, pour le soustraire à la cruauté
des Macédoniens.
Des années après le suicide de Démosthène, les
Athéniens érigèrent une statue en son honneur et décrétèrent que l’État
devrait fournir des repas à ses descendants dans le Prytanée (Foyer central et feu sacré, représentant l’unité et la vitalité
de la communauté).
Sa famille
Selon
Plutarque
(Philosophe, biographe et moraliste Grec, 46-v.125), Démosthène fut marié une fois. La seule information sur sa femme,
dont le nom est inconnu, est qu’elle était la fille d’Héliodore, un éminent citoyen. Démosthène avait aussi une fille,
"La seule qui l’ait jamais appelé père“, selon Eschine dans une remarque incisive. Sa fille
mourut jeune et célibataire, quelques jours avant la mort de
Philippe II (359-336).
Bibliographie
Pour d’autres détails sur Démosthène voir les ouvrages de :
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– Le monde grec antique, Hachette université, Paris, 1978.
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– The Macedonian Empire : The era of warfare under Philip II and Alexander the Great, 359-323 B.C., McFarland,
Jefferson, 1998 – 2004.
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– Athènes : Des origines à 338 av. J.-C., Presses Universitaires de France, Paris, 1997.
Terry Buckley :
– Aspects of Greek history 750–323 BC, Routledge, London, 1996.
Howard Crosby Butler :
– The story of Athens : A record of the life and art of the city of the violet crown read in
its ruins and in the lives of great Athenians, Century Co., New York, 1902 – Gardners Books, 2007.
Pierre Carlier :
– Démosthène, Fayard, Paris, 1990 – SEI, Torino, 1994.
– Les qualités du bon orateur selon Démosthène, Fayard, Paris, 1991.
Robert Cohen :
– Athènes, une démocratie : De sa naissance à sa mort, Fayard, Paris, 1936.
Jacqueline De Romilly :
– La Grèce antique contre la violence, Éditions de Fallois, Paris, 2000 – En anglais,
Ancient Greece against violence, To Asty, 2001 – En espagnol, La Grecia antigua contra La violencia,
Collection : B. Nueva Cultura, Gredos, Madrid, Avril 2010.
Alexander Düren :
– Die rezeption des Demosthenes von den anfängen bis ins 17.Jh, R. Habelt, Bonn, 2014.
Daphné Halin :
– Vivre à l’époque de la Grèce antique : Athènes classique, 525-322 av.J.C, Éditions Time-life, Amsterdam, Paris, 1998.
Mogens Herman Hansen et Serge Bardet :
– La démocratie athénienne à l’époque de Démosthène : structure, principes et idéologie, Les Belles lettres,
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– Aeschines and Athenian politics, Oxford University press, New York, 1995.
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– Demosthenes : The origin and growth of his policy, Octagon Books, New York, 1938 – 1943 – 1963.
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Georges Mathieu :
– Démosthène, l’homme et l’œuvre, Boivin, Paris, 1948.
Claude Mossé :
– Démosthène ou les Ambiguités de la Politique, Armand Colin, Paris, 1994.
– Politique et société en Grèce ancienne : Le modèle Athénien, Aubier, Paris, 1995.
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– The Rhetoric of law in fourth-century Athens, The Cambridge Companion to Ancient Greek Law edited by Michael
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