La présentation et
le contexte
Megiddo (En
Hébreu :
מגידו,
en Égyptien :
Mktj Meketi, en
Assyrien : magidū,
en arabe : مجیدو) est située à environ 90 km. au Nord de
Jérusalem et à 31 km. au Sud-ouest
de la ville actuelle de Haïfa. C’est une colline dans l’Israël d’aujourd’hui près du kibboutz de
Megiddo, connu pour des raisons historiques,
géographiques et théologiques. Dans l’antiquité Megiddo fut une importante cité-État.
Vue aérienne du site |
La première bataille de
Megiddo (En
Hébreu :
קרב מגידו) se déroula entre les forces
Égyptiennes sous le commandement du Roi
Thoutmosis III
(1479-1425) et celle d’une grande coalition rebelle d’États
Cananéens
vassaux menés par le Prince de Kadesh.
C’est la première bataille de l’histoire dont les détails, très précis et relativement fiables, nous soient connus.
Megiddo vit aussi la première utilisation de l’arc composite et le premier décompte des corps. La victoire fut
Égyptienne et l’ennemi se réfugia dans
Megiddo,
qui se rendit après un siège de sept mois. En rétablissant la domination
Égyptienne au Levant,
Thoutmosis III
commença un règne où l’Empire
Égyptien atteignit sa plus grande étendue.
La datation
Aujourd’hui encore les spécialistes ne sont
pas d’accord (Comme pour beaucoup de chose sur l’Égypte) sur
les dates à laquelle se déroulèrent ces faits.
Différentes dates ont été proposées : On trouve entre la période de 1450 à 1457, celle de 1480 à 1482 et celle de 1470 à 1479.
Pour certains, l’ancien compte Égyptien donne la date de la bataille le
21e jour du premier mois (Pakhon) de la troisième saison (Shemou),
de l’an 23 du règne de Thoutmosis III.
Il a été affirmé que cela donnait le 14 ou 15 ou 16 ou le 26 Avril 1457. Comme dit plus haut, d’autres publications placent la bataille en 1482 ou 1479.
Les annales de Thoutmosis III à Karnak |
Les sources
La source la plus importante de la campagne, où l’on trouve tous les détails et le compte rendu
sur la bataille, provient principalement des
Égyptiens. Elle fut écrite dans une longue inscription que le Roi fit graver sur les parois du mur Nord du temple
d’Amon-Rê
à Karnak. Elle fut rédigée par le scribe de l’armée Tjanouny (ou Tjenen ou
Thanuny) en un texte de 225 lignes, chacune mesurant 25 m. de long. Les historiens
l’appellent les Annales de Thoutmosis III.
Dans ces annales le texte est une forme révisée d’un journal quotidien, que l’écrivain fit au cours de la campagne.
Bien que les sources
Égyptiennes aient toujours tendance à l’exagération pour des raisons idéologiques, afin de montrer leur supériorité sur les étrangers, les annales de
Thoutmosis III sont largement considérées comme une source d’événements
relativement fiables.
Les sources pour les campagnes de Thoutmosis III sont plus détaillées
que pour toutes autres dans l’histoire Égyptiennes.
Néanmoins, Martin Noth souligne que les dates des extraits, les données et les lieux ne sont pas précis.
De plus il est important de préciser que ces faits ne sont pas relatés par ordre
chronologique et les descriptions sont souvent courtes et peu précises. D’autre
part, une partie des annales est perdue, parfois les archéologues retrouvent des
morceaux dans le grand temple de Karnak. Une des difficultés pour les guerres de
ce Roi concerne la traduction et la localisation des listes géographiques, plus
de 350 noms.
Ainsi, il peut y avoir un écart entre les faits historiques et ceux développés.
Une autre source importante des événements est une stèle de
Thoutmosis III dans la lointaine Napata (Gebel Barkal) qui y fut érigée. Elle fournit aussi des détails importants des campagnes.
Cependant, elle a une révélation très différente des événements, de celle des annales. Les textes font partie d’un résumé des réalisations accomplies
par le Roi lors de l’an 25 de son règne. Une autre stèle de granit rose retrouvée à Armant, contient un résumé des points
forts du règne du Roi. Le texte d’un genre littéraire est l’éloge du souverain. Enfin les autres sources faisant mentions de la campagne sont :
Une inscription de l’an 23 sur un pilier du temple de Bouhen. Un décret au temple de Karnak.
Dans la moitié Nord du 6e pylône du temple Karnak sont mentionnés les sacrifices que le souverain fit après la campagne au Dieu
Amon.
Relief du temple de Karnak montrant Thoutmosis III tuant des Cananéens captifs de la bataille de Megiddo
Photo avant retouches :
wikipedia.org |
Le déroulement
Thoutmôsis III (1479-1425)
fut un grand conquérant, il est largement considéré comme un génie par les historiens militaires et, de
ce fait, il est surtout remarqué pour ses activités guerrières, dont nous connaissons la chronologie grâce au mur dit "Des annales" qui
entourait le sanctuaire d’Amon à
Karnak, mais aussi grâce à son scribe royal et commandant de l’armée, Tjanouny (ou Tjenen ou Thanuny), qui décrit toutes ses conquêtes au cours de son règne.
Dès sa prise de pouvoir, après la mort de la Reine Hatchepsout,
Thoutmôsis III reprit la politique d‘expansion de son père. Il
porta le Nouvel Empire à son apogée.
Il mena 16 (on trouve aussi 17) campagnes en vingt ans pour établir un contrôle total sur la
Syrie/Palestine et une en Nubie pour consolider la domination
Égyptienne.
La première fut en l’an 22/23, à la tête de 10.000 soldats, chars, archers et fantassins, suivis par les convois de l’intendance.
Elle fut faite pour écarter la menace que faisait peser une coalition de Princes
Syriens,
autour du Prince de Kadesh (ou Qadesh), située sur les bords de l’Oronte,
qui avait pris la tête des coalisés, soutenue par le Mitanni
l’éternel rival de l’Égypte.
Selon
Georg Steindorff, le Roi aurait craint une invasion dirigée par les
descendants des Rois d’Avaris,
les textes de l’époque parlent eux plus d’une action dans le but d’agrandir les frontières du pays.
La date de départ réelle de
Memphis de l’armée
Égyptienne
n’est pas mentionnée dans les annales, mais sur la stèle d’Armant.
Elle partit le 25e jour, du 4e mois (Pharmouti), de la saison Peret, de l’an 22
(Soit pour certains le 10 Mars ou pour d’autres le 31 Mars).
Elle passa la forteresse de Tjarou (ou Zaru ou Tharu ou Djaru ou Tjel, connue des
Grecs sous le nom de Zele ou Silé) à la limite Nord-est du Delta
et atteignit Gaza en à peine 10 jours (on
trouve aussi 9, près de 300 km., soit pour certains le 9 Avril), qui fut prise d’assaut et où elle cantonna afin de se réapprovisionner.
Thoutmôsis III – Statue en granit
– Musée du Caire
|
Puis, dès le lendemain, elle reprit sa progression et 11 jours plus tard, après une marche de 117 km., elle arriva à Yehem (ou Yemma au
pied du mont Carmel), nous étions le 16e jour, du 1er mois (Pakhon) de la
saison Shemou, de l’an 23 (Soit pour certains le
11 mars et pour d’autres le 21 Avril).
L’histoire ne dit pas si la ville résista ou pas, quoi qu’il en fût, elle ouvrit ses portes au souverain
Égyptien.
Le Roi apprit alors que la coalition ennemie était stationnée dans la ville de
Megiddo, à 30 km. au Nord de sa position.
Cette cité, où se déroula la bataille, était au débouché des passes du mont Carmel, au carrefour de plusieurs pistes commerciales et militaires
menant vers la côte Méditerranéenne et la Mésopotamie.
En raison de sa position stratégique de première importance, les coalisés y avaient concentré leurs troupes.
Le Roi envoya des éclaireurs reconnaître les environs.
À ce moment plusieurs solutions s’offrirent à lui pour atteindre
Megiddo. La route du Nord, par Ziftá (ou Zefti ou Djefti) et la route du Sud, par Taanakh, obligeaient l’armée à avancer en terrain découvert
dans la vallée de Jezréel. Par contre, la route centrale, plus courte, par le dangereux défilé rocheux d’Arouna (Moderne Ouadi Ara)
traversant les montagnes, permettrait éventuellement de surprendre les coalisés.
Toutefois dans ce défilé étroit les troupes ne pouvaient passer qu’en file indienne. Si l’ennemi attendait à la sortie, l’armée n’avait pas le temps de se
déployer et les Égyptiens seraient massacrés.
Malgré une armée éreintée et contre l’avis de son état-major, le Roi choisit l’option la plus dure, mais aussi celle que ses ennemis étaient loin de
se douter qu’il prenne.
Il avait pensé que si ses Généraux lui conseillaient de prendre la route facile, alors son ennemi aurait aussi supposé qu’il le ferait.
Trois jours après (Le 3 Avril ou le 13/14 Avril), Thoutmôsis III
arriva à Arouna. Le Prince de Kadesh (ou Qadesh) avait laissé d’importants
détachements d’infanterie pour garder les deux voies les plus susceptibles d’être prises par les
Égyptiens et pratiquement ignoré Arouna.
La passe n’était pas gardée, ou du moins pas suffisamment.
Pour réduire le risque, Thoutmôsis III mena lui-même ses hommes à travers
le col et les Égyptiens s’en rendirent maître rapidement.
Dès le lendemain (le 4 Avril ou le 14/15 Avril ou le 21 Avril-1457) à l’aube, ils arrivèrent sous les murs de
Megiddo, légèrement gardés, où l’ennemi était cantonné.
Un second conseil de guerre se tint alors. Que faire ?, agir rapidement ou attendre le reste de l’armée pour attaquer au complet l’ennemi ?.
Les officiers, comme au premier conseil, voulaient jouer la sécurité et demandèrent d’attendre le regroupement.
Thoutmôsis III accepta.
Un campement s’installa au Sud de Megiddo
et durant toute la journée suivante (le 4/5 Avril ou le 14/15 Avril ou le 22 Avril-1457), toute l’armée
Égyptienne s’organisa, prépara l’armement, remonta les chars,
attela les chevaux. Côté ennemi, nous ne savons pas que fut la réaction.
Sans doute l’étonnement et la peur, car le gros de l’armée était dispersé sur les routes Nord et Sud. À l’aube du 5 avril, tout était prêt.
Sans attendre, Thoutmôsis III lança une attaque rapide contre la coalition.
À en croire les textes Égyptiens,
Megiddo aurait été un grand affrontement.
Mais il semble plutôt que l’affrontement ait tourné court très rapidement.
L’armée ennemie n’était pas aussi homogène que celle des
Égyptiens, avec tous les problèmes de coordination et de
communication que cela implique. Ce fut la débâcle parmi les troupes adverses, celles-ci abandonnèrent leur équipement, chars, or, argent, tentes etc..,
et s’enfuirent dans la campagne avoisinante. Une partie essayant de se réfugier dans la cité se faisant hisser en haut des remparts comme de vulgaires sacs.
Malheureusement pour nous, les Annales égyptiennes donnent très peu de détails sur la bataille et son déroulement.
Les rebelles dispersés Thoutmôsis III
entra dans la vallée sans opposition. Cette première victoire de Thoutmôsis III
est due en partie à sa position stratégique sur le terrain. Les Égyptiens,
déployés de chaque côté de la rivière Kyna, menaçaient les deux flancs
Cananéens et étaient en surnombre et sur une hauteur.
Sur ce terrain les chars de la coalition ne furent d’aucune utilité, de plus, du fait de la disparité des peuples qui la composait, qui ne parlaient
sûrement pas tous la même langue et n’étaient pas habitués à manœuvrer ensemble, il lui fut difficile de réagir rapidement.
Malgré cet avantage, tant les Égyptiens que les
Cananéens
estimèrent avoir perdu environ 1.000 chars et 10.000 hommes d’infanterie.
Les Égyptiens
pillèrent le camp ennemi et prirent 924 chars et 200 armures et ils pourchassèrent les fugitifs.
Malheureusement pour eux, au cours de cette confusion, les forces
Cananéenne dispersés, y compris les Princes de
Kadesh
(ou Qadesh) et Megiddo, purent rejoindre des défenseurs
à l’intérieur de la citadelle. Les Égyptiens
étaient à partir de ce moment en très net avantage, cependant leur manque d’expérience dans les assauts de cités fortement murées fit qu’ils ne parvinrent
pas à prendre la ville.
Thoutmôsis III décida alors d’y mettre le
siège en faisant encercler la cité par de larges fossés et une palissade de bois. La dernière récolte ayant été confisquée par les
Égyptiens,
après un siège de sept mois la ville finit par se rendre pour ne pas mourir de faim, mais le Prince de
Kadesh (ou Qadesh) réussit à s’échapper. La reddition de la cité livra la
Palestine à
Thoutmôsis III.
Ruines au sommet du Tel |
Le scribe Tjanouny (ou Tjenen ou Thanuny) qui accompagnait l’armée dressa un décompte précis du butin.
Celui-ci est inscrit sur les murs de Karnak :
“L’armée victorieuse remporta 340 prisonniers (sqrw cnxw), 2.041 juments
(ssmwt),
191 poulains (msywt nywt ssmwt), 6 étalons (jbrw),
un char (wrrt) incrusté d’or ayant appartenu au Grand de Megiddo,
924 chars ayant appartenu à sa méprisable armée, 200 armures (mssw n cHA “tuniques de combat”),
502 arcs (pDwt), 1.929 bovins (jwAw),
2.000 grandes chèvres (cwt wrwt), 20.500 moutons
(cwt HDt)”.
La ville et les citoyens furent épargnés, mais pour s’assurer la loyauté des vaincus,
Thoutmôsis III emmena en
Égypte
les femmes et les enfants ayant appartenu à l’ennemi, de même que les femmes des Chefs qui s’étaient joints à la coalition. Sa victoire sur les Asiatiques, la
première d’une longue série, valut un immense prestige au Roi.
Même les pays qui échappaient à l’hégémonie
Égyptienne envoyèrent du tribut en hommage :
Chypre, le pays de
Hatti, la lointaine
Babylone. Tous les souverains et Princes de
Syrie envoyèrent des présents à Thoutmôsis III en guise d’allégeance,
même le Roi d’Assyrie
Nur Ili (1464-1454) lui fit porter des cadeaux somptueux. Ce dernier en effet était menacé par les
Mitanniens et
espérait la protection Égyptienne.
Thoutmôsis III poursuivit ensuite vers
Tyr,
puis il brisera au cours des trois campagnes suivantes, de l’an 24 à l’an 29, la branche occidentale de la
coalition avec la prise de
Kadesh. L’Égypte possédait alors le contrôle des ports de la
Méditerranée jusqu’à Arwad
(ou Aradus ou Arados ou Arvad ou Arpad ou Antioche en Pieria ou île de Ruad) en
Syrie.
Bibliographie
Pour d’autres détails sur la bataille voir les ouvrages de :
Eric H.Cline :
– The battles of Armageddon: Megiddo and the Jezreel valley from the bronze age to the nuclear age,
University of Michigan Press, Ann Arbor, 2000 – Mai 2002.
Eric H.Cline et
David O’Connor :
– Thutmose III : A new biography, University of Michigan Press, Ann Arbor, Mars 2006.
Kelly DeVries :
– Battles that changed history : 1457 BC-AD 1991, Trans Atlantic, Croxley Green, 2010.
Andrew Duncan et Michel Opatowski :
– War in the holy land : From Meggido to the west bank, Gloucestershire : Sutton Pub., Stroud, 1998.
Trevor Nesbit Dupuy :
– The evolution of weapons and warfare, Bobbs-Merrill, Indianapolis, 1980.
David Eggenberger :
– An Encyclopedia of battles : Accounts of Over 1,560 battles from 1479 B.C. to the Present, Dover Publications, Newburyport, 2012.
Raymond Oliver Faulkner :
– The battle of Megiddo, pp : 2-15,
JEA 29, London, 1942.
Richard A.Gabriel :
– Egypt, Megiddo – 1479 B.C, Army War College (U.S.), Department of National Security and Strategy, Carlisle Barracks, 1992.
– Thutmose III : The military biography of Egypt’s greatest warrior king, Potomac Books, Washington, D.C., 2009.
Hans Goedicke :
– The battle of Megiddo, Halgo, Baltimore, 2000 et Août 2001.
Hans Wolfgang Helck :
– Das datum der schlacht von Megiddo,
MDAIK 28, le Caire, 1972.
Harold Hayden Nelson :
– The battle of Megiddo, University of Chicago, Chicago, 1921.
Martin Noth :
– Die annalen Thutmoses III. als geschichtsquelle, pp : 156–174, Zeitschrift des Deutschen Palästina-Vereins 66.(ZDPV), 1943.
Donald Bruce Redford :
– The wars in Syria and Palestine of Thutmoses III, Culture and history of the ancient near east 16, Leiden Brill, Mai 2003.
Anthony John Spalinger :
– War in ancient Egypt, Collection : Ancient World at War, Blackwell Publishing Ltd, Décembre 2004.
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