La bataille de Kadesh, représentation dans le temple d’Abou Simbel
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Le contexte
Cinq
ans après la mort de Séthi I, son fils
Ramsès II (1279-1213) allait reprendre officiellement les hostilités
contre les Hittites.
Car la victoire en Amourrou
de Séthi I, bien qu’importante, ne permettait pas de stabiliser la présence
Égyptienne
au loin, au Nord, car les Hittites
avaient repris
Kadesh.
Le Pharaon était conscient que pour garder la Syrie/Palestine, il lui fallait prendre cette ville qui était un point stratégique en
Amourrou.
Ramsès II porta donc son effort au Proche-Orient.
Il pacifia tout d’abord la Palestine,
les objectifs des deux campagnes restent flous. Il était néanmoins présent sur le fleuve Lycus (Aujourd’hui Nahr el-Kelb, Liban) prélude à l’offensive contre
l’Amourrou.
En Hatti, le Roi
Mouwatalli II (1295-1272)
était lucide des intentions du Pharaon et il savait très bien que l’Égypte
devait récupérer absolument
Kadesh
si elle espérait reprendre un jour le contrôle de la Syrie. Si son royaume
tombait entre leurs mains, les Hittites risquaient
de perdre tout le Nord et le centre de la Syrie, dont les villes stratégiques
d’Alep
ou Karkemish.
Cependant il avait un nouvel atout en main qu’ignorait peut-être
Ramsès II. En effet, il venait de
signer un traité de paix avec les Assyriens, ce qui fait qu’il pouvait
maintenant se concentrer sur un seul front. Il réunit alors une immense armée composée d’une coalition de près de vingt peuples de ses vassaux
Anatoliens et Syriens.
Bataille de Kadesh de Ramsès II sur le mur extérieur de la salle
hypostyle de Karnak |
Ainsi, aux
Hittites, vinrent se joindre :
L’Arawanna (Irwnt en Anatolie) ;
L’Arzawa (‘IrTw) ;
Les Denyen (Drdny ou Dananéens ou Dardaniens de Troade) ;
Les Gasgas (KSkS ou
Kaska ou Kaškäer ou Kaschkäer ou Gaschgesch ou Gašgeš ou
Krchkch Keschkesch ou Keske, des rives de la mer Noire) ;
Halba (#lb ou Alep,
dirigée par Talmi-Sarruma qui fut le petit-fils de
Souppilouliouma I) ;
Inouna (Ins ou Inesa, localisation inconnue) ;
Karkemish
(KrkmS) ; Karkisa (KrkS ou
Carie) ;
Kadesh (QdS) ;
Le Kedy (Qd une zone mal définie dans le Nord de la Syrie) ;
Le Kizzuwatna
(QDwdn) ;
Les Lukka (Lk ou Luka ou
Loukou ou Lyciens) ;
Masa (Ms ou Mysie) ;
Les Mouchaset (MwSAnt ou Mushanet, localisation inconnue) ;
Les Nouges (Nwgs ou Nuhhašši en Syrie) ;
Le Naharina (Nhrn ou
Mitanni) ;
Ougarit (akrT) ;
Pidasa (PdsPds ou Pitassa en Anatolie centrale) et peut-être d’autres petits vassaux, soit environ 30.000 hommes,
dont 3.000 chars.
Les préparatifs
Fin Mai 1274, Ramsès II
mobilisa une puissante armée. Il partit de sa capitale
Pi-Ramsès (on trouve aussi
Memphis selon les sources ?) vers le Nord à la tête de cette immense troupe.
Ramsès II conduisit personnellement l’armée de quatre divisions aux noms :
D’Amon,
Ptah,
Rê
(P’re) et Seth (Suteh).
Elles étaient constituées de 2.500 chars, de 1.900 soldats
Égyptiens auxquels s’ajoutait également une troupe peu documentée appelée :
nrrn "Ne’arin" ou "Nearin", de 2.100 mercenaires, peut-être
Cananéens
(voir ci-dessous), qui avaient voué allégeance à
l’Égypte,
et des Shardanes (^rdn.w, ou Sardanes ou Sherden ou Shirdana ou Chardanes), issus des
Peuples de la mer, qui allaient jouer un rôle crucial dans
la bataille soit au total au moins 15.000 hommes.
Représentation de la scène de la
bataille de Kadesh gravée sur le mur Sud de la salle hypostyle de Karnak |
L’expédition se déroule sans difficulté et fut menée à un train d’enfer afin de surprendre les
Hittites.
Certains spécialistes avancent qu’elle passa en Canaan,
par une route longeant la mer, puis en Galilée, puis remonta par la plaine de la Bekaa pour s’enfoncer
en Amourrou jusqu’à
Kadesh.
Les spécialistes ne sont pas d’accord pour savoir si le Pharaon arriva à
Kadesh par le Sud ou par l’Ouest.
On ne situe toujours pas précisément la vallée des Sapins, et encore moins la ville de Ramsès-Mériamon, lieux que l’armée
Égyptienne traversa.
Selon le récit Égyptien, l’armée et le Pharaon atteignirent
une hauteur au Sud de Kadesh, identifiée à Quamouat el-Hermel
(ou Kamouh el Hermel, au Nord de la vallée de la Bekaa sur le cours de l’Oronte) et située à environ 25 km. du lieu de la future bataille.
L’unique réalité géographique connue est l’Oronte.
Char de guerre Hittite
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Lorsqu’il vit cette force impressionnante arriver le Roi
d’Amourrou,
Benteshina
(ou Bentešina ou Pendishena, 1280-1274, puis de 1260-v.1230) choisit finalement de se rallier à
Ramsès II, alors que depuis le Roi
Azirou son pays était vassal des
Hittites. Il rompu de ce fait le traité
passé par son prédécesseur avec les
Hittites.
Benteshina joignit ses
forces aux troupes Shardanes dont il prit le commandement.
Le déroulement
Le champ de bataille se trouvait sur la plaine au
Sud de la ville et à l’Ouest de l’Oronte. Cette bataille est considérée comme le plus grand affrontement de chars de tous les temps
(Entre 5.000/6.000 pour les deux parties). Elle est décrite en détail dans un long poème
épique d’un scribe connu sous le nom de Penthaour qui est un recueil de souvenirs de guerre. Il nous apprend que les habitants de
Kadesh avaient détourné la rivière par un canal ce qui avait
transformé la ville en une île virtuelle et la rendait imprenable. L’armée
Égyptienne s’étirait sur plusieurs kilomètres et seule la division d’Amon était
proche du Pharaon et de l’unité qui l’accompagnait. Il n’y avait pas d’ennemi à l’horizon.
Les espions Shasous montrés après avoir été fait prisonnier par les Égyptiens |
Ramsès II
était dans les environs de la ville de Shabtouna (Une vingtaine de km. au Sud de
Kadesh)
lorsque deux espions Hittites, des
Shasous (Shsw
"vagabond"), traversant le bois de Labouy, se présentèrent au Pharaon. Ils prétendirent que leur tribu se soumettrait à lui.
Ils réussirent à convaincre les Égyptiens que
Mouwatalli II, craignant
Ramsès II, avait préféré rester avec son armée aux
environs d’Alep.
Ramsès II croyant ces paroles et pensant
être tranquille fit installer son camp sur la rive Ouest de l’Oronte, à proximité de la forteresse, sans attendre le renfort de ses divisions
qui le suivaient à plusieurs heures de marche. Le camp
Égyptien s’organisa en toute quiétude alors que la division d’Amon
était toujours en marche vers le camp. Seule était avec lui une partie la division de
Ptah.
La division d’Amon finit par rejoindre
Ramsès II.
Toutefois, au même moment, après un interrogatoire, les bédouins finirent par avouer que l’armée
Hittite était en fait tout près, cachée
derrière la ville sur la rive Est de l’Oronte. Ordre fut alors donné de hâter la marche de la division de
Ptah encore en partie au Sud du gué tandis que la division de
Ré se trouvait entre le camp et le gué.
Le Pharaon envoya alors des messagers prévenir du danger, ces divisions à l’arrière.
Représentation de la bataille de Kadesh –
Le Caire – Village pharaonique |
Celles-ci eurent à peine le temps de prendre connaissance du message.
L’armée de Mouwatalli II apparut brutalement au Sud de
Kadesh, traversa le fleuve et attaqua la division de
Rê prise au dépourvu qui tentait de rejoindre le campement et l’écrasa.
Elle fondit alors sur le camp Égyptien
qu’elle commença à piller alors que la division de Ptah traversait encore à peine l’Oronte
et que celle de Seth se trouvait encore
dans le bois de Labouy. Ramsès II et la division
d’Amon se retrouvèrent donc seuls face aux 2.500 chars et
aux milliers de fantassins de Mouwatalli II.
Ils furent décimés et ils étaient sur le point de se rendre. Mais le temps que perdirent les
Hittites à piller fut une chance pour les
Égyptiens.
Ce début de pillage laissa le temps d’organiser un soupçon de défense.
Selon la légende Ramsès II, allant au combat, n’hésitant pas à
risquer sa vie, aurait alors demandé de l’aide au Dieu Amon et avec le
pouvoir de ce dernier, il se serait jeté dans la bataille pour massacrer l’ennemi.
Nous sommes sans doute loin de la réalité, car la résistance du camp ne pouvait à elle seule sauver la situation.
Toutefois, les Shardanes (^rdn.w, ou Sardanes ou Sherden ou Shirdana ou Chardanes), qui constituaient sa garde,
résistèrent jusqu’à l’arrivée des renforts de la division de Ptah,
sûrement enrichie des derniers hommes de la division de Rê, mais sa "victoire"
Ramsès II la dut surtout à l’arrivée d’une autre unité
qui visiblement était indépendante des 4 divisions : Les Néarins (ou Ne’arin), composés de soldats à pied et d’une bonne charrerie.
Représentation de la bataille de Kadesh 1274 –
Ramsès II sur son char – Temple d’Abou Simbel |
Les Néarins (ou Ne’arin) bousculèrent les
Hittites, les forçant à reculer en désordre vers l’Oronte, provoquant de nombreuses noyades, sans que le Roi
Hittite ne put lancer
sur eux une contre-attaque, provoquant ainsi la mort de plusieurs officiers ennemis. Ils durent aussi faire face à l’arrivé, enfin, de la division de
Seth. Ils comprirent alors qu’ils allaient être massacrés et ils n’eurent d’autre
choix que de se replier, mais ils subirent de lourdes pertes.
Qui étaient donc les Néarins (ou Ne’arin) qui sauvèrent la situation ?, les spécialistes encore aujourd’hui ne sont pas d’accord.
Pour certains, il s’agit sans doute d’Égyptiens
car les représentations de cette troupe montrent des Égyptiens.
Pour d’autres (Idée généralement retenue), les Néarins, étaient les forces
d’Amourrou de
Benteshina ?.
Stèle de la bataille de Kadesh –
Musée du Louvre
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La question est de savoir s’il s’agissait d’une troupe composée de soldats des divisions
Égyptiennes ou d’une troupe totalement indépendante ?.
Pour Pierre Grandet,
il pourrait s’agir d’une troupe servant de couverture à
Ramsès II alors en position près de
Kadesh,
afin de surveiller les environs et prévenir tout mouvement ennemi et il semble que les
Hittites n’avaient pas connaissance de la présence des Néarins au Nord du camp
Égyptien.
Dans tous les cas, grâce à eux le Pharaon fut en mesure de reprendre l’initiative.
Au soir de la première journée, le bilan était sans doute lourd chez les deux adversaires.
La nuit permit aux Égyptiens de regrouper les divisions.
La 2e journée de la bataille n’est pas connue en détail et le Roi
Hittite, Mouwatalli II, n’ayant plus l’avantage de la surprise,
se retrouvait face à l’armée
Égyptienne au complet. Il n’y eut pas vraiment de vainqueur à cette bataille, mais les deux camps déclarèrent l’avoir gagné. Le lendemain,
Mouwatalli II
aurait envoyé une proposition d’armistice et demandé la clémence à Ramsès II
qui lui accorda bien volontiers, sûrement pressé de quitter la région.
Il rentra en Égypte sans avoir pris
Kadesh.
Il fit graver sur le mur de plusieurs temples, comme à Abou Simbel, le récit de sa "grande victoire" sur les troupes
Hittites.
Traité de Kadesh – Museum of the Ancient Orient |
Cependant Mouwatalli II ne fit pas immédiatement
retraite vers sa capitale Hattousa.
Du fait du recul des Égyptiens, les
Hittites profitèrent de la
situation pour descendre vers le Sud. Benteshina se
retrouva isolé et abandonné à ces derniers qui reprirent l’Amourrou
et la région Syrienne de Ube (ou Upe), près de la cité-État
Araméenne de Damas.
Mouwatalli II captura le Roi et donna son royaume à un homme de
leur confiance, Shapili (ou Šapili, v.1274-v.1260), qui fut nommé Roi
d’Amourrou. Par la suite un traité de paix fut
signé entre les deux grandes puissances et avec lui le partage de la
Syrie avec les Hittites
donna à l’Égypte une paix relative de plus de quarante ans.
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Pour d’autres détails voir
l’article :
Kadesh |
Bibliographie
Pour d’autres détails sur les
batailles voir les ouvrages de :
James Henry Breasted :
– The battle of Kadesh : A study in the earliest known military strategy, The University of Chicago Press, 1903.
Trevor Bryce :
– The Kingdom of the Hittites, Clarendon Press, Oxford, 1998 – Oxford University Press, New York, 1998.
Ernst Deissinger et Sascha Priester :
– Als Pharao Ramses gegen die hethiter zog, Deutscher Taschenbuch Verlag, München, 2004.
Robert Du Mesnil du Buisson :
– Le site de Qadesh Tell Nebi Mend,
Imprimerie de l’IFAO,
Le Caire, 1936 et 1938.
Raymond Oliver Faulkner :
– The battle of Kadesh,
MDAIK 16, Le Caire, Mainz, 1958.
Gerhard Fecht :
– Ramses II und die schlacht bei Qadesch (Quidsa), pp : 23–54,
GM 80, Göttingen, 1984.
– Nachträge zu meinem, das poème über die Qadesch-Schlacht, pp : 55–58,
GM 80, Göttingen, 1984.
John Garstang :
– The land of the Hittites, Constable and Company Ltd., London, 1910.
– The Hittite empire : Being a survey of the
history, geography and monuments of Hittite Asia Minor and Syria, Constable and Company Ltd., London, 1929.
Hans Goedicke :
– Perspectives on the battle of Kadesh, Halgo, 1985.
Selim Hassan :
– Le poème dit de Pentaour et le rapport officiel sur la bataille de Qadesh, Recueil de travaux publiés par la
Faculté des Lettres, Université égyptienne 2, Imprimerie Nationale, Le Caire, 1929.
Mark Healy :
– The warrior pharaoh : Rameses II and the Battle of Qadesh, Osprey, Oxford, London, 1993 et 2000.
– Qadesh 1300 BC : clash of the warrior kings, Collection : Campaign 22 , Osprey Military, London, 2001.
Florence Maruéjol et Monique Bruant :
– Ramsès II affronte les Hittites : La bataille de Qadesh : 1274 avant J.C, Collection : Les Tournants de
l’histoire du monde, Hachette Éditions, Paris, 1990.
William Joseph Murnane :
– The road to Kadesh : A historical interpretation of the battle reliefs of King Sety I at Karnak,
Studies in ancient oriental civilization, Oriental Institute of the University of Chicago, 2nd ed. rev edition, Décembre 1990.
Boyo Ockinga :
– On the interpretation of the Kadesh Record, pp : 38-48, Chronique d’Égyptologie 62, 1987.
Katrin Schmidt :
– Friede durch vertrag : Der friedensvertrag
von Kadesch von 1270 v. Chr., der friede des Antalkidas von 386 v. Chr. und der
friedensvertrag zwischen Byzanz und Persien von 562 n. Chr, Europäischer Verlag der Wissenschaften, Frankfurt, 2002.
Alan Richard Schulman :
– The N’rn at the battle of Kadesh, American Research Center in Egypt, New York, 1962 – Society for the Study of
Egyptian Antiquities, Toronto, 1981.
Claude Vandersleyen et Josef Sturm :
– La guerre de Ramsès II contre les Hittites, (Der Hettiterkrieg Ramses’II) Réédition du texte allemand (Vienne, 1939) et
traduction Française de Claude Vandersleyen, Collection : Connaissance de l’Égypte Ancienne, Éditions Safran, Bruxelles, 1996.
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