Statue d’Amenhotep II – Fine Arts Museum – Boston
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Son origine et sa jeunesse
Amenhotep II (ou en
Grec Aménophis) est le 7e Roi (6e si on ne compte pas régnante la Reine
Hatchepsout) de la XVIIIe dynastie.
Il est appelé par
Manéthon, Mêphramuthôsis (Flavius Josèphe) ou
Misphragmuthôsis (Africanus, Eusebius), mais ces noms sont aussi donnés pour
Thoutmôsis III.
Il est le fils de Thoutmôsis III et de la Reine
Méritrê-Hatchepsout.
À l’origine Amenhotep II n’était pas l’héritier du trône, celui-ci revenait à son demi-frère aîné, Amenemhat
(ou Aménémès), qui mourut probablement au début du règne seul de son père, vers l’an 24, soit peu de
temps après la disparition de la Reine
Hatchepsout.
Thoutmôsis III meurt
le dernier jour du 7e mois de sa 53e année de règne, selon certains égyptologues le 30e jour du 3e mois de la
saison Peret. Amenhotep II lui succède
à l’âge de dix-huit ans. D’après Peter Der Manuelian Amenhotep II est né et a grandi à
Memphis au lieu de
Thèbes, la capitale traditionnelle.
Jeune, il supervisait déjà les livraisons de bois envoyé à l’arsenal de
Memphis
et fut fait Grand-Prêtre de Sem pour la Basse-Égypte.
Christian Leblanc nous dit que le
jeune Roi reçu une éducation très poussée et que durant son enfance il fut très entouré. Sa nourrice fut
Aménémopet (ou Amenemipet), la mère de Kenamon, dévoué serviteur de l’État sous le règne de
Thoutmôsis III. Celle-ci le porte fièrement
sur ses genoux dans une scène figurée dans le tombeau de son fils. Un peu plus tard la formation du futur Roi fut
confiée aux bons soins de Min, propriétaire de la tombe TT109, à
Sheikh Abd el-Gourna, qui était le
Précepteur en titre. Il cumulait cette fonction avec celle de Maire de
Thinis et des Oasis et de
Directeur de Prêtres d’Anhour (ou Onouris). Amenhotep II laissa plusieurs inscriptions vantant ses qualités athlétiques alors qu’il
était chef de l’armée, avant son couronnement. Il prétendait avoir été en mesure
de tirer une flèche dans une cible de cuivre d’une palme d’épaisseur.
Dates et durée de règne
Manéthon lui compte 25 ans et 10 mois de règne (Josèphe Flavius)
ou 26 ans (Africanus, Eusebius), mais ces durées sont aussi données pour
Thoutmôsis III. Amenhotep II accède au trône le 1er jour du 4e mois de la
saison Akhet.
Le couronnement de ce Roi peut être daté sans trop de difficulté en raison d’un certain nombre de dates lunaires
connues sous le règne de son père, Thoutmosis III.
Ces observations limite la date de prise de pouvoir de
Thoutmosis III, soit en 1504, soit en 1479,
cette dernière qui est généralement retenue aujourd’hui par la majorité des spécialistes. Comme on sait avec certitude que
son règne dura un peu plus de 53 ans cela nous porte son décès, soit en 1451, soit en 1426. Amenhotep II accède au trône
après une courte corégence de 2/3 ans, selon Charles Cornell Van Siclen, 2 ans et 4 mois. Nous sommes donc sur des dates de
prise de pouvoir en 1454/53, en hypothèse haute, et 1428/27 en hypothèse basse, date retenue aujourd’hui.
La longueur de son règne est indiquée par un pot à vin inscrit avec son
nom de Roi (Sa-Rê), trouvé dans son
temple funéraire à Thèbes, il est daté de l’an 26,
la date la plus haute connue à ce jour et indique également le nom du vigneron du Roi,
Panéhésy.
Comme le confirme
Donald Bruce Redford (Qui pourtant opte pour une durée plus longue de règne), les temples funéraires n’entreposaient
plus de denrée lorsque le Roi était mort, ou près de l’être. Amenhotep II ne peut donc pas avoir vécu beaucoup plus tard
qu’au-delà de sa 26e année. Il existe des théories alternatives qui tentent de lui attribuer un règne de 35
ans ?. Dans cette chronologie, proposée entre autres par Charles Cornell Van Siclen, il aurait régné de 1454 à 1419.
Cependant, cette théorie ne rencontre que peu d’adeptes, pour plusieurs raisons qui ne peuvent être résolues.
En particulier, cela signifierait que le Roi serait mort à l’âge de 52 ans, hors une analyse aux rayons X de sa
momie a démontré qu’il n’avait qu’environ 40 ans
lorsqu’il mourut. En conséquence, on lui attribue généralement un règne de 26 ans, de 1427 à 1401.
Buste d’Amenhotep II – Ägyptisches Museum
Photo avant retouche :
Wikipédia
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Son règne
Le jeune Roi va maintenir
l’intégrité de l’Empire Égyptien par une politique d’une extrême fermeté. La stèle du Sphinx à
Guizèh, le représente comme un homme très physique, de grande taille, doué d’une force exceptionnelle. Ses exploits
sportifs en course, à l’aviron, au dressage équestre (chars) et au tir à l’arc sont rapportés dans beaucoup de documents.
Roi guerrier et cruel, il va réaliser deux ou trois campagnes au Proche Orient pour maintenir les conquêtes de son père.
En l’an 3/4 de son règne les affrontements contre le
Mitanni se soldent par
une expédition, "La première campagne des victoires", contre la coalition des chefs de la région de
Takhsy (Ou Tikhsy, entre l’Oronte et l’Euphrate), dans le Rétjénou (ou Réténou).
Certains égyptologues, dont
Alan Henderson Gardiner,
contredisent cette localisation et situe l’action près de
Kadesh. Ahmed M.Badawi a fait une étude de la stèle retraçant cette campagne. Son travail est un complément de celui de
Georges Legrain en 1903.
Ils en déduisent la chronologie de la campagne, cependant ils n’apportent pas une lumière complète sur l’itinéraire suivi
par le Roi. Amenhotep II a commencé par envahir le Rétjénou (ou Réténou).
Il s’empare le 25e jour du 1er mois de la
saison Shemou (22 avril 1424) de la ville
de Shamash-Edom à l’Ouest de l’Oronte.
Gaston Maspero identifie cette
cité à la ville de Khirbet-Admah. D’autres spécialistes pensent qu’il s’agit de Shamsin
au croisement de la route
Émèse
(ou Homs) / Damas,
avec celle qui mène à
Tripoli du Liban. Puis, le mois suivant le souverain prend
Qatna,
identifiée aujourd’hui au site de Tell-el-Mishrife. La ville est située dans le ouâdi al-Aswad, un affluent de l’Oronte,
à 18 km. au Nord-est d’Émèse.
Badawi suppose que l’armée Égyptienne longe la côte du Sud au Nord, traverse l’Oronte à gué vers le Djisr el-Hadid,
pour redescendre ensuite, autour du 6 mai, au Sud, vers
Apamée (Le pays de Nii ou Niy ou
Niya ou Nija), "dont les habitants l’avaient salué comme un Dieu dans la stupéfaction".
Le Roi mate une émeute à Akete, ce qui calme toute la région du Rétjénou. Puis l’armée fait demi-tour et fond sur la ville
d’Ougarit,
qui se soumet rapidement.
Tête d’une grande statue d’Amenhotep II – Brooklyn Museum
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Le 16 et 17 mai, Amenhotep II décide de faire faire une pause à son armée.
Il s’installe alors autour de Tjerech, à Zalhi, à l’Est de Shamash-Ram (ou Schescherem).
Puis il pille la ville de Mindatou (ou Mindatu). Les Princes de Hizra et du Pays de Unqi (ou Unque) lui prêtent allégeances
et l’accueillent. Les spécialistes identifient ces dernières régions avec la plaine de Amq, qui se situe au Nord du
coude de l’Oronte, autour de l’actuel lac
d’Antioche.
Ce territoire est connu pour avoir hébergée, à cette époque, plusieurs localités très prospères. Le 23 mai, Amenhotep II
se présente devant la ville de Kadesh où
les Princes de la cité lui portent aussi allégeance.
Pour célébrer cette alliance une chasse est organisée dans les bois de
la montagne Reba (ou Rabiu). Une grande quantité d’animaux sont tués : Gazelles, lièvres, poulains et ânes sauvages.
On pense aujourd’hui que Reba (ou Rabiu) serait probablement l’Aribua que l’on retrouve citée dans les textes
Assyriens et qui est identifiée avec
l’actuel Rab’o, à l’Est de Masyaf, dans la province actuelle de Hama.
Puis le souverain Égyptien s’empare de
Khashabu (ou Khashabou ou Chaschabu), que Manfred Clauss identifie à la moderne Tell Haschbe (ou Hasbeiya), près des sources
du Jourdain et que
Alan Henderson Gardiner situe près de la côte entre le Carmel et
Jaffa. D’autres proposent
qu’il s’agisse de la localité de Khisfin, sur la route qui passait au Sud du lac Tibériade et qui permettait de rejoindre
la plaine de Sharon (ou Saron), où se rendra le Roi afin de regagner l’Égypte. Lors de cette bataille Amenhotep II
fait prisonniers, en personne, 26 Maryannou, qui étaient des soldats d’élite conducteurs de char. Enfin l’armée Égyptienne
victorieuse retourne à Memphis, où le 27e jour du 3e mois
de la saison Shemou (22 juin), elle ramène
un incroyable butin.
Dans son récit retraçant cette campagne, le scribe ne
paraît pas s’être astreint à fixer l’itinéraire
avec précision, mais seulement à rapporter les principaux épisodes de la campagne et les exploits de son Roi.
Comme par exemple le fait qu’Amenhotep II, "Sa Majesté étant pareille à un taureau puissant",
exécute lui même à coups de massue, sept Princes de Takhsy (ou Tikhsy). Six sont ramenés à
Thèbes où ils sont attachés par les pieds, la tête en bas,
le long de la muraille de la ville. Selon
Claire Lalouette, un septième subit le même sort, mais dans la ville de Napata,
en Nubie "Afin de rendre manifestes les victoires de Sa Majesté, pour des temps éternels et infinis, dans toutes les
plaines et montagnes de Nubie.
En avril de l’an 7 de son règne, Amenhotep II
est confronté à une rébellion majeure en
Syrie fomentée par les ex États vassaux du
Mitanni. Il est obligé
d’envoyer rapidement son armée au Levant afin de la réprimer.
Selon
Donald Bruce Redford cette rébellion fut probablement provoquée par un chef Égyptien proche de l’ancien rival de l’Est.
La stèle de la victoire sculptée après cette campagne est un document qui est censé retracer ses plus grandes batailles,
hors il peut être interprété de plusieurs façons.
Toujours selon Redford,
il se peut que cette campagne fut plus semblable à l’un des raids sur la
Syrie,
où son père avait combattu, et que le Roi n’engagea que des garnisons mineures dans la bataille, ce qui fait que les villes
contraintes de lui prêter serment, brisèrent celui-ci immédiatement après son départ. Peter Der Manuelian en déduit, lui,
qu’en fait il se peut que son armée fût battue.
Tête d’Amenhotep II – Metropolitan Museum
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En l’an 9, le 25e jour du 3e mois de la
saison Akhet
(mi-septembre), une nouvelle expédition en
Palestine, "La deuxième campagne victorieuse", va assurer à Amenhotep II une emprise totale sur le
Mitanni.
Cependant il semble, d’après certains spécialistes, que le Roi ne dépassa pas la mer de Galilée.
Le 13 Octobre, il attaqua la ville
Cananéenne d’Antipatris
(ou Tell Afek ou Aphek) au Nord de la plaine du Sharon dans le centre d’Israël. De là, il se
dirigea sur Yehem
(ou Yahmay ou Yemma ou El-Yamon), au pied du Mont Carmel, qui n’offrit que peu de résistance.
Sur le chemin son armée pilla les villes de Mapasin et Hatizan, à l’Ouest de Soko (ou Socho).
Puis deux villes sont mentionnées à la suite, Itwryn et Migdol-Yun, mais elles ne sont pas encore identifiées.
On sait que le 19 octobre, le Roi prend et pille la ville d’Anaharath (ou Anakharath), entre Nazareth et le lac Génésareth,
qui lui livre un butin considérable, puis celle de Geba’ Sumneh, dont il fait prisonnier le Prince Gargur.
Le souverain Égyptien arriva à
Megiddo, dont il fit prisonnier le Prince Qeb-Semen, avec sa femme, ses enfants et sa suite, qu’il remplaça par un
de ses fidèles. Enfin le Roi et son armée rentrèrent à Memphis, probablement
mi-Novembre, juste avant le début de l’hiver. Une stèle retraçant cette campagne sera érige à Karnak.
Au cours de celle-ci, Amenhotep II fera 89.600 prisonniers, comme l’indique la stèle de
Memphis dont : 127 Princes de Rétjénou et 179 frères
des Princes". Selon
Claire Lalouette, les prisonniers arrivent avec "Leurs biens innombrables, tout le bétail leur appartenant
représentant des troupeaux sans fin".
Les spécialistes pensent que ce chiffre
indiquant le nombre de prisonnier est très exagéré et qu’il comprend ceux capturés sur le total de ses campagnes,
plus éventuellement ceux que son père fit lors des siennes (?).
Toujours selon Claire Lalouette,
les Rois du Mitanni,
des
Hittites et de
Babylone, contient de la puissance que
représentait maintenant l’Égypte, s’empressèrent d’envoyer à Amenhotep II des présents.
Surtout le Mitanni vaincu,
car le
Nouvel Empire
Hittite fondé par
Tudhaliya I
(v.1430-v.1420) le menaçait maintenant directement, et le temps était venu pour les
Mitanniens de se chercher
de nouvelles alliances. Les deux états ne se combattront d’ailleurs plus jamais au cours de l’histoire.
Tête d’Amenhotep II en diorite – Ägyptisches Museum
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La cour et les hauts fonctionnaires
Nous ne connaissons pas grand chose de la cour
d’Amenhotep II et des personnages qui la composent à cette époque. On sait toutefois que le pays semble traverser une période
d’opulence, qui se constate en premier lieu dans le luxe des tombeaux. La richesse est due en grande partie aux tributs
réguliers versés par les pays vassaux. Ceux-ci fournissent aussi de nombreux prisonniers qui constituent une importante
main-d’œuvre employée dans les champs et les projets de constructions. Le Roi ne fera pas de modification dans la
structure de l’administration, qui était, depuis ces prédécesseurs, déjà bien rodée.
Par contre il va s’entourer de
fidèles, pour la plupart des amis d’enfance ou des compagnons d’armes. Parmi ceux-ci, nous connaissons un Vizir nommé Rekhmirê
qui était déjà en poste sous Thoutmosis III. Il se fera construire
un magnifique tombeau (TT100) à
Sheikh Abd el-Gourna. Il était aussi Maire de
Thèbes et l’intendant du temple
d’Amon dans le complexe de Karnak.
Après lui servit Aménémopet (ou Aménémopé-Pairi), qui occupa les mêmes fonctions de Vizir et Gouverneur de la ville.
Aménémopet se fit construire un premier tombeau
(TT 29) à Sheikh Abd el-Gourna.
Cependant, comme le plus important des hauts fonctionnaires, il eut le droit d’être enterré dans la
vallée des Rois,
tombeau KV48.
Ce dernier fut découvert en 1906 par
Edward Russell Ayrton et présente la particularité de n’avoir aucune décoration.
Nous connaissons aussi : Ousersatet (ou Wesersatet), qui fut Vice-Roi de Kouch (Gouverneur des
pays du Sud). Il avait pris part aux "campagnes des victoires"; le Grand Prêtre
d’Amon, Menkhéperrêséneb, qui servait déjà sous
Thoutmosis III, dont il supervisait aussi les travaux de
construction ; Sennéfer qui fut Maire de
Thèbes et son épouse Meryt. Il est dit que leur tombe
(TT96), à
Sheikh Abd el-Gourna, dite "la tombe
aux vignes" en raison de sa décoration, est l’une des plus richement décorées de la nécropole
Thébaine. Ce tombeau est situé au-dessus de celui de
Rekhmirê ; enfin Kenamon (ou Qénamon) qui fut Régisseur, Directeur du Trésor et Superviseur de tous les pays septentrionaux.
Lui aussi se fit construire un tombeau (TT93) à
Sheikh Abd el-Gourna. À la mort d’Amenhotep II, à l’âge d’environ 40 ans, la couronne
échoue à son fils Thoutmôsis IV.
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